colloque Laon - Tela Botanica

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Regards sur les tourbières des vallées alluviales, les peupleraies et le pâturage
(Naturagora/Laon 22-24 septembre 2010)
Critères d’évaluation du patrimoine écologique
Philippe JULVE
Université Lille Nord de France, 59000 LILLE
Univ. Catholique de Lille, Faculté Libre des Sciences et Technologies,
Laboratoire Environnement & Santé, 41 rue du Port, F-59046 LILLE
Introduction :
Une question récurrente en aménagement et gestion des milieux naturels se pose : comment évaluer le patrimoine
écologique d’un site ? Cette interrogation est souvent la conséquence d’une nécessité de hiérarchiser les priorités
d’action, dans la mesure où les moyens humains, techniques, financiers et le temps disponible ne permettent que
rarement de mener toutes les actions nécessaires en même temps. Un site est unique, par définition, et est habité
d’individus (plantes, animaux, champignons, protistes, bactéries…) eux-mêmes uniques. Pour parvenir à une
évaluation, il est donc nécessaire de se référer à une typologie, c'est-à-dire de confronter les objets réels étudiés
localement à d’autres objets réels, comparaison qui permet l’établissement de catégories typologiques abstraites.
Ces catégories, douées d’un certain nombre de propriétés, rendent possibles l’établissement scientifique des
mesures de raretés, de menaces, de typicité, de marginalité, de résilience, etc.
L’évaluation des sites doit donc être conçue par rapport à des catégories abstraites : espèces, types d’habitats ou
d’écosystèmes, avec leurs raretés, leurs menaces, leurs résiliences, leurs fragilités, etc. Il convient donc d’évaluer les
espaces réels par rapport à des « référentiels », qui caractérisent ces types grâce à des critères dévaluation. Ces
référentiels peuvent être juridiques, scientifiques (c'est-à-dire élaboré selon une démarche scientifique), à dire
d’expert ou d’utilisateur expérimenté (l’œil du berger ou pifomètre).
1) Echelles et référentiels
De même que toute question d’écologie ne prend son sens qu’en fonction d’une échelle donnée, l’évaluation
patrimoniale écologique se doit d’être précisée par rapport à des échelles :
 Echelles fonctionnelles de perception ; en général seulement quatre seulement sont étudiées : populations
et espèces, habitats et écosystèmes, complexes paysagers, sites. Plus rarement, le niveau génétique est pris
en considération.
 Echelles administratives : mondiale, européenne, nationale, régionale, départementale, locale.
La mesure de différents critères d’évaluation exige donc la prise en compte de différents référentiels, élaborés à
plusieurs échelles géographiques. C’est donc en confrontant les résultats des analyses des critères à des
référentiels existants (ou à créer soi-même) que l’on peut procéder à une évaluation.
Référentiels
(juridiques, bibliographiques, personnels)


Méthodologie d’inventaire  Résultats      Diagnostic
(analyse des critères retenus)
Le tableau 1 présente les référentiels existants en France, pour les échelles administratives et écologiques
considérées.
Tab. 1 : Documents de références pour l'évaluation des sites naturels en France
Populations
et espèces
LOCAL
DEPARTEMENTAL
REGIONAL
NATIONAL
EUROPEEN
MONDIAL
Arrêtés
municipaux
Listes départementales
d'espèces protégées
Listes rouges
Livres rouges
Listes régionales d'espèces
protégées
Listes nationales d'espèces
protégées
Annexes II, IV, V (92/43
CEE, consolidée 2007)
WASHINGTON
(= CITES)
RDB IUCN
Listes de raretés rég.
Plans de restauration
Annexe I (79/409 CEE,
codifiée 2009/147/CE)
Inventaires des arbres
remarquables
Listes de rareté
BONN, BERNE
1 liste avec rareté et
menaces
Livre rouge (biocénoses
marines)
Annexe I (92/43 CEE)
Arrêtés préfectoraux de
réglementation de
cueillette
Listes de raretés dép.
