L`économie de la République démocratique du Congo avant et

cembre 2009 l 55
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S  de la crise en République
démocratique du Congo (RDC) pré-
sentent un tableau similaire à celui de la
plupart des économies à faible revenu de
lAfrique subsaharienne, certaines parti-
cularités se dégagent pourtant. Durant
la crise, la RDC, pays dans un regire
po-conit, doit encore faire face à des
poches dinsécurité à le pendant que
les baisses de revenus dus à la crise, la
réticence des initutions multilatérales
aux contrats chinois et un besoin criant
de moyens pour poursuivre les réformes
aboutissent à une situation contraignante
et licate. Le faible niveau des ressources
propres consacre la dépendance au nan-
cement extérieur pour les initiatives de
lutte contre la crise et ôte toute possibilité
de recourir à des politiques hétérodoxes
menées dans les pays avancés. La pression
haussière sur les dépenses publiques e
plus attribuable aux autres poes de dé-
penses qu’aux programmes élaborés pour
lutter contre les eets de la crise. Ce choix
de tentative dorthodoxie, courageux de-
vant la pression populaire suscitée par
limpa social de la crise, fut judicieux
mais contraint par la faiblesse des moyens.
On ne peut pas, dans ces conditions, es-
pérer un quelconque retour à la croissance
soutenue par des dépenses publiques sans
le retour dune ination plus élevée et une
dépréciation plus accentuée de la mon-
naie nationale. Le concours extérieur de-
meure indispensable.
Pourtant, en dehors du respe des
conditionnalités habituelles et dune ac-
célération de décaissement des montants
par les bailleurs extérieurs, les fonds
disponibles reent dérisoires dune part,
face aux besoins damortissement du choc
de la crise, et dautre part, face aux dés
56 I Dounia N° 2
de transformation de léconomie congo-
laise via une série de réformes et le nan-
cement des cinq chantiers, le programme
le plus ambitieux à ce jour dans loptique
dun développement à moyen et à long
terme. Si la reprise se prole à lhorizon,
la crise aura néanmoins été un aiguillon
pour rappeler lurgence de hâter les ré-
formes et de transformer léconomie pour
la rendre moins vulnérable aux chocs exo-
gènes, qu’ils soient internes ou externes.
La première seion passe en revue la
conguration de la reprise économique
en RDC pour montrer que, bien quef-
feive, elle s’e amorcée et poursuivie
en laissant des réformes inachevées et en
s’accommodant de plusieurs déséquilibres
ruurels. La deuxième seion met
en exergue la dépendance extérieure de
léconomie congolaise via la non-diver-
sication des exportations comme point
dancrage de la crise. Les faiblesses de la
réforme du seeur minier sont évoquées
comme faeur aggravant. La troisième
seion propose une trame de propaga-
tion de la crise et expose certains de ses
eets identiables. Parmi ces eets, il y
a une particularité de l’économie congo-
laise, à savoir le trio « ination-déprécia-
tion face au dollar américain-récession».
C’elobjet de la quatrième seion qui
en donne une interprétation. La cin-
quième seion aborde la sortie de la crise
en cours pour en souligner la fragiliet
analyse les ratégies mises en place et
leurs contraintes. Enn, une conclusion
e suggérée.
1. LÉCONOMIE DE LA RDC
AVANT LA CRISE
Comme la majorité des économies
africaines, celle de la RDC a subi les
conséquences de la crise nancière in-
ternationale via son impa sur l’ai-
vité économique mondiale. Ces consé-
quences de la crise apparaissent comme
un coup de frein, car léconomie congo-
laise était sur une phase ascendante bien
qu’elle accumulât des séquilibres qui
rendaient fragile la croissance. De la si-
tuation chaotique de la période daprès-
guerre (récession de respeivement
- ,et - , en  et ), la RDC
a aligdes taux de croissance du PIB
élevés avec une moyenne par an de
 à . Durant cette même période,
le niveau de vie moyen a faiblement aug-
menté par rapport aux attentes des ob-
servateurs. Néanmoins, pour un pays qui
a vu son PIB/habitant baisser continuel-
lement depuis le début des années ,
une augmentation tendancielle depuis
 e signicative. Lindice de déve-
loppement humain (IDH) du PNUD
montre dailleurs une faible progression
de  à . Il e passé de , à
,. Sur la base de cet indicateur, la
progression économique en RDC n’e
tout de même pas arrivée à sortir ce pays
du rang de lun des pays les plus pauvres
du monde. Ce pays eclassé à la e
place sur  en  parmi ceux qui
sont répertoriés dans le classement selon
le veloppement humain. Cet état de
choses e notamment au fait que ce
pays se trouvait dans une situation bien
désareuse avant le processus de reprise.
Avec laide et les recommandations
du FMI et de la Banque mondiale, plu-
sieurs mesures de abilisation macroé-
conomique et de formes ruurelles
ont été mises en place ou du moins lan-
cées. Lination moyenne annuelle e
reée assez élevée, mais bien loin des
 UNDP, uman evelopment eport, .
