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JSCR 2009 • Volume 19, Numéro 46
Médicaments immunomodulateurs,
maladies auto-immunes et grippe AH1N1
Par Pierre J. Plourde, M.D.
EDITORIALSECTION SPÉCIALE : PANDÉMIE DE GRIPPE AH1N1 2009
Si on se fie aux deux premières vagues de la pandémie de
grippe AH1N1, les personnes atteintes de maladies auto-
immunes chroniques sous-jacentes ne seraient pas
exposées à un risque plus grand de contracter le virus. Une fois
infectées, par contre, elles présentent un risque significative-
ment plus marqué de souffrir de complications graves nécessi-
tant une hospitalisation, voire une admission aux soins intensifs.
On a donc recommandé d’offrir un traitement hâtif par
l’oseltamivir, 75 mg BID x 5 jours—débuté dans les 48 heures (et
préférablement dans les 12 à 24 heures) suivant le déclenche-
ment des symptômes—aux personnes atteintes de maladies
auto-immunes chroniques qui présentent des symptômes grip-
paux, même légers, durant la prochaine vague de la grippe
AH1N1 dans l’espoir de prévenir des complications graves.
Les médecins peuvent faciliter l’accès rapide à l’oseltamivir
s’ils fournissent à leurs patients des ordonnances présignées
et s’ils les informent de leur passer un coup de fil dès l’appa-
rition du moindre symptôme de type grippal. À ce moment,
les médecins peuvent orienter leurs patients par téléphone
sur la façon de faire exécuter l’ordonnance. Ainsi, les patients
n’ont pas besoin de se rendre au cabinet médical (à moins de
symptômes particulièrement graves) et ils peuvent com-
mencer à prendre l’oseltamivir le plus rapidement possible.
Nous répondons ci-dessous à quelques autres questions
relativement au vaccin contre la grippe AH1N1 chez les
patients de rhumatologie.
1. Le vaccin contre la grippe AH1N1 sera-t-il aussi
efficace chez les personnes atteintes de troubles auto-
immuns que dans la population générale?
Les personnes qui souffrent de maladies auto-immunes, y
compris celles qui prennent des traitements immunosup-
presseurs, pourraient ne pas élaborer une réponse immuni-
taire post-vaccinale très efficace contre la grippe AH1N1. De
plus, la gravité des complications de la grippe AH1N1 serait
proportionnelle au degré d’immunosuppression chez les per-
sonnes qui contractent le virus. Donc, il est crucial que
les proches de ces personnes (p. ex., membres de leur famille
et équipe soignante) reçoivent le vaccin contre la grip-
pe AH1N1 pour conférer une protection supplémentaire
(c.-à-d., une forme d’immunité collective).
Les médecins pourraient également envisager une suspen-
sion temporaire des traitements immunosuppresseurs pour
favoriser autant que possible l’obtention de réponses plus
marquées au vaccin contre la grippe AH1N1. Les patients
atteints de maladies auto-immunes doivent de préfére
recevoir le vaccin adjuvanté, car il génère une meilleur
réponse immunitaire que les vaccins non adjuvantés.
2. Les patients traités par anti-TNF devraient-ils
suspendre leurs médicaments pour améliorer leur
réponse immunitaire au vaccin contre la grippe AH1N1?
Bien que l’on ne dispose actuellement d’aucune donnée à cet
effet, il serait logique de penser que les patients traités par
anti-TNF (facteur de nécrose tumorale) pour des maladies
rhumatologiques n’élaborent pas une immunité post-vacci-
nale très efficace contre la grippe AH1N1. Donc, dans la
mesure du possible, il serait prudent de suspendre tempo-
rairement le traitement immunosuppresseur à partir d’envi-
ron quatre semaines avant et jusqu’à deux à trois semaines
après la vaccination de ces personnes contre la grippe
AH1N1. D’une façon ou d’une autre, on privilégierait le vac-
cin adjuvanté chez les patients traités par anti-TNF,
puisqu’on s’attend à ce qu’il génère une meilleure réponse
immunitaire que les vaccins non adjuvantés.
3. Y a-t-il lieu de s’inquiéter du recours à des vaccins
adjuvantés plutôt que réguliers chez les patients
souffrant de maladies auto-immunes?
On dispose de données très limitées sur l’utilisation des vac-
cins adjuvantés plus récents chez les patients atteints de mala-
dies auto-immunes. D’autre part, les vaccins adjuvantés sont
conçus pour engendrer des réponses immunitaires plus fortes
et plus durables, ce qui pourrait se révéler bénéfique chez les
patients atteints de maladies auto-immunes. La surveillance
épidémiologique actuelle des vaccins contre la grippe AH1N1
adjuvantés n’a fait ressortir aucun risque supplémentaire de
réactions indésirables immunitaires rares au vaccin, comme le
syndrome de Guillain-Barré. On n’a pas non plus signalé de cas
d’exacerbation des maladies auto-immunes après l’administra-
tion de vaccin contre la grippe AH1N1 adjuvanté. Donc, pour
l’instant, on privilégiera les vaccins adjuvantés pour les
patients atteints de maladie auto-immune.
Pierre J. Plourde, M.D.
Médecin conseil en santé publique,
Autorité sanitaire régionale de Winnipeg,
Directeur médical, Service de santé-voyage et
de médecine tropicale
Professeur agrégé, Département de santé communautaire et
de microbiologie médicale, Université du Manitoba,
Winnigeg, Manitoba