L`écologie, généalogie d`une discipline

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L’écologie, généalogie
d’une discipline
Histoire des sciences et techniques
Guillaume Larbi, Bastien Ledoux et Anthony le Gléau
Table des matières
Introduction............................................................................................................................................. 2
I.
Naissance du mot et de la notion d’écologie .................................................................................. 4
II.
Linné et l’économie de la nature ..................................................................................................... 5
III.
De la géographie botanique à Darwin ......................................................................................... 7
A)
Les débuts de la géographie botanique ...................................................................................... 7
B)
Alexandre de Humboldt .............................................................................................................. 8
C)
Augustin-Pyramus de Candolle ................................................................................................... 8
D)
Charles Darwin ............................................................................................................................ 9
E)
Apparition de trois nouvelles notions ....................................................................................... 10
IV.
De l’observation darwinienne à la théorie de l’écosystème ..................................................... 11
Conclusion ............................................................................................................................................. 13
Sources .................................................................................................................................................. 13
1
Introduction
Le texte dont nous allons vous parler se trouve dans un recueil d’articles intitulé « La Terre
outragée. Les experts sont formels ! ». Écrit en 1992, il a été proposé par Jacques Theys et
Bernard Kalaora. Nous avons étudié un extrait du texte de Jean Marc Drouin intitulé «
L'écologie: généalogie d'une discipline ».
Jean Marc Drouin, philosophe et premier historien de l’écologie, a commencé à enseigné la
philosophie à l’Ecole normale d’instituteurs de Douai (de 1972 à 1977) puis au lycée de
Corbeil-Essonnes (de 1977 à 1983). Il a participé aux travaux de l’Institut national de
recherche pédagogique (INRP) sur les sciences expérimentales (1974 à 1977, puis 1981 à
1983). À partir de septembre 1983, il a été mis à disposition de la Cité des Sciences et de
l’Industrie (la Villette), d’abord à la conception des expositions puis au Centre de recherche
en histoire des sciences et des techniques (CNRS-CSI). En décembre 1994, élu maître de
conférences du Muséum national d’histoire naturelle, il a été rattaché au Centre Alexandre
Koyré, dont il a été nommé directeur adjoint. En 2004 il est élu professeur du Muséum sur
un poste d’histoire et de philosophie des sciences, il a pris sa retraite en octobre 2008. Tant
à la Cité des Sciences qu’au Muséum, tout en menant des activités de recherche, il a
participé à la conception d’expositions permanentes ou temporaires. Par ailleurs, au
Muséum, il a assuré de nombreux cours de Master, et donné des conférences pour toutes
sortes du public. Ces trois principaux thèmes de recherche sont l’histoire de l’écologie et de
la biogéographie, l’histoire des classifications et l’histoire naturelle et son public. Il a écrit de
nombreux livres et articles tels que « L’écologie et son histoire, Réinventer la nature » en
1993,
« Nature for the people » avec Bernadette Bensaude-Vincent, « L’herbier des
philosophes » en 2008 et dernièrement « Aux Origines de l’environnement » en 2010 avec
Pierre-Henri Gouyon & Hélène Leriche.
Le texte fut publié en 1992. Les années 90 ont été caractérisées par la recherche d'une
compréhension plus poussée du concept et de l'importance du développement durable.
Plusieurs grandes réunions internationales ayant pour thème l’écologie se sont déroulées. La
première a été une conférence ministérielle sur l'environnement tenue à Bergen (Norvège)
en mai 1990. Cette conférence était convoquée pour préparer la Conférence des Nations
Unies sur l'environnement et le développement qui a eu lieu en juin 1992 à Rio de Janeiro.
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Cette rencontre s’inscrit dans la continuité des deux précédentes qui ont eu lieu
respectivement en 1972 et 1982. Au cours de cette conférence le thème de la sauvegarde de
la biodiversité en luttant contre les changements climatiques a été primordial.
