34 Développements / avril 2014
YVes chaix, JeaN-Michel albaret
occipito-temporale ou «ventrale» (Ungerleider
& Mishkin, 1982).
Pour l’aspect moteur, le terme visuo-moteur est
appliqué à tout geste ou habileté motrice contrôlé
par la vision et les rétroactions visuelles, la coor-
dination visuo-motrice renvoyant à « la capa-
cité d’un organisme à transformer des données
visuelles en mouvements adaptés » (Jeannerod,
1994, p. 217). Par ailleurs, les habiletés visuo-
constructives, dont on postule l’existence à partir
de la description de l’apraxie constructive en pa-
thologie neuropsychologique adulte (Poppelreu-
ter, 1917 ; Kleist, 1934, in Hécaen, 1972), ren-
voient à la capacité à «dessiner spontanément ou
d’après modèle, […] construire avec des pièces de
bois ou des cubes, […] réaliser des puzzles, […]
modeler avec de la terre glaise» (Hécaen, 1972,
p.106). En d’autres termes, il s’agit d’intégrer un
ensemble d’éléments perçus visuellement en un
tout cohérent par le biais d’une réponse motrice.
Concernant l’évaluation des habiletés visuo-
constructives, deux distinctions supplémentaires
doivent être faites, tout d’abord entre les activi-
tés de dessin et les activités d’assemblage (Ben-
ton, 1969) puis, parmi les activités d’assemblage,
entre les assemblages en deux dimensions (test
des bâtonnets) et ceux en trois dimensions (test
des praxies tridimensionnelles) (Benton, 1989).
Si l’on s’intéresse maintenant aux aspects patho-
logiques liés à ces habiletés, Boller et al. (1984)
définissent les dysfonctionnements visuo-spa-
tiaux comme la «difficulté à apprécier la position
des objets-stimulus dans l’espace, la difficulté à
intégrer ces objets dans un cadre spatial cohérent,
et la difficulté à réaliser les opérations mentales
impliquant des concepts spatiaux».
Pour sa part, Benton (1979) individualise trois
types de perturbations : les troubles visuo-per-
ceptifs qui correspondent à une altération des
stimuli complexes, de la reconnaissance visuelle,
de la reconnaissance des couleurs, de la différen-
tiation figure-fond, de l’intégration visuelle; les
troubles visuo-spatiaux qui regroupent une loca-
lisation altérée des points de l’espace, un déficit
d’orientation topographique, une négligence
d’une partie du champ visuel, des difficultés avec
les distances et les directions; les troubles visuo-
moteurs qui renvoient à des mouvements ocu-
laires défectueux ou des performances grapho-
motrices réduites.
Concernant les différents symptômes dys-
praxiques, la dyspraxie visuo-constructive
consiste en des perturbations ou une impossibilité
dans des activités telles que assembler, construire
et dessiner. Elle est mise en évidence dans deux
types de situation : dessiner spontanément ou
sur copie des formes géométriques simples ou
complexes (figure de Rey); construire avec des
pièces de bois des arrangements en deux (test des
bâtonnets), ou en trois dimensions (Benton tri-
dimensionnel) (Albaret, 2011). Quant à la dys-
praxie visuo-spatiale, elle serait une forme parti-
culière de dyspraxie visuo-constructive associée à
des troubles du regard et notamment de la pour-
suite oculaire ainsi que des difficultés de struc-
turation spatiale, rencontrée chez l’enfant avec
infirmité motrice cérébrale ou grande prématu-
rité. Cette appellation, qui qualifie un symptôme,
reste toutefois d’une utilisation confidentielle et
ne doit pas être confondue avec la dyspraxie de
développement, syndrome dont la description
sémiologique renvoie notamment aux travaux de
Stambak et al. (1964).
S’agissant de la façon dont ces différentes habiletés
sont évaluées, il est important là encore de distin-
guer ces différents aspects (cf. tableau1) même
si la distinction est loin d’être aisée, car chaque
test mesure différents aspects avec des satura-
tions difficiles à apprécier (Barisnikov & Pizzo,
2007). De plus, les tests présentés font interve-
nir d’autres ressources cognitives, par exemple la
planification, l’attention ou encore la mémoire,
à des degrés divers. Les capacités intellectuelles
ont aussi une influence sur les résultats obtenus
à ces tests ainsi que, pour ceux qui comportent
une dimension motrice, la dextérité manuelle et
la coordination oculomanuelle. Tout ceci renvoie
aux phénomènes décrits depuis fort longtemps
par Aikins (in Thorndike, 1904) et Kelley (1927)
réunis sous le terme de «jingle-jangle fallacies»
à savoir la croyance fausse que des tests utili-
sant le même terme mesurent le même construit
(jingle fallacy) et celle que des tests portant des
noms différents mesurent des construits diffé-
rents (jangle fallacy), phénomènes bien illustrés
par l’étude de Barray et al. (2010) sur des tests de
copie de figures géométriques.
Les tests visuo-perceptifs portent essentielle-
ment sur la reconnaissance de formes abstraites
ou figuratives à différencier d’autres formes ou
à extraire d’un fond confus sur le plan perceptif.
Les tests portant sur la dimension visuo-spatiale
concernent plutôt la détection des différences
d’orientation de traits ou d’objets, y compris les
tests de rotation mentale. Les tests visuo-moteurs
sont des épreuves graphomotrices où la précision
du tracé est privilégiée, du type trajets à suivre
avec des contraintes variables concernant la
configuration des trajets et l’écart entre les lignes.
Les tests visuo-constructifs sont soit des repro-
ductions graphiques de formes géométriques
plus ou moins complexes, soit des constructions
à réaliser en deux ou trois dimensions.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - Albaret Jean-Michel - 89.159.9.154 - 02/11/2014 15h32. © De Boeck Supérieur
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - Albaret Jean-Michel - 89.159.9.154 - 02/11/2014 15h32. © De Boeck Supérieur