CR Séance inter-académique VF 2012.11.21 SG 1/18
« Résistance aux antibiotiques : une impasse thérapeutique ?
Implications nationales et internationales »
Séance thématique inter-académique
sous le haut Patronage
de la Ministre des Affaire sociales et de la Santé
de la Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche
du Ministre de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt
Séance en hommage au Pr René
DUBOS
Mercredi 21 novembre 2012
Compte-rendu
Accueil général et Introduction générale
Pr Jean-Paul CHIRON, Président de l’Académie nationale de Pharmacie,
Le Pr Jean-Paul CHIRON souhaite la bienvenue à tous les participants, membres des quatre Académies organisatrices
de la séance thématique et professionnels intéressés de divers horizons, à différents niveaux, à l’antibiothérapie. Il
remercie également les autorités du Val-de-Grâce et notamment, le Directeur de l’École du Val-de-Grâce, en la
personne du Médecin Général Inspecteur, Maurice VERGOS, ainsi que le Chef du Cabinet, le Commandant Patrick
LEMPEREUR qui a assuré l’accueil logistique de cette journée.
En mémoire à Ernest DUCHÊNE
Jean-Paul CHIRON rappelle qu’Ernest DUCHESNE (1874-1902), interne au Val-de Grâce, a soutenu sa thèse de
doctorat en médecine sur le sujet : "Contribution à l’étude de la concurrence vitale chez les micro-organismes :
antagonisme entre les moisissures et les microbes"(17 décembre 1897). Ernest DUCHESNE peut être considéré
comme "le théoricien précurseur de l'antibiothérapie"(voir l’ouvrage « l'histoire contemporaine des médicaments »
de François CHAST).
Origine de cette séance inter-académique
Il y a 18 mois après discussion avec André-Laurent PARODI, vice-président, à l’époque, de l’Académie de médecine,
le thème de l’antibiorésitance a été retenu comme sujet de séance bi-académique. Il a paru immédiatement justifié
d’adjoindre à la préparation de cette séance l’Académie Vétérinaire de France. Très rapidement, le Comité
d’organisation mis en place a jugé qu’il était important que l’Académie d’Agriculture de France soit également
partie prenante dans la préparation de cette journée dédiée à l’antibiorésistance.
Pourquoi ce thème ?
L’antibiorésistance est un problème de santé publique. La difficulté des traitements liée à la multi-résistance
bactérienne et, l’absence de molécules réellement innovantes sont un sujet préoccupant et d’actualité. Sur le plan
fondamental, l’accumulation de gènes de résistance dans une même bactérie impliquant une co-résitance a été
démontrée aussi bien dans les pays industrialisés que dans les pays en développement. Ces gènes de résistance
peuvent co-exister avec ceux de la virulence. Sur le plan environnemental, la multiplication actuelle des échanges
favorise la diffusion bactérienne des mécanismes de résistance, voire de virulence. La sélection possible de bactéries
multirésistantes dans les centres de soins comme l’hôpital, chez l’animal ou encore dans l’environnement reste un
problème majeur. La gestion des rejets dans l’environnement susceptibles de contaminer l’environnement par des
germes pathogènes et des métabolites médicamenteux doit être évaluée et gérée. Sur le plan politique,
ACADÉMIE NATIONALE DE PHARMACIE
Santé Publique, Médicament, Produits de santé
Biologie, Santé et Environnement
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l’antibiorésistance correspond à une problématique particulièrement complexe qui met en jeu plusieurs niveaux
d’analyse impliquant à la fois une réflexion globale et des actions locales. Tous ces éléments ont sous-tendu la
préparation et l’organisation de cette journée.
Jean-Paul CHIRON remercie le Comité d’organisation des quatre Académies. Il remercie plus particulièrement pour
leur investissement le Secrétaire Perpétuel de l’Académie Vétérinaire de France, Patrick LE BAIL et la Secrétaire
Générale de l’Académie nationale de Pharmacie, Agnès ARTIGES. Enfin, il remercie les conférenciers et les
modérateurs des différentes sessions pour leurs réponses sans réserve à l’invitation qui leur a été faite.
