N°4 Novembre 2006 AVIS D’EXPERT Bases Anatomiques des Algies Périnéales ➢ Dr Roger Robert , Service de neurotraumatologie, Hôtel Dieu, CHU Nantes et Drs : J.J.Labat – O. Hamel – M. Khalfallah – V. Roualdes – T. Riant T INTRODUCTION out est fait dans l’organisme pour que la douleur ne parvienne pas à la conscience. Seul un seuil d’excitation élevé va franchir les barrages imposés à la douleur et envahir le cortex. Ce peut n être qu’une simple alerte transitoire comme on le rencontre dans le cadre des douleurs aiguës. Ce peut être aussi un envahissement permanent du cortex avec des retentissements psycho-comportementaux propres à la douleur chronique. Pelvis et périnée sont deux régions distinctes dont l’innervation est différente. Avant d’étudier les voies de la douleur et leur système inhibiteur, il convient donc de faire quelques rappels sur l’innervation du pelvis et du périnée. I – RAPPELS D’ANATOMIE TOPOGRAPHIQUE L’embryologie nous apprend que la partie caudale de l’embryon possède des myotomes caudaux qui vont régresser et effectuer un mouvement d’ascension. Ils vont se placer autour du tube urinaire et du tube rectal, primitivement réunis dans un cloaque, et constituer autour d’eux une sangle musculaire, véritable diaphragme appelé le muscle levator ani. Ce muscle divise la région en deux parties : la portion supralevatorienne qui correspond au pelvis, la portion infra-levatorienne qui correspond au périnée. striés ainsi que les autres muscles striés de la région à savoir les muscles érecteurs (ischio-caverneux et bulbo-spongieux et transverses du périnée). Il faut d’emblée savoir que seul le système ortho-sympathique possède des fibres sensitives et est donc susceptible de transmettre la douleur. Le para-sympathique n’est lui que moteur. Le périnée bénéficie d’une double innervation, somatique par le nerf pudendal entre autres et végétative par le système orthosympathique. Concernant la sensibilité, cette région périnéale est sur le plan cutané innervée par le nerf pudendal essentiellement. Il faut noter cependant que des suppléances sont possibles puisqu’il existe des chevauchements métamériques émanant des nerfs ilioinguinal, ilio-hypo-gastrique, génitofémoral, clunéal inférieur. Ainsi s’explique sans doute l’absence habituelle de déficit sensitif lors de l’atteinte du nerf pudendal. L’innervation de ces deux structures est différente : le muscle levator ani est innervé par les troisième et quatrième racines sacrales puisqu’il est d’origine caudale. Accessoirement quelques branches issues du nerf pudendal peuvent contribuer à cette innervation. Au dessus de ce plan et donc dans la région pelvienne, l’innervation est purement végétative. Dans la partie infra-levatorienne c’est-à-dire dans le périnée, une condensation mésenchymateuse s’est faite autour des tubes urinaires et anaux séparés l’un de l’autre par l’éperon pelvi-périnéal. Ainsi se forment les sphincters striés de l’anus et de l’urètre. Le nerf pudendal est le roi du périnée. Lui seul va prendre en charge ces sphincters constitués de muscles 9 Le périnée reçoit également des fibres végétatives qui sont pour part médiées par le nerf pudendal qui a un fort contingent ortho-sympathique, d’autre part issues du plexus hypogastrique inférieur qui chemine dans les lames sacro-recto-génitopubiennes, et vont se délivrer aux structures effectrices végétatives et en particulier aux sphincters lisses. Au total : il y a donc dans le périnée deux types d’innervation : • une innervation somatique par le nerf pudendal, • une innervation végétative qui sur le plan sensitif est constituée par le système ortho-sympathique médié à la fois par le pudendal et par le plexus hypo-gastrique inférieur. Bases Anatomiques des Algies Périnéales AVIS D’EXPERT II – TRAJET DES FIBRES SENSITIVES AVANT LEUR ENTRÉE DANS LA MOELLE a) Les fibres somatiques Elles empruntent le trajet du nerf pudendal. Prenant en charge la peau de la marge anale, du pénis et des bourses ou du clitoris et des lèvres, de la région intermédiaire correspondant au noyau fibreux central du périnée, ces fibres suivent