L’ouvrage « La terre outragée : les experts sont formels ! » présentent une sélection
d’articles proposant une réflexion autour de la situation écologique du monde à l’heure
actuelle. Devons-nous craindre la hausse du taux de pollutions chimiques ? Devons-nous
croire l’Etat, les groupes de pression ou les scientifiques eux-mêmes dans les différentes
controverses actuelles ? C’est à ces questions que l’ouvrage compte apporter quelques
réponses. Notre article se trouve dans la première partie de l’ouvrage. Il présente
l’historique de la naissance de l’écologie.
Jean-Marc Drouin a décidé de choisir le récit chronologique pour écrire son article. Dans sa
première partie, il étudie la construction du mot et la notion d’écologie en tant que science.
Dans un second temps, il va évoquer la naissance de la notion d’économie de la nature au
travers du travail de Linné, puis il étudie les changements de la notion de géographie
botanique au cours du XVIIe et du début du XVIIIe siècle pour arriver jusqu’aux discours de
Darwin. Enfin dans la dernière partie de notre extrait, les communautés et systèmes. Nous
avons décidé de suivre, au cours de notre exposé, comme dans l’extrait, la chronologie des
évènements. Pour cela notre exposé se divisera en quatre parties.
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I.
Naissance du mot et de la notion d’écologie
L’écologie n’est pas quelque chose de nouveau, depuis Linné beaucoup de personne ont
essayé de scruter la nature afin de mieux la gérer et pour le plaisir de la connaitre. Elle est
une science parmi les autres, elle interagit avec l’ensemble des sciences, et a besoin de leur
connaissances afin d’exister. L’écologie n’est pas seulement une science, elle est une
attitude, un état d’esprit, un courant d’idées, voire une force politique. Elle développe et
met en œuvre les connaissances théoriques et pratiques qui servent de base à la résolution
de la plupart des problèmes auxquels est confrontée la planète. Une des principales
difficultés de l’écologiste est rarement en présence de phénomène simple (une cause
entraîne un effet). Pour beaucoup l’écologie n’est qu’une mode qui est née récemment avec
les progrès scientifique et technique.
On peut faire remonter les prémices de l’écologie au début du 19e siècle avec les travaux du
géographe Alexander von Humboldt, qui crée « la géographie des plantes » .Le terme «
écologie » est proposé en 1866 par le biologiste allemand Ernst Haeckel, il désigne « la
science de l’économie, des habitudes, des relations mutuelles des organismes ». La
recherche en écologie démarre véritablement vers 1910 (travaux des américains Mc Millan,
Clements, …). En 1913 : Braun-Blanquet initie l’école de phytosociologie, la fondation de la
Société britannique d’écologie. Dans les années 30, Tansley invente le mot « écosystème »,
Troll crée l’expression « écologie du paysage », l’écologie devient un terme d’emploi courant
chez les spécialiste dans les pays anglo-saxons. Ce terme était moins utilisé en France mais il
n’était pas inconnu des naturalistes et des géographes, l’écologie n’est pas née avec le
ministère de l’Environnement, elle a des titres d’ancienneté comparables à ceux des autres
sciences. Le grand public Français découvre les problèmes d’environnement et d’écologie
avec le naufrage du Torrey Cañon en 1967.
Il ne faut confondre écologie et « histoire naturelle », il est vrai que l’écologue c’est-à-dire
celui qui pratique l’écologie est l’héritier du naturaliste d’autrefois. L’écologiste se pose des
problèmes que le naturaliste de soupçonne même pas, elle ne couvre d’ailleurs pas non plus
tout le champ de l’histoire naturelle. Elle a son objet, s’est méthodes et ses concepts
propres, sa constitution s’est faite en plusieurs étapes dont la première est attachée au nom
de Linné. L’écologie met en évidence les relations que les êtres vivants (« Homme » compris)
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entretiennent entre eux et avec leur milieu de vie, elle tente d’interpréter les structures et
modes de fonctionnement du monde naturel.
II.