Pr André-Laurent PARODI, Président de l’Académie Nationale de Médecine
Le Pr André-Laurent PARODI s’associe aux remerciements de Jean-Paul CHIRON. Il remercie plus particulièrement
l’assistance qui, par sa présence, exprime son intérêt pour le thème de cette séance.
"Ce thème est au centre de l’actualité médicale et sanitaire. L’importance du sujet est confirmée :1) par la
multiplicité des réunions, des colloques, des publications sur le sujet (ANSES, OIE, etc…) ; 2) par les actions
conduites par le Ministère de la Santé (DGS) : plans nationaux 2001-2005, 2007-2010, 2011-2016 ; 3) par la journée
européenne de sensibilisation au bon usage des antibiotiques (18-11) ; 4) par la semaine de la sécurité des patients.
La présence d’une assistance nombreuse révèle l’intérêt de l’architecture de ce colloque :
réunion de quatre Académies, chacune d’elles renvoyant à l’un des grands secteurs de l’utilisation des
antibiotiques ;
plutôt que de stigmatiser telle ou telle pratique dans tel ou tel secteur, il a été fait appel aux meilleurs
spécialistes, dans chacun de ces secteurs de manière à éclairer notre jugement ;
il a également été fait appel aux représentations nationales, aussi bien qu’européennes et internationales.
Les exposés qui se succéderont au cours de la journée seront clôturés par une table ronde sur "les politiques
sanitaires et le rôle des professionnels". A cette table ronde, prendront part les représentants des grands corps
professionnels impliqués dans l’usage des antibiotiques. L’expression, par chacun d’eux, de sa vision des politiques
à proposer dans l’utilisation raisonnée et responsable des antibiotiques, est attendue.
Des recommandations seront tirées de ces communications et de la table ronde. Elles s’efforceront de répondre, de
manière argumentée, aux questions soulevées".
Pr Jeanne BRUGÈRE-PICOUX, Président de l’Académie Vétérinaire de France
"En France, de nombreuses initiatives ont été mises en place depuis quelques années pour promouvoir l’usage
prudent des antibiotiques en médecine vétérinaire.
C’est le cas, en particulier depuis 2010, de l’organisation par la Direction Générale de l’Alimentation (DGAL) d'un
plan national de réduction des risques d'antibiorésistance, avec la création d'un comité de pilotage du plan national
Ecoantibio qui vise à aboutir, en 2017, à une réduction de 25 % de l’usage des antibiotiques en médecine
vétérinaire.
Même avant que des conclusions soient tirées des travaux conduits par la DGAL, des actions ont déjà été
entreprises dans certains secteurs professionnels. C'est, par exemple, le cas de la filière porcine, encadrée pas
l'association très dynamique qu'est l'AFMVP (Association Française de Médecine Vétérinaire Porcine) qui, entre
2010 et 2011, a limité l’utilisation des phalosporines de dernières générations : l’exposition des porcs à cette
famille a diminué de 52 %.
Concernant l'évaluation des antibiorésistances, les vétérinaires impliqués dans la médecine des animaux de rente
ont été, depuis longtemps, très attentifs à cette question, d'une part du fait de la nécessité de faire respecter aux
éleveurs les délais d'attente, et par la création dès 1982 par notre confrère Jean-Louis MARTEL du réseau RESABO
(pour bovins) qui s’est maintenant structuré depuis 2011 en réseau RESAPATH sous la gouvernance de l’Anses.
Ce réseau est co-animé par les laboratoires de Lyon et de Ploufragan. Il comporte deux parties, l'une (ex-
RESABO) pour la filière bovine et l'autre, affectée aux filières aviaires et porcines. Ces deux parties sont membres
de l’observatoire national de l’épidémiologie de la résistance bactérienne aux antibiotiques (ONERBA) qui fédère,
par ailleurs, 16 autres réseaux de surveillance consacrés à divers aspects de la médecine humaine, mettant ainsi en
commun des données humaines et animales de la résistance bactérienne.
