prescription un nouveau pouvoir pour le

publicité
Prescription
27/04/06
19:51
Page 2
a c t u a l i t é s 71
PRESCRIPTION
UN NOUVEAU POUVOIR
POUR LE PHARMACIEN ?
La notion de pharmacien prescripteur n’est pas
inédite mais la signature de la nouvelle convention
nationale ouvre des perspectives. L’idée, aussi
prometteuse que risquée, ne convainc pas tous les
acteurs du système de santé. Les officinaux relèvent
le défi.
——————
S
’il fallait encore prouver le
rôle essentiel du pharmacien dans le système de
soins, la convention nationale a signée le 30 mars dernier avec
l’assurance-maladie l’officialise. Cet
accord met fin à plusieurs années de
lutte des officinaux, enfin reconnus
comme profession de santé, à l’instar
des médecins, dentistes, kinésithérapeutes et infirmières. Ils bénéficient
désormais d’un cadre juridique similaire et sont confortés dans leurs missions et objectifs, que sont l’aide à
l’observance, la prévention de la iatrogénie, la dispensation de conseils
de prévention, l’éducation à la santé,
l’exercice en coordination avec les
PETIT RISQUE : LES GÉNÉRALISTES
RÉSERVÉS
SOURCE : ENQUÊTE HARRIS AUPRÈS DE 250 MÉDECINS
GÉNÉRALISTES EN DÉCEMBRE 2004
Pourrait-on envisager dans l’avenir que le pharmacien, dans un cadre
limité, prescrive des médicaments pour le petit risque en France ?
Ne peut pas répondre,
demande réflexion 1%
NSP
1% Ça dépend
1%
Oui,
certainement
16%
Non,
certainement pas
37%
22%
22%
Non, probablement pas
Oui,
probablement
autres professionnels de santé et le
compétences et adapter son statut au
soutien des campagnes de santé pudéveloppement de ses missions, acblique. La convention intègre l’activement éperonnée par son Acadécord générique du 6 janvier 2006 et
mie et le Collectif des groupements
appelle les pharmaciens à pleinede pharmaciens, qui ont récemment
ment s’engager dans la maîtrise méouvert le débat.
dicalisée des dépenses. Elle prévoit
Une évolution plutôt qu’une révoluultérieurement la définition d’objection. En octobre 2005, dans un raptifs de qualité via des accords de bon
port consacré à l’évolution des prausage du médicament dans plusieurs
tiques professionnelles en pharmacie
domaines thérapeutiques : asthme,
d’officine, l’Académie nationale de
diabète, hypertension artérielle,
pharmacie évoque
contraception d’urgence,
pour la première fois
vaccination antigrippale
l’intérêt de permettre
ou encore associations
Un atout pour
au pharmacien de
formellement contre-inl’économie de
prescrire dans des cas
diquées. D’autres avesanté
précis : traitement de
nants fixeront notamla douleur et des affecment les modalités de
tions bénignes, suivi
participation des phardes maladies chroniques, prescripmaciens aux réseaux de santé et de
tions liées à la prévention et au déleur formation continue. Les signapistage (vaccins, home-tests, suivi
taires ont enfin convenu d’étudier
diététique…), ou facilitant la coordiavec le corps médical la possibilité
nation à l’intérieur des réseaux de
pour le pharmacien de renouveler
soins, dans le cadre du maintien à
des ordonnances en cas d’indispodomicile (mucoviscidose, sida...).
nibilité du prescripteur dans le cadre
L’institution suggère d’officialiser le
d’un traitement chronique. A l’heure
pharmacien en tant que prescripteur
d’un système de santé engorgé et
complémentaire, voire d’étendre ce
d’une nécessaire réorganisation des
rôle à la prescription initiale pour un
soins, le concept séduit. La profestraitement de courte durée d’affecsion le revendiquait déjà. Elle voit autions courantes et symptomatiques.
jourd’hui dans la convention natioA ses yeux, cette « possible et même
nale pharmaceutique le socle d’une
probable évolution » s’avère indisévolution. Elle se mobilise aujourpensable dans le contexte actuel. Qui
d’hui pour élargir son champ de
MAI 2006 _ PHARMACEUTIQUES
Prescription
27/04/06
19:51
Page 4
PRESCRIPTION a c t u a l i t é s 73
RENOUVELLEMENT DE TRAITEMENTS
CHRONIQUES : C’EST PLUTÔT NON
SOURCE : ENQUÊTE HARRIS AUPRÈS DE 250 MÉDECINS
GÉNÉRALISTES EN DÉCEMBRE 2004
A votre avis, pourrait-on envisager que le pharmacien joue un rôle de
prescription en France ?
Ça dépend
1%
Oui,
certainement
14%
Non,
certainement pas
42%
21%
Oui,
probablement
22%
Non, probablement pas
ne sait pas que la population vieillit et
que les techniques de soins et de diagnostic progressent ? Qui n’a jamais
entendu parler des exigences de plus
en plus fortes des patients en termes
de qualité des soins et d’information
sur la santé ? Qui ne connaît pas la
pénurie latente des professionnels de
santé ?