ensuite le trajet du nerf pudendal dans le canal pudendal d’Alcock tout d’abord, constitué par un dédoublement du fascia du muscle obturateur interne, se plaçant ensuite dans un plan supra-levatorien à leur sortie du canal. Elles contournent alors la partie distale du ligament sacroépineux ou l’épine sciatique, se plaçant médialement par rapport au nerf sciatique et se placent dans la région glutéale dans le canal infrapiriforme. Ensuite, ces fibres confluent vers leurs racines d’origine majoritairement S3 parfois S2 et S4 et pénètrent les trous sacrés pour remonter dans la queue de cheval et gagner la partie terminale sacrale de la moelle spinale. Au cours de leur trajet, ces fibres rencontrent des obstacles qui sont maintenant bien connus : le canal pudendal d’Alcock lui-même dont le fascia peut être épaissi et sténoser le nerf, le processus falciforme du ligament sacro-tubéral qui peut plaquer le nerf notamment à la partie dorsale du canal d’Alcock, la pince ligamentaire dans la portion rétrospinale entre ligament sacro-épineux et le ligament sacro-tubéral où le nerf peut être pris dans une véritable pince. b) Les fibres ortho-sympathiques Nous avons déjà dit qu’elles pouvaient être médiées par le nerf pudendal dont un tiers des fibres environ appartiennent à ce contingent. Cela explique certaines sensations végétatives avec des douleurs irradiantes, pluri-métamériques, responsables notamment de sensation de fesses froides, de scrotum froid de sensation de corps étranger intrarectal ou intravaginal. Par ailleurs ces fibres vont émaner des structures périnéales, gagner les lames sacro-recto-génito-pubiennes qui sont une condensation infrapéritonéale supra-levatorienne de mésenchyme noyant les vaisseaux et les nerfs. Ces fibres convergent dans le ganglion pré-viscéral qui est le ganglion hypo-gastrique inférieur qui collecte ces fibres et les envoie dans la chaîne ganglionnaire latérovertébrale ortho-sympathique d’une part, dans le nerf hypo-gastrique et le plexus hypo-gastrique supérieur d’HOVELACQUE situé en avant du promontoire en pré-aortique d’autre part. Ces fibres ortho-sympathiques vont nécessairement gagner la chaîne latéro-vertébrale. Le mode de migration de ces fibres se fait autour des artères qu’elles empruntent et habillent d’un fin treillis. La plupart des convergence se fait au niveau de la jonction thoraco-lombaire et notamment à l’étage L1L2. Les fibres ortho-sympathiques ont alors le devoir de quitter la chaîne latéro-vertébrale pour gagner une racine sensitive et donc dorsale avant leur pénétration dans la moelle. Nous comprendrons cette nécessité dans les paragraphes suivants. Précisons ici que les douleurs somatiques sont bien localisées, de façon radiculaire ou ici tronculaire alors que les douleurs végétatives, captées par plusieurs racines sont diffuses, plurimétamériques. 10 N°4 Novembre 2006 III - DANS LA MOELLE SPINALE La racine dorsale aborde donc la moelle spinale. Sont mêlées les fibres extéroceptives somatiques d’origine cutanée, les fibres proprioceptives d’origine musculaire, osseuse tendineuse et ligamentaire, les fibres végétatives à la fois médiées par les nerfs somatiques et notamment par le nerf pudendal qui nous intéresse ici et par les fibres d’origine viscérale que nous avons déjà vues et qui ont quitté la chaîne latéro-vertébrale (Figure 1). Figure 1 : Les trois feuillets embryonnaires Les fibres exteroceptives (1) , proprioceptives (2) et interoceptives pénètrent la corne grise dorsale de la moelle via la racine dorsale. Les trois feuillets embryonnaires (ectoderme, mésoderme et endoderme) transmettent donc des influx douloureux. Dans la moelle les fibres extéroceptives d’origine cutanée s’arrêtent au niveau de l’apex de la corne grise dorsale. Les fibres proprioceptives rejoignent l’isthme. Les fibres intéroceptives gagnent la base(Figure 2). Il y a donc trois tissus embryonnaires ectoderme, mésoderme, et endoderme ; trois sensibilités extéroceptive, proprioceptive et intéroceptive ; et trois douleurs possibles d’origine cutanée, d’origine musculaire, d’origine viscérale. Ces fibres