Étant donné qu’il est d’une importance tout à fait exceptionnelle pour la
théorie de la connaissance de différencier l’étude purement descriptive des
vécus de connaissance, menée indépendamment de toute préoccupation d’une
théorie psychologique, de la recherche proprement psychologique orientée sur
l’explication empirique et génétique, nous avons raison de parler plutôt de
Phénoménologie que de psychologie descriptive1.
Cette distinction correspond à celle introduite par Brentano dans ses leçons
au milieu des années 1880 entre psychologie descriptive, qu’il appelle aussi
phénoménologie ou psychognosie, et psychologie génétique ou physio-
logique dont la tâche réside dans l’explication causale des phénomènes
décrits par la première. Mais dans la première édition des Recherches lo-
giques, Husserl utilise fréquemment les termes de psychologie descriptive et
de phénoménologie (descriptive) de manière interchangeable.
Ceci dit, les critiques que Husserl adresse à la psychologie de Brentano
dans cet ouvrage semblent indiquer que le choix du terme de phénoméno-
logie n’est pas uniquement motivé par des considérations terminologiques.
En effet, plusieurs passages de la première édition indiquent que le domaine
d’étude de la phénoménologie ne coïncide pas entièrement avec celui de la
psychologie descriptive. La discussion autour de cette question intervient
dans le contexte plus général d’une réflexion sur la délimitation du domaine
de la psychologie par rapport à celui des sciences de la nature, et c’est dans
cette perspective que Husserl s’intéresse à la psychologie de Brentano.
À la question de cette distinction se relie très étroitement le problème qui
nous est posé, celui de délimiter le concept d’acte psychique quant à son
essence phénoménologique, étant donné que ce concept a pris naissance
précisément dans ce contexte, c'est-à-dire en tant que prétendue délimitation
du domaine psychologique2.
1 E. Husserl, Hua XIX/1, p. 23 (trad. fr., II/1, p. 263-264) : « Da es erkenntnis-
theoretisch von ganz einzigartiger Bedeutung ist, die rein descriptive Erforschung
der Erkenntniserlebnisse, die um alle theoretisch-psychologischen Interessen
unbekümmert ist, von der eigentlich psychologischen, auf empirische Erklärung und
Genesis abzielende Forschung zu sondern, thun wir gut daran, anstatt von
descriptiver Psychologie vielmehr von Phänomenologie zu sprechen. » Je cite désor-
mais les Recherches dans la traduction française de H. Élie, A.L. Kelkel et R. Sché-
rer, dont j’indique la pagination entre parenthèses.
2 E. Husserl, Hua XIX/1, p. 355 (trad. fr., II/2, p. 144) : « Mit der Frage dieser
Sonderung [der psychischen und physischen Phänomene] hängt das uns gestellte
Problem, den Begriff des psychischen Actes passend zu umgrenzen, sehr nahe
Bulletin d’analyse phénoménologique VII 1 (2011) http://popups.ulg.ac.be/bap.htm © 2011 ULg BAP
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