Linné et l’économie de la nature
Comme nous le précise l’auteur du texte, les fondements mêmes de l’écologie sont apparus
bien avant le terme d’ « écologie » (créé en 1866 comme précisé auparavant). Au cours des
paragraphes suivants, Jean Marc Drouin évoque un homme répondant au nom de Linné,
qu’il nomme comme étant « le symbole d’une histoire naturelle exclusivement occupée à
dresser le catalogue des espèces végétales et animales ». Carl Linnæus, appelé Linné est un
naturaliste suédois qui vécut de 1707 jusqu’à 1778. Il passa une grande partie de sa vie à
écrire « Les systèmes de la nature » (Systema Naturæ), qui exposera sa propre classification
des différentes espèces composant la flore et la faune du monde entier. Il commença sa
classification des plantes dès l’âge de 24 ans, après avoir suivi des études de médecine.
Grâce à ces nombreux voyages en Europe, il rapporta des extraits de plantes et d’animaux,
afin de compléter sa classification. En revenant en Suède, il publia ces récits de voyage, et
compléta son ouvrage principal de classification des animaux, des plantes et des minéraux.
Sa classification botanique, qui divise les plantes en 24 classes en fonction du nombre de
leurs étamines et de leurs positions par rapport au pistil, lui vaut une renommée mondiale.
Durant les années qui ont suivi, de nombreux spécimens de végétaux et d’animaux lui sont
envoyés afin de rentrer dans sa classification. D’une dizaine de pages au départ, son
principal ouvrage s’étendit à plusieurs volumes au bout de quelques années. Fier de son
travail il aurait eu coutume de dire « Deus creavit, Linnaeus disposuit » (Dieu a créé, Linné a
organisé). Cependant, la réflexion de Linné va dans le sens inverse des réflexions émises par
différents philosophes français au cours du XVIIe et du XVIIIe siècle. Descartes était, au cours
du XVIIe siècle la bête noire de tous ceux qui souhaitaient une révolution dans les rapports
de l’Homme à la Nature. Pour lui, le développement des sciences de la nature pourrait
permettre aux hommes de devenir « maître et possesseur de la nature ». Durant le siècle
des Lumières, c’est aussi la naissance de l’industrialisation et du progrès technique, avec la
première révolution industrielle à la fin du siècle, ce qui va en quelque sorte à l’encontre de
l’idée de contemplation de la nature proposée par Linné.
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La notion d’économie de la nature fut utilisée pour la première fois durant le XVIIe siècle,
désignant le concept de l’organisation parfaite de la Nature : rien n’est inutile et rien n’est
superflu.
Linné a été le premier à évoquer la notion d’équilibre de la nature qu’il développe au sein de
ses dissertations académiques devenues un ouvrage du même nom en 1972. Cet ouvrage est
constitué, dans son premier chapitre de différentes règles que l’auteur demande d’admettre
au lecteur.
Pour construire sa théorie, il se base sur des propos religieux qui sous-entendent que Dieu a
instauré toutes les espèces vivantes dans une proportion équivalente et propre au
développement de la vie sur Terre (inspirations théologiques). Les premiers critiques de la
pensée Linéenne seront essentiellement des philosophes français comme Denis Diderot qui
lui reprochera de partir de faits religieux et non de la raison et de l’expérimentation. Dans la
suite de cet ouvrage, il va essayer de montrer qu’il existe un certain équilibre intangible
entre toutes les espèces d’animaux et de végétaux. On retrouve donc les bases de sa notion
d’économie de la nature. Pour lui, dans cet univers, tout y dépend de tout : les insectes
régulent le développement de la flore, eux-mêmes mangés par d’autres insectes etc… Il
suffirait qu’une seule espèce disparaisse pour que toute la chaine de régulation soit remise
en cause, ce qui entraînerai à long terme des conséquences pouvant aller jusqu’à l’extinction
de la plupart des espèces vivant sur Terre. Linné est en quelque sorte le précurseur des
recherches que mènera Darwin au cours du XIXe siècle.
Dans le dernier paragraphe de sa partie sur l’Economie de la Nature, Jean-Marc Drouin
essaie de replacer les réflexions de Linné à la fin du XXe siècle. Que reste-t-il de son travail et
de ses idées à l’aube du XXIe siècle ? Il faut savoir que son travail de classification et de
nomenclature binomiale est utilisé de nos jours : chaque espèce végétale ou animale est
toujours représentée par deux mots latins (le premier est un substantif pour définir le genre
dont fait partie l’espèce et le deuxième est une épithète afin de caractériser l’espèce à
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proprement parler). D’un point de vue plus idéologique, l’auteur dit à juste titre que nous
nous sommes éloignés de plus en plus de l’idée de contemplation de l’ordre naturel. Le
développement de nos habitations et de nos industries ont mis la Nature au second plan de
nos préoccupations. Ce n’est que durant la 2nde moitié du XXe siècle que l’écologie est
revenu au goût du jour.