Le réseau vétérinaire RESAPATH existe grâce au maillage des laboratoires vétérinaires départementaux qui nous
sont indispensables dans ce domaine comme pour la surveillance des maladies animales émergentes. La décision
qui avait été prise de ne plus laisser l’accès des vétérinaires au DES de formation aux analyses biologiques qui s'est
alors trouvée réservée aux médecins et aux pharmaciens a été une grande erreur car, on ne trouve que ce que l’on
cherche et, pour chercher puis interpréter, il importe de maintenir et de favoriser la présence des vétérinaires dans
ces seaux de laboratoires de diagnostic destinés aux maladies animales. Une formation clinique spécialisée dans
les maladies animales est indispensable dans ces laboratoires de diagnostic.
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Au terme de cette journée où il y aura des recommandations, la principale recommandation de l’Académie
vétérinaire de France sera celle de l’accès des vétérinaires au même titre que les médecins et les pharmaciens au
DES de formation aux analyses biologiques, comme c’était le cas avant l’intervention de Mme Roseline
BACHELOT. Ceci a entraîné un désamorçage du recrutement vétérinaire dans les laboratoires de diagnostic".
Jean-François COLOMER, Président de l’Académie d’Agriculture de France
"Je souhaite vous dire, en introduction à ce colloque, que je suis très heureux que notre académie se soit associée à
cette manifestation et aborder quelques aspects qui relèvent de nos compétences.
En France les antibiotiques ne sont pas utilisés pour les cultures de plein champ qui doivent faire face à d’autres
types de résistances. De ce fait, elles ne participent pas directement à la pression de sélection de bactéries
résistantes. En revanche leur utilisation, en particulier en élevage intensif, et leur diffusion dans la nature ne sont
pas sans poser quelques problèmes comme nous l’a indiqué le Président de l’Académie vétérinaire. A l’étranger,
outre l’élevage, des applications localisées en pulvérisation sont toutefois autorisées de manière ponctuelle pour la
protection des arbres fruitiers.
La fertilisation des plantes cultivées a recours aux déjections animales (fumier, lisier…), qui peuvent être un facteur
de dispersion de bactéries ayant acquis une résistance dans le cadre des soins prodigués aux élevages. Il est
important de souligner que la réglementation actuellement en vigueur a instauré, voici plus de dix ans, un ensemble
de mesures agronomiques conçues pour préserver la ressource en eau de la contamination par les nitrates. Ainsi,
depuis les années 1990, les plans de maîtrise des pollutions organiques, la protection des bords de rivières…
contribuent très largement à réduire cette nuisance. Ces dispositifs ont été mis en place avec beaucoup d’efforts –
par le monde agricole tout comme, plus récemment, le plan « Ecophyto ». Conçus initialement pour préserver la
qualité de l’environnement, ils sont de nature à limiter la dispersion des bactéries résistantes dans les sols et les
milieux aquatiques. Compte tenu de leurs bénéfices multiples, ces efforts doivent être poursuivis.
Très peu de travaux ont été réalisés pour approfondir le devenir des antibiorésistances et des gènes correspondants
dans l’eau, dans le sol et dans ses communautés microbiennes. Ainsi une étude américaine a montré que les
activités humaines se faisaient ressentir sur les bactéries retrouvées dans la rivière South Plate aux Etats-Unis. Dans
la revue Sciences du 31 août dernier Kevin Forsberg a démontré que le sol est un réservoir environnemental de
gènes de résistance aux antibiotiques qui permet l’échange de pathogènes cliniques humains avec des bactéries du
sol devenues multi-résistantes à cinq classes d’antibiotiques. Ces observations sont confirmées par le centre de
recherche, d’expertises et de contrôles des Eaux de Paris.
Pour lutter contre l’antibiorésistance, il existe de vastes domaines d’action touchant à la fois à l’agronomie, aux
recherches fondamentales et à la compréhension de notre environnement naturel.
