Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:30 Pagina 254 Célébration du 450e anniversaire de l’archevêché de Malines, photo, 2009. Entre le 1er février et le 21 juin 2009 se sont déroulés divers événements dans le cadre du 450e anniversaire de l’archevêché. Le 12 mai, date exacte de l’anniversaire, une célébration eucharistique multilingue a eu lieu dans la cathédrale SaintRombaut pour tous les collaborateurs de l’archevêché. [Malines, Service de presse de l’Archevêché] Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:30 Pagina 255 V Une Église devenue minoritaire dans un environnement pluraliste L’archidiocèse sous Léon-Joseph Suenens et Godfried Danneels (1961-2009) Leo Kenis 1 L e dernier chapitre de l’histoire de l’archidiocèse correspond à une nouvelle période relativement tumultueuse de son existence 1. À partir de la fin des années 1950, non seulement l’archidiocèse de MalinesBruxelles, mais également l’Église de Belgique et le monde catholique en général connaissent une transformation qui, aujourd’hui encore, reste difficile à appréhender dans son ensemble, tant les lignes de fracture et les repères de cette évolution demeurent insaisissables. Durant cette période, deux fortes personnalités dirigent l’archidiocèse : les cardinaux Léon-Joseph Suenens et Godfried Danneels. Étant donné que la transmission de la crosse archiépiscopale de l’un à l’autre de ces prélats ne nous est pas apparue comme une rupture, ce chapitre présente chronologiquement l’histoire de l’archidiocèse du début des années 1960 jusqu’à nos jours comme un tout. S’il fallait à tout prix trouver une charnière dans cette évolution, elle se situerait au début des années 1960. Des récentes études historiques font de plus en plus ressortir cette période comme un tournant capital dans l’évolution religieuse de l’Europe occidentale 2. En effet, les années 1960 marquent le début d’une crise des Églises établies qui, avec le temps, avaient fini par se muer en véritables institutions sociales, puissantes et très actives. Cette crise ecclésiastico-religieuse n’est évidemment pas un phénomène isolé, mais doit être liée à l’évolution radicale, voire révolutionnaire que connaît la société occidentale dans son ensemble durant cette période. Toutefois, à côté de cet aspect de crise, la réelle vitalité qui anime le milieu religieux à cette époque ne peut être niée. Dans le monde catholique, cette vitalité est le fait du mouvement de renouvellement qui apparait dans les années 1950 et culmine avec le concile Vatican II (1962-1965). Ce concile réactualise la foi et stimule les catholiques à rendre à nouveau visible au monde la force de l’évangile. Pour y parvenir, c’est d’abord à l’intérieur même de l’Église que des fenêtres ont été largement ouvertes. Le développement de l’archidiocèse de Malines illustre bien la dynamique insufflée dans la communauté ecclésiale suite à cette impulsion et permet de voir comment l’Église a dû se battre pied à pied pour conserver son identité et sa signification dans une société en évolution exponentielle 3. Une Église devenue minoritaire dans un environnement pluraliste (1961-2009) ı 255 2 3 Ce texte s’appuie sur les notes de travail rédigées par André Tihon pour l’histoire des vicariats de Bruxelles et du Brabant wallon et de Bart Latré pour le vicariat du Brabant flamand et Malines, ainsi que sur les informations fournies par Jean-François Van Caulaert, Leo Declerck et Kristien Suenens. Voir, par exemple, Hugh McLeod, The religious crisis of the 1960’s. Pour ce qui suit, nous nous sommes principalement référés aux informations parues dans les revues diocésaines Pastoralia (éditions néerlandophone et francophone) et Trefpunt. D’autres informations ont été puisées dans l’Annuaire de l’archidiocèse de Malines-Bruxelles, ainsi que dans le rapport interne de Patricia Quaghebeur, Naar een toekomstig beleid inzake beheer en ontsluiting van de archieven van het Aartsbisdom Mechelen-Brussel (Louvain, KADOC, 2000). Un certain nombre de personnes ont été interviewées par André Tihon et Jean-François Van Caulaert. À quelques exceptions près, l’on ne retrouvera pas de renvois explicites à ces sources. Les documents d’archives n’ont été que très sporadiquement mis en œuvre. Les archives des archevêques Suenens et Danneels ne sont pas encore accessibles à la recherche scientifique. Seuls les documents du cardinal Suenens relatifs au Concile ont été inventoriés par Declerck et Louchez, Inventaire des papiers conciliaires du cardinal L.-J. Suenens. Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:30 Pagina 256 Rapidement, Léon-Joseph Suenens s’attelle concrètement au partage du nouvel archidiocèse de MalinesBruxelles en quatre zones pastorales : le Brabant flamand, le Brabant wallon, Bruxelles et Malines (en province d’Anvers). La responsabilité pastorale de chacune de ces zones (également dénommées secteurs territoriaux) est confiée à un vicaire général, assisté d’un ou plusieurs adjoints. Les vicaires reçoivent en outre la responsabilité des pastorales spécialisées. Étant donné que, initialement, un seul vicaire général a été désigné pour les deux zones du Brabant flamand et de Malines, il est d’usage de ne parler que de trois zones vicariales : le Brabant flamand et Malines, le Brabant wallon et, enfin, Bruxelles. En 1979, la dénomination de « zone pastorale » a été remplacée par celle de « vicariat ». Léon-Joseph Suenens, tableau de Félix De Boeck, 1971. Léon-Joseph Suenens est nommé archevêque le 24 novembre 1961. Il sera promu cardinal en 1962. [Malines, Palais archiépiscopal] Le 7 août 1961, au lendemain du décès du cardinal Van Roey, Léon-Joseph Suenens, vicaire général et évêque auxiliaire, est nommé administrateur apostolique de l’archidiocèse. Il est désigné comme nouvel archevêque le 24 novembre 1961, nomination confirmée par bulle du 12 janvier 1962. Monseigneur Suenens prend possession de son siège archiépiscopal le 24 janvier. Dans l’intervalle, une autre bulle pontificale, datée du 9 décembre 1961, a scindé l’ancien archidiocèse en deux nouveaux diocèses : Malines-Bruxelles et Anvers, auxquels une loi belge du 5 avril 1962 accorde la reconnaissance civile. Suenens est également nommé administrateur apostolique du nouveau diocèse d’Anvers dans l’attente de la nomination d’un premier évêque titulaire. 256 ı Leo Kenis Cette partition de l’archidiocèse en vicariats territoriaux est en concordance avec les besoins concrets et la disparité de la population de l’archidiocèse. Dans les années 1960 en effet, le Brabant flamand était rural avec des zones davantage urbanisées autour de Louvain et surtout de Bruxelles. Un nombre de paroisses qui se situent en province d’Anvers font également partie de ce vicariat : Malines surtout, mais aussi Duffel, Sint-Katelijne-Waver, Bonheiden, Willebroek, Puurs, Saint-Amand et Bornem. En Brabant wallon, il existe alors une forte disparité entre l’Ouest industriel et l’Est davantage agricole. La création de Louvain-la-Neuve en 1969, suite à la scission de l’université de Louvain, ainsi que l’établissement de familles bruxelloises entraîne un très net accroissement de la population. Il est d’ailleurs étonnant de constater que, dès les années 1940, il existait une dynamique ecclésiastique propre au Brabant wallon. Elle résultait surtout de l’action de Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:30 Pagina 257 l’abbé Henri Lemercier (1906-1995) qui, à partir de 1949, entame l’organisation de conférences régionales annuelles pour doyens, prêtres et laïcs engagés 4. Quant à la démographie de l’agglomération bruxelloise, elle connaît d’abord une forte chute de sa population de 1970 à 1996, puis une diversification de celle-ci par l’immigration, ce qui n’est pas sans conséquences au niveau religieux. Si le catholicisme reste dominant à côté d’autres courants d’inspiration chrétienne et de la communauté juive, l’augmentation du nombre de musulmans est telle que, suite à la forte immigration marocaine et turque, l’islam est devenu la deuxième religion en région bruxelloise. À Bruxelles aussi, une initiative pastorale concertée voit le jour avant qu’il soit question d’un vicariat spécifique. L’Entraide Sacerdotale mise sur pied à la fin des années 1920 par l’abbé Robert Kothen (1900-1955) y a joué un rôle important jusque 1961 5. Ce groupe d’étude a joué un rôle de suppléance pour l’organisation de rencontres du clergé ; les doyens aussi se retrouvaient régulièrement 6. Une autre initiative d’importance sont les « Journées de Fichermont » qui sont lancées en janvier 1959 dans le but de développer une pastorale concertée pour Bruxelles. Revenant sur son initiative de décentralisation et de partage de l’archidiocèse, le cardinal Suenens estimait avoir anticipé d’un quart de siècle la fédéralisation de la Belgique 7. En même temps, dès son entrée en charge, il est rapidement confronté aux faits et aux aspects imprévus de la fédéralisation de la politique culturelle. La question linguistique se réveille avec la polémique liée à la scission de l’Université catholique de Louvain dont l’archevêque et ses suffragants constituaient le pouvoir organisateur. Dans le cadre des lois linguistiques de 1962-1963, les tensions croissent entre les Flamands partisans d’une université unilingue néerlandophone à Louvain et les francophones qui s’y opposent. En 1962 encore, les évêques insistent sur le caractère unique et bilingue de l’Université catholique 8. De même, lors des protestations flamandes contre les plans d’expansion de l’université dans un triangle Louvain-Woluwe-Wavre jugé trop francophone, les évêques répètent leur 4 5 6 7 8 Voir, à son propos, l’article de Tihon et Verhaegen, « Un précurseur du vicariat du Brabant wallon : Henri Lemercier ». Dans les années 1950, il a organisé avec le chanoine Houtart une enquête sociologique sur le Brabant wallon. Houtart, « Le Brabant Wallon ». Voir Leclercq, L’abbé Robert Kothen. Le secrétariat y constitué en 1957 a, à partir de 1960, publié un bulletin bilingue : 02. Bulletin d’entraide de pastorale du clergé bruxellois publié à l’initiative de Messieurs les doyens de l’agglomération Broederlijke mededelingen van zielzorgnota’s voor de Brusselse clerus uitgegeven onder toezicht van de Zeereerwaarde Heren Dekens van Groot Brussel, 1960-1962. Cette publication fut arrêtée sur ordre du cardinal Suenens début 1962. Suenens, Souvenirs et espérances, 50. Cependant, cette même année, les évêques érigent deux paroisses universitaires à Louvain, de manière à ce que les francophones puissent bénéficier de célébrations liturgiques en français. L’installation solennelle de LéonJoseph Suenens comme archevêque de Malines, photo, 1962. [Malines, Archives de l’Archevêché] Une Église devenue minoritaire dans un environnement pluraliste (1961-2009) ı 257 Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:30 Pagina 258 Le cardinal Suenens contrôle les étudiants flamands, caricature, 1966. Lors de la polémique engagée autour de la scission de l’Université catholique de Louvain, les cercles flamingants font du cardinal Suenens leur tête de Turc. La présente caricature paraît dans la revue’t Pallieterke du 26 mai 1966. [Louvain, KADOC : KYC795] 9 10 11 12 13 Suenens, Souvenirs et espérances, 136-137. Les péripéties ultérieures des paroisses universitaires sont du reste dignes d’intérêt. Sur le nouveau campus de Louvain-la-Neuve, il a été décidé de bâtir une église et une paroisse étudiante est active. À Louvain, la paroisse universitaire est devenue un espace expérimental de renouveau ecclésiastique davantage tourné vers la société. Voir à ce propos Lattré, Aggiornamento in Leuven. Voir Tihon, « Le Brabant wallon ». Voir l’article de Christian Laporte, « Deux archevêchés après le départ du Cardinal Danneels ? », dans La Libre Belgique, 4 décembre 2007. Interview mené par Christian Laporte, dans La Libre Belgique, 22 mai 2008. point de vue et rejettent à nouveau toute scission de l’université dans un mandement du 13 mai 1966. La réaction flamande à cette déclaration mène rapidement à une crise politique et à la scission de Louvain en deux universités distinctes, les francophones partant pour Louvain-la-Neuve et Woluwe. La protestation flamande vise également explicitement l’institution ecclésiastique et la personne du cardinal Suenens qui, après coup, fait preuve d’incompréhension en continuant à faire référence au « drame » de la scission 9. La question de Louvain signifie non seulement la fin des formations politiques unitaires nationales, mais divise également l’épiscopat et met un terme à une longue tradition d’autoritarisme et d’interventionnisme ecclésiastique en matière politique 10. Depuis lors, la question de l’extension de la fédéralisation aux institutions ecclésiastiques revient de temps en temps à la surface, particulièrement en Wallonie 11. Ainsi, dans les années 1980, le groupe Église-Wallonie, réuni autour de Jean-É. Humblet (°1920), a-t-il plaidé pour une scission de la province ecclésiastique belge. Ce mouvement est toutefois resté relativement limité et n’a jamais pu traduire ses revendications dans les faits (pas davantage à Bruxelles). Plus récemment, à l’annonce du départ à la retraite du cardi258 ı Leo Kenis nal Danneels en tant qu’archevêque, ce groupe a fait un timide appel pour la scission de l’archidiocèse et la mise en place d’un double statut particulier pour Bruxelles 12. Questionné sur ce point, le cardinal a fait comprendre que cette exigence ne rencontrait que fort peu de soutien 13. Progressivement, les différents vicariats ont pris leur autonomie en matière de gestion, tandis que subsistait une coordination diocésaine sous la direction de l’archevêque. Quand bien même évolutions et initiatives peuvent diverger, il nous semble néanmoins opportun de traiter en un même chapitre les différents aspects de la vie de l’Église dans l’archidiocèse, de manière à rendre plus visible ce qui les distingue, mais aussi de constater leur unicité de réaction et de point de vue en matière sociale et politique. Avant d’esquisser ces évolutions, nous nous arrêterons à la préhistoire des vicariats et à la situation sociale dont ils sont issus. Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:30 Pagina 259 Léon-Joseph Suenens (Ixelles, 16 juillet 1904 - Bruxelles, 6 mai 1996) archevêque de Malines-Bruxelles de 1961 à 1980 L éon-Joseph Suenens naît à Ixelles le 16 juillet 1904. Il suit l’enseignement primaire en néerlandais à Boom et l’enseignement secondaire en français à Schaerbeek. Il devient ainsi un Bruxellois bilingue parfaitement équipé pour diriger un archidiocèse multilingue qui subira de nombreux changements historiques, et pas seulement sur le plan communautaire. Léon-Joseph Suenens se prépare au sacerdoce, non au séminaire de Malines, mais à Rome où le cardinal Mercier l’envoie de 1921 à 1929 à étudier la philosophie et la théologie à la Grégorienne. Il y décroche également un baccalauréat en droit canon. Mercier lui conseille dom Lambert Beauduin (1873-1960) comme directeur spirituel à Rome. Suenens est ordonné prêtre le 4 septembre 1927. Il enseigne pendant quelque temps à Schaerbeek, puis, de 1930 à 1940, la philosophie respectivement au petit séminaire et au séminaire SaintJoseph de Malines. En 1940, après le début de la Seconde Guerre mondiale, il est nommé vice-recteur de l’université de Louvain, où il seconde courageusement le recteur Van Waeyenbergh (1891-1971) dans la confrontation avec l’occupant allemand. À Louvain, Suenens entre en contact avec un groupe de professeurs parmi lesquels Lucien Cerfaux (1883-1968), Gérard Philips (1899-1972), Albert Dondeyne (19011985) et Franz Grégoire (1898-1977). Ils lui fournissent le terreau intellectuel qui lui permettra d’élaborer ses idées sur l’Église et le christianisme. En 1945, Léon-Joseph Suenens est nommé évêque auxiliaire et vicaire général par le cardinal Van Roey qui le charge de tâches administratives et, plus spécialement, de l’apostolat radiophonique et du vicariat pour l’enseignement – ce qui le plongera entre autres dans la guerre scolaire de 1954-1958. Il attache beaucoup d’importance à la formation et à la contribution des religieuses à la vie ecclésiale, comme il l’exprimera plus tard dans un livre stimulant, Promotion apostolique de la religieuse (1962). Au lendemain de la guerre, monseigneur Suenens entre en contact avec le mouvement de réarmement moral et découvre la Légion de Marie, un mouvement de laïcs fondé en 1921 par un Irlandais, Frank Duff (1889-1980), comme alternative à la tradi- tionnelle Action Catholique. Il soutient en 1947 la fondation de la section belge de la Légion de Marie et rencontre dans ce cadre l’Irlandaise Veronica O’Brien (1905-1998), qui devient son âme sœur. Son penchant pour la spiritualité mariale s’exprime plus tard dans sa devise, In Spiritu sancto (« Dans l’Esprit Saint »), à laquelle il ajoute ex Maria virgine (« par la Vierge Marie »). En 1961, monseigneur Suenens succède à JosephErnest Van Roey comme archevêque de MalinesBruxelles, puis, en 1962, est promu au cardinalat. Après la création du diocèse d’Anvers, il entreprend la réorganisation de l’archevêché. Entre-temps, le pape Jean XXIII (1881/1958-1963) a pris l’initiative de rassembler le concile Vatican II. En 1962, le cardinal Suenens devient membre de la commission centrale préparatoire du concile. Au concile même, il joue d’emblée un rôle de premier plan, notamment grâce à sa connivence avec le pape. Il participe au lancement du concile en présentant un projet de plan global, puis, sous le pape Paul VI (1897/1963-1978), il devient un des quatre modérateurs du concile et marque de son empreinte l’orientation du concile. Il se distingue par ailleurs par quelques interventions importantes, entre autres au sujet du schéma « L’Église et le monde ». Le cardinal Suenens témoigne d’une grande largeur d’esprit, de courage, de sens tactique et d’intuition dans sa façon de prendre au bon moment l’initiative appropriée. Il est soutenu par les évêques belges et leurs théologiens présents au concile, dont plusieurs appartiennent aux anciens cercles du Collège belge de Rome et de l’université de Louvain. Ses interventions au concile feront de lui une des figures les plus remarquées d’une Église en quête de renouveau. La renommée internationale du cardinal Suenens étend inévitablement son terrain d’activité bien au-delà des frontières de son diocèse. Lors du partage de l’archidiocèse en trois vicariats, il fait d’ailleurs remarquer qu’il n’a jamais considéré qu’il était de son devoir d’être « trois fois évêque », mais qu’il devait veiller, en tant qu’archevêque, à la réalisation des grandes lignes stratégiques de la pastorale, en collaboration avec ses vicaires généraux et d’autres organes représentatifs. Il a réussi, dans l’ensemble, et en dépit de ses nombreuses absences, à déléguer ses responsabilités et à faire confiance à ses collaborateurs. En Belgique, il se fait même remarquer quelquefois, notamment de façon explicite (et involontaire) en 1966, lorsque le mandement des évêques belges concernant l’université de Une Église devenue minoritaire dans un environnement pluraliste (1961-2009) ı 259 Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:30 Pagina 260 Louvain est violemment contesté en Flandre et que l’attaque vise aussi sa personne. Au cours de cette période houleuse, pendant laquelle le laborieux processus de réforme entraîne une polarisation dans une Église en pleine évolution sociale, le cardinal Suenens continue inlassablement à appliquer les décisions de Vatican II. En 1968, il publie un de ses ouvrages les plus importants, La coresponsabilité dans l’Église d’aujourd’hui, dans lequel il plaide pour la collégialité dans plusieurs domaines de la vie de l’Église. Les tensions concernant le principe et l’exercice d’une authentique autorité épiscopale dans l’Église culminent avec la publication de l’encyclique Humanae vitae. Les évêques de Belgique, sous la direction de leur cardinal, parviennent à formuler un avis nuancé vis-à-vis de cette encyclique. Plus tard, le cardinal Suenens commente son point de vue sur la collégialité dans quelques interviews remarquées qui le projettent au cœur de l’actualité mondiale. Le 15 mai 1969, dans les Informations catholiques internationales, il critique vivement le manque de collégialité dans le processus décisionnel de l’Église, et dans une interview donnée au journal Le Monde des 11-12 mai 1970, il réitère son plaidoyer en faveur d’une gestion collégiale au cours d’une conversation sur la question du célibat obligatoire pour les prêtres. Ces points de vue provoquent le mécontentement du pape et le refus de plusieurs de ses collègues-évêques, en particulier parmi ses propres suffragants. En 1972, presque simultanément, le cardinal Suenens entre en contact aux États-Unis avec Marriage Encounter et avec le mouvement charismatique. Dorénavant, il ne s’occupe plus de problèmes ecclésiaux structurels, mais se consacre surtout au renouveau charismatique dans l’Église. En 1975, Paul VI, avec lequel il s’est entretemps réconcilié, le charge de ce renouveau. Surtout actif dans le monde anglo-saxon qui l’apprécie beaucoup, le cardinal reçoit en 1976 le prestigieux Templeton Prize pour son action en faveur du renouveau spirituel. Il publie, dans le cadre de ces activités, une série de Documents de Malines (1974-1986), traitant des divers aspects du renouveau charismatique. En 1979, le cardinal Suenens offre au pape sa démission et est remplacé, le 4 janvier 1980, par Godfried Danneels. Il fait encore parler de lui à l’occasion de la publication de ses mémoires (Souvenirs et espérances, 1991, et Les imprévus de Dieu, 1993) et d’un livre sur le roi Baudouin dans lequel il dévoile son influence sur la vie du roi (Le roi Baudouin. Une vie qui nous parle, 1995). Léon- 260 ı Leo Kenis Joseph Suenens meurt le 6 mai 1996 à Bruxelles, âgé de 91 ans. Un coup d’œil rétrospectif sur la vie du cardinal Suenens a amené certains commentateurs à mettre en lumière sa personnalité, à la fois forte et un peu énigmatique, ainsi que son influence profonde sur l’Église et sa renommée internationale qui fit de lui un des grands archevêques de l’histoire de Belgique. Toutefois, sa façon de penser et d’agir ne fut pas dépourvue d’une certaine ambiguïté : après avoir été influencé par la spiritualité traditionnelle de la Légion de Marie (19471960), il passe au renouveau de l’Église pendant et après Vatican II, puis, à partir des années 1970, s’oriente vers le renouveau charismatique stimulé par l’Esprit, c’est-à-dire en fait un retour à sa piété mariale initiale. Il insistait lui-même sur la nécessité de passer de l’engagement envers le renouveau institutionnel de l’Église à plus de vie spirituelle, et était convaincu de la compatibilité de ces deux aspects de la vie de l’Église. Même si l’on conclut que, dans la vie du cardinal Suenens, l’élément spirituel traditionnel l’a finalement emporté, il est clair qu’en inspirant, puis en préparant le terrain des réformes de l’Église, il a donné corps à une nouvelle forme d’autorité épiscopale, authentique et contemporaine. Hamilton, Cardinal Suenens ; Fleckenstein, Pour l’Église de demain ; « Le Cardinal Suenens » ; Plavsic, « Le cardinal Suenens » ; Grootaers, « Le cardinal L.-J. Suenens » ; Idem, « Le cardinal Suenens, stratège et charismatique » ; Idem, « Suenens, JosephLéon, dit Léon-Joseph » ; Levada, « The Charism of Leon-Joseph Cardinal Suenens » ; Lamberigts et Declerck, « The Role of Cardinal Léon-Joseph Suenens at Vatican II » ; Declerck et Osaer, « Les relations entre le cardinal Montini/Paul VI (1897-1978) et le cardinal Suenens (1924-1996) pendant le Concile Vatican II ». Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:30 Pagina 261 Godfried Danneels succède au cardinal Suenens comme archevêque, photo, 1979. Le 21 décembre 1979, le cardinal Suenens transmet le flambeau archiépiscopal à Godfried Danneels, évêque d’Anvers. Ce dernier sera solennellement installé quinze jours plus tard. Cette photo a été prise lors de la ‘passation des pouvoirs’. [Malines, Archives de l’Archevêché] Godfried Danneels (Kanegem, 14 juin 1933) archevêque de Malines-Bruxelles de 1980 à 2009 G odfried Danneels naît le 14 juin 1933 à Kanegem (Flandre occidentale). Après ses études secondaires au collège de Tielt, il se prépare au sacerdoce dans le diocèse de Bruges. Il est immédiatement envoyé à Louvain pour y étudier la philosophie et obtient sa licence en 1954. Il poursuit ses études de théologie à la Grégorienne à Rome. Le 17 août 1957, il est ordonné prêtre à Kanegem. En 1959, il est chargé de cours et directeur spirituel au grand séminaire de Bruges et, en 1961, il défend sa thèse de doctorat en théologie sur l’acte de foi chez Henri de Gand. En 1969, il est également chargé des cours de liturgie et de théologie des sacrements à la faculté de théologie de Louvain. En novembre 1977, Godfried Danneels est nommé de façon inattendue évêque d’Anvers par le pape Paul VI. À peine deux ans plus tard, le 21 décembre 1979, il succède à Léon-Joseph Suenens comme archevêque de Malines-Bruxelles et comme président de la conférence épiscopale belge. Son installation solennelle a lieu le 4 janvier 1980. Le pape Jean-Paul II le charge entre-temps d’une mission internationale délicate en le nommant second président délégué du synode spécial des évêques des Pays-Bas. Ce synode se tient à Rome du 14 au 30 janvier 1980 et a pour but de rétablir la solidarité et l’unité, sérieusement perturbées par plusieurs incidents, dans la communauté ecclésiale hollandaise. L’intervention conciliatrice de monseigneur Danneels est franchement appréciée. Le 2 février 1983, il est créé cardinal. Dans les années qui suivent, son travail est de plus en plus estimé, notamment son apport aux synodes épiscopaux suivants. Il joue un rôle clé au synode spécial de 1985, à l’occasion du vingtième anniversaire de la clôture du concile Vatican II, en tant que rapporteur et auteur du rapport final en collaboration avec Walter Kasper (°1933). Un autre point fort de l’année 1985 est la visite du pape Jean-Paul II au Benelux, qui connaît un grand succès en Belgique. En 1987, le cardinal est chargé d’une autre mission fort délicate : il doit notamment intervenir avec quelques collègues dans le conflit relatif à la présence d’un carmel sur le terrain du camp de concentration d’Auschwitz. Au cours des années 1990-1999, le cardinal découvre l’Église universelle grâce à sa présidence de Pax Christi International. Il est souvent invité comme conférencier par plusieurs pays comme les États-Unis, la France et les Pays-Bas. Dans le domaine du dialogue interreligieux, il œuvre Une Église devenue minoritaire dans un environnement pluraliste (1961-2009) ı 261 Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:30 Pagina 262 dans le cadre de la Conférence mondiale des Religions pour la Paix, et plus spécialement comme comodérateur du Conseil européen des Chefs religieux dont une section est fondée en Belgique en 2007. Ses activités internationales obligent le cardinal Danneels, tout comme son prédécesseur, à de fréquentes absences. Pour la gestion interne de l’archevêché, il se fait seconder par ses plus proches collaborateurs qui sont d’abord quatre puis trois évêques auxiliaires. La collaboration avec le groupe de gestion épiscopal se passe fort bien ; même si le contact direct avec la communauté ecclésiale locale n’est que sporadique, le cardinal Danneels séjourne plus fréquemment dans son diocèse que son prédécesseur. Afin d’entretenir des liens avec la base, il prend quelques initiatives originales. Ainsi, deux fois par an des adultes sont invités pour une soirée d’échanges informels au palais archiépiscopal de Malines et chaque année des rencontres avec des jeunes ont lieu à Louvain (voir les publications Qui est Dieu pour vous ? 1990 et Dieu, à quoi bon 2001). Les lettres pastorales de l’archevêque de MalinesBruxelles rencontrent un franc succès depuis 1981. La série publiée sous le titre Paroles de vie à l’occasion des fêtes de Pâques et de Noël, traite de sujets variés, tant religieux et spirituels que sociaux. Ces petits fascicules sont distribués et vendus à des dizaines de milliers d’exemplaires. Ils montrent comment Godfried Danneels remplit une des tâches épiscopales, essentielles à ses yeux, à savoir la proclamation de la Parole. Ils mon- 262 ı Leo Kenis trent également que, lorsqu’il s’agit de questions spirituelles et théologiques dans sa propre communauté ecclésiale, il parle avec autorité, comme auparavant lorsqu’il faisait entendre sa voix dans le domaine de la liturgie. La teneur de sa vision théologique s’exprime de façon frappante dans sa devise épiscopale : Apparuit humanitas Dei nostri (« L’humanité de Dieu nous est apparue »). Cette promotion de l’humanité s’est accomplie dans la personne de Jésus Christ, et incite les chrétiens à s’engager inconditionnellement en faveur de l’humanité. Aussi, la vision religieuse de Godfried Danneels constitue la base d’une humanisme chrétien dans lequel beaucoup se reconnaissent. Afin de propager ce message, il recourt fréquemment aux média, notamment la télévision. Il apparaît dans l’opinion publique comme le représentant des catholiques belges. Par le biais de ces apparitions régulières dans les média, il est devenu, non seulement en Flandre, mais aussi en Belgique francophone, le porte-parole incontesté de l’Église de Belgique. S’exprimant avec autorité, il est estimé de tous, y compris des non-croyants. Dans ce rôle, il ne manque jamais de faire entendre sans détours la voix de l’Église catholique, même lorsque des sujets brûlants, comme les problèmes éthiques, alimentent le débat de société. Van Hoof, Entretiens avec le Cardinal Danneels ; Danneels, L’humanité de Dieu ; Danneels, Franc parler; Bogaert, Kardinaal Godfried Danneels ; Lamberigts, « Kardinaal Danneels 15 jaar bisschop » ; « Dossier. Kardinaal Godfried Danneels wordt 75 ». Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:30 Pagina 263 1. Structure et direction Le cadre décisionnel : les évêques auxiliaires, les vicaires et leurs collaborateurs Dès sa nomination comme archevêque, Léon-Joseph Suenens constitue son équipe 14. À cette époque, deux évêques auxiliaires du temps du cardinal Van Roey sont toujours actifs : Paul Schoenmaeckers et Honoré Van Waeyenbergh, tous deux vicaires généraux, ainsi que Paul Theeuws. Durant son épiscopat, le cardinal Suenens ne nomme pas d’évêque auxiliaire, mais institue des vicaires généraux territoriaux, responsables de la gestion quotidienne des zones pastorales de l’archidiocèse. En outre, la direction du vicariat pour l’enseignement est partagée entre les vicaires généraux et le vicariat pour les religieux et religieuses, tout d’abord confié à monseigneur Schoenmaeckers, est transmis dès avril 1962 au chanoine René Ceuppens (1911-1980), secrétaire particulier du cardinal 15. Sous l’épiscopat du cardinal Danneels, les fonctions dirigeantes sont quelque peu restructurées en 1982 : les vicariats 14 Les dates de naissance et de décès des personnes qui font l’objet d’une biographie spécifique (p. 266-268) ne sont pas mentionnées dans le texte. 