LES PAONS ORIGINE & EVOLUTION DE SA DETENTION 2.1.-. Son expansion Les origines de sa détention remontent bien avant notre ère. Les scientifiques estiment qu'elle a débuté, en INDE, il y a environ 4000 ans. Les premiers oiseaux ont probablement été transportés par bateau dans le Golfe persique puis ont emprunté la route des caravanes à travers la Perse et la Mésopotamie pour atteindre la Méditerranée. Ce sont les Phéniciens qui vont assurer sa diffusion vers le Vieux-continent. Les relations commerciales entre les Phéniciens et l’ouest de l’Inde remontent à 975 avant J.-C., c'est à cette époque que HIRAM, roi de TYR (Phénicie), envoya une flotte de navires dans la mer Rouge pour y chercher de l’ivoire et des paons afin de décorer les palais et le temple du roi SALOMON (970 à 931 avant J.C.). Dans l'Ancien testament, on peut ainsi lire : « Car le roi avait en mer des navires de TARSIS avec ceux de HIRAM; et tous les Le roi SALOMON trois ans arrivaient les navires de TARSIS, apportant de l'or et de l'argent, de l'ivoire, des singes et des paons. » (Rois, 10;22). Toutefois, les paons n'étant pas mentionnés dans la Septante (version grecque de la Bible), certains scientifiques ont émis l'idée qu'il s'agissait là d'une addition postérieure au III/II ème siècle avant l'ère chrétienne. Les chroniques relatives au règne du roi assyrien TIGLATH-PILESER III (744-727 avant JC) recensent dans l'inventaire des tributs payés en 738 avant JC par les peuples d'Asie mineure, d'Arménie, d'Arabie et de Syrie, aux côtés de l'or, de l'argent et de l'ivoire , « les oiseaux au vol de couleur bleue », sont-ils une allusion explicite aux paons. Il n'y a pas de preuves que les paons aient été présents avant cette période en EGYPTE ou au Moyen-Orient. Le roi des Perses, DARIUS Ier (522-486 avant JC) les détenait dans ses jardins. Toutefois, le paon aurait aussi emprunté une autre route que la voie maritime pour commencer sa lente diffusion. En effet, à l'époque du Roi SALOMON, l'Orient était sous domination des Assyriens. Or, aucun document figuré représentant le paon n'a été exhumé des territoires qu'ils ont occupés , alors que des traces matérielles bien identifiées attestent d'échanges commerciaux entre la Mésopotamie et la civilisation de l'Indus depuis le deuxième millénaire avant notre ère. En revanche , avec sa tête terminée par un boutonaigrette, la figure mythique du griffon laisserait supposer que l'oiseau n'était pas inconnu des peuples de l'ancienne Arménie. Le mystérieux pays de MUSRI conquis par le roi d'Assyrie SALMANASAR III (858-824 avant JC), que certains situent dans les environs du lac de Van (Arménie centrale), pourrait avoir servi de relais via les grands fleuves de Mésopotamie et les routes caravanières du nord en relation avec l'Inde. Sur l'obélisque qui commémore le paiement du tribut versé par les peuples soumis (découverte au Kurdistan par Layard en 1846) , les gens de MUSRI défilent avec un éléphant et des singes , animaux dont ils faisaient probablement le commerce. Les Paons atteignirent la Grèce vers la fin du 6ème siècle , probablement d'abord sur l'île de SAMOS, proche de la Turquie) où ils étaient consacrés au culte de la Déesse HERA. A cette époque ESOPE le phrygien (484-420 avant JC) lui a donné la parole dans ses fables, par exemple dans sa fable le Paon et la Grue : « Un paon se moquait d'une grue; il raillait sa couleur : "Moi, je suis vêtu d'or et de pourpre, toi, tu portes un plumage sans beauté. - Seulement moi, répondit la grue, je chante parmi les étoiles et mon vol me porte dans les hauteurs; toi, pareil à un coq, tu marches en bas avec la volaille." Plutôt la gloire en haillons que le déshonneur dans le faste » ou encore le Paon et le Choucas : «Les oiseaux délibéraient sur le choix d'un roi. Le paon prétendit se faire nommer roi à cause de sa beauté, et les oiseaux allaient voter pour lui, quand le choucas s'écria : «Mais si, quand tu régneras, l'aigle nous donne la chasse, quel secours pourrons-nous attendre de toi ?» Cette fable montre qu'il ne faut pas blâmer ceux qui, prévoyant les périls