Ces diverses disciplines me conduisent à évoquer la mémoire et surtout les travaux d’un grand agronome français,
René Dubos, qui a fait toute sa carrière aux Etats-Unis au Rockefeller Institute dans la recherche fondamentale en
microbiologie puis en médecine, avant de se tourner vers les sciences de l’environnement et la philosophie. En
1939, il a découvert le premier antibiotique, la Tyrothricine, à partir d’un germe du sol, le Bacillus brevis. Elu en
1941 à l’Académie des Sciences des Etats-Unis, honoré par le Prix Albert Lasker en 1948, il est l’auteur de très
nombreux ouvrages à succès dans lesquels il a développé une pensée originale sur l’homme, la santé, la société,
saluée à Stockholm en 1972 lors du premier sommet mondial de l’environnement dont il était le co-président. Dès
les années cinquante, il mettait en garde la communauté scientifique et les pouvoirs publics sur les dangers
qu’entraînerait une consommation excessive d’antibiotiques. Mais porteur d’espérance, il estimait aussi possible de
surmonter de telles situations grâce à l’imagination et à l’effort concerté des hommes et des femmes de bonne
volonté. C’est tout l’intérêt de ce colloque organipar nos quatre Académies, qui nous réunit afin d’approfondir
toutes ces questions et surtout, de rechercher et de proposer des solutions à mettre en œuvre".
* * *
« Résistance aux antibiotiques : gènes sans frontières »
Pr Patrice COURVALIN, Directeur de l'Unité des Agents Antibactériens de l'Institut Pasteur de Paris, membre de
l’Académie des technologies
L’évolution des bactéries vers la résistance est inévitable car elle représente un cas particulier de l’évolution
générale des bactéries. Elle résulte de deux étapes indépendantes : l’émergence et la dissémination, quoique, et
comme il sera présenté, le mécanisme de la première peut influencer largement le succès de la seconde. Par ailleurs
les antibiotiques influent sur ces deux évènements. La résistance aux antibiotiques est secondaire à des mutations
dans des gènes résidents de structure ou de régulation ou à l’acquisition horizontale d’information génétique
étrangère.
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La survenue de mutations est un mécanisme efficace de résistance. Elles sont considérées comme rares car
surviennent à des fréquences faibles. Cependant, cette limitation est facilement contournée car, au cours des
infections humaines, les populations bactériennes sont très importantes. Il a été montré récemment que le stress
provoqué par de faibles concentrations d’antibiotiques entraînait une augmentation du taux de mutation. Les
antibiotiques se comportent alors comme des mutagènes aléatoires responsables de la résistance à diverses classes
d’antibiotiques alors que la bactérie reste sensible à la molécule utilisée.
Les antibiotiques peuvent également augmenter le transfert de gènes. De faibles concentrations induisent la
transformation génétique chez Streptococcus pneumoniae, un processus qui permet l’incorporation dans la bactérie
réceptrice et l’intégration dans le génome d’ADN exogène ; ce phénomène rend les mutations chromosomiques
transférables. Il a été également montré que de faibles concentrations de tétracycline augmentaient, d’un facteur 10
à 100, à la fois in vitro au laboratoire et in vivo en modèle animal murin le transfert de transposons conjugatifs.
Ainsi donc, et par les mécanismes ci-dessus, la résistance, soit par mutation soit par acquisition de gène, peut être
dramatiquement augmentée par la présence de faibles concentrations d’antibiotiques dans l’environnement des
bactéries. Dans la mesure où la dissémination de la résistance est étroitement corrélée à l’ampleur de la pression de
sélection, le seul espoir est d’essayer de retarder cette dissémination. Ceci laisse une seule recommandation :
l’usage des antibiotiques doit être prudent, ciblé et raisonné.
Questions, Commentaires, Réponses
Anne TOURATIER (Q) : Pouvez-vous nous indiquer à quelles concentrations d’antibiotiques sont observés les
phénomènes de mutation et de transfert de gènes ?
