Emmanuel Oudiette 2006 - Campus

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Ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche
CAPES DE LETTRES
LIRE LE THEATRE AU CONCOURS
CONSEILS BIBLIOGRAPHIQUES
Emmanuel Oudiette
2006
Avant d’aborder la bibliographie, voici quelques conseils :
Conformément au palmarès des jurys, votre explication requiert une véritable mise en
spectacle virtuelle du texte.
Or, le passage d’une lecture textocentrique à une lecture scénocentrique ne va pas de soi.
Le théâtre présente en effet des problèmes génériques :
-
La triple énonciation ou triple destination du texte : le metteur en scène, les
personnages, les spectateurs,
La valeur impérative des didascalies,
Le fonctionnement déictique des démonstratifs,
Le peuplement de la scène dans ses rapports avec l’énonciation,
Les présupposés de chaque personnage,
Les techniques conversationnelles de l’enchaînement des répliques,
L’efficacité des répliques : « Quand dire, c’est faire » (J. L. Austin)
La dramaturgie de l’enchaînement des scènes,
L’exploitation concrète du texte par l’éclairagiste, le décorateur, l’accessoiriste …
Bref, le théâtre requiert toute une science littéraire spécifique
1. - Les ouvrages critiques
Si vous choisissez un seul ouvrage d’initiation à la lecture du théâtre, lisez :
Anne UBERSFELD, Lire le théâtre, tome I
(Belin Sup, lettres, 2000)
Ce livre est cité à plusieurs reprises dans les Rapports des jurys.
Il est considéré par les jurys comme un ouvrage canonique pour comprendre les modes
réels de fonctionnement du discours théâtral sur scène, et pour éviter à un lecteur
textocentrique de priver l’œuvre théâtrale de toute sa dimension scénique.
Insistant, dans l’analyse des évolutions, revirements, renversements auxquels se plaît la
scène théâtrale, sur « les conditions nouvelles de la parole », et sur l’émergence de nouvelles
situations d’énonciation, cet ouvrage offre les moyens d’une focalisation véritablement
théâtrale, résolument contemporaine, sur la scène du concours, conformément aux
programmes de vos futures classes et aux attentes des jurys.
Ainsi, l’explication d’un texte de théâtre débouche sur une proposition de mise en
scène concrète, qui résume spectaculairement et synthétise toutes les analyses littéraires,
proposées au jury en tant que spectateur virtuel.
L’intérêt du livre de A. Ubersfeld, c’est de montrer que le texte de théâtre tout
entier contient dans chacun de ses mots, fussent-ils les plus anodins en apparence, des
indications scéniques internes, des didascalies implicites, à forte teneur impérative à
l’égard du metteur en scène.
Le théâtre serait ainsi le lieu d’une triple énonciation : l’énonciation du
dramaturge s’adresse d’abord au metteur en scène, avant que soit mise en œuvre la
double énonciation des personnages, entendus en même temps par les personnages
présents sur scène et par les spectateurs.
Vous l’avez compris, expliquer un texte de théâtre au concours, c’est avoir la
lecture professionnelle, aiguisée et perspicace, d’un metteur en scène.
Votre explication doit constituer une représentation du sens du texte.
Selon A. Ubersfeld, chaque mention de ce que voit un personnage sur scène ouvre
sur « l’autre scène » d’un théâtre dans le théâtre, que votre explication a pour fonction
de révéler. C’est pourquoi la réflexion selon laquelle « tout se passe comme si la tâche du
metteur en scène était précisément de montrer visuellement les situations de langage et par
extension les positions discursives » s’adapte parfaitement à cette dramaturgie virtuelle que
constitue l’énonciation explicative au concours.
Les entrées et les sorties des personnages constituent autant d’actes d’énonciation
dramaturgique implicite, en même temps qu’un découpage-montage de type
cinématographique, une distribution en « plans » plus ou moins prolongés.
Il s’agit d’étudier la corrélation entre un fait dramaturgique – la nature du
peuplement de la scène – et l’exploitation, du point de vue de l’énonciation scénique, des
modalités interlocutives que détermine ce peuplement : le jeu des effets de coprésence (je,
tu, nous, vous) et d’absence (lui, elle, eux) sur le plan discursif.
Comment les mouvements internes au dialogue organisent-ils et structurent-ils les
déplacements sur l’espace scénique ?
Et réciproquement, comment le peuplement de la scène détermine-t-il lui-même le
dialogue, étant donné que l’absence d’un personnage se fait parfois si envahissante et
obsédante que, dans le cas spectaculaire de l’apostrophe rhétorique, le personnage absent est
rendu artificiellement présent sur la scène verbale ?
