trouble de l`acquisition de la coordination et déficits visuo

TROUBLE DE L'ACQUISITION DE LA COORDINATION ET DÉFICITS
VISUO-SPATIAUX
Yves Chaix et Jean-Michel Albaret
De Boeck Supérieur | Développements
2013/2 - n° 15
pages 32 à 43
ISSN 2103-2874
Article disponible en ligne à l'adresse:
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http://www.cairn.info/revue-developpements-2013-2-page-32.htm
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Pour citer cet article :
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Chaix Yves et Albaret Jean-Michel, « Trouble de l'Acquisition de la Coordination et déficits visuo-spatiaux »,
Développements, 2013/2 n° 15, p. 32-43. DOI : 10.3917/devel.015.0032
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Trouble de
l’Acquisition de
la Coordination
et déficits visuo-
spatiaux
Résumé
Le lien entre la présence d’un TAC et celle de troubles
visuospatiaux est une donnée ancienne de la littérature. Le déficit
moteur est central chez le TAC et les difficultés visuo-spatiales ne
concernent qu’un sous-groupe de TAC. Elles sont d’autant plus
importantes qu’il existe une composante motrice. Il est toutefois
difficile de déterminer quelle est la voie visuelle impliquée
de façon préférentielle au niveau cérébral («What» versus
«Where»).
À l’échelle individuelle, les profils sont hétérogènes, ce
qui renvoie en partie à la fréquence élevée des troubles
neurodéveloppementaux associés et pourrait suggérer
une atteinte commune aux différents troubles du système
d’apprentissage procédural.
Mots clés
troubles neurodéveloppementaux
comorbidité
fonctions visuospatiales
32 Développements / avril 2014
Yves CHAIX*
Jean-Michel ALBARET**
*Inserm U 825, Unité de Neurologie Pédiatrie,
CHU de Toulouse, 330 avenue de Grande-
Bretagne, 31059 Toulouse cedex9
**Université de Toulouse, UPS, PRISSMH –
EA 4561, 118 route de Narbonne,
31062 Toulouse cedex9.
Summary
The links between children who present with a DCD and
visuospatial disorders is not a new idea in the literature.
The motor deficit is critical in DCD and visuospatial deficits
affect only a subgroup. They are particularly important
when a motor component occurs. However It is difficult
to determine the neural pathways preferentially involved
(«What» vs «Where»).
On an individual level, profiles are heterogeneous, due to
the high-frequency rate of associated neurodevelopmental
disorders. This suggests the presence of a an impaired
procedural learning system.
Keywords
neurodevelopmental disorders
comorbidity
visuospatial functions
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Développements / avril 2014 33
Trouble de l’Acquisition de la Coordination et déficits visuo-spatiaux
1. Questions de terminologie :
de quoi « visuo-spatial » est-il le
nom ?
Une clarification terminologique et conceptuelle
paraît indispensable sur un sujet où différents
termes sont utilisés de façon confuse, interchan-
geable, parfois impropre et généralement sans
aucune définition préalable (Geldmacher, 2003;
Grossi & Trojano, 2001). Quatre termes sont ain-
si retrouvés fréquemment: visuo-spatial, visuo-
perceptif, visuo-moteur et visuo-constructif.
Le terme «visuo-spatial » est parfois utilisé de
façon générique pour désigner la nature des sti-
muli traités préférentiellement par l’hémisphé-
rique droit, il est alors opposé à «verbal» qui
renvoie à l’hémisphérique gauche (Tiberghien
& Versace, 1985). En ce sens, il peut être consi-
déré comme un équivalent de «non-verbal», ce
qui est une position réductionniste à plus d’un
titre, le non-verbal ne se résumant pas aux seuls
aspects visuo-spatiaux. Grossi et Trojano (2001,
p. 99) définissent ainsi les habiletés visuo-spa-
tiales comme des «habiletés cognitives non ver-
bales qui agissent sur les stimuli perceptifs et les
images mentales afin de permettre aux individus
d’agir sur l’environnement ». Mais cette label-
lisation, comme le soulignent les auteurs eux-
mêmes, comporte l’inconvénient de regrouper
des phénomènes disparates et peut, d’approxima-
tion en approximation, aboutir à des non-sens.