André Nyembwe Musungaie
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taux dination catarophiques d’avant
. En moyenne annuelle, le taux s’e
établi à  en  alors qu’il était en-
core eià , en . Durant la
période de redressement, il e en fait
reé en dessous de . Même dans la
geion des nances publiques une cer-
taine amélioration e perceptible, car
on epassé dun décit budgétaire glo-
bal de lAdminiration centrale (dons
y compris) de - . en moyenne pour
la période - à - , en 
en pourcentage du PIB. Ces évolutions
tendancielles favorables de léconomie
congolaise se retrouvent également dans
le développement de plusieurs seeurs
de léconomie et donc pas seulement
sur le plan macroéconomique. Ainsi,
plusieurs banques se sont inallées en
RDC, des entreprises de lécommu-
nication s’y sont veloppées, le seeur
minier a connu un certain essor avec
des eets dentraînement sur d’autres
aivités. La présence de la MONUC
(Mission de l’Organisation des Nations
Unies au Congo) et des initutions in-
ternationales joue également un rôle,
car elles y déploient une aivité intense,
source dinjeions de revenus.
Laccroissement daivités a été à
lorigine de la création demplois, no-
tamment dans des domaines nécessitant
des qualications particulières, avec
comme conséquence lembauche de
Congolais de la diaspora. Ainsi, il ne
pas rare de trouver dans plusieurs en-
treprises des grandes villes danciens di-
plômés des universités étrangères. Cette
main-dœuvre qualiée e composée
de Congolais ou détrangers dorigine
congolaise qui ont choisi dabandonner
 FMI, erspeives économiques régionales, frique subsa-
harienne, oobre .
leurs emplois ables pour rentrer tra-
vailler au Congo. Ceci eun indicateur
de la modication des anticipations sur
le caraère durable du regain daivité
économique dans ce pays. Les Congo-
lais « autochtones » salariés des entre-
prises et des initutions internationales,
les bénéciaires des rentes provenant de
laivipolitique, les entrepreneurs du
seeur privé formel comme informel
et la force de travail issue de la diaspora
conituent la nouvelle classe moyenne
qui bénécie en premier de laccrois-
sement du niveau des revenus. Ce
sur cette classe sociale et les nombreux
membres du personnel non nationaux
des initutions internationales que
s’appuie le développement de nombreux
services en plein essor. Le seeur de
l’HORECA (hôtellerie, reauration,
cafétéria), les supermarchés ainsi que
des aivités de loisir dans et à la péri-
phérie des grandes villes du pays en sont
des indices. Les revenus de cette « caté-
gorie sociale » composite sont tels que les
dépenses en biens de nécessité sont plus
que couvertes. Contrairement à la pé-
riode précédant la reprise, les revenus de
la nouvelle classe moyenne deviennent
supérieurs au seuil des dépenses en biens
et services primaires. Lexcédent, rendu
possible par la diribution de revenus
plus élevés, e maintenant dirigé vers
les loisirs et lépargne ; ce qui explique en
partie le regain des aivités bancaires.
Cette embellie économique n’oc-
culte cependant pas les déséquilibres et
les goulets détranglement qui, dune
part, pérennisent la fragilité de léco-
nomie congolaise et, dautre part, em-
pêchent un décollage franc de laivité
économique en entretenant notamment
la frilosité de plusieurs inveisseurs po-
tentiels. Nombre de ces obacles ont
L’économie de la République démocratique du Congo avant et pendant la crise
58 I Dounia N° 2
dailleurs conitué le lit sur lequel la
crise e venue s’inaller en RDC.
Plusieurs réformes ont été lancées
pour consolider la reprise économique
en RDC. Elles visaient notamment la
réduion de la corruption, l’assainisse-
ment du seeur minier, le relèvement du
niveau decacité de ladminiration et
de la collee des recettes scales, tout
cela rendant la chaîne des dépenses pu-
bliques plus transparente et eciente. À
la sortie, on devait arriver à un seeur
minier soutenu par des inveissements
lourds débouchant sur une indurie
«solidiée », un climat des aaires sen-
siblement amélioré, un environnement
daivi moins phagocy par la cor-
ruption et une geion plus saine des -
nances publiques qui aurait conduit à la
suppression du nancement monétaire,
alors que le concours des bailleurs exté-
rieurs aurait été garanti. On allait donc
évoluer dans un environnement de faible
ination. Que s’e-il passé ?
Plusieurs résultats ont été engrangés
sur le plan des réformes. La République
démocratique du Congo, après s’être do-
tée de nouveaux textes de lois censés as-
sainir les principaux seeurs daivité, a
adopté plusieurs mécanismes devant -
curiser les inveisseurs sous linspiration
de la Banque mondiale et des consul-
tants mandatés par les partenaires oc-
cidentaux. Un nouveau code minier, un
nouveau code foreier, un nouveau code
douanier, un nouveau code du travail, la
loi créant les tribunaux de commerce ont
ainsi vu le jour. Ladhésion à l’Initiative
pour la transparence dans les induries
extraives ou laliation à lOrganisa-
tion pour lharmonisation en Afrique du
droit des aaires (OHADA), qui obli-
gent de fait les autorités congolaises à se
conformer aux andards internationaux
en matière dinveissements et de pra-
tiques de règlement des litiges, ne sont
que quelques exemples des mécanismes
évoqués ci-dessus. Un processus de mise
en place dune chaîne transparente des
dépenses publiques avait été amorcé.