15 Nommé vicaire général, Ceuppens est remplacé comme secrétaire particulier par Thierry Cogels (19141976), puis, en juin 1966, par Wilfried Brieven (°1931). Le chanoine Brieven demeure secrétaire particulier du nouvel archevêque jusqu’à fin février 2001. Quelques mois auparavant, en octobre 2000, Luc Van Hilst (°1967) est désigné comme son successeur. Le cardinal Godfried Danneels, photo, 2003. L’archevêque Danneels est créé cardinal le 2 février 1983. La photo montre le cardinal après la célébration du saint chrême dans la cathédrale Saint-Rombaut à Malines le 16 avril 2003. [Malines, Archives de l’Archevêché] Une Église devenue minoritaire dans un environnement pluraliste (1961-2009) ı 263 Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:30 Pagina 264 Le cardinal Suenens et ses collaborateurs, photo, 1977. La présente photo a été réalisée à l’occasion du jubilé sacerdotal du cardinal Suenens. De gauche à droite : Rémy Goossens, Gaston Huynen, Paul Schoenmaeckers, le cardinal Suenens, René Ceuppens, Paul Theeuws et Henri De Raedt. [Malines, Archives de l’Archevêché] territoriaux sont confiés à de nouveaux vicaires généraux et ceux-ci sont nommés évêques auxiliaires. Par ailleurs, Édouard Goffinet est promu vicaire général de l’archevêché en remplacement de Paul Theeuws et des vicaires épiscopaux prennent en charge les autres secteurs de la curie 16. Depuis fin août 2000, le vicaire général de l’archidiocèse est le chanoine Étienne Van Billoen. Voici l’organisation interne des vicariats territoriaux. Brabant flamand et Malines Le cardinal Danneels et ses collaborateurs, photo, 1989. Le cardinal Danneels réunit autour de lui ses collaborateurs à l’occasion du dixième anniversaire de son entrée en fonction comme archevêque : de gauche à droite, son secrétaire privé Wilfried Brieven, Paul Theeuws, Édouard Goffinet, Rémy Vancottem, Paul Lanneau, le cardinal Danneels, Luk De Hovre, Jan De Bie et Jo Cornille, attaché de presse. Ce dernier avait déjà été nommé sous le cardinal Suenens. [Malines, Archives de l’Archevêché] Le vicariat du Brabant flamand et Malines demeure sous l’autorité de 264 ı Leo Kenis l’évêque auxiliaire Schoenmaeckers qui, en même temps, est responsable des paroisses relevant de la province d’Anvers 17. Le vicaire général Theeuws devient responsable des deux doyennés de Malines. Monseigneur Schoenmaeckers peut en outre compter sur son adjoint Paul De Haes (1925-1984), auquel succèdent après son décès Guido Johnson (°1927) et Gust Stoops (1932-1994). Jan De Bie, le successeur de Schoenmaeckers, est désigné le 16 mars 1987 et consacré évêque le jour de Pâques 1987 18. Son adjoint depuis 2002 est Marcel De Pauw (°1943), un missionnaire du Sacré Cœur. Suite à la démission de Jan De Bie pour raisons de santé à la fin de 2008, la charge de vicaire épiscopal est exercée par Étienne Heyse depuis le 30 janvier 2009. Brabant wallon La zone pastorale du Brabant wallon est confiée le 14 avril 1962 à monseigneur Charles Lagasse qui désigne deux adjoints, le chanoine Léon Bataille (19081999) pour la partie orientale et le chanoine Maurice Scheuer (1906-1989) pour la partie occidentale du vicariat. Henri De Raedt succède à Lagasse en mars 1970 et transfère le vicariat de Waterloo à Wavre (rue de l’Ermitage). Il s’adjoint les services de Henri Weber (°1929) qui restera en fonction, avec Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:30 Pagina 265 Sacre épiscopal de Jozef De Kesel, photo, 2002. Le 20 mars 2002, Jozef De Kesel est nommé évêque auxiliaire pour Bruxelles. Le 26 mai, il reçoit l’onction épiscopale dans la cathédrale des Saints-Michel-et-Gudule. [Malines, Service de presse de l’Archevêché] des affectations diverses, jusqu’en 1987. Rémy Vancottem succède au vicaire général De Raedt et devient évêque auxiliaire en mars 1982. Enfin, Jean-Luc Hudsyn (°1947) succède à Henri Weber en 1988. Bruxelles Le 14 avril 1962, le cardinal Suenens nomme Pierre Goossens vicaire général pour Bruxelles 19 et l’enseignement Suite à la fronde de quelques doyens qui lui reprochent sa « valse des vicaires », Pierre Goossens est remplacé à Bruxelles par Gaston Huynen le 14 décembre 1963, tandis que l’enseignement tant francophone que néerlandophone est confié à Rémy Goossens (1920-1981) jusqu’en 1981. Raymond Van Schoubroeck (°1928), directeur du « Secrétariat Interparoissial », nommé secrétaire de Pierre Goossens, continue son ministère auprès de Huynen dont il devient l’adjoint, tout comme Bernard Vanden Berghe, successivement doyen de Koekelberg et de BruxellesCentre (en 1966). À trois, ils forment une équipe parfaitement soudée même après la séparation des pastorales francophone et néerlandophone en 1969. Peu après son intronisation, le nouvel archevêque Danneels annonce qu’il demanderait deux évêques auxiliaires pour le vicariat de Bruxelles. Le 15 février 1982, il procède à la nomination, pour la pastorale francophone, de Paul Lanneau, un Bruxellois d’origine flamande mais ayant fait ses études en français, et, pour la pastorale néerlandophone, de Luk De Hovre, jésuite, qui arrive à Bruxelles précédé dans la Compagnie d’une solide réputation de flamingant. Raymond Van Schoubroeck devient alors vicaire épiscopal en charge de la pastorale des étrangers, poste auquel lui succède le chanoine Lode Vermeir (°1938), le 30 septembre 1993, un an après que le chanoine Van Schoubroeck ait succédé à Bernard Vanden Berghe au doyenné de Bruxelles Centre. Les rapports entre les deux évêques auxiliaires n’ont pas toujours été faciles. Lors de leur démission pour raison d’âge, ils n’ont qu’un seul successeur le 20 mars 2002, Jozef De Kesel, originaire du diocèse de Gand. Monseigneur De Kesel est d’abord assisté de trois adjoints, les chanoines Herman Cosijns (°1944) pour la pastorale néerlandophone, Jean-Luc Blanpain (°1963) pour Une Église devenue minoritaire dans un environnement pluraliste (1961-2009) ı 265 16 Sept vicaires épiscopaux sont nommés. Leur est confiée la responsabilité en matière de droit matrimonial, gestion du temporel, religieux et religieuses, enseignement et pastorale des communautés catholiques d’origine étrangère à Bruxelles. 17 Le siège du vicariat est primitivement établi au palais archiépiscopal, mais les services vicariaux sont peu à peu regroupés au Centre pastoral diocésain à Malines. 18 Durant la vacance du vicariat, de janvier 1986 à mars 1987, les affaires courantes sont gérées par Gust Stoops. 19 Le vicariat est d’abord établi rue de Ligne, au centre de Bruxelles ; le 4 juin 1973 il prend possession de nouveaux bâtiments dans la rue de la Linière. Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 266 QUI DIRIGE L’ARCHEVÊCHÉ ? Les cardinaux Suenens et Danneels sont secondés dans l’organisation de l’archevêché par un important groupe de collaborateurs qui mettent en pratique la gestion définie par l’archevêque et son conseil. Au cours des ans, ce groupe change parfois de composition et de structure. Un aperçu des fonctions dirigeantes les plus importantes de l’archevêché est donné aux pages 263-265. Les figures les plus marquantes de ce réseau sont présentées ici : les vicaires généraux de l’archevêché et les vicaires (respectivement évêques auxiliaires) des trois vicariats territoriaux. Ils constituent en fait, avec l’archevêque, l’équipe de direction de l’archevêché de Malines-Bruxelles. VICAIRES GÉNÉRAUX DE L’ARCHEVÊCHÉ gué épiscopal pour la formation au presbytérat puis aux différents ministères. En 1982, le cardinal Danneels le prend comme vicaire général jusqu’en septembre 2000, trouvant en lui un collaborateur fidèle qui connait bien le diocèse. Lors de son décès en janvier 2001, le cardinal le qualifie d’« administrateur au grand cœur ». Étienne Van Billoen Étienne Van Billoen naît le 11 novembre 1942 à Uccle, obtient une licence en sociologie à l’université de Louvain et est ordonné prêtre à Bruxelles le 24 juin 1966. Il remplit plusieurs fonctions au sein de la pastorale francophone du vicariat de Bruxelles. En 1987, il devient président du séminaire diocésain (Bruxelles et Limelette) et, en 1998, directeur du Centre d’études théologiques et pastorales (CETEP). Le 1er septembre 2000, il devient chanoine honoraire et vicaire général de l’archevêché. Paul Theeuws VICAIRES TERRITORIAUX Paul Theeuws, né à Aarschot le 5 janvier 1914, est ordonné prêtre le 18 avril 1938. Il obtient un doctorat en droit canon. De 1942 à 1944, il enseigne à l’École normale catholique d’Anvers et, de 1944 à 1970, il est professeur de droit canon au grand séminaire de Malines. De 1950 à 1988, il remplit la fonction d’official à l’archevêché. Le 13 novembre 1951, il obtient le titre de chanoine honoraire et, le 6 mai 1955, celui de prélat domestique du pape. De 1955 à 1982, il est vicaire général de l’archevêché, puis remplit les fonctions de vicaire épiscopal judiciaire pour tout ce qui concerne le domaine du mariage et enfin, à partir de 1988, de notaire au tribunal ecclésiastique de Malines-Bruxelles et de prêtre délégué pour les affaires conjugales. Il décède le 6 mars 1993. Édouard Goffinet Né à Hasselt en 1923, Édouard Goffinet est ordonné prêtre en 1947. Après une candidature en philologie romane et classique, il est nommé professeur à l’institut Notre-Dame de Tirlemont en 1949, mais retourne à Louvain en 1952 où il obtient une licence en philologie romane. En 1955, il est nommé professeur au collège du Sacré-Cœur à Ganshoren, dont il devient le directeur en 1957. En 1963, il est nommé président du grand séminaire et chanoine honoraire. Il joue désormais un rôle important dans le diocèse et au conseil épiscopal dont il devient officiellement le modérateur en 1971. À partir de 1970, il assume également la charge de délé- 266 ı Leo Kenis Brabant flamand et Malines Paul Schoenmaeckers Paul Constant Schoenmaeckers naît à Anvers le 6 octobre 1914. Après sa formation au grand séminaire de Malines et l’obtention d’un diplôme de candidature en histoire en 1938, il est ordonné prêtre le 18 avril 1938. De 1940 à 1946, il est professeur au collège Saint-Pierre à Louvain et en assume la direction en 1948-1949. De 1946 à 1952, il est également directeur spirituel au séminaire Saint-Joseph à Malines. En 1949, il devient président du séminaire. Le 13 septembre 1949, il acquiert le titre de chanoine honoraire du chapitre métropolitain, puis, le 26 octobre 1952, est sacré évêque par le cardinal Van Roey. Il devient évêque auxiliaire de l’archevêché et, lors de la scission, est chargé de la direction de la zone pastorale du Brabant flamand et de Malines. Au cours de sa carrière, monseigneur Schoenmaeckers s’est particulièrement consacré à la mise en œuvre des décisions du concile Vatican II dans le vicariat qui lui avait été attribué. Il meurt le 8 janvier 1986. Jan De Bie Jan De Bie naît à Olen le 19 avril 1937 et est ordonné prêtre le 8 juillet 1961. En 1965, il obtient la licence en Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 267 théologie à l’université de Louvain. Jusqu’en 1969, il est directeur spirituel du Collège pour l’Amérique latine à Louvain (COPAL). Il part ensuite au Brésil, où il est professeur à l’institut de théologie de l’université catholique de Salvador-Bahia de 1970 à 1981. Il est également curé de paroisse (jusqu’en 1975) et recteur du grand séminaire de Bahia (de 1975 à 1981). À son retour en Belgique, il est nommé vice-président, puis, en septembre 1982, président de COPAL. Il est sacré évêque le 19 avril 1987. Il démissionne pour raison de santé le 3 janvier 2009. Etienne Heyse Etienne Heyse naît à Vilvorde le 2 février 1967 et est ordonné prêtre le 12 septembre 1992. Il étudie l’histoire moderne et la philologie orientale (candidatures) ainsi que les sciences religieuses et la théologie (licences). En septembre 1997, il devient, pour l’archevêché, responsable diocésain de la formation des diacres permanents. De juillet 2000 à août 2008, il est président du séminaire Jean XXIII à Louvain. Il est aussi vicaire de la paroisse Saint-Lambert à Heverlee depuis le 1er septembre 2006. Le 30 janvier 2009, il succède à Jan De Bie comme vicaire épiscopal pour le Brabant flamand et Malines. Brabant wallon Charles Lagasse Charles Lagasse naît à Ixelles le 24 octobre 1920. Licencié en sciences politiques et sociales et en journalisme, il est ordonné prêtre le 26 mai 1945. De 1949 à 1953, il est vicaire à Clabecq, puis curé dans des paroisses ouvrières à Tubize. De 1962 à 1970, il est vicaire général, responsable de la pastorale de la zone du Brabant wallon. À partir de 1970, il est entre autres conseiller permanent de ‘Prospective’, créé pour préparer l’Église du futur. Il décède le 20 mars 1989. Henri De Raedt Henri De Raedt naît à Bierges le 23 avril 1921 et est ordonné prêtre le 3 juin 1944 au terme de ses études au grand séminaire de Malines. La même année, il obtient à l’université de Louvain le diplôme de candidat en philologie classique et en philosophie ainsi qu’un baccalauréat en philosophie. En 1946, il est nommé professeur à l’Institut Sainte-Gertrude à Nivelles, puis, deux ans plus tard, il est chargé de cours au petit séminaire de BasseWavre. De 1952 à 1964, il est responsable du mouvement missionnaire des jeunes ‘Fraternités de Bourgogne’. Le 26 mars 1970, il devient vicaire général pour le Brabant wallon, tâche qu’il remplit jusqu’en 1982. Rémy Vancottem Rémy Vancottem naît à Tubize le 25 juillet 1943 et est ordonné prêtre le 27 juin 1969. Il obtient en 1974 le diplôme de licencié en psychologie de la religion à l’université de Louvain. En septembre 1974, il devient membre de la direction du séminaire diocésain de Bruxelles. Un an plus tard, il est également coresponsable des groupes ‘Anime’ dans le Brabant wallon. À partir de 1977, il assume cette fonction également à Bruxelles. Il devient vicaire général pour le Brabant wallon le 15 février 1982 et est sacré évêque le 21 mars 1982. Bruxelles Pierre Goossens Pierre Goossens, né à Asse le 29 novembre 1915, fait ses études au grand séminaire de Malines (1934) et au Collège belge de Rome (1935). Il est ordonné prêtre le 31 juillet 1938. Il est successivement professeur au collège SaintJean Berchmans à Anvers (1938), directeur de l’Institut Notre-Dame à Cureghem/Anderlecht (1944), et curé de la paroisse de la Sainte-Croix à Ixelles (1957). D’avril 1962 à décembre 1963, il est vicaire général pour Bruxelles et pour l’enseignement. Gaston Huynen Gaston Huynen naît à Hakendover le 7 avril 1917 et est ordonné prêtre le 24 juillet 1943. Il enseigne au collège Saint-Albert de Jodoigne depuis 1945, puis, en est le directeur de 1950 à 1963. Le 14 décembre 1963, il est nommé vicaire général pour Bruxelles et le reste jusqu’au 30 avril 1982. Depuis 1964, il porte le titre de chanoine honoraire. Il meurt le 26 février 1984. Paul Lanneau Paul Lanneau naît à Anderlecht le 22 juillet 1925 et est ordonné prêtre le 24 juillet 1949. Nommé professeur au collège Saint-Pierre à Louvain, il est ensuite vicaire à Une Église devenue minoritaire dans un environnement pluraliste (1961-2009) ı 267 Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 268 Louvain (1950), à Schaerbeek (1954) et à Bruxelles (1959). En septembre 1965, il est nommé curé à Schaerbeek et, cinq ans plus tard, responsable de la pastorale socio-caritative à Bruxelles. En 1977, il devient doyen de Schaerbeek-Nord et doyen de la zone Bruxelles-NordEst. Le 14 février 1982, il est nommé vicaire général pour la pastorale francophone à Bruxelles et est sacré évêque le 20 mars 1982. Il démissione exactement vingt ans plus