Hommage Mme Sylvie Auger, audiologiste lauréate de la Bourse Raymond-Hétu 2005 Bourse Raymond Hétu 2005 Sylvie Auger, MOA , audiologiste [email protected] En février 2004, j’ai eu l’occasion de participer à un atelier de formation à la fois théorique et pratique sur l’évaluation et la réadaptation des personnes présentant des problèmes d’équilibre d’origine vestibulaire. Cet atelier était offert à l’American Institute of Balance. Le Dr Richard Gans, Ph.D., audiologiste, propriétaire-fondateur de l’institut et conférencier principal de cet atelier, a plus de vingt ans d’expérience clinique dans ce domaine et, à ce titre, nous offre une approche très pragmatique et partage avec nous de façon très généreuse son propre bagage d’expériences personnelles auprès de cette clientèle. Aujourd’hui, j’aimerais vous présenter deux outils cliniques afin que l’évaluation des clientèles présentant des problèmes d’équilibre vous apparaisse comme étant réalisable dans votre propre milieu de pratique. Les symptômes Les problèmes d’équilibre s’expriment de bien des façons et vont de la simple sensation de marcher sur un nuage ou de flottement (light-headedeness) à la perte d’équilibre, en passant par les étourdissements spontanés ou associés à l’exécution de mouvements pour arriver aux vertiges, accompagnés ou non de nausées. Au moment de l’histoire de cas, s’il y a mention d’un épisode initial où le problème s’est manifesté pour la première fois, c’est habituellement la signature d’une dysfonction vestibulaire. Lorsque c’est le cas, nous pouvons intervenir, en tant qu’audiologiste. Par contre, si les problèmes d’équilibre sont d’une origine autre que vestibulaire, alors le traitement et/ou le suivi de réadaptation se feront par d’autres professionnels. Les outils diagnostiques Un des premiers outils diagnostiques dans l’évaluation du système vestibulaire de l’oreille interne est l’électronystagmographie ou sa version plus moderne, de plus en plus utilisée, la vidéonystagmographie. Cette méthode de mesure consiste à provoquer, par irrigation calorique (eau chaude/eau froide ou air chaud/air froid) un déplacement des fluides au niveau du canal horizontal du labyrinthe, ce qui déclenche un nystagmus grâce au réflexe vestibulo-oculaire. On mesure l’intensité du nystagmus en degrés/secondes et on les compare d’une oreille à l’autre. Jusqu’à récemment, avant l’apparition de la mesure du potentiel otolithique, c’était la seule mesure où l’on pouvait isoler la fonction de chacun des labyrinthes séparément, comme lorsque l’on mesure l’audition sous écouteurs par rapport à une mesure en champ libre. Cependant, il faut se rappeler que l’épreuve calorique de la VNG ou de l’ENG ne donne une information de la fonction vestibulaire qu’au niveau du canal horizontal et qu’en basses fréquences 0.003 Hz, ce qui correspond à des mouvements lents que nous n’exécutons pas dans la vie quotidienne. En effet, les mouvements naturels se retrouvent plutôt dans la zone de fréquence allant de 0,05 Hz à 5 Hz. Pour faire un parallèle avec un domaine qui nous est plus familier, lorsque l’épreuve calorique est terminée, les conclusions que l’on en tire sur le plan fonctionnel pour la personne sont aussi valides et complètes que lorsque nous mesurons un seuil auditif à 250 Hz chez un patient qui se plaint d’éprouver de la difficulté à suivre une conversation en milieu bruyant. Nous conviendrons qu’il serait difficile d’établir une intervention de réadaptation auditive adéquate à partir de cette seule donnée. C’est pourquoi, si nous voulons vraiment intervenir de façon adéquate et efficace avec un plan de réadaptation individualisé valable auprès de notre clientèle présentant des problèmes d’équilibre, nous devons évaluer la fonction vestibulaire et l’équilibre fonctionnel avec d’autres outils que la vidéonystagmographie. C’est avec cet objectif que plusieurs tests et questionnaires ont été développés pour évaluer l’équilibre fonctionnel et la situation de handicap vécue par les personnes atteintes de problèmes d’équilibre. À l’American Institute of Balance, il y a deux épreuves en particulier qui ont été mises au point et qui permettent d’aller chercher une information précieuse sur le fonctionnement du réflexe vestibulo-oculaire et l’équilibre postural, en un très court laps de temps et à un coût très raisonnable. Le premier de ces tests est le SOP de Gans©-Gans Sensory Organization Performance test ou, en français, le TPOS : test de performance de l’organisation sensorielle de Gans©. Ce test, mis au point en 1992, combine des mesures de la stabilité posturale du Romberg, du CTSIB et du Fukuda et est un outil d’évaluation de l’équilibre qui est très sensible aux déficits vestibulaires. On utilise quatre conditions de la version modifiée du Romberg soit : la position debout, jambes écartées à la largeur des épaules, les yeux ouverts