Habitats et
écosystèmes
Zones N des
PLU (ex POS)
Réserves biogénétiques
(Nord – Pas-de-Calais)
Paysages
Sites
Préemption,
RCA
Atlas des CAUE
Atlas régionaux des
paysages
Séries artistiques
Convention européenne
du Paysage (CE)
APB, ENS, RCFS, RCDPM
CREN, RNR (ex RNV)
PNN, PNM, PNR, RNN, RBD,
SIE, RBF, RNC, RNCo, RA,
ZNIEFF, CELRL, RNCFS, RTP,
ZAP, ZPPAUP, ZM
NATURA 2000
RAMSAR,
(ZPS, ZSC, SIC), ZICO
Patrimoines
mondiaux
(UNESCO)
Classement ou Inscription à
l'Inventaire des Sites,
DEEP
Zone de Préemption
(ENS)
Opérations grands sites,
Sentier du littoral
ASP, ASPIM,
RB & RBT
(UNESCO)
APB : arrêtés préfectoraux de protection de biotope ;
ASP & ASPIM : aires spécialement protégées et aires spécialement protégées d’importance méditerranéenne (aires
marines) ;
BERNE : convention sur la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe (CE, STCE no.104, 1979) ;
BONN : convention sur la protection des espèces migratrices (CMS, 1979) ;
CE : Conseil de l’Europe ;
CEE : Communauté Economique Européenne [actuellement Union Européenne] ;
CELRL : sites du Conservatoire de l'Espace Littoral et des Rivages Lacustres ;
CITES : Convention on International Trade of Endangered Species (Washington) ;
CREN : sites des Conservatoires Régionaux d'Espaces Naturels ;
DEEP : diplômes européens des espaces protégés ;
ENS : espaces naturels sensibles ;
IUCN : International Union for Conservation of Nature ;
PLU : plans locaux d’urbanisme (ex POS : plans d'occupation des sols) ;
PNM : parc naturels marins ;
PNN : parcs naturels nationaux ;
RB : réserves de biosphère ;
PNR : parcs naturels régionaux ;
RA : réserves d’association loi 1901 ;
RBD : réserves biologiques domaniales (RBD intégrale, RBD dirigée, RBD mixte) ;
RBF : réserves biologiques forestières ;
RBT : réserves de biosphère transfrontalières ;
RCA : réserves de chasse agréées :
RCDPM : réserves de chasse sur le domaine public maritime ;
RCFS : réserves de chasse et de faune sauvage ;
RDB : red data books (= livres rouges) ;
RNC : réserves naturelles conventionnées ;
RNCo : réserves naturelles de Corse ;
RNCFS : réserves nationales de chasse et de faune sauvage ;
RNN : réserves naturelles nationales ;
RNR : réserves naturelles régionales (ex RNV : réserves naturelles volontaires) ;
RTP : réserves temporaires de pêche (ONEMA, ex Conseil Supérieur de la Pêche) ;
SIC : sites d’intérêt communautaire ;
SIE : séries d’intérêt écologique de l’ONF ;
UNESCO : Organisation des nations unies pour l’éducation, la science et la culture ;
ZAP : zones agricoles protégées ;
ZICO : zones importantes pour la conservation des oiseaux ;
ZM : zones de montagne ;
ZNIEFF : zones naturelles d'intérêt écologique faunistique et floristique ;
ZPPAUP : zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager ;
ZPS : zones de protection spéciale (Directive Oiseaux) ;
ZSC : zones spéciale de conservation (Directive Habitats) ;
2) Critères utilisables au niveau espèces
Il existe plusieurs critères utilisables pour l’évaluation écologique à l’échelle des espèces (Delavigne 2001). Certains
sont des critères d’état, d’autres sont des critères fonctionnels (notion d’espèce clef) :






Rareté
Marginalité biogéographique
Valeur anthropocentrique
Valeur mémorielle
Degré de protection juridique
Degré de menace

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






Espèce clef architecturale
Espèce clef structurante
Espèce clef nutritionnelle
Espèce fourrage
Marginalité évolutive
Espèce parapluie
Espèce phare
Espèce repère
Espèce oligosaprobe