peuvent donc transmettre la douleur or il n’existe qu’un faisceau nociceptif : le tractus spino-thalamique. Les trois fibres précédemment citées AVIS D’EXPERT Bases Anatomiques des Algies Périnéales Figure 2 : Répartition des protoneurones de la sensibilité douloureuse dans la corne grise dorsale. Les fibres extéroceptives (bleues) gagnent l’apex, les proprioceptives (vertes) l’isthme, les intéroceptives (violettes) la base. se terminant dans l’apex, l’isthme et la base vont donc devoir se projeter sur l’origine du tractus spinothalamique dans la lame V de REXED c’est-à-dire dans la région isthmique de la corne grise dorsale. Des inter neurones sont ainsi nécessaires et il existe une convergence entre les influx d’origine cutanée, mésodermique et endodermique. Les fibres du tractus spino-thalamique ainsi constituées vont croiser la ligne médiane, et donc décusser pour former le tractus spinothalamique dans la partie ventrolatérale de la substance blanche de la moelle, lequel se répartit en deux tracti principaux : le spino-thalamique ventral et le spino-thalamique dorsal (Figure 3). Ce faisceau transporte la sensibilité thermique et douloureuse. La nécessaire convergence tient au fait que les fibres somatiques qui vont se prolonger dans la moelle, le tronc cérébral, le thalamus vont ensuite être enregistrées sur le cortex pariétal qui a pour mission de localiser la douleur. IV - DANS LE TRONC CÉRÉBRAL A ce niveau siège la formation réticulée qui est composée de trois groupes nucléaires (Figure 4) ; Figure 3 : Constitution des tracti spino-thalamiques Les fibres de la douleur convergent sur des neurones qui vont constituer le tractus spino thalamique, deuxième neurone de la sensibilité douloureuse. Ici ne sont représentées que les fibres exteroceptives. Elles gagnent l’apex de la corne grise dorsale. Un interneurone (oranger) les amènent au neurone convergent constituant dans l’isthme de la corne grise dorsale le tractus spinothalamique (bleu entouré de jaune). De la même façon, les fibres d’origine mésodermique (proprioceptives) et endodermiques (intéroceptives) vont projeter sur ce tractus. Ainsi dans le tractus spinothalamique sont rassemblées toutes les informations douloureuses. Le spinothalamique ventral renseignera sur la topographie de la douleur ; le spinothalamique dorsal sur ses caractéristiques ( brûlure, pincement, torsion, etc ). Les noyaux du raphé appartenant à la réticulée facilitatrice ascendante qui reçoivent des impressions sensitives et sensorielles, et envoient des projections dans les corps striés et le cervelet expliquant les comportements moteurs automatiques face à la douleur, dans l’hypothalamus sur lequel nous reviendrons de même que dans l’hippocampe qui sera traité plus tard. Les noyaux centraux de la réticulée constituent la réticulée descendante ou motrice et vont se charger de l’état de contraction des muscles notamment face à la douleur. 11 N°4 Novembre 2006 Figure 4 : Les trois composantes de la formation réticulée : 1 Réticulée facilitatrice ascendante responsable de l’éveil explique l’insomnie liée à la douleur. Elle renforce le gate control par le tractus réticulospinal ( oranger). 2 Réticulée descendante motrice qui règle le tonus musculaire 3 Réticulée latérale végétative projetant dans les sphères corticales buccales ( jaune ), sur les émonctoires (oranger), et sur le système cardiopneumo-vasculaire (violet). Les noyaux de la réticulée latérale de valeur végétative vont projeter sur l’insula et le noyau amygdalien et expliquent les comportements buccaux face à la douleur (cris, pleurer, morsure), une projection se fait au niveau des sphincters et peut expliquer leur faiblesse face à la douleur, un autre contingent de fibres va vers les organes thoraciques et les gros vaisseaux expliquant les variations tensionnelles face à la douleur. Le tractus spino-thalamique ventral monte dans le tronc cérébral (Figure 5) et va s’attacher à la partie dorsale du lemniscus médial de REIL. Ce lemniscus médial n’est que le deuxième neurone prolongeant les tracti graciles et cunéïformes de GOLL et BURDACH