tard, le 20 mars 2002. Luk De Hovre Luk De Hovre naît à Nederbrakel le 27 février 1926. En 1945, il entre à la Compagnie de Jésus à Drongen et est ordonné prêtre le 10 août 1958. De 1959 à 1964, il est préfet au collège Saint-Jean Berchmans à Bruxelles, puis devient recteur et directeur du collège Saint-Joseph à Turnhout en 1964. En 1971, il devient maître des novices et, quatre ans plus tard, supérieur de la province des jésuites flamands et président du comité des supérieurs provinciaux d’Europe. Il est en outre nommé, en 1978, président national des supérieurs majeurs masculins et, deux ans plus tard, il devient le premier président des supérieurs majeurs européens. Le 15 février 1982, il est nommé vicaire général pour la pastorale néerlandophone à Bruxelles et est sacré évêque le 28 mars 1982. Luk De Hovre est évêque auxiliaire jusqu’en 2002, et décède le 4 juin 2009. Jozef De Kesel Jozef De Kesel naît à Gand le 17 juin 1947. Après ses études au séminaire Saint-Paul à Gand, il obtient un diplôme de candidat en philosophie et lettres et de docteur en théologie. Le 26 août 1972, il est ordonné prêtre. En septembre 1974, il devient professeur de religion à Eeklo et, trois ans plus tard, il enseigne à l’École sociale à Gand. En 1980, il est nommé professeur au grand séminaire de Gand. De 1989 à 1992, il enseigne à la faculté de théologie de la K.U.Leuven. Il devient vicaire épiscopal du diocèse de Gand le 1er mars 1992. Dix ans plus tard, le 20 mars 2002, il est nommé vicaire général pour Bruxelles et est sacré évêque le 26 mai 2002. la pastorale francophone, et Lode Vermeir (à présent comme adjoint du vicaire général) pour la pastorale des étrangers. Dans le cadre de la réorganisation de la pastorale à Bruxelles et dans un souci de plus d’unité, seul un adjoint est maintenu. Ainsi, depuis le 1er septembre 2007, le chanoine Herman Cosijns est en charge des différents secteurs pastoraux à Bruxelles. Les structures et les organes : organiser la coresponsabilité 20 Billiet et Dobbelaere, Godsdienst in Vlaanderen, 46. Coresponsabilité est le leitmotiv que le cardinal Suenens propage explicitement au sein de l’Église. Dès le début, il introduit systématiquement ce principe dans l’organisation de l’archidiocèse. Les croyants sont peu à peu invités à s’impliquer davantage dans la vie de l’Église et même dans sa gestion, non seulement par nécessité pratique, mais surtout pour mieux témoigner du carac268 ı Leo Kenis tère communautaire de l’Église comme peuple de Dieu. Cette intégration est rapidement qualifiée de « démocratisation programmée » par les sociologues et s’exprime dans une structure passablement compliquée de conseils dont suivent les grandes lignes 20. Les organes de gestion diocésaine Au début de son archiépiscopat, le cardinal Suenens est conseillé par le conseil pastoral, un comité d’avis, et par le conseil des vicaires généraux qui se réunit chaque semaine. En 1964, le conseil pastoral est élargi. Le conseil épiscopal Dans la ligne des orientations formulées par le concile, est mis en place en 1966 un conseil épiscopal qui se réunit régulièrement autour du cardinal. La composition de ce conseil varie, mais les évêques auxiliaires, le vicaire général et les autres vicaires en font partie. Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 269 Le conseil épiscopal assiste l’archevêque en matière de préparation, de coordination et d’évaluation de la gestion en général, de même qu’en matière de nominations. En 1989, les présidents des séminaires diocésains y font leur entrée. Depuis lors, le conseil épiscopal est le point de rencontre de tous les vicariats et des secteurs pastoraux de l’archidiocèse. Les organes de gestion des vicariats Dans les différents vicariats, le conseil vicarial constitue à l’origine l’organe le plus important. Dans le Brabant flamand et dans le Brabant wallon, ce conseil est officiellement mis sur pied en 1971. À Bruxelles, deux conseils vicariaux, l’un francophone, l’autre néerlandophone sont déjà constitués dès octobre 1970. Aux personnes en charge de la gestion quotidienne du vicariat, se joignent les doyens de district, les chefs de service, les responsables des services diocésains et des représentants des autres conseils consultatifs. La composition de ces conseils change plusieurs fois. Autour des conseils, des groupes de travail et d’autres commissions sont également mis en place, parmi lesquels les principaux sont la commission formation, la commission services et la commission liturgie, ainsi que les services vicariaux en charge de certains aspects de la pastorale, comme la pastorale ouvrière, Caritas, l’évangélisation ou la pastorale familiale. À partir de 1982, les organes de gestion vicariale sont élargis. Dans chaque vicariat est créé un bureau vicarial, tandis que le conseil vicarial est scindé entre une équipe vicariale et un conseil vicarial élargi. Celui-ci doit faire entendre la « voix de la base » et préciser les lignes de force de la gestion. La coordination de la gestion et du travail quotidien du vicariat est aux mains de l’équipe vicariale, qui prépare également les dossiers de nomination. À Bruxelles, cette structure a de nouveau été réunifiée en un conseil vicarial bilingue dont le bureau se réunit chaque semaine et le conseil élargi chaque mois. Dans le Brabant flamand et Malines, le conseil vicarial général assume l’objectif du développement de la participation des laïcs. Il est prévu que ce conseil réunisse une fois par an autour d’un thème bien déterminé des représentants de toutes les équipes pastorales paroissiales. Le premier conseil vicarial général se tient en 1989 et réunit 370 personnes. L’on constate alors que ce type d’assemblée ne permet pas d’instaurer un dialogue fructueux entre la base et les organes de gestion, car sa taille en fait plutôt un forum de rencontre. Pour cette raison, depuis 1993, une concertation vicariale est organisée tous les trois mois : les doyens de district, les chefs de service et l’équipe dirigeante se réunissent pour fixer les options de gestion du vicariat à long terme. Le conseil presbytéral et le conseil pastoral Pour organiser la pastorale au niveau des vicariats, le cardinal Suenens prend résolument des initiatives en ligne avec le principe de coresponsabilité introduit par le concile Vatican II. Concrètement cela se traduit par l’installation de conseils presbytéraux et pastoraux démocratiquement élus. Dès septembre 1966, neuf mois après la fin du concile, le cardinal consulte le clergé sur les objectifs, l’organisation et le type de désignation des membres du conseil presbytéral. Ceux-ci seront élus au mois de février suivant. Un conseil unique comporte trois sections constituées par les trois zones pastorales: Brabant wallon, Bruxelles et Brabant flamand plus Malines, comptant respectivement, 10, 20 et 25 membres. Le mode de scrutin et le nombre d’élus permet aussi une certaine forme de représentativité des catégories de prêtres ; Une Église devenue minoritaire dans un environnement pluraliste (1961-2009) ı 269 Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 270 DIRIGEANTS DE L’ARCHEVÊCHÉ Archevêques 1962-1980 1980-2009 Léon-Joseph Suenens Godfried Danneels Vicaires généraux de l’archevêché 1955-1982 1982-2000 2000- Paul Theeuws Édouard Goffinet Étienne Van Billoen Vicaires territoriaux / évêques auxiliaires Brabant flamand et Malines 1962-1986 Paul Schoenmaeckers 1987-2009 Jan De Bie 2009Etienne Heyse Brabant wallon 1962-1970 1970-1982 1982- Charles Lagasse Henri De Raedt Rémy Vancottem Bruxelles 1962-1963 1963-1982 1982-2002 1982-2002 2002- Pierre Goossens Gaston Huynen Paul Lanneau (F) Luk De Hovre (N) Jozef De Kesel Vicaires / délégués épiscopaux Vicariat de l’enseignement 1962-1963 Pierre Goossens 1963-1981 Rémy Goossens (1963-1966 comme directeur diocésain) 1981-1989 1981-1994 19891994- Vicariat pour la vie consacrée 1962 Paul Schoenmaeckers 1962-1968 René Ceuppens 1968-1977 René Ceuppens (N) 1967-1982 Pierre Helleputte (F) (1967-1976 comme adjoint) 1976-1986 Jozef Hoing (N) 1982-1996 Gonzague Van Innis (F) 1987-1993 Joris Backeljauw (N) 1994-1995 Luk De Hovre (N) 1995-2002 Louisa (Benigna) Cools (N) 1996-2004 Françoise Cassiers (F) 2002-2007 Maria (Judith) Muyshondt (N) 2004Elisabeth Schmid (F) 2007Martha Lathouwers (N) Vicariat pour la gestion du temporel 1962-1982 Joseph Billiauw 1982-2000 Jean De Wulf 2000-2006 Yvan Hertsens * 2006Patrick du Bois * Officiaux 1950-1988 1988-1993 1993-2003 Paul Theeuws Michel Lejeune Joris Backeljauw ‘Vicariat’ pour les communautés catholiques d’origine étrangère aux vicariat de Bruxelles 1982-1993 Raymond Van Schoubroeck 1993-2007 Lode Vermeir 2007Eric Vancraeynest * laïc il y siège même un représentant des prêtres pensionnés. Le démarrage semble assez difficile et, en octobre 1969, on décide de remplacer le conseil unique par des assemblées de zones. Pour Bruxelles, il y aura deux conseils, un pour les francophones et un pour les néerlandophones. Les prêtres membres 270 ı Leo Kenis André Voussure (F) Jozef Peeters (N) Jean Janssens (F) Jos Portael (N) sont élus pour trois ans, mais tant à Bruxelles qu’en Brabant wallon, ces conseils presbytéraux connaissent quelques interruptions. L’élection des conseils pastoraux est également précédée d’une large consultation. Leurs membres sont élus en Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 271 1968 au terme d’une procédure démocratique. Pour Bruxelles, cet organe consultatif est également divisé en un conseil francophone, qui connaît plusieurs interruptions, et un conseil néerlandophone 21. Après quelque temps, le choix des membres de ces conseils est davantage structuré. Ainsi le conseil pastoral est-il désormais en grande partie composé de membres élus par les conseils décanaux ; en outre, les districts, de même que certains groupes comme la jeunesse, les handicapés ou les malades, disposent de représentants particuliers. Le conseil presbytéral, quant à lui, a toujours disposé d’un nombre proportionnel de membres élus par secteurs (prêtres en paroisse, prêtres actifs dans l’enseignement). En outre, ces conseils comportent éventuellement un certain nombre de membres cooptés. Tant le conseil pastoral que le conseil presbytéral disposent d’une compétence d’avis 22. Enfin, pour avoir une vue d’ensemble de la totalité des structures participatives où les laïcs s’intègrent dans la période postconciliaire, il est utile de faire référence aux organes mis en place au niveau interdiocésain. Ainsi, le conseil pastoral interdiocésain (‘In- terdiocesaan Pastoraal Beraad’, IPB) est mis en place en 1969 au niveau des diocèses flamands, en remplacement de la commission flamande ‘Algemene Raad der Apostolaatswerken’ créé en 1956. L’IPB est longtemps très actif en tant qu’organe supérieur de concertation de l’Église de Flandre. Du côté francophone, le Conseil Général des Œuvres d’Apostolat de 1956 se mue en 1964 en Conseil Général de l’Apostolat des Laïcs (CGAL), puis, en 1996, en Conseil Interdiocésain des Laïcs (CIL). 21 Voir Van de Weyer, Onderzoek naar de werking van de pastorale raad Vlaams-Brabant/Mechelen. 22 Liliane Voyé a fait une évaluation comparative des conseils presbytéraux et pastoraux pour toute la Belgique : « Les Conseils Presbytéraux et Pastoraux diocésains ». Les paroisses et les doyennés En 1963, le vicariat du Brabant flamand et Malines compte 21 doyennés et 346 paroisses ; dix ans plus tard, il y a 42 doyennés et 393 paroisses. Ces chiffres varient peu jusqu’à ce que le plan pastoral 1999-2006 y apporte de profondes réformes. En 2009 il ne reste que 15 doyennés regroupant 61 fédérations paroissiales et 389 paroisses. Le Brabant wallon, en 1961, est divisé en dix doyennés et 156 paroisses. Sept nouvelles paroisses sont créées dans le vicariat et, en septembre 1962, trois nouveaux doyennés sont érigés au côté Réunion du conseil pastoral, photo, 1980. Le conseil pastoral, élu démocratiquement, est un organisme consultatif. Il est l’application du principe de coresponsabilité dans l’Église, introduit par Vatican II. À droite, le chanoine Paul De Haes. [Malines, Archives de l’Archevêché] Une Église devenue minoritaire dans un environnement pluraliste (1961-2009) ı 271 Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 272 Duffel Bornem Sint-Amands Willebroek Puurs KLEIN-BRABANT Sint-Katelijne-Waver MECHELEN Bonheiden Begijnendijk LONDERZEEL Kapelleop-denBos Keerbergen Tremelo Boortmeerbeek Zemst Merchtem Wemmel ASSE Hekelgem Haacht Meise Opwijk Grimbergen Kampenhout VILVOORDE Steenokkerzeel Machelen Dilbeek Bekkevoort HERENT Kortenaken Roosdaal Drogenbos St.-Pieters-Leeuw Gooik Linkebeek St.Beersel Genesius Rode Galmaarden Pepingen Herne Bruxelles Sud Boutersem Rebecq Braine-leChâteau Linter Oud-Heverlee TIENEN OVERIJSE BEAUVECHAIN Hoegaarden Hoeilaart Landen RIXENSART JODOIGNE WAVRE LASNE BRAINEl’Alleud OTTIGNIES-LOUVAINLA-NEUVE ChaumontGistoux MontSaintGuibert WALHAIN Ittre GENAPPE Hélécine GREZ-DOICEAU La Hulpe WATERLOO TUBIZE ZOUTLEEUW BIERBEEK Huldenberg HALLE Bever GlabbeekZuurbemde Bertem Tervuren LENNIK Geetbets Lubbeek LEUVEN Bruxelles Ouest Kraainem Bruxelles Centre Bruxelles Nord-Est WezenbeekOpem DIEST Tielt-Winge Holsbeek Zaventem Ternat ScherpenheuvelZichem Rotselaar Kortenberg Liedekerke AARSCHOT ORP-Jauche Incourt Ramillies PERWEZ COURT-SAINTETIENNE NIVELLES Chastre VILLERS-LA-VILLE L’archidiocèse de MalinesBruxelles en 2009, ses vicariats et ses décanats. des dix précédents. Un quatorzième est créé en 1977, dans le cadre de la réorganisation partielle de la géographie décanale. On note pas mal d’autres modifications, notamment la subdivision du vicariat en deux zones (est et ouest), puis en trois zones dont les dénominations et limites ont pu varier, enfin la suppression de ces zones en 2000. En 2009, le vicariat compte 14 doyennés et 163 paroisses. La fondation de Louvainla-Neuve suscite une polémique sur la taille de son église, certains refusant toute construction ostentatoire. Il faut attendre 1983 pour voir l’église Saint272 ı Leo Kenis François d’Assise s’élever en marge du centre de la ville. À Bruxelles, onze nouvelles paroisses sont érigées depuis 1962. L’organisation décanale, qui avait subi des modifications mineures en 1960 avec le passage de sept à huit doyennés, est profondément revue en 1965 avec la création de cinq nouveaux doyennés, avant la scission de Schaerbeek en deux entités décanales (1965) et la désignation de Laeken comme doyenné en 1968. En novembre 2007, le nombre de doyennés est drastiquement ramené à Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 273 quatre. En 2009, le vicariat de Bruxelles compte 108 paroisses regroupées en 28 unités pastorales pour la pastorale francophone et 20 pour la pastorale néerlandophone. Pour le catholique de base, les modifications au niveau des paroisses et doyennés sont les plus sensibles. Les textes du concile Vatican II insistent sur la mise en place de conseils paroissiaux pour rendre plus concrète la coresponsabilité des paroissiens. La politique dans l’archidiocèse encourage fortement le développement de ces conseils ainsi que celui des conseils décanaux. Le conseil paroissial et le conseil décanal Dans la pratique, les paroisses ont la liberté de choisir la forme qui leur convient pour leur conseil paroissial : désignation des membres par le curé, élections, rassemblement des responsables des mouvements et groupements paroissiaux. Le conseil décanal se compose des prêtres de paroisses, responsables des conseils paroissiaux et des groupes de travail du doyenné, avec éventuellement les