Parmi les autres ouvrages critiques à connaître :
Roland BARTHES, Sur Racine
(1963. Points/Essais, 1979)
Vous pouvez lire également avec profit :
-
P. LARTHOMAS, Le langage dramatique. Sa nature, ses procédés (Paris, 1972,
P.U.F., 1990)
Sur le théâtre classique et le théâtre romantique : STENDHAL, Racine et
Shakespeare (L’Harmattan, les Introuvables, 1993)
Vous pouvez consulter :
-
J.J. ROUBINE, Introduction aux grandes théories du théâtre (Paris, Dunod, 1990)
J. SCHERER, La Dramaturgie classique en France (Paris, Nizet, 1950, réed. 2002)
2. - Les pièces de théâtre
2.1- Le théâtre antique
Pour mettre en perspective le théâtre, il faut avoir connaissance des pièces antiques.
Choisissez d’en lire quelques-unes, afin d’enrichir votre culture par des comparaisons.
Le théâtre grec
Les auteurs tragiques
ESCHYLE
- Agamemnon
- Les Choéphores
- Les Euménides (ces trois pièces constituent une trilogie : l’Orestie)
SOPHOCLE
- Antigone
- Œdipe roi
- Electre
EURIPIDE
- Médée
- Andromaque
- Electre
- Oreste
Un auteur comique
ARISTOPHANE
- Les Nuées
- Les Oiseaux
- Les Grenouilles
Le théâtre latin
Des auteurs comiques
PLAUTE
- Amphitryon
TERENCE
- Phormion (l’ancêtre de Scapin)
Un auteur tragique
SENEQUE
- Médée
- Phèdre
- Œdipe
2.2- Le théâtre médiéval
Prenez connaissance de quelques extraits
XVème siècle
Les Mystères, d’inspiration religieuse
-
Mystère de la Passion (par Arnoul Gréban)
Le théâtre comique : Les Farces
-
La Farce de Maître Pathelin
2.3 - Les auteurs classiques et modernes
Voici un rappel des lectures de base, incontournables, qui auront à devenir, dès votre
admission au CAPES, les connaissances de base de vos élèves.
XVIIe siècle
Pour une palette variée des pièces de CORNEILLE, de l’auteur baroque à l’auteur
classique :
- L’Illusion comique (le théâtre dans le théâtre)
- Le Cid (la plus célèbre tragi-comédie)
- Le Menteur (Corneille parodie lui-même Le Cid)
- Horace (l’entité Rome)
- Cinna (le stoïcisme cornélien)
- Rodogune (pour nuancer l’opposition entre Corneille et Racine)
MOLIERE
- L’Ecole des femmes
- Dom Juan
- Le Misanthrope
- Amphitryon (les dieux antiques vus par Molière)
- Tartuffe
- L’Avare, Le Bourgeois gentilhomme, Les Fourberies de Scapin, Les Femmes
savantes (à relire après les ouvrages critiques, avec un regard technique sur
l’énonciation)
RACINE
-
Andromaque
Britannicus
Bérénice (Racine triomphe de Corneille en s’assimilant ses valeurs)
Bajazet
Phèdre
-
Les Préfaces (il faut relire ces pièces superbes, percevoir leurs structures
parallèles, et être attentif à leurs échos)
XVIIIe siècle
MARIVAUX
- La Double Inconstance
- L’Ile des esclaves
- Le Jeu de l’amour et du hasard (ces trois pièces, sur les variations d’un même
thème majeur)
- La Dispute (mise en scène par P. Chéreau, cf. édition GF)
BEAUMARCHAIS
- Le Barbier de Séville
- Le Mariage de Figaro (1784…)
XIXe siècle
Naissance du drame romantique
Pour le comprendre, il faut lire les Préfaces des pièces de Hugo, puis remonter au XVIIème
siècle, lire Shakespeare (Hamlet, Othello, Macbeth), traduit par F.V. Hugo, et le comparer
avec Racine.
HUGO
-
Hernani
Ruy Blas
Lucrèce Borgia
Préface de Cromwell
MUSSET
- Les Caprices de Marianne (personnages à mettre en relation avec La Confession
d’un enfant du siècle)
- On ne badine pas avec l’amour (comparer la situation et le dénouement avec Les
Caprices de Marianne)
- Lorenzaccio (fresque somptueuse, le Romantisme et la Renaissance)
XXe siècle
La modernisation des mythes antiques
GIRAUDOUX
- Amphitryon 38 (la 38ème version de cette pièce ! Pour une comparaison avec
Molière)
- La guerre de Troie n’aura pas lieu
- Electre
L’existentialisme
SARTRE
- Huis clos
- Les Mouches
- Les Mains sales
CAMUS
- Caligula
- Les Justes
Le théâtre de l’absurde
IONESCO
-
La Cantatrice chauve
Rhinocéros
Le roi se meurt
BECKETT
-
En attendant Godot
Oh ! les beaux jours
Si vous avez déjà lu, vu, et relu ces pièces, découvrez Lire le théâtre, et relisez quelques
scènes de chaque auteur avec un regard neuf. Ne vous fiez pas trop aux impressions et
aux souvenirs de vos études secondaires. Bannissez les généralités et reportez-vous
toujours à des scènes précises, avec un point de vue scénocentrique.
Ensuite, complétez votre culture au gré des opportunités et de vos découvertes dans les
librairies, les bibliothèques ou les librairies sur Internet, en faisant confiance, dans tous
les cas, au nom de ces grands auteurs.
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