puis les yeux fermés et l’on note la stabilité pour une période de vingt secondes dans chacune des deux conditions. La deuxième partie du test est toujours en position debout mais avec les pieds placés en tandem, avec les yeux ouverts puis les yeux fermés et là encore, on note la stabilité pour une période Fréquences, vol. 18 no 2, sept. 2006 • Le vieillissement et la communication 11 Hommage de vingt secondes, dans chacune des deux conditions. Les deux épreuves basées sur le CTSIB se passent sur le coussin sur lequel le patient monte et se tient debout avec les jambes écartées à la largeur des épaules, dans un premier temps avec les yeux ouverts puis, ensuite, avec les yeux fermés, toujours pour des périodes respectives de vingt secondes. Le Fukuda est une épreuve de marche sur place pendant vingt secondes, avec les yeux fermés et en montant bien les genoux. Ici on observe si le patient est capable de rester sur place ou s’il a tendance à avancer ou à tourner ou dériver vers un côté ou l’autre. L’ensemble des résultats permet de dégager des patrons types de dysfonction vestibulaire ou de problème d’équilibre d’origine centrale ou multifactorielle. Le TPOS est un outil qui peut aussi bien être utilisé en dépistage, en diagnostic ou pour évaluer l’efficacité d’une intervention de réadaptation. Il ne prend que dix minutes à administrer, n’est pas invasif et ne requiert comme matériel qu’un minimum d’espace pour se tenir debout, et d’un coussin, idéalement recouvert d’un matériel neutre au niveau kinesthésique. La deuxième série de chiffres se lit en hochant la tête de haut en bas à un rythme prédéterminé défini par un son produit par l’ordinateur (un peu comme un métronome). La troisième série de chiffres se lit en hochant la tête de haut en Le second est le CDVAT©-Computerized bas. Ce test vient vérifier le système vestibulaire Dynamic Visual Acuity Test ou le TAVDI : test d’acuité visuelle dynamique informatisé. Ce test autour de la fréquence de 1 Hz. S’il y a une différence significative de performance entre la a été mis au point au départ pour les astrocondition initiale et l’une ou l’autre des condinautes de la NASA ; on leur demandait de lire des chiffres et des lettres sur un moniteur alors tions de lecture avec hochements de tête, alors qu’ils couraient sur un tapis roulant. La version cela permet de mettre en évidence la présence d’oscillopsie, ce qui indique un problème de clinique mise au point par le Dr Gans et son équipe est moins exigeante physiquement et dysfonction vestibulaire unie ou bilatérale selon permet de tester les gens qui ont une mobilité le cas, non compensée. Ici encore, cet examen réduite car on leur demande de lire des chiffres se fait dans un laps de temps d’environ dix qui défilent sur le moniteur de l’ordinateur à minutes, n’est pas invasif et est très informatif raison de cinq chiffres par présentation qui sur les difficultés quotidiennes que peut vivre le dure trois secondes. La police des chiffres patient. Il permet ainsi de planifier une intervenvarie, ce qui permet d’éliminer la simulation tion spécifique visant à réduire ces difficultés. d’un problème. La première série de dix chiffres Pourquoi se donner la peine de consacrer ces se lit en position assise, à deux mètres de vingt à trente minutes de plus à nos patients qui l’écran pour établir la référence. se plaignent de symptômes vestibulaires ? Afin de mieux les orienter ensuite vers la réadaptation et de leur donner un counseling plus efficace. En effet, s’il ressort de nos résultats que le problème d’équilibre est d’origine vestibulaire, à ce moment-là, la réadaptation vestibulaire ou des manœuvres de repositionnement seront les avenues d’intervention à privilégier et pourront être exécutées par un/une audiologiste. Si, par contre, il ressort de notre évaluation ou de notre dépistage que le problème est davantage d’origine multifactorielle ou centrale, alors la réadaptation devra se faire avec des objectifs de substitution et non pas seulement d’adaptation, sous surveillance étroite d’un physiothérapeute ou d’un kinésiothérapeute afin qu’en tout temps, la personne soit en sécurité. De plus, en apprivoisant le diagnostic et la réadaptation de la fonction vestibulaire, nous complétons notre intervention audiologique en allant explorer « l’autre partie » de l’oreille interne. Pour nos patients dont les problèmes d’équilibre récurrents affectent terriblement leur qualité de vie, quelques minutes de plus passées avec nous pourraient complètement transformer cette réalité. Alors… Osons la réadaptation vestibulaire ! Pour plus d’informations concernant ces épreuves cliniques et l’évaluation des vertiges et des problèmes d’équilibre, vous pouvez me contacter ou encore consulter le site Internet de l’Institut : www.dizzy.com. 12 Fréquences, vol. 18 no 2, sept. 2006 • Le vieillissement et la communication