prêtres des institutions catholiques présentes dans le doyenné. Le conseil doit promouvoir la collaboration entre les paroisses, coordonner le fonctionnement des groupes de travail du doyenné, et s’atteler à la mise en place d’une prise en charge pastorale commune à tout le doyenné. Tant au niveau décanal que paroissial, les conseils sont complétés au moyen des groupes de travail et d’une équipe. Les groupes de travail décanaux se sont toujours investis dans des terrains de travail spécifiques : liturgie, catéchèse, pastorale de la jeunesse, pastorale de la santé, œuvres caritatives, etc. Ces groupes de travail décanaux sont constitués d’un responsable décanal et de représentants des groupes de travail paroissiaux, tandis que l’équipe pasto- rale décanale est constituée du doyen, du secrétaire décanal, des prêtres en paroisse et des responsables décanaux des différents services. Progressivement, le président et le secrétaire du conseil décanal en font également partie. En fait, l’équipe pastorale décanale est la continuation des anciennes équipes presbytérales ou conférences du même nom. Elle s’occupe de la gestion quotidienne et de la coordination au niveau du doyenné, ainsi que de l’exécution des décisions du conseil décanal. Le quatuor décanal complète les organes de gestion du doyenné ; il est constitué du doyen et de son secrétaire, tous deux prêtres, ainsi que des président et secrétaire laïcs du conseil décanal. Entre les doyennés et le vicariat, sont créés des districts (pour le Brabant flamand et Malines) et des zones (pour Bruxelles et le Brabant wallon), destinés à servir de passage obligé entre les paroisses et doyennés d’une part, et les organes de gestion du vicariat d’autre part. Les doyens de chaque district ou zone se réunissent régulièrement. Ces districts et zones sont supprimés en 2000 avec la mise en place des fédérations de paroisses (Brabant flamand et Malines) et des unités pastorales (Bruxelles). Les groupes de travail paroissiaux Dès 1965, à Bruxelles, commence le processus de nomination d’équipes de prêtres pour animer les paroisses. À partir de 1971, la direction de nombreuses paroisses de ce vicariat a est confiée à de semblables équipes 23. Dans le vicariat du Brabant flamand et Malines, la mise sur pied d’équipes pastorales de ce type dans les années 1980 constitue un élément central dans la gestion. Ces équipes sont sensées, avec leur curé, diriger et accompagner la vie quotidienne des paroisses. Au coté du curé et des éventuels autres prêtres et diacres, doi- Une Église devenue minoritaire dans un environnement pluraliste (1961-2009) ı 273 23 Liebens, Pastorale teams in het vicariaat Brussel-Nederlands. Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 274 Le lancement du statut de l’équipe paroissiale. Les équipes paroissiales ont été créées pour soutenir les prêtres des paroisses. Elles ont obtenu un statut juridique officiel en 1993. [Malines, Service de presse de l’Archevêché] 24 Cela n’est confirmé par l’archevêque qu’en 1978 et repris dans l’Annuaire de 1981. 25 Les chiffres sont tirés de l’Annuaire officiel de l’archidiocèse de Malines-Bruxelles, 1963, qui est susceptible d’interprétation. Ils ne sont donc donnés qu’à titre indicatif. Un décret du 24 août 1962 fixe les critères d’appartenance à l’évêché sur base de la fonction du prêtre ou de son domicile le 14 avril de la même année. vent également y siéger quelques laïcs responsables des différents secteurs de la vie paroissiale. Dans le vicariat du Brabant flamand et Malines, l’évolution locale des paroisses ne répond pas toujours à l’ambition de certains responsables. Ainsi, le conseil pastoral constate en 1987, qu’il n’y a que peu d’avancées dans l’érection des équipes paroissiales. Au conseil vicarial général du 27 novembre 1993, un statut juridique officiel est présenté pour les équipes paroissiales, de manière à ce que celles-ci puissent recevoir une agréation officielle de la part du vicariat. Avec ce choix en faveur des équipes paroissiales, l’implication et la coresponsabilité d’un groupe étendu de croyants, et surtout de laïcs, atteint un sommet. De cette manière, la rupture est nette par rapport à l’ancien modèle paroissial où le curé et ses collaborateurs ordonnés exerçaient toutes les responsabilités. L’évolution vers le travail en commun Par la diminution du nombre de prêtres et de croyants, il n’est plus possible, ni même nécessaire, d’organiser au niveau de chaque paroisse toute une série d’activités, de célébrations et de mouvements. La collaboration plus intense 274 ı Leo Kenis entre les paroisses devient dès lors un nouvel objectif. À Bruxelles, cette collaboration se fait par les doyennés qui reçoivent plus de poids. En 1965 déjà, le doyenné constitue la structure de base de la pastorale d’ensemble. L’Annuaire de 1970 reprend pour chaque doyenné la liste des paroisses et la liste des prêtres sans les indiquer comme affectés à une paroisse déterminée. En mars de la même année, on nomme des prêtres comme membre de l’équipe sacerdotale d’un doyenné. Par après, l’Annuaire revient à une formule plus classique indiquant les prêtres affectés à chaque paroisse, mais sans préciser leur fonction. Vers 1973, la fonction de doyen de zone, quatre pour Bruxelles, Centre, Nord-Est, Ouest et Sud, est mise en place24. Dans le Brabant flamand et Malines, la rupture des limites paroissiales en direction d’une plus grande collaboration entre paroisses n’est pas un processus simple, car beaucoup de paroissiens sont très attachés à leur paroisse. On peut dire que les paroisses ont un caractère, tantôt actives tantôt calmes, petites ou grandes, conservatrices et progressistes. Les faire collaborer est donc un véritable défi. En outre, de nombreux fidèles ont l’impression que cette collaboration leur est im- Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 275 posée par l’échelon supérieur. Le vicariat n’est pas resté insensible à ces ressentiments. C’est pourquoi, dans les années 1990, il propose une double piste : le doyenné comme unité de travail et la paroisse comme unité de vie. Néanmoins, dans le plan pastoral 1999-2006, une nouvelle étape est franchie dans la collaboration entre paroisses. Le personnel n’est désormais plus rattaché à une paroisse, mais à des « régions de collaboration », assez vite dénommée « zones pastorales », puis « fédérations de paroisses ». Dans la pratique, ces fédérations ont le plus souvent pour limites, les limites communales. Chaque fédération dispose d’un curé de fédération responsable et d’une équipe de fédération. Dans le même temps, les doyennés sont à nouveau agrandis et investis de nouvelles missions. Certains doyens sont désormais curés de fédérations et d’autres « doyens nouveau style ». Depuis 2002, les « unités paroissiales », sortes d’équivalents des fédérations de paroisses, sont constituées à Bruxelles, il est vrai plus nombreuses du côté de la pastorale francophone que néerlandophone. Dans le Brabant wallon, le doyenné demeure l’unité pastorale de base et la collaboration entre eux est relativement limitée. Un certain nombre de prêtres exercent des responsabilités pour l’ensemble d’un doyenné, mais leur nombre ne semble pas avoir été important. Les tentatives pour amener à tous les niveaux de l’archidiocèse, une plus grande participation et plus de partage dans les responsabilités n’ont pas toujours coulé de source. Tous les croyants n’acceptent pas de gaieté de cœur le plus grand rôle pris par certains laïcs dans leur paroisse, surtout que certains d’entre eux se comportent de manière aussi autoritaire que les anciens clercs. Un autre problème est la « réunionite aigue » engendrée par la mise en œuvre de nombre de nouveaux organes et structures et qui finit par fatiguer tant les laïcs que les prêtres. De plus, de nombreux laïcs et prêtres de paroisse ont encore l’impression qu’un fossé sépare les directives de « Malines » et ce qui se vit à la base. Cette complexité de plus en plus grande, la transformation permanente du réseau des conseils, des commissions et des autres groupes de travail était le prix à payer par la communauté ecclésiale pour la participation dans laquelle elle s’était lancée avec enthousiasme. Ce système ne pouvait davantage fournir que les conditions d’une vie ecclésiale complète, le cadre où la vie religieuse et l’engagement évangélique pouvaient se développer. Aussi, avant d’examiner cette vie, convient-il de s’arrêter un instant aux prêtres, qui sont ses soutiens et ses moteurs traditionnels, sans lesquels la communauté ecclésiale ne peut vivre. 2. L’organisation du personnel La prêtrise en crise Au début des années 1960, le nombre de prêtres actifs dans l’archevêché est encore largement suffisant. Dans une perspective historique, leur nombre est même exceptionnellement élevé en raison des nombreuses ordinations intervenues au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. En 1963, après sa division en zones pastorales, l’archevêché compte 1903 prêtres séculiers actifs 25 ; 192, soit 8,76%, sont à la retraite ou ne possèdent pas de fonction officielle. La zone du Brabant flamand et Malines compte 987 prêtres actifs, la zone Brabant wallon 231. L’agglomération bruxelloise en compte 619 liés à l’archidiocèse ; 22 prêtres déjà ordonnés étudient encore Une Église devenue minoritaire dans un environnement pluraliste (1961-2009) ı 275 Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 276 Ordination sacerdotale dans la paroisse Saint-Martin de Marbais, photo, 1972. Des ordinations sacerdotales de plusieurs prêtres à la fois, comme au cours des décennies précédentes, disparaissent à partir des années 1960. En 1972, le cardinal Suenens aura toutefois l’occasion d’ordonner deux prêtres à Marbais, notamment Gérard Bruyr et Guy Stenier. [Malines, Archives de l’Archevêché] dans un institut supérieur, 88 exercent une fonction au niveau diocésain ou national et 52 sont actifs dans un autre évêché ou à l’étranger. 26 À ce sujet, voir e.a. Gevers, « Formation du prêtre et ministère sacerdotal ». 27 Voir Latré, « In confrontatie met de ambtsproblematiek ». 28 Parmi les prêtres actifs d’origine étrangère, 36,3% (dont 18,4% de Polonais) sont originaires de l’Union européenne actuelle, 51,8% sont africains et 11,8% sont nés en Amérique ou en Asie. 29 Les chiffres sont tirés de l’Annuaire de l’archidiocèse de Malines-Bruxelles, 2009. Malgré ces chiffres plutôt rassurants, certains signes de déclin apparaissent dès les années 1950. Dans la décennie qui suit et plus encore dans les années 1970, la crise de la prêtrise éclate dans toute son ampleur 26. Elle se manifeste par de nombreux abandons de postes et une diminution dramatique des vocations et ordinations. Ce double phénomène a plusieurs causes. Sur le plan social, le prêtre souffre d’une perte de statut et de fonction, d’autant que certaines de ses tâches, par exemple celles qui sont liées au secteur de l’enseignement et des soins, sont de plus en plus souvent assumées par des laïcs. Sur le plan théologique, la conception de l’identité et de la vocation du prêtre vit une profonde mutation : alors que l’image traditionnelle du prêtre est celle d’un acteur du domaine sacré, d’un intermédiaire entre Dieu et les hommes, la nouvelle théologie du ministère en 276 ı Leo Kenis fait un homme lié au peuple de Dieu, centré non seulement sur le culte, mais aussi sur la prédication et la solidarité active avec sa paroisse et le monde en général. Cette nouvelle vision caractérise principalement les jeunes prêtres. Elle ne manque pas de susciter un conflit de générations, symbolisé un temps par le passage de la soutane à l’habit de clergyman. L’aspect le plus controversé de la question est l’obligation du célibat et l’aspiration concomitante à des formes alternatives, plus souples, de prêtrise. Certains pensent qu’un changement de politique ecclésiastique est possible dans ce domaine. En 1967, le pape Paul VI (1897/1963-1978) promulgue toutefois l’encyclique Sacerdotalis coelibatus, dans laquelle il réaffirme l’obligation du célibat, point de vue qui est ensuite confirmé au synode des évêques de 1971 consacré au sacerdoce ministériel. En ces années troublées, le choix univoque de la hiérarchie mène à une déception voire, parfois, à une véritable contestation. Celle-ci est le fait de Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 277 groupes de prêtres critiques, qui, pendant quelques années, combattent avec véhémence la rigidité de l’autorité ecclésiastique sur ce point et d’autres encore 27. Suite aux abandons de poste et à la chute des vocations, le nombre de prêtres engagés dans la pastorale ne cesse de décroître. Pour assister un effectif qui se réduit et prend de l’âge, le vicariat fait entre autres appel à d’anciens missionnaires, à des religieux belges et, plus tard, en particulier dans le Brabant wallon, à des prêtres réguliers ou séculiers originaires de Pologne et d’Afrique, dont beaucoup étudient à l’université. En 1963, il y a 98 réguliers dans l’archidiocèse, ce qui représente 5,15% du nombre total de prêtres investis d’une fonction diocésaine ; 68 réguliers travaillent dans la zone du Brabant flamand et Malines, 16 dans le Brabant wallon et 14 à Bruxelles. Seuls 82 prêtres, séculiers ou réguliers, soit 3,8%, sont nés à l’étranger : 45 sont actifs dans le Brabant flamand et Malines, 12 dans le Brabant wallon et 25 dans la zone de Bruxelles. En 2009, le nombre de réguliers investis d’une fonction diocésaine passe à 269, soit 34% de tous les prêtres actifs dans l’archevêché de MalinesBruxelles 28. Parmi eux, 105 sont actifs dans le Brabant flamand et Malines, 57 dans le Brabant wallon, 100 à Bruxelles et 7 remplissent une fonction au niveau diocésain. Il y a pour l’instant 239 prêtres actifs, c’est-à-dire 31,45% du corps de l’archevêché, d’origine étrangère : seuls 13 d’entre eux sont affectés dans le Brabant flamand et Malines; 131 le sont dans le Brabant wallon, 93 à Bruxelles et 2 sont actifs à l’étranger. Les prêtres pensionnés sont de moins en moins remplacés. La charge de travail ne cesse de grandir, en particulier en vertu des co-nominations, selon lesquelles des prêtres sont affectés simultanément dans plusieurs paroisses. Dans les années 1980-1990, on tente, lorsque cela est possible, de remplacer ces co-nominations par des nominations in solidum. Selon ce système, plusieurs prêtres se partagent la responsabilité d’un groupe de paroisses sous la direction d’un modérateur. L’usage est déjà connu dans le Brabant wallon. Dans le Brabant flamand et Malines, il n’est introduit qu’en 1991, en l’occurrence à Tirlemont, à Léau et à Willebroek. En 2009, l’archidiocèse compte 501 prêtres séculiers actifs 29. À côté de cela, on dénombre 269 religieux masculins officiellement nommés dans l’archevêché et 324 prêtres (29,9%) à la retraite ou sans fonction officielle. La zone du Brabant flamand et Malines compte 239 prêtres actifs, celle du Brabant wallon 202. L’agglomération bruxelloise en Une Église devenue minoritaire dans un environnement pluraliste (1961-2009) ı 277 Ordination sacerdotale de Jan De Kinder par le cardinal Danneels, photo, 1986. [Malines, Archives de l’Archevêché] Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 278 Célébration eucharistique à Woluwe-Saint-Pierre (Chant d’Oiseau), photo, 2009. Pour faire face au manque de prêtres, Bruxelles et le Brabant wallon font de plus en plus souvent appel à des prêtres africains. C’est le cas entre autres à la paroisse Notre-Dame de Grâce à Woluwe-SaintPierre. [© THOC] 30 Van Calster, « Het Johannes XXIII-seminarie te Leuven » ; De Peuter, « Het Johannes XXIII-seminarie te Leuven ». Le premier président du séminaire est le futur professeur louvaniste Herman Servotte (1929-2004). Voir KADOC, Fonds Herman Servotte et entretien avec Herman Servotte, 1991. 