D’autres encore l’utilisent comme synonyme de
spatial sans toujours appréhender la nature plu-
ridimensionnelle des habiletés spatiales mises
en évidence dans différentes études (Carroll,
1993; Linn & Petersen, 1985 ; McGee, 1979).
Pour Rauch et Savage (1997), les habiletés visuo-
spatiales sont ainsi des capacités mentales à per-
cevoir et manipuler des objets en deux ou trois
dimensions.
Nous proposons donc de distinguer, de façon
pragmatique, dans la partie du domaine « non
verbal» qui implique la vision, et à des fins d’éva-
luation, les versants perceptif et moteur que nous
subdiviserons en «visuo-perceptif» et «visuo-
spatial» pour le versant perceptif et en «visuo-
moteur» et «visuo-constructif» pour le versant
moteur (cf. figure1). Nous sommes conscients
que ces séparations sont quelque peu artificielles
parce que, d’une part, les mouvements intention-
nels lient intimement perception et action et,
d’autre part, parce qu’elles ne reflètent pas la tota-
lité des mécanismes et processus impliqués dans
la vision.
Pour l’aspect perceptif, nous nous appuyons sur
Irani (2011) qui, en référence aux deux modalités
de traitement de l’information visuelle, distingue
habiletés visuo-spatiales et habiletés visuo-per-
ceptives. Il définit l’habileté visuo-spatiale comme
une «composante de la perception visuelle qui
permet le traitement de l’orientation visuelle ou
de l’emplacement des objets dans l’espace», com-
posante qui s’appuie sur la voie occipito-pariétale
ou « dorsale » de l’information visuelle. Cette
voie serait également responsable du codage des
informations spatiales nécessaires à l’action, à
l’origine de la détermination des paramètres du
mouvement ainsi que du guidage visuel de celui-
ci (Milner & Goodale, 2008). Ce même auteur
(Irani, 2011) considère que les habiletés visuo-
perceptives sont celles qui permettent l’analyse et
la synthèse des informations visuelles pour la re-
connaissance des objets, et dépendent de la voie
Figure 1 : Représentation schématique des différentes dimensions faisant appel à la vision
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34 Développements / avril 2014
YVes chaix, JeaN-Michel albaret
occipito-temporale ou «ventrale» (Ungerleider
& Mishkin, 1982).
Pour l’aspect moteur, le terme visuo-moteur est
appliqué à tout geste ou habileté motrice contrôlé
par la vision et les rétroactions visuelles, la coor-
dination visuo-motrice renvoyant à « la capa-
cité d’un organisme à transformer des données
visuelles en mouvements adaptés » (Jeannerod,
1994, p. 217). Par ailleurs, les habiletés visuo-
constructives, dont on postule l’existence à partir
de la description de l’apraxie constructive en pa-
thologie neuropsychologique adulte (Poppelreu-
ter, 1917 ; Kleist, 1934, in Hécaen, 1972), ren-
voient à la capacité à «dessiner spontanément ou
d’après modèle, […] construire avec des pièces de
bois ou des cubes, […] réaliser des puzzles, […]
modeler avec de la terre glaise» (Hécaen, 1972,
p.106). En d’autres termes, il s’agit d’intégrer un
ensemble d’éléments perçus visuellement en un
tout cohérent par le biais d’une réponse motrice.
Concernant l’évaluation des habiletés visuo-
constructives, deux distinctions supplémentaires
doivent être faites, tout d’abord entre les activi-
tés de dessin et les activités d’assemblage (Ben-
ton, 1969) puis, parmi les activités d’assemblage,
entre les assemblages en deux dimensions (test
des bâtonnets) et ceux en trois dimensions (test
des praxies tridimensionnelles) (Benton, 1989).