qui constituent les cordons dorsaux de la moelle. Le lemniscus médial ne transporte aucune sensibilité douloureuse. Il transmet des informations exté- AVIS D’EXPERT Bases Anatomiques des Algies Périnéales traverser cette réticulée qui nous le verrons est un filtre de la douleur. Si le stimulus est suffisant, ces différentes fibres vont gagner à petite vitesse le thalamus. V - DANS LE THALAMUS Figure 5 : le tractus spinothalamique ventral (1) monte rapidement vers le thalamus en accompagnant la voie lemniscale ( 3 ) pour renseigner sur la topographie douloureuse. Le tractus spinothalamique dorsal (2) monte à petite vitesse vers le thalamus et envoie des fibres dans la réticulée qui va analyser la douleur, renforcer le gate control spinal et si besoin remonter les informations nociceptives au thalamus. roceptives discriminatives (la sensibilité fine), et la sensibilité proprioceptive consciente celle qu’utilise le funambule pour être en permanence informé de la position de son corps par rapport à l’espace. Cette voie lemniscale est une autoroute et monte très vite vers le thalamus. Le spino-thalamique ventral est donc un opportuniste. Il va s’attacher à cette voie comme le fait un cycliste à une mobylette pour progresser plus vite et va gagner ainsi très rapidement le thalamus. Le tractus spino-thalamique dorsal a une autre destinée. Certaines de ses fibres vont monter dans le tronc cérébral à petite vitesse et gagner à grand peine le thalamus. D’autres, et elles sont nombreuses, vont percuter la formation réticulée et au prix de nombreuses synapses essayer de Le thalamus est un gros noyau gris central et encéphalique. Il constitue ce que LHERMITTE a appelé le filtre de la douleur. Les différentes sensibilités que nous avons vues vont percuter le noyau latéro-ventral postérieur du thalamus et y être analysées. Ce thalamus enverra ses impressions au cortex, c’est-à-dire à la conscience seulement si la douleur vaut la peine d’être vécue consciemment. Dans le cas contraire, c’est-à-dire la plupart du temps il va négocier avec le cervelet, les corps striés pour agencer une motricité automatique qui, par exemple, va faire varier les points de pression en position assise, le croisement et le décroisement automatique des jambes avant que ne surviennent des effets délétères (escarrification cutanée, ou compression des nerfs intéressés par cette posture (exemple : le nerf fibulaire commun sur la tête fibulaire). VI - DANS L’HYPOTHALAMUS La réticulée va envoyer ses informations notamment douloureuses à l’hypothalamus. La description qu’en a fait CUSHING est exemplaire : « dans cette zone archaïque de la base du cerveau que l’ongle du pouce pourrait cacher, se dissimule le ressort essentiel de la vie instinctive et affective que l’homme s’est efforcé de recouvrir d’un manteau, d’un cortex d’inhibition ». Harvey CUSHING voulait dire par là que cet hypothalamus ou cerveau végétatif vrai commande le système 12 N°4 Novembre 2006 végétatif, répercute ses informations bruyamment sur les structures effectrices (tronc cérébral avec les nerfs crâniens et moelle épinière avec les nerfs spinaux). On peut le schématiser facilement en quatre noyaux : les noyaux trophotropes situés ventralement sont responsables de l’entretien de la trophicité. Ainsi s’explique par exemple le manque d’appétit que procure habituellement la douleur. Les noyaux hypophysiotropes situés sous les précédents commandent la glande hypophyse et son système hormonal. L’aménorrhée des femmes douloureuses chroniques est explicable par ce phénomène. Le noyau ergotrope du dorsal est la véritable dynamo de l’organise et va expliquer le manque d’entrain qu’ont habituellement les douloureux chroniques avec un penchant vers un état dépressif. Le noyau mnémotrope situé sous le précédent est chargé d’emmagasiner dans sa mémoire les phénomènes douloureux. Cette dernière fonction est importante. La mémoire de la douleur permet de mieux se préparer à une douleur identique survenant éventuellement. VII - DANS LE CORTEX LIMBIQUE Dans un but de simplification, nous ne nous intéresserons qu’à sa