Quelques applications des algèbres de matrices à la

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Quelques applications des algèbres de matrices à la théorie des
corps non commutatifs∗
Erwan Biland
28 février 2002
On appelle algèbre à division, ou corps non commutatif, un anneau unitaire tel que tout élément non
nul y ait un inverse.
Dans toute la suite, le mot corps, employé seul, signiera corps commutatif. Tous les anneaux et algèbres
seront supposés unitaires.
Première partie
Une conséquence d'un théorème de Burnside
1 Théorème de Burnside
Soit K un corps (commutatif), et E un espace vectoriel sur K . Une sous-algèbre (unitaire) A de L (E)
est dite irréductible si et seulement si les seuls sous-espaces vectoriels de E stables par A sont {0} et E .
Si K est algébriquement clos, et E de dimension nie sur K , alors L (E) n'admet pas d'autre
sous-algèbre irréductible qu'elle même.
Théorème 1
Démonstration.
1. Supposons E de dimension nie, et soit A une sous-algèbre irréductible de L (E).
Alors A agit transitivement sur E − {0} et E ∗ − {0}. Plus précisément,
∀x ∈ E − {0}
{a (x) , a ∈ A} = E
∀ϕ ∈ E ∗ − {0}
{ϕ ◦ a, a ∈ A} = E ∗ .
2. On en déduit que si A contient un élément de rang 1, il les contient tous, auquel cas A = L (E)
3. Il reste à montrer que si K est algébriquement clos, A contient un élément de rang 1, ce qui achève la
démonstration.
2 Théorème d'Artin-Wedderburn
Soit K un corps, et A une K -algèbre. A est dite simple si ses seuls idéaux bilatères sont {0} et A.
Théorème 2 Supposons K algébriquement clos, et A de dimension nie sur K . Si A est simple, alors il
existe un espace vectoriel E de dimension nie sur K tel que A soit isomorphe à L (E)
Démonstration. Soit J un idéal à gauche non nul de A, et de dimension minimale pour cette propriété.
Alors l'action à gauche de A sur J fournit un morphisme ρ : A → L (J), qui est un isomorphisme.
∗ Cet
exposé est tiré du cours de préparation à l'agrégation assuré par Richard Antetomaso à l'ENS au deuxième semestre
de l'année 2000-2001.
1
3 Théorème de Wedderburn
Théorème 3
parfait.
Soit E une algèbre à division de dimension nie sur son centre K , alors dimK E est un carré
Démonstration.
1. Soit k une clôture algébrique de K , et A = k ⊗K E . Etant donné a ∈ A, il existe p ∈ N et deux familles
(λi ) ∈ k p et (xi ) ∈ E p tels que
a=
p
X
λi ⊗ xi .
i=1
On notera p (a) le plus petit tel p.
2. On a les résultats suivants :
(a) Si a ∈ A et p (a) = 1, alors a est inversible.
(b) Si a ∈ A et a = p(a)
i=1 λi ⊗xi , alors les familles (λi ) et (xi ) sont K -libres dans k et E respectivement.
Pp
(c) Si 0 = i=1 λi ⊗ xi et si la famille (λi ) est K -libre dans k (resp. (xi ) dans E ), alors tous les xi
(resp. λi ) sont nuls.
3. Ceci montre qu'une base de E sur K fournit une base de A sur k, d'où
P
dimK E = dimk A.
4. Soit I un idéal bilatère non nul de A. Alors il existe a ∈ I tel que p (a) = 1, et ainsi I = A.
A est donc une k-algèbre simple et de dimension nie : on en déduit le résultat.
Deuxième partie
Construction de
Q-algèbres
à division
Soient a et b des entiers naturels non nuls et premiers entre eux. Alors il existe
un nombre premier p ∈ N tel que
Théorème 4 (Dirichlet)
p ≡ a mod b.
4 Extensions cyclotomiques d'indice premier
1. Soit p ∈ N un nombre premier, et Φp = 1 + X + ... + X p−1 le p-ième polynôme cyclotomique. On sait
que Φp est irréductible sur Q.
D'autre part, le groupe multiplicatif (Z/pZ)∗ est cyclique. Le théorème de Dirichlet montre qu'il existe
un nombre premier q ∈ N dont la classe modulo p engendre (Z/pZ)∗ . Alors Φp est également irréductible
sur Fq .
2. Le corps K désignera ici soit Q, soit Fp . Soit L un corps de rupture de Φp sur K . On a L = K [u ],
pour u une racine de Φp dans L. Il existe alors un unique K -automorphisme σ de L tel que σ (u) = uq .
Il vérie les propriétés suivantes :
(a) σ est d'ordre p − 1.
(b) Les éléments de L stables par σ sont les éléments de K .
(c) La famille σ i (u) 06i6p−2 est une base de L sur K .
3. Pour α ∈ L, on pose
N (α) =
p−2
Y
i=0
2
σ i (α) .
On a N (α) ∈ K et N (α) = 0 ⇐⇒ α = 0.
De plus, il existe un polynôme P ∈ Z [X0 ...Xp−2 ], ne dépendant pas du choix de K , tel que,
si α =
p−2
X
xi σ i (u) ,
avec xi ∈ K,
alors
N (α) = P (x0 ...xp−2 )
i=0
4. On se place ici dans le cas K = Q. On a alors le
Lemme 1
Soit (xi )06i6p−2 ∈ Zp−1 , et α =
N (α) ≡ 0 mod q
Pp−2
i=0
⇒
xi σ i (u) ∈ L. Alors N (α) ∈ Z. De plus
∀i ∈ {0...p − 2}
xi ≡ 0 mod q.
5 Construction d'une Q-algèbre à division de dimension (p − 1)2
1. On se place dans le cas K = Q, et on travaille dans Mp−1 (L), considérée comme Q-algèbre. On a alors
une application
M:
L →
α 7→
Mp−1 (L)
M (α)
On a aussi la matrice

