en compte de l’enfant dans l’éthique des protocoles de recherche.
Troisième exemple, en Allemagne, avec la reconstruction sociale et morale de l’après-guerre les sociologues de l’éducation, sociologues de la
jeunesse et pédagogues se sont très vite penchés sur les conditions éducatives des nouvelles générations. C’est ainsi que non seulement
l’expérience sociale et l’édification des valeurs mais le rapport intergénérationnel a pris une importance sociale et politique accrue lors de la
réunification des deux Allemagnes (Zeyer 2010).
Cependant, en Italie, l’intérêt pour l’enfant en tant que citoyen trouve en grande partie son origine dans les politiques sociales de Reggio Emilia
(Baraldi 2010) autour d’une prise en charge locale de la petite enfance. Issues des politiques de désinstitutionalisation psychiatrique, elles mettent
l’accent sur les compétences du sujet et plus précisément de l’enfant dans la vie quotidienne, ce qui a pour effet d’accentuer l’intérêt pour les
politiques de la ville.
Dernier point, on ne saurait oublier qu’en France, la tradition républicaine française donne à l’école une place prépondérante pour construire l’égalité
des futurs citoyens. En extrayant l’enfant de sa famille et faisant disparaître l’enfant derrière l’élève, elle a de ce fait longtemps accentué la
primauté du regard d’une sociologie de l’éducation, principalement préoccupée de l’égalité des chances au sein d’un système scolaire basé sur la
méritocratie.
Certes le cadre national ne correspond en partie qu’à une communauté imaginée et symbolique, mais elle reste aussi bien réelle,
organisationnellement et institutionnellement sur le plan académique. Car s’y joue aussi la reconnaissance des travaux et des carrières des
chercheurs à travers l’ensemble des systèmes de légitimation qui opèrent comme les revues, jurys de thèse, listes de qualification, évaluations,
et appels d’offre qui donnent leur imprimatur en permettant l’émergence d’un champ et son épanouissement en une « science normale », enjeux
qui furent loin d’être négligeables dans l’émergence de la sociologie de l’enfance (Ambert 1996).
Mais le cadre national n’est pas forcément l’échelle d’analyse la seule pertinente pour expliquer l’orientation des travaux et la plus percutante, un
autre espace se superpose.
L’espace linguistique
Espace qui n’est pas à négliger, à défaut d’être bien glorieux, pour comprendre la circulation des travaux en sciences humaines et sociales. Les
espaces linguistiques des échanges scientifiques jouent puissamment même si leur rôle n’est que rarement explicite, dans la circulation des
références, des auteurs et des reconnaissances académiques. Jouant le rôle de ponts ou de barrières, les langues d’échanges, souvent issues et
ancrées dans les pôles de formation académique initiales des chercheurs, constituent de réels réseaux sous-tendant les publications. De plus les
rares traductions ne jouent pas dans des sens équivalents, car généralement elles ne fonctionnent qu’à sens unique, de l’anglais vers d’autres
langues, et bien peu à l’inverse.
L’espace anglophone
La sociologie de l’enfance s’est d’abord éclose dans l’espace anglophone, comme nous l’avons vu précédemment, de manière relativement
concomitante en Scandinavie et en Grande-Bretagne avec l’appui des travaux américains, et dans un dialogue constant avec la sociologie de
l’enfance allemande, devançant ainsi les travaux francophones d’une bonne dizaine d’années. Il s’agit bien d’un champ anglo-saxon. Au sein de
l’ISA (International Sociological Association) naît en 1986, le comité Sociology of Childhood, crée et animé par Jens Qvortrup. Ce sociologue
d’origine danoise, dirige le premier projet d’envergure de 1987 à 1992, Childhood as a social phenomenon basé à Vienne rassemblant des
chercheurs issus de quatorze pays européens. L’objectif est de faire un état des lieux comparatifs entre pays et de faire apparaître l’enfance sur
l’agenda scientifique en lui donnant une visibilité et une autonomie scientifique. À cet appel d’offre va succéder en Grande-Bretagne, le programme
Childhood from 5 to 16 dirigé par Alan Prout et financé par l’Economic and Social Research Council, qui va redonner une impulsion importante à la
thématique en mettant plus précisément l’accent sur l’enfant acteur. Puis au sein de l’ESA (Association européenne de sociologie) se crée un
groupe de recherche Sociology of Children and Childhood.