R : On n’a pas étudié jusqu’où on pouvait descendre en termes de concentration. En général, au laboratoire, on
utilise 1/32, 1/64 de la CMI, mais on peut descendre beaucoup plus bas. Pour la vancomycine, par exemple, 1/100,
1/200 de la CMI entraîne une modification totale de la paroi bactérienne et la résistance aux antibiotiques.
Pierre BOURLIOUX (Q) : j’ai lu un article qui montrait que l’on pouvait combattre des plasmides de résistance aux
antibiotiques par d’autres plasmides.
R : on peut lutter contre la dissémination de la résistance plasmidique, soit en remplaçant un plasmide de multi-
résistance par un autre plasmide dépourvu de mécanisme de résistance, soit en inhibant la conjugaison en utilisant
des antibiotiques qui ont une activité sélective au niveau de l’ADN, mais, il y a deux problèmes :1) pour les
antibiotiques inhibiteurs de l’ADN, ce sont des mutagènes qui sont très toxiques, ils sont inutilisables en clinique ;
2) par ailleurs, ce mécanisme ne marche jamais à 100 % ; Or il suffit qu’il reste quelques bactéries, dans
l’environnement, avec des gènes de résistance, pour que, dès que l’on -utilise l’antibiotique, ces bactéries se
multiplient et transférent leur ADN. Dans ces conditions, la population bactérienne va devenir très majoritairement
résistante. On peut considérer que la résistance est irréversible dans la nature.
Olivier PATEY (Q) : les doses sub-inhibitrices d’antibiotiques entraînent un stress au niveau de la bactérie et donc,
une fragilisation. Qu’est ce qui se passe si, en utilisant des antibiotiques à doses sub-inhibitrices, on rajoute un
antibiotique pour lequel la bactérie est résistante mais dans une situation de fragilisation ? Est-ce qu’on restaure une
certaine activité ou même, en utilisant un antibiotique actif, est-ce qu’on a une plus grande rapidité d’action sur la
bactérie en termes de bactéricidie?
R : il n’y a pas tellement de fragilisation. Quand on pense en termes de bactéries, il faut penser en termes de
populations bactériennes extrêmement importantes qui sont dans des états variés. L’induction d’un stress (lésions
au niveau de l’ADN) entraîne une variété de la population et une meilleure survie de la population parce que des
bactéries mutantes vont pouvoir émerger et résister, soit au même antibiotique à fortes doses, soit à un autre
antibiotique.
1ère SESSION
ÉTAT DES LIEUX ET CONNAISSANCES SCIENTIFIQUES DES RÉSISTANCES
Modérateurs : Pr Philippe THIBAULT et Pr Patrice COURVALIN
Les processus que l’on connaît et ce qui reste à découvrir.
Ce qui se passe dans l’eau, le sol… et selon les circonstances d’usage. Information sur les connaissances des
caractères épidémiques.
Qui consomme quoi, pourquoi, comment ? Les mauvaises pratiques.
Le poids de chaque composante ? Visions de santé publique.
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État des lieux - conséquences de la consommation des antibiotiques sur la résistance bactérienne dans les :
- populations animales Pascal SANDERS, Directeur du Laboratoire des Médicaments vétérinaires Anses
- populations humaines Pr Didier GUILLEMOT, Directeur de l’Unité Pharmacoépidémiologie et maladies
infectieuses, Pasteur/Université Versailles Saint Quentin/Inserm
Le développement d’outils de surveillance de la consommation des antibiotiques dans les populations animales est
confronté à la difficulté d’obtenir des données dans les différentes espèces animales et pour chaque espèce dans les
différents stades des filières de production pour attribuer au mieux leur contribution aux usages. Plusieurs types
d’outils peuvent être utilisés pour décrire les quantités consommées au niveau national comme les utilisations au
niveau du prescripteur ou de l’utilisateur final. La diversité des espèces animales et des systèmes de production
rend toutefois délicat la définition d’une unité de mesure reconnue au niveau européen et reste le challenge des
années à venir pour mettre en place une surveillance harmonisée. Cependant l’appropriation de démarche d’auto-
évaluation par certaines filières de production animale comme le porc ou le lapin en France est un pas en avant
pour la maîtrise de ces usages par ces filières. A ce jour, le couplage de ces données de surveillance de l’usage avec
les données de surveillance de la résistance chez les animaux producteurs de denrées alimentaires se révèle un
challenge scientifique. De nombreux facteurs, autres que l’utilisation des antibiotiques peuvent jouer un rôle majeur
en matière d’épidémiologie de la résistance, notamment en matière de diffusion clonale de clones résistants (ex :
SARM ST 398) ou de dissémination de gènes de résistance via les éléments mobiles (ex : BLSE). Ainsi le rôle des
modes de production, de transports des animaux, d’organisation pyramidale de la reproduction diversifie les voies
de transmission et le débit de transmission au sein des populations animales des bactéries résistantes aux
antibiotiques.