31 Les séminaristes néerlandophones entamant leurs études au début de l’année académique 1969-1970 commencent directement à Louvain. 32 Il est également possible de ne suivre que deux ans de philosophie. Le cycle préparatoire peut se faire en internat ou en externat. 33 Voir KADOC, Fonds Centrum voor Kerkelijke Studies. compte 269 liés à l’archidiocèse ; 26 prêtres exercent une fonction au niveau diocésain et national, tandis que 24 sont actifs dans un autre évêché ou à l’étranger. La pénurie structurelle de prêtres, bien établie par les chiffres, a sans aucun doute déterminé les évolutions évoquées plus haut de la coresponsabilité et de l’intégration de paroisses. La hiérarchie tente également de consolider la nouvelle position du prêtre dans la société en adaptant son éducation et sa formation continue et en introduisant les nouvelles fonctions de diacre et d’animateur/animatrice pastoral(e). Dans tout l’archevêché, des voix se font entendre pour réclamer une reconsidération de la problématique du mi- nistère ecclésiastique dans son ensemble. L’éducation à la prêtrise et la formation continue L’éducation à la prêtrise La principale nouveauté relative à la formation des prêtres dans l’archidiocèse réside dans la fondation du séminaire Jean XXIII à Louvain. Immédiatement après la scission de l’ancien archevêché, la création de séminaires de philosophie distincts est décidée dans le nouvel évêché d’Anvers et dans l’archevêché. Jusqu’en 1970, les candidats à la prêtrise anversois étudient au séminaire Saint-Joseph, puis au grand 9% 15% 4% 7% Organisaton du personnel dans l’archidiocèse de Malines-Bruxelles, 1963 et 2009. prêtres séculiers actifs prêtres réguliers actifs prêtres pensionnés ou sans fonction diacres animateurs/animatrices pastoraux et assistant(e)s paroissiaux 36% 23% 87% 1963 278 ı Leo Kenis 2009 19% Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 279 séminaire ; pour ceux de l’archevêché Malines-Bruxelles, on fonde le séminaire Jean XXIII 30. Cette restructuration va de pair avec un plaidoyer en faveur de l’introduction, dans le cursus, de nouvelles priorités en accord avec le nouveau profil sacerdotal dans la ligne de Vatican II. Les séminaristes doivent apprendre à travailler en groupe, de façon à pouvoir exercer leur ministère d’une manière collégiale. Ils doivent aussi être préparés à collaborer avec des laïcs. Le projet de nouveau séminaire est élaboré à la demande du cardinal Suenens par le chanoine Robert Blomme (1927-1966). Le séminaire Jean XXIII entend devenir le modèle de la nouvelle éducation à la prêtrise. En 1964, il lance une formation bilingue pour étudiants néerlandophones et francophones du premier cycle (philosophie), tandis que le grand séminaire de Malines continue d’assurer la formation en théologie. En 1970, l’établissement malinois est fermé. Tous les théologiens néerlandophones de l’archevêché déménagent au séminaire Jean XXIII et poursuivent leurs études à Louvain 31. Les candidats francophones déménagent quant à eux à Bruxelles. Les formations sont désormais scindées. À partir de 1970, les séminaristes néerlandophones séjournent donc tous au séminaire Jean XXIII. Ils y suivent d’abord un cycle préparatoire, composé généralement de deux années d’enseignement supérieur et d’un an de philosophie à l’Université catholique de Louvain ou au Centre d’études religieuses (‘Centrum voor Kerkelijke Studies’, CKS) 32. Vient ensuite une formation théologique à l’université (cinq ans) ou au CKS. Ce dernier est né en 1967 à Louvain de la réunion de dix-neuf maisons de formation pour futurs prêtres appartenant aux ordres religieux 33. En 1969, ses charges sont allégées suite à la signature d’un accord de coopération avec l’université. Pourtant, certains candidats continuent à fréquenter le centre, connu pour l’orientation pastorale de son projet philosophique et théologique. Enfin, après cette formation, les séminaristes suivent encore une année diaconale, entièrement consacrée à la pastorale. En 1995, la section de théologie du CKS est supprimée à cause du nombre décroissant de candidats prêtres. Pour cette raison, notamment, un theologicum diocésain est fondé la même année au Centre pastoral diocésain de Malines. Les candidats y reçoivent une formation théologique de trois ans, suivie d’une Une Église devenue minoritaire dans un environnement pluraliste (1961-2009) ı 279 Départ du grand séminaire, photo, 1970. Le 6 juin 1970, les professeurs et les séminaristes de l’archevêché et du diocèse d’Anvers quittent le grand séminaire. Les séminaristes anversois poursuivent leur formation au ‘Theologisch Pastoraal Centrum’ à Anvers ; les séminaristes néerlandophones de l’archevêché, au séminaire Jean XXIII de Louvain et leurs collègues francophones, au séminaire diocésain de Bruxelles. Au centre de cette photo de groupe, Mgr Daem, évêque d’Anvers, et le cardinal Suenens. [Malines, Archives de l’Archevêché] Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 280 Le séminaire Jean XXIII à Louvain, photos de Rik Daze, 1979. En 1964 s’ouvre à Louvain le séminaire Jean XXIII avec Herman Servotte comme premier président. Le séminaire est, dans l’archevêché, le symbole du renouveau dont a bénéficié la formation au sacerdoce. Vues sur l’immeuble et sur une chambre d’étudiant. [Malines, Archives de l’Archevêché] 34 Voir 1970-1990 : CETEP 20e anniversaire. 35 Voir Tobback, « Het Centrum voor Priesteropleiding op rijpere leeftijd » ; KADOC, Fonds Centrum voor Priesteropleiding op Rijpere Leeftijd. 36 Voir Fachinat, Réinventer le prêtre ? 37 Cf. En Direct. Bulletin d’information et de contact du Vicariat de Bruxelles, 1966-1968. année pastorale axée sur la pratique. Certains séminaristes peuvent ensuite poursuivre leurs études à Louvain ou à Rome. Toujours en 1995, une année diocésaine propédeutique est instaurée au séminaire Jean XXIII. En 2006, enfin, tombe la décision de centraliser la formation des candidats prêtres des diocèses d’Anvers, de Gand, d’Hasselt et de la partie néerlandophone de l’archevêché de Malines-Bruxelles au séminaire Jean XXIII de Louvain. En 1970, les candidats francophones partent tous pour Bruxelles, où ils habitent dans de petites communautés. Certains étudiants du premier cycle suivent des cours aux Facultés universitaires Saint-Louis ou à l’Université catholique de Louvain, d’autres reçoivent une formation d’enseignant ou d’assistant social. Pour le second cycle, on inaugure la même année le Centre d’études théologiques et pastorales (CETEP), indépendant du séminaire diocésain 34. Le CETEP s’adresse non seulement aux prêtres, mais aussi aux religieux et religieuses, aux diacres et aux laïcs qui se préparent à une tâche au sein de l’évêché. Son programme consiste en quatre années de théologie et prépare au diplôme de baccalauréat en théologie de l’UCL. Il est divisé en cycles de quatre ans. Ce programme est progressivement supprimé au cours de la période 1998-2001. 280 ı Leo Kenis Une nouvelle maison pour le premier cycle, le séminaire Notre-Dame d’Espérance est ouvert à Limelette en 1985. Après une année d’initiation, les étudiants s’inscrivent en philosophie à Louvain-la-Neuve. Pour le second cycle, le séminaire Saint-Paul de Louvain-laNeuve devient pluridiocésain. Celui qui se sent appelé à la prêtrise à un âge plus avancé peut également se diriger vers une formation spécifique. En 1969, est créé à Anvers un centre spécifique pour les candidats de tous les évêchés flamands, le ‘Centrum voor Priesteropleiding op Rijpere Leeftijd’ 35. Les aspirants plus âgés peuvent y combiner leur formation avec l’exercice d’un métier. Ce centre est fermé en 1999. Quant aux candidats prêtres francophones qui exercent déjà une profession, ils peuvent se rendre au séminaire Cardinal Cardijn, fondé à Jumet en 1967 36. En 1990, celui-ci change d’orientation ; on n’y forme désormais plus de candidats prêtres, mais uniquement des laïcs. Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 281 Bénédiction de la chapelle du séminaire Notre-Dame d’Espérance à Limelette, photo, 1986. Les séminaristes francophones sont accueillis, à partir de 1985, au séminaire NotreDame d’Espérance à Limelette pour y suivre les cours de leur premier cycle de formation. La chapelle du nouveau séminaire a été consacrée par le cardinal Danneels. [Malines, Archives de l’Archevêché] La formation continue Traditionnellement, la formation continue des prêtres est abordée aux réunions mensuelles, lors desquelles les prêtres de paroisse commentent avec leur doyen un sujet, tiré, par exemple, de la rubrique conferentiae Theologiae de la revue diocésaine Collectanea Mechliniensia. Dans les années 1960, des initiatives sont prises afin d’intensifier la formation continue. En 1963, un Centre diocésain pour la formation théologique et pastorale des prêtres ouvre ses portes. Sa direction est confiée au chanoine Paul Anciaux (1921-1979), président du séminaire, qui organise des journées d’étude et des sessions soit pour l’ensemble du clergé, soit pour certaines tranches d’âge. Ce centre est fermé en 1969 et le soin de la formation continue est transféré aux différents vicariats. Ceux-ci ont déjà organisé des sessions pour les prêtres de leur zone précédemment, par exemple, les Journées du Berlaymont pour les Bruxellois 37. théologie de l’université de Louvain et le ‘Centrum voor Kerkelijke Studies’, les journées d’étude interdécanales constituent les principales opportunités de formation continue. Elles sont créées au lendemain du concile afin de familiariser les prêtres avec les nouvelles conceptions théologiques et pastorales. En 1976, ces sessions de formation s’ouvrent également aux laïcs. Dans le même but, des soirées de formation interdécanales sont également organisées. Huit ans plus tard, les journées de formation sont définitivement supprimées pour faire place aux soirées de formation et d’accompagnement pour équipes paroissiales. Des journées de Dans le Brabant flamand et Malines, un service vicarial de formation permanent est mis sur pied en 1969. Outre les possibilités offertes par la faculté de Une Église devenue minoritaire dans un environnement pluraliste (1961-2009) ı 281 Journée d’études interdécanales, Malines, photo, 1977. Des journées d’études interdécanales sont organisées pour la formation continue des prêtres et, depuis 1976, également des laïcs. [Malines, Archives de l’Archevêché] Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 282 diocésain et intègre les bâtiments du séminaire Jean XXIII 39. Les prêtres francophones du Brabant wallon et de la capitale peuvent s‘orienter pour leur formation continue vers divers instituts établis à Bruxelles, également ouverts aux religieux et aux laïcs : l’École des sciences philosophiques et religieuses des Facultés universitaires Saint-Louis 40, le centre Lumen Vitae, fondé après la guerre, le CETEP, déjà cité, et l’Institut d’Études Théologiques, faculté inaugurée par les jésuites en 1970. Ils peuvent aussi profiter de l’offre de cours de théologie proposée depuis 1942 par l’Institut des sciences religieuses, lié à l’Université catholique de Louvain. Une théologie dans l’esprit du concile Centre d’éducation permanente Lumen Vitae, affiche, 1976. Les prêtres francophones et les collaborateurs laïcs de l’archevêché peuvent aussi faire appel, pour leur formation, au centre Lumen Vitae dirigé par les jésuites. Ce centre a organisé en 1976 une semaine d’études consacrée à la ‘catéchèse audiovisuelle à l’école’. [Leuven, KADOC : KCA5146] formation continue en théologie ont également lieu pour toutes les personnes intéressées. Le ‘Hoger Instituut voor Godsdienstwetenschappen’ (Institut supérieur des sciences religieuses) de Malines constitue une autre instance de formation possible 38. À partir de 1962, il organise le samedi après-midi des cours destinés aux prêtres, aux religieux et aux laïcs assumant une responsabilité dans la catéchèse, que ce soit au niveau scolaire ou paroissial. En 2000, il entame une collaboration étroite avec le theologicum 282 ı Leo Kenis Il y a bien longtemps que la théologie enseignée dans les instituts susmentionnés ne peut plus être considérée comme une sorte de nouvelle theologia Mechliniensis. Plusieurs professeurs du séminaire sont ensuite engagés par les facultés de théologie de Louvain ou de Louvain-la-Neuve ou par d’autres instituts de formation continue en théologie et en pastorale. Le concile Vatican II constitue bien entendu un jalon important dans le développement de leur pensée, d’autant plus que les évêques belges et leurs conseillers, surnommés la squadra belga, exercent une forte influence au concile 41. Parmi les prêtres de l’archevêché, Charles Moeller (19121986) et Gustave Thils (1909-2000) sont présents à Rome en tant que peritus ; le théologien moraliste Victor Heylen (1906-1981) et le sociologue de la religion François Houtart (°1925) collaborent à la préparation des textes conciliaires. La théologie promue plus tard par ces professeurs et leurs collègues, s’inscrit pleinement dans la ligne du renouveau conciliaire 42. Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 283 Quelques grands noms méritent d’être mentionnés. Le dogmaticien Gustave Thils exerce, notamment à travers sa Théologie des réalités terrestres, publiée déjà en 1946-1949, une influence sur le renouvellement de la théologie dans les années 1960 et 1970. Roger Aubert (1914-2009) est considéré comme l’un des principaux historiens de l’Église de son temps. Jean Ladrière (1921-2007), scientifique, philosophe et théologien de renommée mondiale, œuvre à une nouvelle approche des rapports entre foi, philosophie et engagement. Paul Anciaux n’influence pas seulement la constitution du nouveau cursus du séminaire, il livre également un apport décisif au renouvellement de la théologie sacramentaire. Spécialiste du Nouveau Testament, Jean Mouson (19221989) est un professeur apprécié au CETEP. Dans la génération suivante, le dogmaticien Adolphe Gesché (19282003) gagne le renom international grâce à une œuvre magistrale en sept volumes, intitulée Dieu pour penser (1993-2003). Du côté flamand, des théologiens comme Herman-Emiel Mertens (°1928) et Robrecht Michiels (°1933) participent au renouveau de la théologie néerlandophone, diffusée bien au-delà des frontières du domaine linguistique. Des penseurs appartenant à l’archevêché, comme le chanoine Paul De Haes, se distinguent dans le domaine plus pratique de l’exercice de la théologie. Ils fournissent avec des confrères issus d’autres diocèses et de différents ordres un apport à une théologie de haut vol, qui prolonge l’inspiration du concile tout en répondant aux nouveaux défis posés au christianisme par la société et le monde 43. Cette théologie n’entre en opposition avec la hiérarchie ecclésiastique que dans de très rares cas. Quelques conflits publics entre penseurs catholiques et autorités de l’Église se produisent néanmoins au début des années 1970, pé- riode à laquelle les oppositions internes se manifestent le plus vivement, y compris dans le domaine théologique. En 1974, le cardinal Suenens s’élève contre l’ouvrage Credo sans foi, foi sans Credo, écrit par le prêtre philosophe Jean Kamp (°1924), qui enseigne dans plusieurs établissements bruxellois. L’ouvrage est condamné pour ses divergences par rapport à la doctrine chrétienne et son auteur démis de ses fonctions d’enseignant 44. Le théologien moraliste Pierre de Locht (1916-2007) rencontre également quelques problèmes en raison de ses prises de position dans le domaine des questions morales 45. Si ces tensions ne mènent jamais à des conflits comparables à ceux que connaissent les pays voisins, cette période correspond toutefois, en Belgique comme ailleurs, à une perte d’élan du renouveau théologique impulsé par le concile. Des nouvelles fonctions : diacres et animateurs pastoraux Les diacres Le diaconat permanent, troisième ministère consacré après l’épiscopat et le sacerdoce, est remis à l’honneur lors du concile Vatican II. Le cardinal Suenens est précisément l’un de ses avocats 46. En mars 1967, la conférence épiscopale belge accepte l’introduction de diacres. Des croyants laïcs ont toutefois déjà pris des initiatives dans ce sens précédemment, surtout en Wallonie. Le diaconat est destiné aux hommes d’âge mûr. Certaines espèrent par ce biais devenir prêtre lorsque l’obligation du célibat sera supprimée. Les premiers diacres permanents de l’archevêché sont consacrés en 1970 par le cardinal Suenens. En cette époque de pénurie croissante de prêtres, ils ne tardent pas à être pleinement intégrés dans la pastorale : on compte 78 diacres permanents Une Église devenue minoritaire dans un environnement pluraliste (1961-2009) ı 283 38 À ne pas confondre avec l’Institut du même nom de Louvain, fondé en 1942 et intégré par la suite dans la faculté de théologie. 