Généralités sur l'océan Arctique Pour comprendre les enjeux et l'ensemble des opérations réalisées durant la campagne océanographique NABOS-DAMOCLES 2006, il est nécessaire de connaître quelques caractéristiques de l'océan Arctique et de son fonctionnement. 1: L'Arctique: un bassin océanique entouré de continents Source: Genrikh Alexeev, 2006 A la différence de l'Antarctique, qui est un continent, l'Arctique est lui constitué d'un océan bordé de mers peu profondes, elles-mêmes bordées par le Sud de masses continentales. Les deux continents américain et eurasien enserrent presque totalement l'océan Arctique. Celui-ci communique avec l'océan Atlantique par un détroit, le détroit de Fram, qui sépare le Groenland de l'archipel du Svalbard. La profondeur de ce détroit, près de 700 mètres, permet l'échange de masses d'eaux importantes avec la mer du Groenland, située dans l'océan atlantique. C'est le principal couloir de communication avec les autres océans, car le détroit de Bering n'est profond que de quelques dizaines de mètres et n'autorise pas d'échanges importants. L'océan Arctique est bordé d'Ouest en Est par une succession de mer peu profondes: – la mer de Barents au nord de la Scandinavie (profondeur max 400m) – la mer de Kara au Nord de la Sibérie centrale (profondeur max 100m) – la mer de Laptev au Nord de l'estuaire de la Léna (profondeur max 70m) – la mer de Sibérie orientale au Nord de la Sibérie orientale (profondeur max 40m) – la mer des Tchouktches au Nord du détroit de Bering (profondeur max 60m) – la mer de Beaufort au Nord de l'Alaska (profondeur max 1000m) – la mer du Prince Adolf Gustave au Nord du Canada (profondeur max 1000m) – la mer de Lincoln au Nord du Groenland (profondeur max 1000m) L'océan Arctique est composé de deux bassins principaux séparés par la dorsale de Lomonosov qui rejoint le Nord du Groenland aux Iles de Nouvelle Sibérie en passant près du Pôle Nord: – le bassin eurasiatique, composé du bassin de Nansen et du bassin d'Amundsen, séparés par la dorsale de Nansen – le bassin Canadien, composé du bassin de Makarov et du bassin Canadien sensu stricto séparés par la cordillère Alpha Les profondeurs y sont donc très variées: Source: IBCAO, 2000 dans Genrikh Alexeev, 2006 2: Bilan des masses d'eau qui entrent et sortent de l'océan Arctique Bien que l'océan Arctique soit presque totalement « fermé », il communique cependant avec l'océan Atlantique de façon non négligeable. Chaque seconde, ce sont des millions de tonnes d'eau qui entrent ou qui sortent du bassin Arctique. Cette quantité d'eau est mesurée en Sverdrup du double nom d'un océanographe norvégien Harald Sverdrup et d'un explorateur polaire norvégien Otto Sverdrup. Un sverdrup est égal à 106 mètres cubes par seconde (1Sv = 106 m3/s). La carte ci-dessous indique que chaque seconde, 7 500 000 m3 entrent dans le bassin Arctique provenant de l'océan Atlantique. L'équivalent en sort aussitôt, mais par un « chemin » différent. Source: Hansen et Osterhus, 2000 dans Genrick Alexeev, 2006 Cette eau « atlantique » n'est pas la seule à entrer dans le bassin. Il faut y ajouter les eaux douces,qui proviennent des rivières, de la fonte des glaces continentales et des précipitations. Ces quantités d'eau sont indiquées dans ce document: Source: Genrick Alexeev, 2006 Par conséquent, l'eau du bassin arctique est en permanence renouvelée. L'eau qui y entre est salée, celle qui en sort est moins salée. Ces échangent ont lieu principalement par le détroit de Fram, entre le Groenland et l'archipel du Spitsberg. 3: La circulation de l'eau dans l'océan arctique Ces mouvements d'eau entrainent l'existence de nombreux courants marins. Ces courants peuvent se situer en surface ou en profondeur. Des courant descendants (downwellings) ou ascendants (upwellings) peuvent également se produire. La circulation des masses d'eau obéit à quelques règles simples: a: plus l'eau est froide, plus elle est dense b: plus l'eau est salée, plus elle est dense c: l'eau de surface est poussée par le vent d: la force de Coriolis va avoir tendance à dévier vers la droite les eaux qui se déplacent. Par conséquent une eau plus salée que l'eau ambiante va avoir tendance à plonger. Une eau plus douce que l'eau ambiante va, elle, avoir tendance à s'étaler en surface. Une eau plus froide va plonger, alors qu'une eau plus chaude va remonter. Le vent, qui pousse l'eau de surface, va provoquer un « appel d'eau » des profondeurs, ce qui va faire remonter les eaux profondes. La combinaison de ces multiples facteurs guide les mouvements de l'eau. Il est donc important de déterminer la part de la température et de la salinité dans le fonctionnement de l'océan. C'est pour cela que la majeure partie des enregistrements en océanographie concernent ces paramètres. L'Arctique occuppe une place importante dans la circulation générale océanique (Global Ocean Conveyor Belt): The Global Ocean Conveyor Belt Shallow & Warm Deep & Cold Source: J.C. Gascard, 2006 Source: Genrick Alexeev, 2006 Les flèches rouges représentent les courants chauds et de surface. Les flèches bleues représentent les courant froids et de profondeur. En réalité, cette simplification graphique ne doit pas faire oublier que ces courants sont localement très perturbés et présentent de nombreuses branches et tourbillons. Ces cartes mettent en évidence que l'océan Arctique constitue une boucle importante de cette circulation générale. De plus, les variations d'épaisseur de glace de mer contribuent à alimenter le moteur de cette circulation. En effet, le sel expulsé de la glace de mer en formation, va sur-saler les eaux de surface dont la densité va augmenter. Ceci va provoquer leur plongement en profondeur, donc alimenter le courant profond et froid, tout en créant un « appel d'eau » en surface pour les eaux atlantiques. Dans le bassin artcique, les eaux chaudes et salées apportées en provenance de l'Atlantique suivent le parcours indiqué par les flèches rouges ci-dessous: Source: Igor Dmitrenko, 2006 Ces eaux constituent un apport de chaleur important dans l'équilibre thermique de l'océan arctique. Compte tenu des récentes observations du réchauffement de l'atlantique, il est nécessaire d'essayer d'estimer leur impact sur l'océan arctique. C'est l'objectif du programme NABOS (Nansen and Amundsen Basin Observational System). L'étude se porte plus précisément sur le passage de ces eaux atlantiques le long du talus continental allant du Nord du Spitsberg aux îles de NouvelleSibérie (voir la carte de la campagne en page d'accueil). Le programme DAMOCLES (Developing Arctic Modelling and Observing Capabilities for Longterm Environmental Studies) cheche lui à répondre à la question suivante: quels sont les risques de la disparition de la glace de mer en été dans l'océan Arctique, et quelles en seront les conséquences sur la circulation océanique globale ?