III.
De la géographie botanique à Darwin
Dans la phrase d’introduction à son paragraphe « De la géographie botanique à Darwin »,
Jean-Marc Drouin évoque la comparaison faite par Linné et Buffon (naturaliste et biologiste
du XVIIIe siècle, et principal critique de la systématique linéenne) de la faune et de la flore de
deux endroits géographiquement différents : le Nouveau Monde (l’Amérique et l’Australie)
avec l’Ancien Monde pour Buffon, et la Laponie avec le somment des Alpes pour Linné. C’est
en quelque sorte les fondements de la biogéographie, même si le terme n’existait pas à
l’époque. La biogéographie est par définition, une science qui étudie la distribution des
espèces végétales et animales à la surface du globe et les changements qui affectent cette
distribution. A l’époque, le concept du changement de la distribution n’existait pas. On
commençait simplement à s’intéresser à la relation entre la géographie, le climat, la faune et
la flore présents dans ces lieux. On parlera donc plutôt de géographie botanique.
A) Les débuts de la géographie botanique
Il est difficile de dire à quel auteur on ait dû les premières notions de géographie botanique.
Beaucoup d’auteurs (dont le premier est Linné), après avoir décrit une espèce végétale ou
animale, énumère les pays dans laquelle elle se trouve. Mais à ce stade, la géographie
botanique est encore considérée comme discipline intégrant l’histoire naturelle, et non
comme une discipline distincte. De 1785 à 1800, de nombreux auteurs s’intéresseront à la
notion de géographie botanique : on peut nommer Arthur Young, un agriculteur anglais, qui
visita la France entière afin de comparer l’agriculture anglaise et l’agriculture française. Il
montra les premières liaisons entre les climats et les cultures agricoles. Ainsi il découpa la
France en plusieurs zones de culture. Dans son texte « La géographie botanique et ses
progrès » publié en 1856, Ch. Matins ira même jusqu’à dire que Young «est donc à la fois le
créateur de la géologie et de la géographie agricoles, qui ne sont autre chose que la
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géographie botanique des espèces cultivées. ». Pour ce même auteur tout comme pour
Jean-Marc Drouin, c’est au cours du XIXe que nous trouvons le plus illustre représentant de
la géographie botanique : Alexandre de Humboldt.
B) Alexandre de Humboldt
Alexandre de Humboldt est considéré parfois, au vu de l’ampleur de ses travaux comme le
créateur de la géographie botanique. Bien loin du parti pris religieux de Linné, Alexandre de
Humboldt, physicien et naturaliste de formation, il a réussi à relier et à expliquer la
géographie botanique grâce à la météorologie, à la physique du globe et à la géologie. Il
montre que c’est la prédominance d’une certaine espèce végétale qui nous permet de
reconnaître immédiatement une contrée. Il dirigea des expéditions scientifiques aux quatre
coins du monde. Sa principale expédition fut celle en Amérique. En arrivant sur la terre du
Nouveau Monde, il pense que c’est une nouvelle création, totalement différente de
l’Europe, de l’Afrique et de l’Asie. Dans ses travaux qui suivirent ses expéditions, il étudie la
répartition des végétaux à travers les différentes zones climatiques : la zone équatoriale, les
pays tempérés et les régions boréales. Il compare étudie les végétaux communs à l’Ancien et
au Nouveau continent. Enfin, et c’est la différence avec ses prédécesseurs, il étudie
l’influence du climat sur leur distribution. Loin des simples observations de Linné, il tente
d’expliquer les phénomènes de répartition des différentes espèces de végétaux et de la
liaison entre climat, position géographique et géologie.