futurs, prennent leurs précautions à l'avance.». Un siècle plus tard, ils seront amenés à Athènes pour être présentés comme des curiosités rares dans ce qui constitue le premier zoo privé. ARISTOTE (384-322 avant JC) l'a décrit dans son Histoire des animaux (VI, 9, ). Selon la légende l'importation du Paon en Grèce revient à Alexandre le Grand qui conquît l'Inde en -326 avant JC. Il ne fît en fait que réintroduire un oiseau qui avait disparu. A partir du 4ème siècle avant notre ère, il était devenu un objet de luxe commun à Athènes et les oiseaux et leurs œufs étaient mangés. L'historien et chroniqueur grec, DIODORE de Sicile (90-20 avant JC) situe l'habitat du paon en Babylonie dans son ouvrage « La Classification des animaux par climats » (LIII,2). L'auteur latin ELIEN (170-230) indique simplement que le Paon a été importé à Athènes de chez les Barbares (De la nature des Animaux). A l'époque où écrit ELIEN, l'élevage des paons s'était si largement développé autour des temples consacrés à Junon (Héra) et dans les fermes privés qu'ils étaient devenus « aussi nombreux que des cailles »., selon l'expression utilisée par Athénée dans son traité de Gastronomie (Deipnosophistes, IX, XIV). Avec la propagation de l'influence grecs et les colonisations , les Paons ont pris pied dans tout le bassin méditerranéen et en Afrique du Nord. C'est ainsi que les Paons arrivent à Rome au Ier siècle avant J.C. Où ils seront élevés tant comme oiseaux d'ornement que comme festin lors des fêtes. C'est aux Romains que le paon doit d'avoir son effigie sur les monnaies. Sur les revers des monnaies frappées à l 'effigie des Impératrices divinisées, il apparaît représenté marchant, rouant, vu de face ou de profil, parfois placé aux pieds d'un trône vide, sur le quel est déposé un sceptre et autour duquel est gravée l'inscription « Aeternitas » ainsi que son introduction massive dans les arts décoratifs (mosaïques et fresques de la villa d'Oplontis à Pompeï, villa du Paon à El Jem en Tunisie, Vaison la Romaine dans le sud de la France, etc...). Ces peintures murales et ces mosaïques sont les témoignages de sa diffusion du Paon dans les régions sous influence romaine. Il atteindra ainsi la Grande Bretagne au IV ème siècle après JC. A l époque médiévale, les oiseaux furent introduits en Europe de l'Ouest , comme le montrent leurs représentations fréquentes dans les illustrations des manuscrits, peintures et éléments architecturaux. Selon le témoignage de Saint Augustin qui avait eu l'occasion d'en manger à Carthage et d'en examiner les restes quelques mois plus tard, sa chair aurait été imputrescible (De civitate Dei, XXXI, IV, I). La résistance du paon au venin des serpents incitera les alchimistes à déclarer que la couleur de ses plumes était due à la « trans-substantation » du venin dans son corps. Chez les Alchimistes la queue du paon « cauda pavonis » représente un état du mercure. Dans la littérature greco-romaine, même si le paon est l'antithèse de la modestie, ce n'est qu'au Moyen âge tardif qu'il incarnera le péché d'orgueil dans les manuscrits. En 1859, Charles DARWIN énonce sa théorie de l'évolution des espèces grâce à la sélection naturelle : les individus les plus forts, les mieux adaptés à leur environnement survivent, si bien qu'au cours de l'Histoire de la Terre les espèces évoluent. Toutefois, il est intrigué par la vue d'une plume de paon. En effet, le paon avec ses couleurs voyantes et sa longue traîne est bien peu armé pour échapper aux prédateurs. Il va élaborer une nouvelle théorie en partant de la constatation que les mâles ont développé une parade de séduction et une longue traîne pour séduire les femelles. Celles-ci devraient donc préférer les plus beaux mâles. La théorie de la sélection sexuelle est née. Il l'expose en 1871 : seuls les individus les plus beaux pourront avoir des descendants et transmettre leurs gènes. A notre époque, les paons n'éveillent de l'intérêt qu'en tant qu'oiseau d'ornement. En Inde, les longues plumes ocellées de la traîne des mâles sont collectées pour être vendues sur les marchés afin de servir à la confection d'éventails et à la décoration des temples. La danse du paon 2.2.