La lutte contre la corruption e même
bien engagée comme en témoignent
les multiples mesures disciplinaires, et
même pénales, sanionnant divers dé-
cideurs tels que les magirats. Toutes
ces mesures, couplées à la mise en place
dinitutions démocratiques, dont un
Parlement, font que lenvironnement
économique en RDC s’e amélioré.
Malgré tout cela, la RDC e tou-
jours rangée par la Banque mondiale à la
e place (sur ) dans le classement des
pays en termes de qualité du climat des
aaires. La persiance de la corruption,
une adminiration toujours très peu
performante et un décit de vitesse dans
la vision des contrats miniers conti-
nuent à susciter la méance de nombreux
inveisseurs potentiels. Par ailleurs,
lhéritage de la déruuration de la
Gécamines a déboucsur une congu-
ration émiettée du seeur minier avec
des inveissements minimaux et le dé-
veloppement de lexploitation artisanale
des minerais. Les réticences de la Com-
munauté internationale, à travers les re-
fus du FMI de conclure des programmes
ad hoc et donc dassurer le nancement
extérieur promis, se sont ajoutées aux ré-
sultats limités en termes de collee des
ressources scales. Tout cela a contribué
à faire perdurer le nancement moné-
taire du décit public. Comme faeur
aggravant, la poursuite du processus de
pacication à ledu pays a augmenté
la pression sur les dépenses publiques.
Comme la chaîne des penses connaît
des « ratés » par moments, le décit des
André Nyembwe Musungaie
cembre 2009 l 59
opérations du Trésor public demeure
une conante, même si le décit public
annuel, consolidé avec laide extérieure,
représente depuis un certain temps une
moindre part du pourcentage du PIB
par rapport aux pires années. Le seeur
extérieur de léconomie congolaise, bien
qu’aeé par lessor économique, pré-
sente aussi des séquilibres propices aux
perturbations dues à la crise. Le niveau
annuel des exportations a bien augmenté
de   de  à , celles-ci reent
essentiellement conituées de produits
primaires. Le diamant, le cuivre, le co-
balt, le zinc et le pétrole brut conituent
 des exportations. Le niveau annuel
des importations, conituées essentiel-
lement de biens de consommation qui
ne peuvent être produits localement, a
augmenté lui de  pour la même pé-
riode. La dépendance de léconomie des
importations e bien ruurelle.
On peut donc retenir que mal-
g cette phase de reprise po-conit,
léconomie de la RDC a conser des
faiblesses ruurelles, notamment en
ce qui concerne la gouvernance, la or-
ganisation du seeur minier, la geion
Groupe Afrique francophone au FMI et à la Banque
mondiale, « Impade la crise nancière sur les pays du
Groupe Afrique francophone au FMI et à la Banque
Mondiale », apport, décembre .
des nances publiques, la non-diver-
sication des exportations ou encore la
dépendance des importations à cause
dun seeur produif inecace. La
produion manufaurière e notam-
ment aeée par les coupures de cou-
rant, la vétué de loutil de produion
et le manque de compétitivité face aux
produits similaires impors.
2. LA DÉPENDANCE DU SECTEUR
EXTÉRIEUR ET LA NON-DIVERSIFICATION
DES EXPORTATIONS : FACTEUR STRUCTUREL
DE TRANSMISSION INITIALE DE LA CRISE
Ceau troisième trimere de lan-
née  que la crise a commencé à vir
en RDC. À en croire lindice ad hoc de
la Banque centrale du Congo, la pro-
duion indurielle a chuté de - , et
- , respeivement au troisième et au
quatrième trimere. Les seeurs tou-
chés étaient les mines, la manufaure et
la conruion. Le seeur des produits
primaires dexportation a été la tête de
pont de la crise économico-nancière
en RDC. Ceévidemment la congu-
ration dune économie à produion non
diversiée qui en e la cause.
Banque centrale du Congo, volution économique récente,
août .
Tableau 1
Évolution de l’indice d’activité économique globale et des indices sectoriels
ource : anque centrale
du ongo, .
Indice global d'activité Indices sectoriels
Taux de croissance
trimestriel En cumul Mines
et hydrocarbures Manufacture Construction Énergie Autres
1er trim. 08 2,5 2,5 18,3 0,1 10,8 3,2 14,5
2e trim. 08 6,7 9,4 3,2 5,5 8,4 - 9,6 - 5,4
3e trim. 08 - 1,8 7,5 0,7 - 6,6 - 4,7 2,4 18,1
4e trim. 08 - 1,1 6,2 - 11,0 - 3,0 - 1,4 - 2,4 0,3
1er trim. 09 - 4,6 - 4,6 - 6,7 - 1,2 2,3 - 0,3 1,8
2e trim. 09 - 1,3 - 5,8 - 3,7 1,7 3,1 0,2 1,9
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