C) Augustin-Pyramus de Candolle
La seconde personne évoquée par l’auteur du texte est Augustin-Pyramus de Candolle
(1778-1841) qui se rapprochera, dans son travail, de celui effectué par Linné. En effet,
botaniste de formation, il a l’habitude durant tous ses déplacements d’observer la
végétation de la région. La plante remarquée est l’indicateur d’une région ou d’un milieu.
Comme le remarque Jean-Marc Drouin dans son autre texte « Un botaniste philosophe:
Augustin-Pyramus de Candolle », de Candolle note dans le récit de son voyage dans l’Ouest
de la France : « En approchant du Croisic, on commence à trouver du Scolymus hispanicus,
l’Atriplex halimus, etc. ». Cela sous-entend que les plantes qu’il observe sont, comme les
deux premières, d’origine méditerranéenne mais qu’on peut les retrouver aussi sur la côte
Atlantique. Tout comme Linné, de Candolle est critiqué pour utiliser le principe de la
systématique (c'est-à-dire le travail de classement et de description de tous les végétaux
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qu’il croisera). C’est la même intuition fondamentale que la classification doit se fonder sur
l’organisation de la plante qu’on retrouve en 1805 dans la réédition par de Candolle de la
Flore française de Lamarck, autre naturaliste qui vécut à la même période. Ainsi on peut
comparer de Candolle à Jussieu pour avoir fait de ce qu’on peut appeler la métaphore
topographique (il s’agit de montrer, à l’aide d’une carte dans les deux cas ici, la répartition
des végétaux). Pour Jussieu, cela permet de montrer la multiplicité des affinités entre
plantes et leur répartition équitable entre les différents espaces tandis que pour de
Candolle, au contraire, cela permet de comparer les coupures entre les espèces aux déserts
qui séparent les régions habitées. Dans son article issu du dictionnaire des sciences naturelles
définit les termes de station et d’habitation :
« On exprime par le terme de station, la nature spéciale de la localité dans laquelle chaque
espèce a coutume de croître, et par celui d'habitation, l'indication générale du pays où elle
croît naturellement. Le terme de station est essentiellement relatif au climat, au terrain d'un
lieu donné; celui d'habitation est plus relatif aux circonstances géographiques et même
géologiques. […]L'étude des stations est, pour ainsi dire, la topographie, et celle des
habitations la géographie botanique. » De Candolle, géographie botanique.
A partir de ces nouvelles définitions, il va pouvoir étudier les différents continents et la
répartition des familles de plantes. Les flores insulaires que de Candolle n’arrive pas
véritablement à classer correspond à la flore présente sur les îles.
D) Charles Darwin
Charles Darwin (1809-1882), naturaliste et auteur de l’Origine des Espèces, s’intéressa lui
aussi à la géographie botanique. Il fut très critiqué par certaines personnes
car il a
essentiellement énoncé et répété tout ce qui avait été déjà dit durant les 40 années qui
précédèrent 1859 (date de la publication de L’Origine de l’espèce). Trop de personnes
aujourd’hui considèrent que Darwin fut le créateur de la systématique et de la
biogéographie, alors que Linné ou Buffon les avaient définies bien avant lui. Contrairement
à ses prédécesseurs, il abandonna les termes d’habitation et de station. Il fut, par contre, le
premier à créer une liaison entre les différents êtres. Cette fois-ci, la notion d’une économie
de la nature disparaît. Les espèces vivantes s’autorégulent entre elles, le nombre et la survie
d’une espèce végétale ou animale dépend, en dehors des facteurs climatiques, de plusieurs
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autres espèces constituant une sorte de chaîne (comme l’exemple du trèfle rouge présenté
par Jean-Marc Drouin dans son texte).
E) Apparition de trois nouvelles notions
Enfin, l’auteur évoque trois nouvelles notions dans le dernier paragraphe de sa partie « De la
géographie botanique à Darwin », les notions d’écologie, de biosphère et de biocénose.