Le Collectif des groupements de
pharmaciens a voulu dresser le portrait du « pharmacien de demain »
lors d’un colloque parlementaire organisé au début de mars. Pour lui
aussi, le pharmacien sera prescripteur. Simple logique après l’obtention du droit de substitution en 1999,
la signature du décret relatif à la
contraception d’urgence en 2002 et le
délistage des substituts nicotiniques.
Le pharmacien a déjà fait preuve
d’une implication et d’un rôle actifs
dans les politiques de santé publique.
Ses responsabilités se sont aussi étoffées avec la sortie de médicaments de
la réserve hospitalière. Ainsi, « dans le
prolongement du rôle de conseil qu’il
assume spontanément auprès de ses
patients et après un interrogatoire
approprié permettant d’apprécier la
gravité des symptômes de la maladie,
le pharmacien prescripteur pourrait,
soit orienter le patient vers le médecin, soit délivrer, sans ordonnance
médicale, certains médicaments pris
en charge, dans certaines conditions,
par la Sécurité sociale ou les organismes complémentaires ».
Outre un avantage certain pour le
patient, traiter directement la pathologie légère éviterait qu’elle ne se dégrade, limiterait le recours systématique à la consultation médicale
et/ou à l’arrêt de travail, désencombrerait les cabinets médicaux et les
cien ne dispose pas non plus des
moyens pratiques qu’exige l’acte de
prescription. A savoir un espace de
confidentialité, du temps à consacrer
à chaque patient, une rémunération
spécifique, un remboursement de la
prescription et un large accès au dossier médical personnel. Sa formation
devra être adaptée et complétée par
la création de modules universitaires
spécialisés et l’instauration d’une formation continue commune avec les
médecins. Le pharmacien devra
Un ambitieux chantier. L’Observaadopter une démarche qualité effectoire de la pharmacie indiquait l’an
tive et s’intégrer à un réseau de soin.
dernier que 9 officinaux sur 10 se déInstaurer la prescription pharmaceuclarent favorables à la prise en charge
tique soulève en outre quelques
du petit risque à l’officine et 7 sur 10
questions. Faudra-t-il par exemple
au renouvellement de médicament
réserver cet acte aux pharmaciens
chez un patient chroremplissant les condinique entre deux visites
tions requises précide contrôle chez le métées ? La consommaUne « possible et tion de médicaments
decin. Justement, qu’en
même probable progresse : autoriser le
pensent les généraévolution »
listes… et les patients ?
pharmacien à prescrire
Selon une enquête Harne risquerait-il pas de
ris réalisée en 2004, les
l’intensifier encore ?
omnipraticiens reconnaissent au
Quelle prise en charge proposeraient
pharmacien sa légitimité pour le
les complémentaires ? Enfin, le marsuivi de l’observance et la prévenché de l’automédication est sous-utition. Cependant, 60 % d’entre eux se
lisé en France et ne représente que
montrent sceptiques, voire s’oppo10 % environ du chiffre d’affaires de
sent à une éventuelle implication
l’officine : la perspective économique
dans le dépistage des pathologies et
que représente la prescription phardes facteurs de risque, à la possibilité
maceutique suscite des inquiétudes
de renouveler des traitements même
déontologiques.
pour des pathologies chroniques et
L’ouverture du débat est aussi
de prescrire en autonomie dans le
complexe que justifiée. Le pharmacadre du « petit risque ». Certains
cien apparaît déjà prescripteur à bien
perçoivent même les pharmaciens
des égards, mais le cadre reste à décomme des concurrents. Les assurés
finir, en concertation avec le corps
adhèrent davantage à l’idée : 73 %
médical. Il s’agira de nouer des liens,
des Français sont favorables à une
d’inventorier ensemble les patholoprescription du pharmacien pour
gies et les traitements pouvant être
des pathologies à petit risque*.
concernés et de préciser le champ et
L’Observatoire de la pharmacie
les moyens de l’autorisation de presavait également relevé quelques incription. Le partenariat avec les géquiétudes au sein même de la pronéralistes implique en effet une défession, telles le manque de temps,
termination claire des rôles et
les problèmes de responsabilité et la
responsabilités de chacun, un syssubsistance d’un certain complexe
tème organisé et coordonné, invis-à-vis des médecins. Le pharmacluant des niveaux et des modes de
rémunération adaptés. Seul un projet
commun, efficace et professionnel
A L’ÉTRANGER
pourra voir le jour. Avant de le pré- Grande-Bretagne : officialisation
senter aux pouvoirs publics, il fera
du rôle de prescripteur du
l’objet d’une expérimentation en répharmacien
gion dès 2007, en partenariat avec les
- Québec : modification du code
caisses d’assurance-maladie. ■
des professions plaçant le
pharmacien au premier plan de
ANNE-LAURE MERCIER
l’acte pharmaceutique
services d’urgences et concourrait efficacement à la diminution des dépenses de l’assurance-maladie.
CQFD. La prescription pharmaceutique présenterait comme autres intérêts de permettre aux médecins de
consacrer plus de temps à certains patients et de se concentrer sur la pathologie. Les laboratoires bénéficieraient
d’un meilleur suivi thérapeutique, clinique et de pharmacovigilance de
leurs produits.
* Enquête Pharmagora-Ipsos, avril 2006
MAI 2006 _ PHARMACEUTIQUES
Téléchargement