Les degrés de rareté des espèces sont renseignés, généralement par des scientifiques spécialisés, aux échelles
mondiale, européenne, nationale, régionale ou locale. Ils sont issus de d’observations de terrain et traduits en
classes (6 à 9 le plus souvent, allant de très commun à très rare ou exceptionnel), à partir d’inventaires reportés sur
des cartes en réseaux, ou bien à dire d’expert, comme dans certaines flores anciennes. Une question théorique se
pose toutefois d’évaluer la rareté par rapport à l’ensemble de l’aire géographique considérée ou seulement par
rapport aux milieux potentiels d’existence de l’espèce, par exemple dans le cas des plantes aquatiques ou des
plantes de tourbières dont les milieux favorables (les quelques mailles d’une carte en réseau) n’occupent qu’une
faible partie d’un espace géographique dominé par les cultures, au moins dans nos régions. Ainsi une espèce peutêtre constante dans ses habitats, mais paraître rare du fait de la rareté locale de ceux-ci. Le problème se complique
encore pour les espèces animales migratrices ou mobiles. Il ne faut pas non plus confondre la rareté (ou
l’abondance) des individus sur un site et la rareté d’une espèce sur l’ensemble de son aire de répartition. Enfin, la
présence dans une maille peut refléter des occurrences très diverses, et l’absence peut signifier l’inexistence, mais
aussi l’absence de données ou bien refléter une pression d’observation faible. Nonobstant ces difficultés théoriques,
des listes de rareté existent pour les plantes (voir les données du programme chorologie départementale de telabotanica, ou les données des Conservatoires Botaniques Nationaux), les vertébrés et quelques groupes d’invertébrés
(insectes et mollusques surtout). Gaston (1994) et Kunin & Gaston (1997) apportent des éléments complémentaires
sur ces questions.
La marginalité biogéographique concerne des espèces en limites d'aire générale de répartition (les référentiels
scientifiques sont dans ce cas souvent des cartes de répartition observées ou extrapolées). Par exemple l’ours brun
des Pyrénées (Ursus arctos), ou le Bouleau nain (Betula nana) en Margeride, le Solitaire (Colias palaeno) en France. Il
convient toutefois de savoir si l’aire actuelle observée est en extension ou en régression, pour des causes naturelles
ou artificielles, et de comparer les aires primitives, actuelles et potentielles de répartition. La marginalité pose
toutefois le même problème d’interprétation que la rareté dans le cas d’espèces inféodées à des enclaves de
substrats siliceux dans un contexte général calcaire par exemple. Pignatti (1988, 1995) présente des réflexions
intéressantes sur ces questions.
Les valeurs anthropocentriques permettent de prendre en compte l’intérêt des espèces pour leur utilisation
traditionnelle, agricole, ou de par leurs qualités esthétiques, récréatives, voire économique ou marchande. Ces
valeurs se rapportent à des référentiels économiques ou sociaux, qui peuvent être différents selon les groupes socioéconomiques humains envisagés. Ainsi, les roseaux, les graminées mésohydriques des prairies (ivraie, dactyle,
fromental), le muguet, les jonquilles, les jacinthes des bois, les orchidées, les sphaignes acquièrent des valeurs
différentes selon les groupes humains, selon les intérêts, agricole, naturaliste, horticole ou industriel. On sait
également que les oiseaux d’eau n’ont pas le même type de valeur pour les écologistes et les différents chasseurs.
Joosten & Clarke (2002) ont, entre autres, détaillés les aspects théoriques des valeurs intrinsèques et des aménités.