39 Le vicariat pour les religieux de l’archevêché contribue encore à la formation continue en organisant des sessions générales avec conférences et travaux de groupe impliquant une participation plus active (voir p. 289). 40 Fondé en 1925 ; depuis 1968, on y organise des sessions théologiques sur différents thèmes. 41 À ce sujet, voir e.a. Declerck, « De rol van de ‘squadra belga’ op Vaticanum II » ; Prignon, « Évêques et théologiens de Belgique au Concile Vatican II ». Pour des études plus spécifiques, notamment sur G. Thils et Ch. Moeller, voir le récent ouvrage collectif de Donnelly e.a., éds. The Belgian Contribution to the Second Vatican Council. 42 On trouve une synthèse générale de la théologie postconciliaire belge dans Denaux et Harpigny, « La Belgique ». 43 Les frontières diocésaines sont également dépassées au niveau des organes théologiques. En 1970, Collectanea Mechliniensia cesse de paraître et est englobé dans les revues interdiocésaines Collationes (néerlandophone) et La foi et le temps (francophone). 44 En l’époque, Giulio Girardi (°1926), théologien italien controversé, est également licencié par le centre Lumen Vitae de Bruxelles, où il donnait depuis 1969 un cours consacré au rapport entre marxisme et christianisme. 45 Voir ci-après, p. 299. 46 Voir pour ce qui suit Maskens, « Une enquête sur les diacres francophones de Belgique » ; Vigneron, Le diaconat permanent en Belgique francophone ; Gielis, « De invoering van het permanent diaconaat in België » ; Haquin et Weber, éds., Diaconat, XXIe siècle. Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 284 Ordination du diacre Charles Lammerant à Nivelles, photo, 1989. Le cardinal Danneels ordonne le diacre Charles Lammerant dans l’église Sainte-Gertrude de Nivelles. Le diaconat permanent a été restauré sous son prédécesseur, le cardinal Suenens. Les diacres aident à compenser le manque croissant de prêtres. [Malines, Archives de l’Archevêché] en 1983 et 89 en 1993 47. En 2009, il y a dans l’archidiocèse 90 diacres permanents actifs : 41 dans le Brabant flamand et Malines, 18 dans le Brabant wallon et 31 à Bruxelles (26 francophones et 5 néerlandophones). En 1985, le conseil épiscopal approuve un texte sur la spécificité du diaconat permanent, qui sera développé d’un point de vue théologique en 1989. La tâche principale des diacres est le service : soins aux malades et aux handicapés, engagement en faveur de la paix, du tiers-monde et du quart-monde, etc. Ils sont en outre chargés d’une mission évangélique, qui peut se traduire concrètement par un accompagnement des journées de réflexion, la célébration de liturgies de la parole, de baptêmes, de mariages et d’enterrements, la participation à des groupes d’étude de la Bible et de conversation. Très vite, on fait également appel aux diacres pour remplacer le prêtre dans les paroisses qui en sont dépourvues. 47 En 1993, il y avait déjà un diacre permanent pensionné ; deux autres séjournaient à l’étranger. 48 Voir l’étude comparative de Mertens, Pastorale opleidingen voor leken in de Vlaamse bisdommen. Les animateurs et animatrices pastoraux À partir des années 1970, outre les diacres, des animateurs pastoraux sont également engagés dans les trois vicariats. Vers 1975, on parle pour la pre284 ı Leo Kenis mière fois d’« animateurs et animatrices pastoraux », personnes appelées à jouer un rôle de premier plan dans l’accompagnement de groupes et d’associations, dans la catéchèse et dans les groupes liturgiques et de prière. Vers la fin de la décennie, l’évêché se met à engager des animateurs et animatrices pastoraux rémunérés à temps partiel. Ceux-ci sont chargés d’une mission officielle et reconnus par la communauté de fidèles où ils exercent leur fonction. Ils sont le plus souvent intégrés dans une équipe pastorale. En 1993, l’archidiocèse compte 138 de ces animateurs et animatrices pastoraux. En 1998, les autorités ecclésiastiques décident de nommer des « assistant(e)s paroissiaux ». Ceux-ci sont engagés dans le contexte décanal ou dans celui de la coopération inter-paroissiale. Juridiquement, ils bénéficient du statut de serviteurs du culte et, depuis 1997, certains sont même payés par l’État. En vertu de la loi-programme du 22 décembre 2008, les assistant(e)s paroissiaux sont reconnus comme une catégorie spécifique de serviteurs du culte catholique romain et un cadre organique de 341 postes rémunérés par l’État est établi à leur intention. La demande en assistant(e)s paroissiaux rémunérés ne cesse néanmoins de croître. En 2009, on recense officiellement 210 animateurs et animatrices pastoraux, assistants et assistantes paroissiaux dans l’archidiocèse : 6 animatrices bénéficient d’une nomination diocésaine, 43 animateurs et animatrices pastoraux et 15 assistant(e)s paroissiaux sont actifs dans le Brabant flamand et Malines, le Brabant wallon compte 46 animateurs/animatrices pastoraux et assistant(e)s paroissiaux, et, à Bruxelles, 64 animateurs/animatrices pastoraux et assistant(e)s paroissiaux sont engagés dans la pastorale francophone, 26 dans la pastorale néerlandophone et 8 dans celle des communautés d’origine étrangère. Un Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 285 animateur et une animatrice pastoraux sont actifs en Amérique latine, 32 des animatrices pastorales sont des religieuses. tique avec stage et spiritualité. Après cette formation, les candidats diacres reçoivent encore une formation au diaconat d’au moins un an. La formation Tout comme les prêtres, les diacres et les animateurs/animatrices pastoraux bénéficient après leur formation proprement dite d’un large éventail de possibilités. Celles-ci ne sont du reste pas réservées à la main d’œuvre rémunérée de l’archevêché. En 1979, une formation pastorale de base est mise en place pour les bénévoles. En 1985, 1200 à 1300 personnes l’ont déjà suivie. En 1988, s’y ajoute l’initiative des soirées de formation et d’accompagnement pour équipes paroissiales, qui remplacent les anciennes journées d’étude interdécanales destinées aux prêtres. Ces soirées s’adressent aux prêtres de paroisse et à leur équipe. Simultanément, on lance une autre initiative, à savoir les journées d’études pastorales, ouvertes exclusivement aux prêtres, aux diacres et aux animateurs/animatrices pastoraux. Tant les animateurs/animatrices pastoraux que les assistant(e)s paroissiaux doivent suivre une formation particulière. En 1979, un cursus est instauré pour les candidats néerlandophones. Auparavant, les candidats de MalinesBruxelles étaient inclus dans la formation de l’évêché d’Anvers 48. À partir du milieu des années 1980, cette formation de trois ans coïncide d’ailleurs de plus en plus avec celle des diacres permanents. À partir de 1989, les deux groupes passent par une période d’orientation de trois mois avant de suivre deux ans et demi d’études théoriques. Après une courte période de transition, ils entament ensuite une année de stage. L’approbation des candidats diacres par la hiérarchie a lieu au début de cette année. Après quoi, ils sont ordonnés dans leur paroisse d’origine. En 1998, la formation est réformée de sorte qu’aujourd’hui tous suivent une formation en deux phases : trois ans consacrés à la théologie et à la spiritualité, deux ans consacrés à la pra- Les diacres et les animateurs/animatrices pastoraux francophones peuvent se former dans les instituts d’enseignement théologique déjà nommés de Bruxelles, où prêtres et religieux Les animateurs pastoraux, caricature de Nagel, 2001. À partir des années 1970, on voit de plus en plus de laïcs prendre en charge une partie des activités pastorales. Ces animateurs/animatrices pastoraux et assistant(e)s paroissiaux prennent une part de plus en plus importante dans la vie paroissiale. Le dessinateur Nagel réalise ce dessin pour accompagner un article de l’hebdomadaire chrétien d’opinion Tertio (8 août 2001) consacré à leur travail. [Leuven, KADOC : KYC629] Une Église devenue minoritaire dans un environnement pluraliste (1961-2009) ı 285 Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 286 étudient également, ainsi qu’à l’Institut des sciences religieuses de Louvainla-Neuve. En 1975, un programme de formation spécifique pour laïcs est en outre élaboré dans le Brabant wallon. Baptisé « Anime », il est basé sur une recherche de groupe et accompagné par un théologien et un animateur. En 1977, cette formation est également introduite à Bruxelles. Depuis 2000, enfin, l’archevêché compte également un Centre d’études pastorales et une École de la Foi, qui se chargent de l’organisation de la formation (à Bruxelles et à Wavre) 49. Des voix en faveur d’une révision en profondeur du ministère “Deux secondes, j’arrive”, caricature, 1971. Certains croyants de l’archidiocèse souhaitraient que l’on ordonne des hommes mariés et des femmes. La question sera posée de façon explicite en 1971, lors du conseil pastoral du Brabant wallon. C’est à cette occasion que paraîtra dans ‘t Pallieterke (13 mai 1971) la présente caricature. [Leuven, KADOC : KYC795] Le débat concernant la fonction de prêtre est en partie bloqué par le fait que le ministère sacerdotal n’est accessible qu’aux hommes célibataires. Dans l’archevêché, certains, en particulier à la base, demandent que le ministère soit repensé en profondeur et ouvert également aux femmes et aux hommes mariés. Dans les années 1990, ces voix s’affirment. Lors du conseil vicarial général du Brabant flamand de 1989, de nombreux participants se prononcent en faveur de l’ouverture de la prêtrise aux hommes mariés et aux femmes. Beaucoup ne comprennent pas pourquoi la célébration des sacrements est refusée aux animateurs pastoraux laïcs. Il ne s’agit pas seulement de l’eucharistie, mais, par exemple, de l’onction des malades dans les hôpitaux où ces animateurs travaillent. Le cardinal Danneels, pour sa part, souligne dans ses homélies et des écrits publiés dans Pastoralia la différence essentielle qui existe entre prêtres et laïcs (laquelle n’est d’ailleurs pas en contradiction avec la vision générale du sacerdoce commun des fidèles depuis Vatican II). Par sa consécration, le prêtre est ‘configuré’ au Christ. Si, en pratique, les laïcs sont parfois entièrement responsables d’une 286 ı Leo Kenis paroisse, d’un point de vue théologique, le prêtre reste le garant de l’authenticité apostolique de la prédication, de la présence du Christ dans les sacrements et de la charité pastorale : « Une communauté catholique n’est jamais complète ni parfaite sans le lien au prêtre » 50. En 1994, le pape promulgue la lettre apostolique Ordinatio sacerdotalis, en vertu de laquelle les femmes sont « définitivement » exclues de l’ordination sacerdotal. Le document suscite la déception et l’incompréhension. Les évêques belges s’efforcent de calmer les esprits et expriment leur espoir que le document ne sera pas interprété comme un manque de considération pour le travail considérable effectué par les femmes au sein de l’Église. Plus tard, le cardinal Danneels et le conseil épiscopal de l’archevêché rappellent que l’indulgence à l’égard des réactions émotionnelles ne peut déforcer l’autorité des positions officielles. Le monde des religieux et des religieuses Il a déjà été dit que les nombreux ordres et congrégations de religieux et de religieuses établis dans l’archevêché sont présents dans des champs très divers de la vie ecclésiastique. Non seulement ils constituent des centres de réflexion et de contemplation, mais beaucoup exercent aussi un service actif dans l’enseignement, les soins de santé ou les missions. Depuis plus longtemps encore, ils servent également la vie paroissiale aux côtés du clergé diocésain. Dans le chapitre précédent, a été expliqué comment ce groupe très diversifié de religieux avait atteint vers le milieu du XXe siècle un nombre exceptionnellement élevé 51. Malgré cela, des premiers signes de régression sont observés dès les années 1950, notamment dans le Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 287 nombre de vocations. Dès l’épiscopat du cardinal Van Roey, ce recul devient un sujet d’inquiétude pour la hiérarchie. Mais, par ailleurs, il offre une forte impulsion au renouvellement et à une reconsidération du rôle et de la spécificité de ce groupe de croyants. La diminution du nombre de religieux se poursuit à un rythme accéléré dans la seconde moitié du siècle. Le total de religieux masculins dans l’archevêché chute de 3595 en 1962 à 1477 en 2007. En 1962, l’archevêché compte encore 1763 prêtres réguliers, en 2007, ils ne sont plus que 1142. Le nombre de religieuses diminue également de 10.753 en 1962 à 3139 en 2007. Que ce soit dans le Brabant wallon ou dans le Brabant flamand, les chiffres sont en net recul. À Bruxelles, bien que le mouvement soit moins prononcé, toutes les grandes communautés religieuses masculines disparaissent progressivement. Occasionnellement, des petites communautés se créent encore, par exemple dans les quartiers populaires. Les circonstances et les initiatives liées à ce développement sont illustrées dans les lignes qui suivent, à travers l’évolution du grand groupe de religieuses de droit diocésain qui est le plus impliqué dans la gestion de l’archevêché. Une fois encore, c’est à Léon-Joseph Suenens que l’on doit une reconsidération radicale du profil de ce groupe et une réorganisation en profondeur de la politique qui le concerne. Un vicariat pour les religieuses Alors que les religieuses diocésaines étaient traditionnellement placées sous l’autorité du vicaire général, le cardinal Suenens crée au début de son épiscopat un service spécial pour toutes les religieuses. En avril 1962, monseigneur René Ceuppens est nommé comme successeur de monseigneur Schoen- maeckers en tant que responsable du « vicariat pour la vie consacrée ». Les prêtres diocésains et réguliers qui visitent régulièrement les congrégations y sont intégrés. Ils jouent un rôle capital dans la réalisation concrète de la réforme des communautés religieuses féminines. Dans ce cadre, les structures de gestion sont remaniées à plusieurs reprises. En octobre 1962, le cardinal crée l’Union diocésaine des religieuses de droit diocésain, et en août de l’année suivante, un Bureau des religieuses diocésaines, composé de quatre membres, voit le jour. En 1976, le vicariat des religieuses est officiellement scindé en deux équipes autonomes, même si, jusqu’en 1997, il n’y a pratiquement pas de collaboration entre les bureaux de Bruxelles et du Brabant wallon 52. En 1976, Pierre Helleputte (1916-1982), qui assistait depuis 1967 les religieuses francophones, devient responsable de leur bureau. Il le reste jusqu’à son décès en 1982, puis lui succède le chanoine Gonzague Van Innis (1920-1998). Du côté du vicariat néerlandophone, la fonction est exercée par le jésuite Jozef Hoing (1918-1996). À partir de 1983, ces responsables diocésains portent le titre de vicaire épiscopal. En 1987, Hoing est suivi par le dominicain Joris Backeljauw (°1930) ; en 1994, Luk De Hovre, évêque auxiliaire de la pastorale néerlandophone de Bruxelles, devient également évêque délégué pour les religieuses néerlandophone. Peu après, la fonction est transmise à des religieuses : pour les francophones, sœur Françoise Cassiers (°1933/1996-2004) et sœur Élisabeth Schmid (°1943/ 2004-) sont successivement déléguées épiscopales ; chez les néerlandophones, le poste est occupé par sœur Louisa (Benigna) Cools (°1927/1995-2002), sœur Maria (Judith) Muyshondt (°1936/2002-2007) et sœur Martha Lathouwers (°1939/2007-). Une Église devenue minoritaire dans un environnement pluraliste (1961-2009) ı 287 49 Dans le Brabant wallon, la formation est assurée par les mêmes services qu’à Bruxelles, sauf pour les catéchistes, qui, le temps de quelques années, sont formés à Braine-l’Alleud, Jodoigne, Ottignies et Tubize. 