Hépatite A Le virus de l’hépatite A (VHA) a été décrit en microscopie électronique en 1973 dans les selles de patients souffrant d’hépatite aiguë. Il appartient à la famille des Picornaviridae et au genre des Hepatovirus. C’est un virus non enveloppé de 27 à 30 nm de diamètre, dont la capside, de symétrie icosaédrique, est constituée de 32 sous-unités regroupant quatre protéines VP1, VP2, VP3, VP4. Le génome du VHA est une molécule unique d’ARN simple brin de polarité positive de 7,5 kb, directement messager. Deux régions non codantes en 5′ et en 3′ entourent une large région codante dont la traduction donne naissance à une polyprotéine qui sera ensuite clivée en protéines structurales (protéines de capside) et protéines non structurales (protéase, ARN polymérase). L’hétérogénéité de certaines régions du génome permet de distinguer 3 génotypes différents du VHA, I, II et III, subdivisés en 2 sous-types A et B. Cependant, du fait d’une homologie supérieure à 90 % entre les protéines de capside des différentes souches du VHA, il n’existe qu’un seul sérotype. Le VHA est un virus ubiquitaire dont le réservoir est uniquement humain. Sa répartition mondiale n’est cependant pas homogène. On distingue quatre zones d’endémicité (tableau 18). En France, la séroprévalence diminue régulièrement : dans la classe d’âge 18–23 ans, elle est passée de 50 % en 1978 à 10 % en 1998. Cette situation épidémiologique récente est responsable de nombre de cas symptomatiques de l’adulte, surtout après retour de vacances, et de l’existence de nouveaux groupes à risque : voyageurs, personnels militaires, personnels d’entretien des réseaux d’eaux usées, personnels de la chaîne alimentaire, personnels de santé, personnels de crèches ou de collectivités. La transmission est de type fécale-orale, interhumaine directe le plus fréquemment ou indirecte par l’intermédiaire de l’eau ou des aliments. Des épidémies récentes de plusieurs centaines de cas liés à la consommation commune de produits frais contaminés laissent craindre Tableau 18. Zones d’endémie du VHA Haute endémicité Afrique, Moyen-Orient, ex-URSS, Inde, Chine, Océanie, Amérique centrale Endémicité intermédiaire Endémicité modérée Pourtour méditerranéen, Amérique du Sud, Mexique, Cuba, Chine Amérique du Nord, Europe, Japon, Australie Faible endémicité Scandinavie un risque épidémique par l’importation de produits frais depuis des pays endémiques. Cette transmission est facilitée par la très grande résistance du virus à la dénaturation (1 heure à 60 °C, 3 heures à pH3) et dans l’environnement (plusieurs mois dans les eaux de surface, les sédiments, les coquillages). Il n’est détruit que par des concentrations de chlore 10 fois supérieures à celles utilisées pour les eaux de boisson, par un chauffage de 5 minutes à 100 °C ou par les UV. La transmission par le sang et ses produits dérivés ou par toxicomanie par voie intraveineuse est possible du fait de l’existence d’une phase virémique préclinique, même si elle reste rare. La porte d’entrée du virus dans l’organisme est digestive et l’incubation dure de 15 à 45 jours (30 jours en moyenne). La multiplication virale est uniquement hépatocytaire, mais le VHA n’est pas directement cytopathogène : la cytolyse hépatique serait liée à la réponse immunitaire cytotoxique de l’hôte. L’excrétion fécale précède l’ictère et peut se prolonger 2 à 3 semaines. La virémie est maximale avant l’ictère et peut durer 1 à 2 semaines. Chez l’enfant, 90 % des infections sont asymptomatiques alors que 80 à 90 % des infections de l’adulte sont symptomatiques. Un syndrome pseudo-grippal de 4 à 10 jours, avec dans 50 % des cas des troubles digestifs, précède l’ictère qui peut durer 2 à 6 semaines. Un amaigrissement est fréquent, associé à une asthénie qui peut persister plusieurs semaines après la résolution de l’ictère. L’élévation des ALAT, qui peut atteindre 1 000 fois la normale, précède l’ictère et s’achève avec lui. Les