Concernant des populations humaines, la France faisait partie des pays au sein desquels l’exposition des
populations était parmi les plus importantes des pays développés dans les années 2000. Elle était aussi le pays
rapportant les taux de résistance de S. pneumoniae parmi les plus élevés. De nombreux arguments convergeant vers
la causalité de l’un sur l’autre, un programme national a été mis en œuvre à l’initiative du Ministère de la Santé en
2002. Il s’agissait du plan « Pour préserver l’efficacité des antibiotiques ». Celui ci a été décliné notamment par une
campagne de communication dont le message principal était « Les antibiotiques c’est pas automatique ! »
Campagne financée et piloté par l’Assurance Maladie. Au résultat de ces initiatives, il a pu être observé une
diminution tout à fait significative notamment lors des premières années. De ce point de vue, ces initiatives compte
au nombre des succès des programmes de santé publique en France. Sans que cela ne soit vraiment coordonné ce
programme fut contemporain de l’introduction puis de l’extension de la population cible du vaccin conjugué
antipneumococcique 7 valent (PCV7). Dans un premier temps une diminution de l’incidence des méningites à
pneumocoque fut observée, mais les résultats récents suggèrent quelques évolutions paradoxales qui pourtant
auraient pu être anticipées. Pour le futur, un dilemme pourrait être à prévoir : d’un coté, une augmentation de
l’incidence des infections invasives sensibles à la pénicilline et aux macrolides dans un scenario de poursuite des
efforts de diminution de l’exposition de la population française à ces molécules, d’un autre coté une augmentation
des infections communautaire à E. coli producteur de BLSE si rien n’est fait dans ce sens. C’est peut être à cela que
doivent se préparer les décideurs de santé publique.
Questions, Commentaires, Réponses
Jean CARLET (Q) : 1) Quelle est la place du traitement empirique ? 2) Les différentes filières vont-elles suivre
l’exemple de la filière porcine ?
Pascal SANDERS (R) : 1) je ne sais pas quel est le pourcentage du traitement empirique. Les vétérinaires font faire
des isolements s’il y a un problème.
Yves JUILLET (Q) : a-t-on une idée de la réalité et de l’importance du circuit d’approvisionnement en dehors de la
prescription vétérinaire et, en particulier, des achats sur internet ?
Pascal SANDERS (R) : la majeure partie des antibiotiques sont prescrits. Le marché noir existe, mais, on n’a pas de
chiffres.
Alain PHILIPPON (Q) : l’Europe a interdit les activateurs de croissance, comme les antibiotiques, depuis 10 ans.
Qu’en est-il des autres pays industriels comme les USA et, plus précisément, pour de vieux antibiotiques comme
les tétracyclines et la streptomycine ?
Pascal SANDERS (R) : l’Europe est très en avance sur le sujet puisqu’elle avait banni les antibiotiques comme
facteurs de croissance, il y a une dizaine d’années. Les Américains ont une réglementation différente pilotée par la
FDA.
(Pour en savoir plus : "La FDA renforce la réglementation sur l'utilisation des antibiotiques dans l'alimentation animale".
http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/69902.htm)
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