THUCYDIDE, Histoire de la Guerre du Péloponnèse VI, 15-16

THUCYDIDE, Histoire de la Guerre du Péloponnèse VI, 15-16
Discours d’Alcibiade pour justifier ses dépenses excessives
XV. . Le plus grand nombre des Athéniens présents à l’assemblée demandait la guerre et ne
voulait pas que le décret fût retiré. Quelques-uns étaient de l’avis contraire. Alcibiade mettait la
plus grande chaleur à faire confirmer l’expédition. Opposé dans toutes les questions politiques à
Nicias, il avait à cœur de le contredire dans celle-ci, parce que ce général venait de le désigner
d’une manière offensante ; mais surtout il brûlait de commander. Il espérait conquérir la Sicile
et Carthage, et, favorisé de la fortune, augmenter ses richesses et sa gloire. En grand crédit
auprès de ses concitoyens, ses fantaisies, l’entretien de ses chevaux et toutes ses autres dépenses
étaient au-dessus de ses facultés. Ce fut ce qui, dans la suite, ne contribua pas faiblement à la
perte de la république. Bien des gens virent avec crainte l’excès de son faste et les délices de sa
table, qui ne s’accordaient pas mieux que ses pensées ambitieuses avec les maximes de la
république : ils crurent qu’il aspirait à la tyrannie , et il devint l’objet de leur haine. Homme
public, il avait imprimé une grande force aux armées; mais on n’en était pas moins choqué de
sa conduite comme homme privé ; on commit à d’autres les affaires , et en peu de temps on
perdit l’ état.
Il s’avança au milieu de l’assemblée, et parla de la sorte aux Athéniens:
XVI. « Le commandement me convient mieux qu’à d’autres, et je crois en être digne. Il faut
bien, Athéniens, que je commence par là, quand je me vois attaqué par Nicias. Ce qui me rend
fameux répand de la gloire sur mes ancêtres et sur moi-même et tourne à l’avantage de la
patrie. En effet, les Grecs étonnés de la magnificence dont j’ai brillé dans les fêtes d’Olympie,
se sont exagéré la puissance d’Athènes, eux qui se flattaient auparavant qu’elle était abattue par
la guerre. J’ai lancé jusqu’à sept chars dans la carrière, ce qu’aucun particulier n’avait jamais
fait ; j’ai remporté le premier prix, le second et le quatrième, et j’ai déployé partout une
munificence digne de ma victoire. La loi rend elle-même ce faste glorieux, et la pompe qu’on
déploie en ces occasions inspire une grande idée des forces de l’état.
(Traduction J.A.C. BUCHON)
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