
Biologie tissulaire : facteurs de pronostic dans le cancer du sein
Médecine Nucléaire - Imagerie fonctionnelle et métabolique - 2002 - vol.26 - n°1
34
malin. La division cellulaire est nor-
malement régulée par de nombreux
facteurs externes différents suivant les
types cellulaires. Les cellules tumo-
rales peuvent rester sensibles à une
partie de ces facteurs mais, ce qui les
caractérise, c’est qu’elles ont perdu
les moyens cellulaires propres de
contrôle négatif et sont devenues
potentiellement "immortelles". En
conséquence, quel que soit le profil
des facteurs mis en jeu dans la crois-
sance de chaque tumeur, le taux de
division cellulaire représente la résul-
tante de l’activité de ces facteurs au
moment de l’examen. Différentes
approches sont possibles pour les
évaluer ; les unes et les autres ne sont
cependant significatives qu’au prix de
contrôle de qualité et de standardisa-
tion extrêmement strictes. On peut
mesurer de façon directe le nombre
de cellules tumorales en division ex-
primé en pourcentage d’une popula-
tion définie. Cette information est très
significative du pronostic. L’analyse
par cytométrie de flux, plus comple-
xe, est encore plus significative parce
qu’elle renseigne sur les anomalies
de la ploïdie [11,12]. C’est une mé-
thodologie lourde qui, s’appliquant
à des tumeurs solides, nécessite une
étape de dissociation cellulaire. Cette
technique ne peut être mise en œu-
vre que dans des centres spécialisés
ayant acquis, par une longue expé-
rience, la pratique de cette méthodo-
logie.
L’autre approche de l’évaluation du
taux de prolifération est la mesure
d’activités enzymatiques impliquées
dans la synthèse de l’ADN.
La thymidine kinase (TK) est l’en-
zyme qui intervient dans la voie de
récupération des bases pyrimidiques
issues de la dégradation de l’ADN. Il
existe plusieurs isoformes. C’est
l’isoforme TK1 qui est étudié ; il est
extrêmement élevé dans la phase G1-
S. Une valeur péjorative a été décrite
dans des tumeurs du sein pour des
concentrations élevées [13-16].
La thymidylate synthétase (TS) inter-
vient pour sa part dans la voie de novo
de néosynthèse des nucléotides, voie
impliquant des enzymes comme la
dihydrofolate réductase, cible du mé-
thotrexate par exemple. A coté de leur
signification pronostique aussi bien
pour TK que pour TS [16,17], l’étude
de ces activités permet de désigner
des cibles thérapeutiques privilégiées.
Selon la voie de synthèse de l’ADN
qui est sollicitée, on pourra privilé-
gier le médicament le mieux adapté.
FACTEURS LIÉS À LA CAPACITÉ
D’INVASION ET D’ANGIOGÉNÈSE
ðL’autre catégorie de propriétés bio-
logiques évaluées concerne les mé-
canismes d’invasion locale et/ou à
distance. L’activateur du plasmino-
gène de type urokinase ou uPA est
une protéase intervenant dans les mé-
canismes de dissolution de la matrice
extracellulaire lors des processus de
remodelage tissulaire au cours de la
cicatrisation. Dans les processus in-
vasifs, uPA a le même rôle d’activa-
tion du plasminogène que dans les
processus physiologiques de cicatri-
sation. Dans les mécanismes cancé-
reux, uPA est exprimé par les cellu-
les stromales au voisinage des cellu-
les tumorales et plus exactement par
les myofibroblastes. Il a été montré
dans plusieurs types de cancers dont
le cancer du sein, que la détermina-
tion de uPA par des méthodes bio-
chimiques sur un extrait cellulaire
avait une valeur pronostique de pre-
mière importance [18, 19].
L’inhibiteur de l’activateur du plasmi-
nogène de type 1 ou PAI-1 est un autre
candidat comme facteur pronostique.
Il aurait un rôle beaucoup plus com-
plexe que le seul rôle d’inhibiteur
d’uPA. Les premières hypothèses al-
laient dans le sens d’une inhibition
de la croissance tumorale ou de l’in-
vasion. Mais de nombreux travaux
suggèrent un rôle plus complexe de
PAI-1 dans l’apparition des métasta-
ses. Il doit certainement exister un
équilibre très sensible entre protéo-
lyse et inhibition. uPA et surtout PAI-
1 ont été définis comme des facteurs
indépendants de mauvais pronostic
dans le cancer du sein [20-25]. De-
puis 1990, aucune publication n’est
en contradiction avec ces données.
Il semblerait que ce soit surtout PAI-
1 qui soit le facteur le plus pertinent
en terme de pronostic [26-29]. Il reste
très significatif dans la population des
tumeurs sans envahissement gan-
glionnaire [30]. uPA et PAI-1 sont uti-
lisés comme paramètre de choix dans
l’essai européen Biomed-2 associés
à HER-2/neu [31]. Cet essai s’adresse
aux patientes sans envahissement gan-
glionnaire. Les taux d’uPA et de PAI-1
permettent de distinguer deux grou-
pes de patientes : 1) celles pour les-
quelles la tumeur présente des taux
faibles d’uPA et de PAI-1 et qui ne
bénéficieront pas de chimiothérapie
et 2) celles pour lesquelles on a un
taux élevé d’uPA et/ou de PAI-1 et qui
bénéficieront d’une chimiothérapie.
L’évaluation de HER-2/neu permet de
tester deux types de chimiothérapie
associant ou non une anthracycline.
D’autres protéases impliquées dans
les processus invasifs ont également
été étudiées. La stromélysine III est
exprimée dans 10 % des cancers in
situ et dans 65 % des cancers inva-
sifs. Elle présente donc une forte cor-
rélation avec la progression tumorale.
Son expression s’observe dans les cel-
lules stromales au voisinage des cel-
lules tumorales avec un gradient dé-
croissant du centre de la tumeur vers
la périphérie [32-34]. Pour les gélati-
nases, on observe une expression
croissante de la gélatinase A des can-
cers in situ vers les formes invasives
puis métastatiques [35].
L’angiogenèse est un processus com-
plexe par lequel de nouveaux vais-
seaux sont générés à partir de vais-
seaux préexistants. L’angiogenèse tu-
morale permet la vascularisation de
la tumeur pour que celle ci puisse
bénéficier de l’apport en oxygène et
en nutriments qui sont indispensa-
bles à une croissance rapide et aux
processus métastatiques. Les cellules
tumorales sécrètent des facteurs
angiogènes qui vont stimuler différen-
tes catégories de cellules stromales
et ceci pour permettre 1) une dégra-
dation de la matrice extracellulaire,
2) une lyse de la membrane basale
des capillaires lymphatiques et vas-
culaires et 3) une modification de la
perméabilité capillaire.
Ce processus aboutit à des échanges
cellulaires et à la prolifération des