L’écologie est, par définition, une science basée sur l’étude des relations des êtres vivants
(animaux, végétaux, micro-organismes) avec leur environnement, ainsi qu'avec les autres
êtres vivants tandis que la biogéographie correspond à l’étude scientifique de la distribution
des espèces végétales et animales à la surface du globe et des changements qui affectent
cette distribution. On remarque une certaine différence sur le fait que l’écologie prend en
compte les relations entre deux êtres vivants ou végétaux. C'est-à-dire, que les théories
avancées par Charles Darwin sur les relations en chaînes entre les espèces végétales et
animales et l’autorégulation de la nature en générale (comme l’exemple du trèfle rouge
repris par l’auteur de l’extrait) s’éloigne des limites du domaine de la biogéographie pour
rentrer dans le domaine de l’écologie. La biogéographie s’intéresse qu’à la répartition autour
du globe des différentes espèces végétales et animales, ce qui d’après la définition de
l’écologie, ne rentre pas dans son domaine. Ces deux notions, quoique très proches, sont
issues du regroupement des différentes théories construites dans le domaine de la
géographie botanique.
La biosphère, terme inventée par le géologue Eduard Suess en 1875 est une nouvelle couche
composant la planète Terre, et qui vient s’ajouter à la lithosphère, à l’hydrosphère et à
l’atmosphère. En quelque sorte, elle est définie comme étant l’ensemble des régions de la
Terre où l’on rencontre des êtres vivants. Suess développera ce nouveau terme dans son
ouvrage majeur « La face de la Terre ». Ce concept sera pris plus en détail par l’auteur russe
Vladimir Vernadski en 1926.
A la suite des observations de Linné et Darwin sur la diversité végétal et animal, le terme de
biocénose commence à apparaitre grâce au zoologiste Karl Möbius en 1877, il est à l’époque
professeur de zoologie à l’université de Kiel. Il définit alors le terme de Biocénose pendant
qu'il étudiait les huîtres. Il avait remarqué que, chez ces animaux, il fallait placer le cadre
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d'étude non pas au niveau de l'individu, mais de l'ensemble des individus. Il conçoit dès
l'origine la biocénose comme une "communauté de vie".
IV.
De l’observation darwinienne à la théorie de l’écosystème
L'origine novatrice de son travail fut donc de considérer non seulement l'huître, son sujet
d'étude, mais aussi l'ensemble des communautés animale et végétale avec lesquelles elle est
en relation dans une aire donnée. Selon Möbius, une biocénose est « un groupement d’êtres
vivants dont la composition, le nombre des espèces et celui des individus reflète certaines
conditions moyennes du milieu ; ces êtres sont liés par une dépendance réciproque »...
Pendant longtemps, beaucoup de travaux ont séparés la communauté végétale et la
communauté animale. Le premier à avoir été un pionner dans l’étude de la communauté
végétale et qui servira de modèle est celle de Henry Chandler Cowles en fin du XIXe siècle. Il
est le premier à avoir introduit le terme de climax qui sera repris par un autre écologue
américain et qui proposera une étude et une théorie plus complète mais à la fois plus
controversée. La théorie de Cowles est de dire que « Une succession écologique est un
processus par lequel une communauté naturelle évolue d'un simple niveau d'organisation
vers une communauté plus complexe »
Cette théorie donc sera reprise par Frederic Clements en 1916 pour qui la notion de climax a
été plus subtile. De ces observations de la végétation au Nebraska il a suggéré que le
développement de la végétation peut ressembler au développement d’un organisme
individuel. La communauté végétale ne présente pas une condition permanente mais évolue
constamment. Apres une perturbation la végétation se remet a poussé. Selon le botaniste
américain, les formations végétales évoluent par succession en passant par diverses phases
présentant chacune une composition particulière, jusqu'à atteindre un stade ultime et stable
appelé climax. Lorsque cet état est atteint, l'énergie et les ressources ne servent
théoriquement qu'à maintenir cet état. Cette idée de climax fut un élément central de la
théorie écologique. C’est cette hypothèse qui a prédominé durant la première décennie du
XXe siècle. Il fut aussi le premier écologue à introduire le terme de bioindicateur c'est-à-dire
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un indicateur constitué par une espèce végétale, ou animale dont la présence (ou l'état)
renseigne sur certaines caractéristiques écologiques.