Les valeurs mémorielles, de nature archéologique, paléohistorique ou historique traduisent des enregistrements
climatiques ou événementiels : incendies, inondations, tornades, éruptions volcaniques, glissements de terrains,
avalanches, mais aussi conquêtes militaires ou migrations de peuples... On citera les plantes ramenées des croisades
(giroflée, centranthe), les plantes polémochores (dispersées par faits de guerre, mouvements de troupe, telles Carex
brizoides dans le Nord, ou Glyceria striata en Europe), les arbres pittoresques des jardins romantiques, les relictes
glaciaires ou tertiaires…
Les listes d'espèces protégées : mondiale, européenne, nationale, régionale, voire départementale sont des
référentiels juridiques légaux dont la prise en compte est obligatoire. Toutefois, leur établissement généralement
pifométrique, combiné avec leurs limitations administratives (exclusion fréquente en France des zones agricoles, des
forêts, des zones urbaines et industrielles) prête parfois à la critique scientifique. Ces listes devraient évoluer en
permanence, ce qui est assez incompatible avec la pérennité d’une législation, et être indépendantes de la
signification des inventaires utilisés pas toujours très efficiente (cas des annexes de la Directive Habitat). Dans le cas
des habitats, les référentiels utilisés officiellement (CORINE Biotopes, EUNIS, PVF, etc.) sont incohérents et
incomplets, bien qu’il existe de bien meilleures sources (programme catminat par exemple). De plus, la
représentation des différents milieux naturels dans les listes est très déséquilibrée et discutable. Enfin, seuls les
plantes vasculaires et les vertébrés font, pratiquement, l’objet d’une protection réglementaire et des pans entiers de
la biodiversité (insectes, crustacés, mollusques, annélides, bryophytes, algues, protistes, etc.) ne sont pas pris en
compte.
Les listes rouges d'espèces menacées, sont généralement plus significatives et établies aux échelles mondiale,
nationale, voire régionale. Elles suivent la plupart du temps les critères UICN (référentiels d’ONG, mais généralement
à base scientifique), établis pour chaque groupe taxinomique à l’échelle mondiale, mais faisant parfois l’objet de
transpositions régionales, comme pour les plantes en Nord – Pas-de-Calais (cf. liste CBNBL), tant il est vrai que les
critères quantitatifs mondiaux, établis par l’UICN pour les oiseaux, sont difficilement transposables aux autres
groupes et nécessitent une adaptation régionale. Elles précisent les effets, mais rarement les causes et la nature des
menaces et ne fournissent pas de solutions stratégiques ou tactiques. De plus, les espèces des milieux pionniers
peuvent être davantage menacées par une mise sous cloche, puisque leur persistance dépend de la fréquence des
perturbations. Il en est de même des espèces pyrophiles ou de lieux inondables.
Outre les critères d’état présentés ci-dessus, d'autres critères, plus fonctionnels, peuvent être pris en compte du fait
que des espèces constituent des espèces clefs de voûte (Barbault 1995) ou des espèces ressources, indispensables
au bon fonctionnement des écosystèmes locaux :
espèce clef architecturale (= espèce édificatrice ou ingénieur) : espèce indispensable à l'existence morphologique
d'un écosystème (ex. : arbres dans une forêt, sphaignes dans une tourbière acidophile, Cyperaceae dans une
tourbière basse, posidonies et zostères dans un herbier marin ...).
espèce clef structurante : espèce indispensable à la bonne diversité d'un écosystème (ex. : la plupart des
superprédateurs, qui régulent les populations d'herbivores et évitent la dominance d’une seule, les herbivores qui
régulent les populations de plantes, les abeilles qui assurent la pollinisation, les vautours qui assurent le recyclage et
l’élimination des individus malades contagieux, les décomposeurs ...).
espèce clef nutritionnelle : espèce indispensable qualitativement à la survie d’une autre espèce de valeur
patrimoniale (ex. : la succise, Succisa pratensis, pour la chenille du damier de la succise, Euphydryas aurinia, la
canneberge, Vaccinium oxycoccos, pour le nacré de la canneberge, Boloria aquilonaris).
espèce fourrage : concerne des espèces assez abondantes dont dépend la densité ou l'existence d'autres espèces
prédatrices de valeur patrimoniale (ex. : le gardon pour le brochet ou le sandre, le lombric pour la bécasse, le pinson
pour l'épervier, les plantes à fleur pour les insectes, ...)
espèce marginale évolutive : espèce génétiquement ou écologiquement marginale dans un groupe taxinomique, qui
peut permettre l'évolution d'un nouveau rameau phylogénétique en cas de disparition du rameau principal (ex. :
ours blanc chez les Ursidés, reptiles mammaliens et aviens du secondaire, Cryptothallus mirabilis, chez les hépatiques
...).