.
= diag α, σ (α) , ..., σ p−2 (α)
0
..

 1


A=



..
q
.
..
.
..
0
.
..
.
1
On pose
E=
(p−2
X




.



0
.

0
)
M (αi ) Ai
(αi ) ∈ Lp−1
,
⊂ Mp−1 (L) .
i=0
2. Ces objets vérient :
(a) M est un morphisme d'algèbres unitaires.
(b) Ap−1 = q Ip−1 .
(c) ∀α ∈ L M (α) A = A M (σ (α))
Ainsi E est une sous-Q-algèbre de Mp−1 (L) de dimension (p − 1)2 . Son centre est Q.
3. Après avoir remarqué que
!
det
p−2
X
M (αi ) Ai
≡ N (α0 ) mod q,
i=0
et en appliquant le lemme 1, on montre que
∀N ∈ E
det N = 0 ⇒ N = 0.
Ceci prouve que E est intègre, c'est donc un corps non commutatif.
6 Amélioration de la construction précédente et résultat dénitif
1. On a montré l'existence, pour tout p ∈ N premier, d'une algèbre à division de dimension (p − 1)2 sur
son centre Q, et on veut maintenant en déduire le
Soit n un entier naturel non nul, alors il existe un corps non commutatif de centre Q
et de dimension n2 sur Q.
Théorème 5
3
2. On va pour cela considérer une sous-algèbre F de l'algèbre E construite précédemment. n étant xé,
on choisit p premier tel que
(a) n divise p − 1. On note r = p−1
n .
(b) n et r sont premiers entre eux.
L'existence d'un tel p est assurée par le théorème de Dirichlet : on peut prendre p ≡ (n + 1) mod n2 .
3. Soit M le sous-corps
éléments de L invariants par σ n , et τ le Q-automorphisme de M induit par
Pr−1 des
r
j
σ . Posons v = j=0 σ (u). On a
(a) τ est d'ordre n.
(b) Les éléments de M stables par τ sont exactement ceux de Q.
(c) La famille τ i (v) 06i6n−1 est une base de M sur Q.
Soit d'autre part B = Ar , qui vérie :
(d) B n = q Ip−1
(e) ∀β ∈ M M (β) B = B M (τ β).
4. On pose enn
(
)
F =
n−1
X
M (βi ) B i
,
(βi ) ∈ M n
⊂ E ⊂ Mp−1 (L) .
i=0
Les propriétés précédentes montrent que c'est une Q-algèbre à division de dimension n2 et de centre
Q.
4
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