Malgré le fait que cette idée de climax ait été acceptée par un grand nombre d’écologue,
certains la critiquèrent notamment Josias Braun Blanquet et son professeur Jules Pavillards
de l’école de Zurich-Montpellier la trouvant trop restrictive et parlant d’un « schéma
outrancier ». Ces derniers restent attachés à une classification rationnelle et méticuleuse des
associations végétales définies par leurs espèces caractéristiques par une focalisation sur les
types d’espèces plutôt que sur les types de formes. Ils fondent au même moment l’école de
phytosociologie.
En 1917 Henry Allan Gleason, remet en cause la théorie de Clements et prône un concept
individualiste du comportement des espèces. Il affirme que la théorie de Clements ne prend
pas assez en compte la diversité des végétations et que les zones sont trop similaires les
unes aux autres. Il va alors proposer son concept de comportement des espèces
C’est à cette époque-là que l’écologiste anglais Arthur George Tansley va proposer un
nouveau terme qui sera « écosystème » en reliant la biocénose et le biotope tout en
conservant la théorie émise par Clements. Il va en effet appeler écosystème, le système qui
s’établit entre la biocénose et le biotope c'est-à-dire le lien entre les êtres vivants et leurs
milieux. Tansley montra que la notion d'organisme a un sens bien précis en biologie et ne
peut s'appliquer aux ensembles végétaux décrits par Clements.
Tout en reconnaissant la cohérence de ces ensembles végétaux et sans rejeter la notion de
climax, il souligna que l'on ne peut retenir pour les analyser les seuls facteurs botaniques,
mais que les facteurs physiques - sol et climat - contribuent tout autant à leur constitution et
à leur évolution. Se rattachant explicitement à la physique, Tansley proposa de caractériser
ces entités comme systèmes et de l’appeler "écosystèmes". Il employa ce terme pour
désigner l'unité de base de la nature. Unité dans laquelle les plantes, les animaux et l'habitat
interagissent au sein d'un système. Il se limite cependant à une modélisation purement
qualitative. L'introduction du concept d'écosystème par Tansley peut être interprétée
comme la fin de la domination des botanistes sur l'écologie au profit des physiciens.
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Tansley avec son terme d’écosystème va alors créer un point de rupture/ aboutissement de
la tradition géobotanique de l’écologie. C’est à partir de là que l’on va parler de science des
écosystèmes. Ces différents termes restent encore d’actualité de nos jours et sont toujours
utilisés par les écologues.
Conclusion
Durant ce commentaire, nous avons vu une certaine évolution des sciences qui ont été
fondatrices de l’écologie. Au départ on parlera essentiellement de recensement des espèces
végétales dont Linné fut l’acteur majeur : sa nomenclature est encore utilisée. C’est à partir
de Humboldt et donc à partir du XIXe siècle qu’une rupture apparaît. En effet c’est à partir
de ce moment que l’on passe du stade d’observation de la nature comme l’a fait Linné, au
stade de l’explication. La répartition des espèces à travers le monde devient aussi
importante que la description des nouvelles espèces. Humboldt et De Candolle ont donc
mélangé des matières comme la géographie, la physique, la géologie et la météorologie pour
comprendre la répartition des espèces végétales : c’est le début de la géographie botanique.
Darwin reprit tout le travail précédent et rajouta la notion d’autorégulation de la nature.
Toutes les espèces végétales ou animales dépendent des autres. On peut véritablement
parler, à ce moment-là de la notion d’écologie. Cette théorie reste encore prépondérante de
nos jours. Tansley marque alors un point de rupture et une évolution dans la compréhension
du monde végétal.
Sources
http://www.wikipedia.fr
http://www.larousse.fr
http://www.sciencedirect.com
http://www.un.org/french/events/rio92/rio-fp.htm
http://www.ec85.net/commequiers/IMG/pdf/10_faune_et_flore.pdf
http://sfs.snv.jussieu.fr/pdf/Biosystema_7.pdf
Un botaniste philosophe: Augustin-Pyramus de Candolle, Jean Marc Drouin
La biogéographie historique, de Linné à Darwin, par Gareth Nelson & Norman I. Platnick, 1981.
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