fonction émotionnelle et mnésique (Figure 6). Le circuit HMTC (hippocampomamillo-thalamo-cingulaire) décrit par PAPEZ nous explique que les différents points du néo-cortex vont projeter dans l’hippocampe ventral ensuite ses lequel projette informations sur le tubercule mamillaire (noyau hypothalamique déjà vu) qui transmet au noyau antérieur du thalamus lequel projette dans le cortex limbique ou cortex péri-calleux de BROCA. Mémoire et AVIS D’EXPERT Bases Anatomiques des Algies Périnéales VIII - LES PROJECTIONS NÉOCORTICALES Figure 6 Circuit Hippocampo-mamillothalamo-cingulaire de Pappez : il transporte à la fois la douleur et l’émotion. Le premier neurone (oranger) reçoit des informations corticales sur la douleur vécue consciemment, et à partir de cette structure bosselée correspondant à l’hippocampe les transmet via le fornix au tubercule mamillaire qui appartient à l’hypothalamus (noyau mnémotrope). De là un court tractus (bleu) projette sur le thalamus antérieur (tractus mamillo thalamique de Vicq d’Azyr. Le thalamus filtre les informations et si besoin ou nécessité les transmet ( flèche vert) au cortex péricalleux. La douleur s’accompagne alors de phénomènes émotionnels et est stockée en mémoire. émotion utilisent le même parcours, ce cortex explique les réactions émotionnelles face à la douleur et à titre d’exemple les noyaux du septum vont projet les informations limbiques au niveau des noyaux des nerfs crâniens du tronc cérébral. Parmi ces noyaux le nerf facial va jouer un rôle important dans l’expression de la sensation douloureuse : le sujet a un masque sardonique par le biais de la contraction des peauciers de la face sous l’impulsion du noyau branchial moteur du VII. Parallèlement le noyau lacrymo-muco-nasal parasympathique du VII entraîne les larmes qui accompagnent habituellement les pleurs. C’est là une expression visible du sentiment douloureux. Revenons un peu sur le thalamus où nous avons vu converger dans le noyau latéro-ventral postérieur le tractus spino-thalamique dorsal et le spino-thalamique ventral. Ce dernier, qui a bénéficié de l’autoroute de la sensibilité ou voie lemniscale pour gagner rapidement le thalamus va être dirigé par lui sur le gyrus post central ou circonvolution pariétale ascendante qui est organisée sous forme d’homonculus où chaque partie du corps est cartographiée. Il est important en effet de savoir rapidement où siège la douleur. Le tractus spinothalamique dorsal et les fibres spinoréticulothalamiques projettent plus lentement dans le cortex préfrontal où se fait l’analyse de la douleur, ce qui est moins urgent. N°4 Novembre 2006 dégagées de toute fonction nociceptive. Pourtant leur simple effleurement lors de la chirurgie de la moelle quand elle se pratiquait sous anésthésie locale déclenchait des douleurs vives comparables à celles du tabès. Or les patients tabètiques ont une destruction de ces tractus. Wall et Melzack ont élucidé ce problème par leur théorie du Gate Control ((Figure 7) qui, si elle est parfois remise en cause , explique cependant bien des phénomènes cliniques. En fait les fibres de la racine spinale dorsale sont compétitives. On peut opposer les fibres A alpha qui sont rapides aux IX - LES SYSTÈMES INHIBITEURS Ils sont nombreux , diffus , et vont s’efforcer de ne pas faire parvenir au l’impression douloureuse néocortex . A) Au niveau de la moelle spinale : Nous avons décrit les petites fibres qui pénètrent dans la substance grise et qui vont donner naissance au tractus spino-thalamique . Dans la racine dorsale passent également des fibres extero et proprioceptives qui vont constituer les tractus dorsaux gracile et cunéiforme de Goll et Burdach. Ces fibres sont très myélinisées, conduisent rapidement l’influx, et ont un seuil d’excitation bas. Ce sont des fibres A alpha. Elles transmettent les sensibilités exteroceptive discriminative et proprioceptive consciente et sont 13 Figure 7 : Gate control de Wall et Melzach : bien que discuté, il permet de comprendre l’inhibition douloureuse métamérique des fibres nociceptives par les collatérales des fibres myélinisées