espèce parapluie : espèce bénéficiant d'un statut de protection particulier et qui peut donc par sa seule présence,
permettre de sauver un écosystème local (ex. : la grande douve, Ranunculus lingua, la littorelle, Littorella uniflora,
plantes protégées nationalement, le scarabée pique-prune, Osmoderma eremita...). Voir Bifolchi & Lodé (2005) sur
cet aspect.
espèce phare (= charismatique, emblématique) : espèce qui déclenche des comportements de sympathie (passions
de protection), de nature psychologique, auprès du grand public et permet la mobilisation de moyens humains,
techniques et financiers (ex.: panda, ours brun, tigre de Sibérie, rorqual bleu, les orchidées, les arbres remarquables
...). Voir sur ce sujet Bioret & al. 2009.
espèce repère : espèce très représentative ou indicatrice d'un milieu particulier d'intérêt patrimonial (ex: la fougère
des marais, Thelypteris palustris, pour les tourbières alcalines, le chénopode rouge, Chenopodium rubrum, pour les
grèves alluviales, les coléoptères saproxyliques et les hépatiques du bois pourrissant, …).
espèce oligosaprobe (= sentinelle) : espèce indicatrice d'une très bonne qualité du milieu (ex. : bivalves d'eau douce,
beaucoup de plantes inféodées aux tourbières ou aux grèves d’étangs oligotrophiles ...). Voir sur ce thème Rivière
(1993).
3) Critères utilisables au niveau communautés
La plupart des critères valides au niveau espèce peuvent être transposés au niveau communautés. Néanmoins,
quelques spécificités de ce niveau fonctionnel imposent la prise en compte de critères supplémentaires parmi
lesquels on peut citer :
La notion de diversité, qui prend en compte richesse spécifique et équirépartition des individus. Il existe plusieurs
indices de calculs (Simpson, Shannon). Avec S = richesse spécifique et Pi = ni / Σn, on définit :
Indice de Simpson (varie de 1 à S) = Is = 1/Σ Pi²
Equitabilité de Simpson (varie de 0 à 1) = Es = Is – 1 / S - 1
Indice de Shannon (varie de 0 à log S) = H’ = -Σ Pi log2 Pi
Equitabilité de Shannon (varie de 0 à 1) = E = H’ / log S
La richesse spécifique d’une communauté peut être comparée à la richesse totale d’un site, d’une zone
administrative ou géographique, d’un type d’écosystème. Les référentiels du Catminat, des projets de tela-botanica
et des CBN sont par exemple utilisables pour les plantes et les habitats en fournissant des listes par milieux. Ceux de
la LPO et des conservatoires faunistiques fournissent des listes pour les oiseaux et autres vertébrés, mais
commencent seulement à élaborer des listes pour les invertébrés.
La notion de saturation et de représentativité cénotique repose sur la représentativité du cortège d'espèces et sur
son caractère complet ou basal. En effet, ce n'est pas la même chose :
- de trouver une station basale, non saturée cénologiquement,
- de trouver une station avec une espèce rare isolée au sein d'un cortège banal,
- de trouver une station particulièrement complète et représentative du point de vue de la liste des espèces
constitutives des associations présentes.
La définition de ces aspects fait appel aux notions de communauté saturée cénologiquement (SC), communauté
basale (BC) et communauté dérivée (DC), avec des invasives ou des plantations exotiques (Kopecky & Hejny 1974).
Julve (1994) et Bastian & Schreiber (1999), précisent d’autres aspects concernant l’évaluation des paysages et
précisent les fonctions et aménités remplies par les écosystèmes ou autres unités spatiales.
conclusions :
La simple énumération de ces différents critères montre que leur degré d'objectivité est variable et que leur
utilisation nécessite la présence d'instruments de mesures, c'est à dire de données récentes, complètes et fiables.