Si l’on s’intéresse maintenant aux aspects patho-
logiques liés à ces habiletés, Boller et al. (1984)
définissent les dysfonctionnements visuo-spa-
tiaux comme la «difficulté à apprécier la position
des objets-stimulus dans l’espace, la difficulté à
intégrer ces objets dans un cadre spatial cohérent,
et la difficulté à réaliser les opérations mentales
impliquant des concepts spatiaux».
Pour sa part, Benton (1979) individualise trois
types de perturbations : les troubles visuo-per-
ceptifs qui correspondent à une altération des
stimuli complexes, de la reconnaissance visuelle,
de la reconnaissance des couleurs, de la différen-
tiation figure-fond, de l’intégration visuelle; les
troubles visuo-spatiaux qui regroupent une loca-
lisation altérée des points de l’espace, un déficit
d’orientation topographique, une négligence
d’une partie du champ visuel, des difficultés avec
les distances et les directions; les troubles visuo-
moteurs qui renvoient à des mouvements ocu-
laires défectueux ou des performances grapho-
motrices réduites.
Concernant les différents symptômes dys-
praxiques, la dyspraxie visuo-constructive
consiste en des perturbations ou une impossibilité
dans des activités telles que assembler, construire
et dessiner. Elle est mise en évidence dans deux
types de situation : dessiner spontanément ou
sur copie des formes géométriques simples ou
complexes (figure de Rey); construire avec des
pièces de bois des arrangements en deux (test des
bâtonnets), ou en trois dimensions (Benton tri-
dimensionnel) (Albaret, 2011). Quant à la dys-
praxie visuo-spatiale, elle serait une forme parti-
culière de dyspraxie visuo-constructive associée à
des troubles du regard et notamment de la pour-
suite oculaire ainsi que des difficultés de struc-
turation spatiale, rencontrée chez l’enfant avec
infirmité motrice cérébrale ou grande prématu-
rité. Cette appellation, qui qualifie un symptôme,
reste toutefois d’une utilisation confidentielle et
ne doit pas être confondue avec la dyspraxie de
développement, syndrome dont la description
sémiologique renvoie notamment aux travaux de
Stambak et al. (1964).
S’agissant de la façon dont ces différentes habiletés
sont évaluées, il est important là encore de distin-
guer ces différents aspects (cf. tableau1) même
si la distinction est loin d’être aisée, car chaque
test mesure différents aspects avec des satura-
tions difficiles à apprécier (Barisnikov & Pizzo,
2007). De plus, les tests présentés font interve-
nir d’autres ressources cognitives, par exemple la
planification, l’attention ou encore la mémoire,
à des degrés divers. Les capacités intellectuelles
ont aussi une influence sur les résultats obtenus
à ces tests ainsi que, pour ceux qui comportent
une dimension motrice, la dextérité manuelle et
la coordination oculomanuelle. Tout ceci renvoie
aux phénomènes décrits depuis fort longtemps
par Aikins (in Thorndike, 1904) et Kelley (1927)
réunis sous le terme de «jingle-jangle fallacies»
à savoir la croyance fausse que des tests utili-
sant le même terme mesurent le même construit
(jingle fallacy) et celle que des tests portant des
noms différents mesurent des construits diffé-
rents (jangle fallacy), phénomènes bien illustrés
par l’étude de Barray et al. (2010) sur des tests de
copie de figures géométriques.
Les tests visuo-perceptifs portent essentielle-
ment sur la reconnaissance de formes abstraites
ou figuratives à différencier d’autres formes ou
à extraire d’un fond confus sur le plan perceptif.
Les tests portant sur la dimension visuo-spatiale
concernent plutôt la détection des différences
d’orientation de traits ou d’objets, y compris les
tests de rotation mentale. Les tests visuo-moteurs
sont des épreuves graphomotrices où la précision
du tracé est privilégiée, du type trajets à suivre
avec des contraintes variables concernant la
configuration des trajets et l’écart entre les lignes.
