31Vecteur Environnement • Novembre 2014
menacées ou vulnérables, pourraient aussi
subir les effets des CC à travers la perte ou
la dégradation de leurs habitats préférentiels.
Par exemple, dans les hauts-marais de
l’estuaire du Saint-Laurent, où quelques plantes
menacées ont trouvé refuge, certains facteurs
(géomorphologiques, hydrodynamiques et
climatiques) grandement influencés par les CC
sont déterminants dans le processus d’érosion
du talus qui protège ces marais fluviaux.
Les écosystèmes aquatiques fournissent
aussi des habitats essentiels pour la flore et
la faune aquatiques et riveraines (habitat du
poisson). L’augmentation de la température des
eaux de surface va réduire l’habitat thermique
des poissons d’eaux froides, notamment les
salmonidés, que ce soit dans les rivières lors
de canicules ou dans les lacs nordiques plus
exposés au réchauffement climatique.
Impacts sur les services de régulation:
le cas des milieux humides
Les milieux humides ont une grande valeur
écologique et jouent un rôle essentiel dans le
fonctionnement des écosystèmes terrestres et
aquatiques. Ils fournissent en effet de nombreux
services écologiques, tels que la filtration de l’eau,
la régulation des crues ainsi que la régulation
du climat (p. ex.: stockage de carbone par les
tourbières).
Pourtant, ils continuent de disparaître au
Québec à un rythme inquiétant, et ce, malgré
les lois et règlements qui visent à assurer leur
protection. Comme les milieux humides sont
sensibles aux conditions hydroclimatiques, ils
sont particulièrement vulnérables aux variations
des précipitations qui sont anticipées avec les
CC. Il s’agit là d’une source de perturbation
supplémentaire pour ces milieux déjà soumis à
la pression de nombreuses activités humaines.
Impacts sur les services culturels et
d’approvisionnement: l’exemple des
poissons et des caribous
Dans le fleuve Saint-Laurent, la baisse des
niveaux d’eau anticipée avec les CC, combinée
à l’envahissement progressif des rives par les
roseaux , va conduire à des pertes importantes de
frayères. Cela aura des impacts sur la reproduction
et le taux de survie des populations de poissons
et, conséquemment, sur les pêches, autant
sportive (services culturels) que commerciale
(services d’approvisionnement).
Le réchauffement des températures anticipé
au Québec va favoriser également l’arrivée, la
croissance et, dans certains cas, l’expansion
envahissante de plusieurs autres espèces de
végétaux aquatiques. Cette invasion biologique
risque de se faire le plus souvent au détriment
de la qualité des habitats aquatiques et riverains
essentiels pour les poissons, alors que certaines
espèces se trouvent déjà dans une situation
précaire, faisant l’objet de mesures de protection
(p. ex.: le moratoire sur la pêche à la perchaude
dans le lac Saint-Pierre).
Les espèces nordiques sont parmi les plus
vulnérables aux CC puisque leurs niches
bioclimatiques risquent de se contracter en se
déplaçant vers le nord et qu’elles font face à une
plus grande compétition de la part d’espèces
venant du sud. Or, plusieurs de ces espèces sont
à la base de l’alimentation (pêche et chasse de
subsistance) et de la culture des communautés
inuites.
Le réchauffement climatique va s’accompagner
d’une augmentation de la température de l’eau
des lacs et d’une diminution du couvert de glace,
ce qui entraînera une diminution de l’habitat
thermique de certaines espèces de salmonidés
comme le touladi (
Salvelinus namaycush
) et
l’omble chevalier (
Salvelinus alpinus
). Selon une
vaste étude menée sur les troupeaux de caribou
migrateur (
Rangifer tarandus)
dans le nord du
Québec et du Labrador, des printemps plus hâtifs,
des hivers doux et des variations du couvert de
neige sont des facteurs climatiques qui semblent
déjà influencer leurs patrons de migration et
leurs choix d’aires d’hivernage.
ENJEU 2: LES SERVICES ÉCOLOGIQUES
AU CŒUR D’UNE STRATÉGIE D’ADAPTATION
RÉGIONALE
Pour être efficace, une telle stratégie devrait
s’appuyer sur quelques principes visant à
maintenir la diversité biologique et la résilience
des écosystèmes:
Assurer la connectivité des paysages
Les plans d’aménagement du territoire doivent
tenir compte des CC en préservant – voire en
restaurant – les corridors écologiques de façon
à favoriser le déplacement des espèces vers le
nord. La modélisation de corridors écologiques
intégrant des scénarios de CC et d’utilisation
des terres a été réalisée pour la Montérégie. Les
initiatives régionales visant la préservation des
milieux naturels périurbains peuvent dorénavant
se baser sur des cartes modélisées pour choisir
les options de corridors les plus robustes aux
CC, qui permettraient de maintenir le niveau
actuel de services écologiques et éventuellement
l’améliorer.
L’agroforesterie, encore peu développée
au Québec, pourrait contribuer localement
à renforcer la connectivité écologique dans
les régions du sud du Québec fragmentées
par la déforestation et l’agriculture intensive.
La combinaison de cultures et de plantations
d’arbres favorise en effet plusieurs services
écologiques dont peuvent bénéficier le milieu
naturel (p. ex. les habitats pour la biodiversité),
la société en général (p. ex. par la séquestration
Il s’agit là d’un outil très
puissant, car il fournit, pour
la première fois, une base
de comparaison entre les
bénéfices de la
conservation (fourniture de
services écologiques) et
ceux du développement
(p. ex. immobilier ou
agricole) pour une prise de
décision et une
planification éclairées
dans un contexte de CC.