-. Du Temple à la Cuisine Dans la plupart de leurs récits, les Européens qui ont visité l'Inde et l'Asie du sudest, ne vantent pas seulement la prestance du Paon mais également la succulence et le le goût exquis de sa chair. Celle-ci était déjà appréciée par l'Empereur ASHOKA (273-232 avant JC) mais influencé par le Boudhisme, il en interdit la chasse dans ses édits et créa des réserves pour le protéger. Dans les traités de droit de L'Inde ancienne, la peine était la même pour avoir tué un paon ou pour la mort d'un « shûdra », un membre de la caste servile. On a vu un peu plus haut dans cet article, que le Paon et ses œufs étaient un met apprécié en Grèce antique et à Rome. A la fin de l'Empire romain et au début du Moyen-Age, c'est revêtu de sa livrée qu'on le consomme. Parmi les volailles et les gibiers, le paon est roi. Il conserve pourtant des défenseurs. Ainsi MARTIAL, dans ses Épigrammes, s'élève contre ceux qui osent livrer un oiseau aussi beau au couteau des cuisiniers (XIII, 70). Nul ne sait comment il arrive à la cour du roi Charlemagne. Il apparaît pour la première fois sur sa table en l’an 800, le jour même où le pape dépose sur sa tête la couronne de l’Empereur d’Occident. Il est peu probable que ce volatile insipide et coriace ait comblé les papilles gustatives de nos aïeux. Mais le paon et le faisan sont des oiseaux nobles par excellence et la société la plus raffinée de cette époque se reconnait en eux au point que le serment sur ces oiseaux lui apparaîtra bientôt comme le plus solennel, le « Serment du Paon ». Avant de s'en partager les morceaux, les preux chevaliers prêtaient le serment prêté sur le paon, symbole d'immortalité, assure une récompense éternelle à celui qui sacrifie sa vie au combat. Le paon eut tous les honneurs dans les jours brillants de la Chevalerie. Plusieurs grandes familles, parmi lesquelles celle des Montmorency, avaient placé son effigie, en cimier, sur leur heaume. Aux cours d'amour des provinces du sud de la France, la récompense que recevaient les poètes ayant remporté le prix était une couronne faite de plumes de paon, qu'une dame du tribunal portait elle-même sur leur tête. Chez les anciens romanciers, le paon est qualifié du titre de noble oiseau, et sa chair y est regardée comme la nourriture des amants, et comme la viande des preux. Il y avait très peu de mets alors qui fussent aussi estimés. Un de nos poètes du XIII ème siècle, voulant peindre les fripons, dit qu'ils ont autant de goût pour le mensonge, qu'un affamé en a pour la chair de paon. Enfin les rois, les princes et grands seigneurs, donnaient très peu de festins d'appareil où le paon ne parût comme le plat distingué. En 1560, Jean-Baptiste LA BRUYERE-CHAMPIER, un savant humaniste français qui s'est particulièrement intéressé à l'alimentation et à sa fabrication à son époque, marque beaucoup de surprise d'en avoir vu en Normandie, près de Lisieux, des troupeaux considérables : «On les y engraisse avec du marc de pommes, dit-il, et on les vend aux marchands de poulaillers, qui vont les vendre dans les grandes villes pour la table des gens riches». CHAMPIER était Lyonnais, avait étudié à Orléans, et était attaché au service de François Ier. La manière dont il parle des paons, l'étonnement que lui causèrent ceux de Normandie, donnent à penser qu'on n'en mangeait déjà plus dans le Lyonnais, dans l'Orléanais, ni à la Cour. Cependant de Serres écrivait encore en 1600 que « plus exquise chair on ne peut manger». Mais rien n'indique où de Serres avait mangé du paon. En Europe, c'est seulement après l'importation des dindes, découvertes au Mexique par les Espagnols, à la fin du XVIème siècle, que le paon perdit son statut d'oiseau de table pour la plupart des Européens. Alexandre DUMAS père (1802-1870) , dans son « grand dictionnaire de cuisine » écrit : « Je n'ai mangé du paon qu'une fois dans ma vie ; mais comme il était très jeune et qu'il pouvait correspondre à ce qu'on appelle le poulet de grain, il me parut excellent. ».