infections sévères voire mortelles sont rares mais leur fréquence augmente avec l’âge et surtout avec l’existence d’une hépatopathie chronique sous-jacente (hépatite chronique B ou C, hémochromatose, etc.). Il n’y a pas de formes chroniques, mais il existe des formes prolongées ou avec rechutes. Il n’existe pas de traitement spécifique de l’hépatite A. Repos strict et régime alimentaire ne sont pas nécessaires. Alcool, corticothérapie, estroprogestatifs et tout médicament hépatotoxique sont à éviter. L’hépatite A est une maladie à déclaration obligatoire. La prévention de l’hépatite A repose sur les mesures habituelles d’hygiène mises en place pour éviter la transmission fécale-orale : lavage des mains, assainissement, surveillance des eaux usées et des eaux de boisson. Un vaccin est disponible depuis 1992 et est recommandé selon le calendrier vaccinal 2006 aux personnes exposées (personnels des crèches, personnels et internes des établissements pour l’enfance et la jeunesse handicapée, professionnels du traitement des eaux usées, de la préparation alimentaire et de la restauration collective), aux adultes et enfants voyageant en zone Figure 11. Évolution des paramètres biologiques au cours de l’hépatite A Réponse/Activité Prodromes Ictère Contamination IgG Virémie Excrétion fécale IgM 0 1 2 3 4 5 6 7 Semaines 8 9 ALAT 10 11 12 13 In : Mackiewicz V, Roque-Afonso AM, Dussaix E. – Hépatite A : de l’évidence au piège diagnostique. – Rev Fr Lab 2006 ; 36/382 : p. 52. d’endémie, aux personnes exposées à des risques particuliers (hémophiles, multi-transfusés, toxicomanes par voie IV), ainsi qu’aux patients atteints d’hépatopathie chronique et aux homosexuels masculins. Ce vaccin est produit en culture cellulaire et inactivé par le formaldéhyde. L’efficacité vaccinale est supérieure à 95 % après deux injections à 6 mois d’intervalle chez l’adulte ou deux injections à 15 jours d’intervalle suivies d’un rappel 6 à 12 mois plus tard chez l’enfant. L’innocuité est totale. Des rappels sont prévus tous les 10 ans. Le diagnostic d’une hépatite A aiguë repose essentiellement sur la sérologie et plus particulièrement sur la recherche des IgM anti-VHA. Il est possible de détecter le virus par microscopie électronique ou de l’isoler en culture cellulaire, de détecter des antigènes viraux par RIA ou EIA ou d’amplifier le génome viral par RT-PCR à partir des selles ou du sérum, mais ces techniques sont difficiles à mettre en œuvre et surtout ne sont intéressantes qu’en phase préictérique ou aiguë. Elles ne sont pas pratiquées en diagnostic de routine. À l’inverse, les IgM anti-VHA, en utilisant les techniques EIA actuellement disponibles, sont détectables dès l’apparition de l’ictère, voire dans les jours précédents. Elles persistent 8 à 12 semaines et constituent un marqueur spécifique d’hépatite A aiguë récente. Ces IgM disparaissent ensuite mais peuvent persister plus longtemps, jusqu’à 1 an chez 2 à 4 % des patients. Les faux négatifs du test IgM sont extrêmement rares ; des fausses positivités ont été décrites liées soit au facteur rhumatoïde dans des Elisa indirects, soit surtout à des syndromes d’activation polyclonale des IgM. Dans ce cas, la mesure de l’avidité des IgG permet presque toujours de conclure à une infection ancienne. La détection d’IgM anti-VHA positives chez un patient de plus de 45 ans doit faire suspecter l’éventualité d’une telle situation. Le dosage des Ig totales ou des IgG anti-VHA, par technique EIA, permet de connaître le statut immunitaire vis-à-vis du VHA dans le cadre d’une enquête épidémiologique ou en sélection prévaccinale. Ce dosage n’est pas recommandé pour le diagnostic d’une hépatite A aiguë (figure 11). ( Mackiewicz V, Roque-Afonso AM, Dussaix E. Hépatite A : de l’évidence au piège diagnostique. Rev Fr Lab 2006 ; 36/382 : 51-56. Roque-Afonso AM, Mackiewicz V, Dussaix E. Le virus de l’hépatite A : actualités. Immunoanal Biol Spéc 2006 ; 21 : 202-209.