allant constituer les cordons dorsaux. Les grosses fibres A alpha constituant les cordons dorsaux ne transmettent pas la douleur mais envoient des collatérales ( oranger) sur les interneurones issus des voies nociceptives provenant des trois feuillets. Ainsi s’établit un barrage à la douleur. Les fibres nociceptives A beta et C sont lentes, les A alpha rapides. La douleur est désavantagée. La stimulation des cordons dorsaux renforce le gate et est une des voies efficaces du traitement de la douleur neurogène. AVIS D’EXPERT Bases Anatomiques des Algies Périnéales fibres A delta et C, lentes et difficilement excitables. Ces dernières ont été décrites précédemment. Ce sont celles émanant des trois feuillets et qui vont après synapse constituer le tractus spinothalamique. L’influx porté par les A alpha arrive à la moelle en premier. Des collatérales issues des tractus gracile et cunéiforme vont gagner la corne grise dorsale et par des moyens complexes vont fermer la porte à la douleur (Gate) l’empèchant d’être captée par les neurones convergents. En pratique courante d’ailleurs la stimulation de ces grosses fibres par frottement par exemple après une brûlure superficielle va renforcer le gate et rendre la douleur supportable. La stimulation cutanée et la stimulation des cordons postérieurs procèdent du même phénomène. B) Au niveau du tronc cérébral : La formation réticulée est, comme nous l’avons dit, un filtre de la douleur, rendant périlleux le trajet des fibres spino-réticulothalamiques. Certains noyaux réticulaires, particulièrement denses au niveau du mésencéphale dans la substance grise péri aqueducale vont envoyer vers la moelle spinale des fibres sérotoninergiques via les tractus réticulo-spinaux qui auront pour mission de renforcer le Gate Control . C) Au niveau des autres structures : De nombreux systèmes inhibiteurs diffus de la douleur sont sans cesse mis à jour. Il serait fastidieux de les citer. Un fait récent mérite cependant d’être retenu. Des équipes neurochirurgicales travaillent actuellement sur la stimulation corticale antalgique. Leur cible est en fait, et sans explication scientifique probante à l’appui, le néocortex moteur au niveau du gyrus précentral (aire de Rolando). Le cortex moteur ainsi stimulé renforcerait le filtre thalamique. Ce qu’il faut RETENIR La connaissance des voies de la douleur guide le thérapeute pour la prise en charge des patients douloureux. Il faut tout d’abord identifier ce qui est une douleur pelvienne et ce qui est une douleur périnéale. C’est relativement facile lorsque seul le périnée est douloureux . Après avoir éliminé une pathologie tumorale par exemple, la responsabilité du nerf pudendal doit être évoquée. Devant un tableau typique de douleurs positionnelles (en position assise), l’examen neurologique étant normal, on évoque un syndrome canalaire. L’EMG peut aider lorsqu’il retrouve une augmentation de la latence distale. Associées au traitement médical des douleurs neuropathiques, les infiltrations constituent un test diagnostique et une arme thérapeutique. La diffusion des douleurs dans le pelvis et /ou dans les membres inférieurs fait évoquer une réaction musculaire réflexe ou une participation végétative. Les douleurs pelviennes doivent faire rechercher une pathologie dont le traitement peut être spécifique (kyste de l’ovaire, endométriose, cystite interstitielle, vestibulite vulvaire, etc) . 14 N°4 Novembre 2006 Si aucune cause n’est retrouvée, il faut se résoudre à traiter la douleur en tant que telle. Les neurostimulations, les blocs pluri étagés sont guidés par la distribution des fibres orthosympathiques. Le traitement peut être la destruction de ces voies en restant le moins agressif possible. Les rameaux communicants sont une cible encore à l’étude. Leur destruction n’entraine a priori aucune conséquence ni somatique ni végétative. Leur infiltration radioguidée commence à se codifier. L’important est de penser à un processus neurologique comme cause de la douleur et d’arrêter de sacrifier chirurgicalement des organes qui ne sont que des victimes, alors à double titre.