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RÉSUMÉ
Il n'est pas rare d'entendre parler de société de communication. À cette idée sont associées
des notions comme celles de fluidité et de transparence comme si « l'action de communiquer »
pouvait en être garante. Avec la multiplication des techniques et leur ouverture à des publics
toujours plus larges, on entretient l'illusion qu'à plus de communication correspond plus de liberté
et de démocratie. On confond ainsi le principe de démocratie et les moyens d'y parvenir. Notre
démarche part de la prémisse que la communication doit d'abord être abordée comme un acte
relationnel ; elle ne peut être analysée indépendamment de la culture à partir de laquelle elle est
produite, ni des acteurs sociaux concernés ou des intérêts que défendent ces mêmes acteurs. La
présente recherche propose une analyse des contenus de l’information diffusée par les médias
québécois et de leur processus d’élaboration. Elle questionne le champ de production de la presse
dans ses rapports à la démocratie.
En reconstituant le portrait des agendas de neuf médias québécois durant une période
d'une semaine et en combinant ces observations à celles obtenues à partir d'entrevues et de périodes
d'observation dans des salles de presse, nous tentons de répondre à une série de questions. Qu'est-
ce qui fait l'importance d'une nouvelle ? Comment met-on en valeur certains événements ?
Pourquoi certaines nouvelles reviennent-elles sur tous les agendas médiatiques ? Quels sont les
problèmes soulevés, les acteurs sociaux qui apparaissent les plus souvent sur les agendas ? Ce
faisant, nous posons aussi les questions inverses. Quels sont les groupes sociaux qui ont moins
souvent accès à cet espace ? Comment sont-ils représentés ? Nous proposons une réflexion sur les
motifs qui sous-tendent ces choix. En comparant les agendas de médias qui utilisent des supports
techniques différents (télévision, radio, journaux) et dont les modes de propriété diffèrent (public,
privé), nous tentons de faire ressortir les grandes logiques qui orientent le choix des contenus.
Notre observation tend à confirmer que l'actualité présentée ne correspond pas au réel, mais
plutôt à un réel institué où le rôle de « quatrième pouvoir » attribué aux médias n'est pas
prédominant. La communication médiatique reproduit la parole des pouvoirs légitimes et la valide
par le recours à diverses pratiques de légitimation. Les procédés utilisés par la presse qu’on
qualifie aujourd’hui de « presse d’information » en opposition à la « presse d’opinion », qui
prévalait un siècle plus tôt, contribuent à maintenir l’illusion de vérité. Ces modalités de mise en
forme du discours ont pour effet de masquer l’intérêt des acteurs. Notre démarche vise à faire
ressortir les valeurs centrales du discours de la presse et l'idéologie véhiculée par ces mêmes
discours. Ce faisant, nous procédons à l’analyse critique d’un certain nombre de mythes
entretenus autour des notions d'objectivité, de vérité et de faits bruts, des notions autour desquelles
s'est construite la pratique journalistique contemporaine.