Les tests visuo-constructifs sont soit des repro-
ductions graphiques de formes géométriques
plus ou moins complexes, soit des constructions
à réaliser en deux ou trois dimensions.
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Développements / avril 2014 35
Trouble de l’Acquisition de la Coordination et déficits visuo-spatiaux
2. TAC et troubles visuo-spatiaux :
préambule indispensable
Aborder la question des troubles visuo-spatiaux,
au sens large du terme, dans le Trouble de l’Ac-
quisition de la Coordination (TAC) nécessite
en préambule d’aborder le problème de la ter-
minologie afin de délimiter sans ambiguïté la
question qui sera abordée dans la suite de cet
article. Tout au long de notre exposé nous uti-
liserons le terme de Trouble de l’Acquisition de
la Coordination (TAC). Néanmoins, en France,
depuis les travaux de Stambak et al. (1964), de
Gérard (2005), de Mazeau (Mazeau & Le Los-
tec, 2010) ou de Vaivre-Douret et al. (2011),
mais également en Angleterre (Kirby, 2004) ou
au Canada (Dewey, 1995), le terme de dyspraxie
de développement est couramment utilisé. Si
certains auteurs ont préconisé de distinguer les
deux termes, comme Ahonen et al. (2004) qui en
font les deux constituants d’un trouble de l’ap-
prentissage moteur développemental, d’autres
estiment que les dyspraxies constituent un sous-
groupe des TAC (Miyahara & Mobs, 1995), alors
que d’autres encore comme Gibbs et al. (2007)
pensent que les deux entités sont équivalentes.
Le terme TAC retenu dans la classification du
DSM-IV est également le terme retenu par deux
conférences internationales de consensus qui se
sont déroulées à London (Ontario) au Canada
en 1994 (Polatajko, Fox, & Missiuna, 1995) et
à Leeds en Angleterre en 2006 (Sugden, 2006).
Plus récemment (Blank et al., 2012), l’European
Academy of Child Disabilities (EACD) vient de
Dimensions Tests Subtests Âge
Visuo-perceptive
DTVP-3 Discrimination figure-fond
Constance de forme
Complétion visuelle
4-12 ans
K-ABC-II Reconnaissance de formes, reconnais-
sance de visages 3-12 ans
Test de rétention visuelle Administration A 8-11 ans
Test des formes identiques 6-17 ans
GEFT (PEFT, CEFT) adulte (3-5; 6-10
ans)
Benton Facial Recognition Test 7-14 ans
Beery VMI Visual Perception 2-18 ans
Visuo-spatiale
Nepsy Flèches; Orientation 3-12 ans
Jugement d’orientation des lignes
de Benton 7-14 ans
Test de rotation mentale 15-19 ans
Blocs de Corsi 4-12 ans
Visuo-motrice
M-ABC Dextérité manuelle 3 4-12 ans
DTVP-3 Coordination visuo-motrice 4-12 ans
Nepsy Précision visuo-motrice 3-12 ans
Beery VMI Motor coordination 2-18 ans
Visuo-constructive
Dessin
Figure de Rey A et B 4 ans-adulte
Nepsy Copie de figures 3-12 ans
Test de rétention visuelle Administration M 8-11 ans
DTVP-3 Copie 4-12 ans
Beery VMI 2-18 ans
Draw-a-Clock 6-12 ans
Visuo-constructive
Assemblage 2D
K-ABC-II Triangles 3-12 ans
WISC IV Cubes 6-17 ans
Test des bâtonnets 7-12 ans
Visuo-constructive
Assemblage 2D/3D
Test des praxies tri-dimensionnelles de
Benton
5-10 ans
Visuo-constructive
Assemblage 3D NEPSY Cubes 3-12 ans
Tableau 1 : Liste non exhaustive de tests mesurant les dimensions visuo-perceptives, visuo-spatiales, visuo-motrices
et visuo-constructives (en italique pas de normes pour une population française)
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