Des revues telles que Sociological Studies of Children puis la revue Childhood, a journal of global child research, publiée par le Child Center de
Trondheim, en Norvège, joue un rôle important de rassemblement et de diffusion.
Si ces travaux se réfèrent parfois à la sociologie francophone, il s’agit essentiellement de la « French Theory » (Cusset 2003) et de ses
réinterprétations internationales.
L’espace francophone
D’où le sentiment de malaise de certains chercheurs francophones participant à ces échanges, car la méconnaissance de la littérature
francophone est patente et les difficultés d’échanges certaines. Ce qui a amené à la naissance du comité de recherche « Sociologie de l’enfance »
au sein de l’Association Internationale des Sociologues de Langue Française en 2000. Ce réseau mettra en place des rencontres annuelles,
destinées à permettre un échange scientifique soutenu soit sous forme d’ateliers de travail soit sous forme de colloques internationaux, au travers
des « Journées de sociologie de l’enfance »2.
Au sein de ce réseau de l’AISLF, participent certes principalement des sociologues travaillant sur l’enfance mais aussi des chercheurs issus
d’autres disciplines. Nulle exclusive sur les âges travaillés, se conjugue ainsi la présentation de travaux allant de la petite enfance à
l’adolescence, l’ensemble de l’âge de l’enfance en tant qu’âge de minorité étant exploré. Ce réseau rassemble des chercheurs d’une douzaine de
pays, permettant la rencontre de chercheurs qui seraient trop isolés dans leurs pays respectifs, mais travaillant sur l’enfance contemporaine des
pays développés, c’est-à-dire principalement sur des terrains européens. Le dialogue est peut-être plus facile quand les réalités de terrain ne sont
pas trop éloignées. Les ancrages institutionnels se situent principalement au sein de départements de sciences de l’éducation ou de laboratoire de
sociologie, hébergeant parfois aussi quelques anthropologues ou philosophes.
Des appels d’offre, d’une certaine envergure vont donner un support institutionnel important tant en Suisse, avec le programme fédéral PNR 52,
« L’enfance, la jeunesse et les relations entre générations dans une société en mutation » de 2003 à 2008, qu’en France avec l’Appel d’offre de
l’ANR sur « Enfance, enfants » lancé en 2009. En parallèle, à la suite du lancement des grandes enquêtes du ministère de la culture, (Octobre
2004), sera mis en place un Appel d’offre intitulé « Enfance et Culture», en 2007 (Octobre 2010). Un programme du ministère de l’agriculture, au
sein du PNRA financera des projets portant spécifiquement sur l’alimentation des enfants et des adolescents (Corbeau 2009, Diasio & Pardo
2010). Tandis que le projet Elf, destiné à construire un suivi pluridisciplinaire d’une cohorte de 20.000 enfants à l’instar d’autres projets européens
vient de démarrer.
Du premier groupe de travail autour de l’enfance, réuni au sein du GDR « Modes de vie du CNRS », Enfance et sciences sociales (Mollo 1994) à la
récente mise sur Internet du colloque « Enfance et cultures, regards des sciences humaines et sociales » (Octobre & Sirota 2011), un certain
nombre de colloques et leurs publications scandent ce renouveau d’intérêt. Bien qu’initialement fortement fragmenté et dispersé (Sirota 2006,
2010) entre les différentes sous disciplines et territoires des sciences sociales, le champ tend à prendre place et à se rassembler dans des
rencontres principalement sociologiques mais aussi pluridisciplinaires. Celles-ci s’organisent autour de thématiques parfois tout à fait classiques
ou plus novatrices, pour certaines marquant l’émergence concomitante de champs de recherche comme la sociologie de la consommation, la
sociologie de l’alimentation, ou de la sociologie de la culture et leur rencontre avec la nouvelle matrix de la socialisation de l’enfance3.
Une des caractéristiques du champ français étant, au sein de la redécouverte de cet âge de l’enfance, d’être marqué, d’un côté par une conception