Malheureusement celles-ci font bien souvent défaut. Le tableau 1 montre les types de documents, officiels ou
reconnus, dont on dispose pour analyser de manière harmonisée la valeur patrimoniale d'espèces, d'habitats, de
sites ou de paysages. A ces documents devraient s'en ajouter d'autres, plus ponctuels (études locales) ou d'accès
plus spécialisé (articles scientifiques, rapports à diffusion restreinte), ainsi que l'expérience personnelle du chargé
d’étude. Pour ce qui concerne les textes administratifs répertoriant des listes d'espèces protégées ou des espaces à
protéger, on dispose de textes ayant valeur légale : conventions internationales (une quinzaine ont été signées par la
France), arrêtés paru au Journal Officiel, plans locaux d’urbanismes. Ces listes sont toutefois établies la plupart du
temps sur des bases scientifiques discutables, en l’absence de documentation suffisante et suffisamment
régulièrement mise à jour. Il est bien clair que peu de programmes d’inventaires, surtout nationaux et
internationaux, disposent de moyens humains et financiers sérieux ou suffisants et qu’un décalage important existe
entre la précision illusoire de certaines annexes techniques et le temps ou la compétence impartis pour les réaliser.
Les livres rouges sont par contre, souvent plus pertinents, mais généralement rédigés par des ONG, ils n'ont pas de
valeur juridique, même s'ils sont parfois pris en compte dans les décisions administratives. Il en est de même des
autres documents, comme les listes de rareté, établies généralement à partir de cartes de répartition par des
scientifiques (professionnels ou amateurs) travaillant en réseaux, mais parfois aussi de manière relativement
empirique. Une évaluation correcte ne peut donc se contenter de s’appuyer uniquement sur des critères juridiques,
ni se baser sur un seul des moyens listés en début de paragraphe, mais doit plutôt prendre en compte l’ensemble
des critères exposés, en les paramétrant en fonction des situations locales et de l’échelle spatiale du problème
d’évaluation posé.
Bibliographie :
Barbault, R., 1995. Le concept d’espèce clé de voûte en écologie de la restauration : clé ou impasse ? Natures
Sciences Sociétés, n° hors série 3 : 19-29.
Bastian, O. & K.F. Schreiber, 1999. Analyse und Ökologische Bewertung der Landschaft (2ten Aufl.). 564 p. Spektrum
Akademischer Verlag, Gustav Fischer. Heidelberg, Berlin.
Bifolchi, A. & T. Lodé, 2005. Efficiency of conservation shortcuts : a long term investigation with otters as umbrella
species. Biological conservation, 126 : 523-527.
Bioret, F., R. Estève & A. Sturbois. 2009. Dictionnaire de la protection de la nature. 537 p. Presses universitaires de
Rennes.
Delavigne, A.-E., 2001. Les espèces d’intérêt patrimonial et la « patrimonialisation » des espèces. Etude
bibliographique. 140 p. SPN, MNHN, MATE. Paris.
Gaston, K.J., 1994. Rarity. Population and Community Biology Series, Vol. 13, 220 p. Chapman & Hall, London.
Joosten, H. & D. Clarke, 2002. Wise Use of Mires and Peatlands: Background and Principles Including a Framework
for Decision-Making. 304 p. IPS.
Julve, Ph., 1984. L'évaluation écologique des paysages : aspects théoriques et pratiques. Docu. Phytosoc., N. S., 8 :
95-103.
Kopecky, K. & S. Hejny, 1974. A new approach to the classification of anthropogenic plant communities. Vegetatio,
29 : 17-20.
Kunin, W.E. & K.J. Gaston, (Eds.), 1997. Biology of Rarity. Causes and Consequences of Rare-Common Differences.
Population and Community Biology Series, Vol. 17, 300 p. Chapman & Hall, London.
Pignatti, S., 1988. Phytogeography and Chorology – Definitions and problems. Annali di Botanica, 46 : 7-23.
Pignatti, S., 1995. Ecosistemi insulari ed insularita. Bollettino della Societa Sarda di Scienze Naturali, 30 : 383-401.
Rivière, J.-L., 1993. Les animaux sentinelles. Courrier de l’environnement, 20 : 59-67.
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