50 Pastoralia, (1990) 6, 127. 51 Voir p. 191. 52 Le vicariat des religieux est à l’origine établi dans le palais archiépiscopal. En 1970, le secrétariat néerlandophone déménage pour le Centre pastoral diocésain à Malines. Les religieux francophones n’ont pas de secrétariat fixe jusqu’en 1997, date à laquelle les religieux de Bruxelles et du Brabant wallon unissent leurs forces et fondent un bureau permanent chez les jésuites de la rue Liétart, à Woluwe-Saint-Pierre. Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 288 Couverture du livre de Suenens Promotion apostolique de la religieuse, 1962. Dans son livre intitulé Promotion apostolique de la religieuse, le cardinal Suenens plaide pour un ressourcement et un renouveau dans la vie des couvents de religieuses. Les religieuses doivent, selon lui, vivre une vie d’apostolat actif dans le monde. [Leuven, KADOC : KB5409] 53 Voir à propos du Brabant wallon Tihon, « Les religieuses en Brabant wallon ». 54 Mentionnons en particulier l’initiative ‘Het Schrijn’, à Herent, qui lance en 1969 une année de formation commune pour les jeunes religieuses de l’archevêché. Cette année de noviciat est à l’origine conçue comme collective, mais ne tarde pas à devenir une année de formation générale. 55 Voir Haquin, « La ‘réception’ de la liturgie de Vatican II en Belgique »; Lamberigts, « Entwicklungen nach dem II. Vatikanum in den Niederlanden ». Crise et renouveau Avant sa nomination comme évêque, le cardinal Suenens avait déjà inspiré un renouvellement de fond de la vie religieuse, lorsqu’il était responsable diocésain de l’Association des Supérieurs majeurs de Belgique, fondée en 1958. En 1962, il publie La promotion apostolique de la religieuse dans lequel il plaide pour un renouvellement et un ressourcement de la vie monastique et de l’apostolat. Son appel suscite une réaction de grande ampleur. Dans les années 1960, pratiquement tous les instituts religieux de l’archevêché et d’ailleurs se lancent dans l’organisation de « chapitres de rénovation », chargés de débattre de la structure existante, de la règle, de la vie communautaire et, le cas échéant, des œuvres apostoliques. Les chapitres, qui sont souvent à l’origine d’une révision de la règle, sont accompagnés à certains endroits par des collaborateurs de l’évêché. La tendance est à la démocratisation des structures internes et à davantage d’ouverture au monde. La règle monastique est radicalement assouplie dans de nombreuses communautés et l’habit traditionnel, jugé vieilli, est adapté. Au début des années 1950, la communauté des sœurs de l’Enfant Jésus de Nivelles est, avec l’autorisation de l’évêque auxiliaire Suenens, la première de l’archevêché à renouveler son habit traditionnel. Nombre de congrégations partent à la recherche de leur identité première et de leur charisme originel. Il en résulte un regain d’intérêt pour les fondateurs oubliés et leurs motivations sociales et spirituelles. Dans bien de communautés, l’apostolat est également réorienté de façon radicale. En raison de la diminution des effectifs et du vieillissement des membres, les tâches traditionnelles des sœurs, des frères et des pères dans le domaine des soins de santé et de l’enseignement cessent d’être réalisables et 288 ı Leo Kenis sont transmises aux laïcs. En revanche, les religieux conservent souvent un rôle dans l’administration des instituts qu’ils ont fondés. Il faut attendre les deux dernières décennies du XXe siècle pour assister à l’introduction de nouvelles structures de propriété et aux transferts définitifs de patrimoine et de compétences. Parallèle à ce démantèlement des œuvres traditionnelles, les jeunes recrues des instituts religieux sont en quête de nouveaux défis dans la pastorale ou au bénéfice de nouveaux groupes de personnes défavorisées, comme les réfugiés et les personnes âgés isolées. Ces nouvelles initiatives sont généralement de plus petite échelle et plus individuelles que l’apostolat institutionnel du XIXe siècle et de la première moitié du XXe siècle. La vie communautaire change également sous l’influence de la chute des vocations. Dans la seconde moitié du siècle, pratiquement aucune succursale n’est créée dans l’archevêché, moins encore de nouvelle congrégation. Dans un premier temps, l’attention accrue Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 289 pour le développement personnel des membres mène à la formation de nouvelles communautés, plus petites, de religieuses et de religieux souhaitant vivre leur vocation parmi les gens. Mais, avec le temps, plusieurs congrégations se replient sur leur maison mère, si bien que non seulement le nombre de religieux, mais aussi le nombre de bâtiments occupés commence à décroître et que la problématique de la réaffectation se pose un peu partout. De nombreuses petites communautés de religieuses établies dans les villages disparaissent 53. Çà et là, des congrégations fusionnent, même si leur nombre reste, en comparaison avec la situation dans certains autres diocèses, relativement limité. Ainsi, par exemple, les sœurs de la charité de Malines, les sœurs noires de Malines et les filles de l’Immaculée Conception de la très Sainte Vierge Marie d’Overijse fusionnent en 1967 pour former la congrégation des sœurs diocésaines d’OverijseMalines. D’autres congrégations plus petites et en proie à des difficultés matérielles se joignent à des plus grandes, parfois en dehors de l’archevêché. Outre ces transformations, la formation des religieuses représente un souci permanent. Dès les années 1970, les religieuses néerlandophones et francophones élaborent leur offre propre dans ce domaine 54. Le vicariat constitue également une plateforme où l’on cherche des solutions aux problèmes matériels, canoniques et spirituels qui affectent les instituts religieux et les religieuses en tant qu’individus. 3. La vie de l’Église La liturgie et la pratique religieuse La réforme de la liturgie La première réforme introduite par le concile Vatican II concerne la liturgie. Dans la constitution Sacrosanctum concilium (4 décembre 1963), le caractère communautaire des célébrations liturgiques et l’implication de tous les fidèles jouent un rôle central : « participation active » devient le mot clé d’une réforme qui est pour les chrétiens le versant le plus visible du renouveau conciliaire 55. Contrairement à la messe classique, la célébration eucharistique accorde une grande importance à la liturgie de la parole. Autre élément crucial, la langue vernaculaire gagne une Sœurs des Fraternités Monastiques de Jérusalem dans l’église Saint-Gilles à Saint-Gilles (Bruxelles), 2009. La communauté religieuse des Fraternités Monastiques de Jérusalem s’installe à SaintGilles (Bruxelles) en 2001 à l’invitation du cardinal Danneels. Elles ont pour vocation d’être une oasis de contemplation au cœur de l’agitation des villes ou, comme elles le formulent elles-mêmes, “d’étendre un tapis de prière sur le macadam de nos grandes villes”. [© THOC] Une Église devenue minoritaire dans un environnement pluraliste (1961-2009) ı 289 Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 290 Vue intérieure de la chapelle Saint-Joseph Ouvrier de Willebroek, photo, 1964. Après Vatican II, le renouveau de la liturgie s’exprime également dans l’architecture des églises. Marc Dessauvage, originaire de la Flandre Occidentale, crée dans l’archidiocèse quelques églises ‘modernes’ remarquées, entre autres la chapelle Saint-Joseph Ouvrier à Willebroek, l’église SainteAldegonde à Ezemaal (Landen) et l’église Saint-Charles à Attenhoven-Holsbeek. [Malines, Archives de l’Archevêché] Vue intérieure de l’église SaintPaul à Waterloo, photo, 1968. Jean Cosse a dessiné pour le Brabant wallon quelques églises nouvelles, entre autres l’église Saint-Paul à Waterloo, l’église Saint-François à Louvain-la-Neuve et le monastère bénédictin de Saint-André de Clerlande (Ottignies) (en collaboration avec Frédéric Debuyst, prieur de la communauté). [Malines, Archives de l’Archevêché] 56 En 2006, une édition, largement remaniée, de Zingt Jubilate est publiée. 57 Voir aussi l’œuvre de Geert Bekaert, In een of ander huis. Bekaert est le rédacteur du numéro spécial Gewijde kunst de la revue Nieuwe Stemmen, 17 (1961) 6-7. Celui-ci contient un article sur la nouvelle architecture religieuse en Belgique (127148), faisant notamment référence à l’exposition « Ars Sacra 58 », de Louvain (1958). place nettement plus importante ; en principe, elle peut désormais être utilisée pour tous les éléments de l’eucharistie. De plus, les décisions relatives à ces réformes sont maintenant prises par les conférences épiscopales nationales. Dans l’archevêché de Malines-Bruxelles, la réforme liturgique est rapidement mise en œuvre. Deux commissions diocésaines sont créées, une pour la liturgie en décembre 1964, l’autre pour la musique sacrée en juin 1965. Dès mai 1964, les lectures des célébrations publiques sont faites dans la langue vivante et le prêtre est désormais tourné vers le peuple. L’homélie devient obligatoire lors des messes des dimanches et des jours de fête. En mars 1965, la concélébration est introduite. À partir d’août 1967, la messe du dimanche peut être remplacée par celle du samedi soir en termes d’obligation dominicale et le canon de l’office peut être récité dans la langue vernaculaire. Deux ans plus tard, les croyants sont autorisés à recevoir la communion dans la main. La traduction des livres liturgiques en langue vernaculaire est un travail de longue haleine, qui sera réalisé par les commissions interdiocésaines francophones et néerlandophones pour la pastorale liturgique (CIPL et ICLZ) en collaboration avec les commissions des domaines linguistiques apparentés. Il porte avant tout sur le lectionnaire de la messe, dont la nouvelle formule a été fixée dans le missel de Paul VI en 1970. Par ailleurs, on travaille intensivement à la création de cantiques et de chants en français et en néerlandais, tâche qui implique plusieurs compositeurs et paroliers régionaux. Le plus connu d’entre eux – et pas seulement en Flandre – est le poète néerlandais Huub Oosterhuis (°1933), dont les traductions de textes liturgiques et les textes de chansons 290 ı Leo Kenis donnent à la vie liturgique un cachet particulier. Une formation musicale appropriée est dispensée à l’Institut de musique liturgique et pédagogie musicale de Namur et par le Lemmensinstituut de Louvain. Au bout d’un certain temps, après des expériences multiples et multiformes, un degré de stabilité et de qualité est atteint dans le répertoire de chansons, comme en témoigne par exemple la publication, en 1976, de Zingt Jubilate, carnet de chant officiel de la communauté chrétienne flamande 56. Le renouveau de la liturgie implique aussi une adaptation de l’espace qui lui est dédié : pendant l’office, la communauté des fidèles se réunit à présent en communio autour du célébrant. Pour permettre la mise en pratique de cette liturgie communautaire, les églises sont réaménagées : maîtres-autels, chaires de vérité et autres équipements apparentés, désormais obsolètes, sont abandonnés ou vendus. À la place, un nouvel autel et un ambon sont placés au centre de l’édifice, souvent à la croisée du transept, autour duquel les croyants peuvent se disposer en demi-cercle ou en fer à cheval. De plus, de nouvelles églises sont construites dans tout l’archevêché, en particulier au cours des années 1960, en remplacement des anciennes ou en réponse aux besoins de nouvelles paroisses et chapelles. L’un des principaux architectes de ce mouvement de renouveau est Marc Dessauvage (1931-1984), originaire de Flandre occidentale 57. Les églises modernes traduisent la nouvelle vision de la liturgie : elles n’imposent plus leur verticalité monumentale, mais sont construites basses, dans un style sobre et discret, éventuellement flanquées d’un petit clocher. Souvent, elles répondent à un plan centré ou au modèle de l’église halle, dans lesquelles l’espace est concentré autour de l’autel. Dans le Brabant wallon, Jean Cosse (°1931) traduit Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 291 la théologie de la communauté dans le concept de l’« église-maison » 58. Par ailleurs, on cherche aussi à combiner harmonieusement le rôle liturgique du bâtiment avec d’autres fonctions qu’il remplit pour la communauté paroissiale. L’organisation Domus Dei, fondée en 1952, collecte des fonds pour la construction de nouvelles églises ; désormais, l’œuvre finance le réaménagement intérieur de ces édifices, qui se traduit souvent par l’aménagement de chapelles destinées aux célébrations quotidiennes 59. Le renouvellement de l’espace liturgique va de pair avec un changement de vêtements et d’ornements sacerdotaux, la création de nouveaux vitraux, la mise en place de nouvelles sculptures, etc. Lors du réaménagement des églises existantes, les travaux commencent parfois par la mise au rebut de nombreuses statues de saints qui ne cadrent plus avec un nouveau vécu de la foi axé sur le Christ. Il arrive d’ailleurs que cela soit ressenti comme de l’iconoclasme par une partie des fidèles qui ont du mal à assimiler ces changements rapides. En raison de ces interventions plus ou moins radicales, le renouveau liturgique cause quelquefois des tensions et des divergences d’opinion parmi les membres de la communauté. D’une part, il y a les croyants pour qui les réformes ne vont pas assez vite. Dès 1962, au début du concile donc, les responsables de l’évêché se voient obligés de mettre en garde contre l’exécution prématurée des modifications et des expérimentations liturgiques 60. Par la suite, ils demandent de patience et combattent les « applications erronées » de la réforme, comme le remplacement des textes bibliques par des textes profanes, l’abandon ou le remplacement des textes officiellement autorisés, les prières eucharistiques « maison », etc. D’autre part, les croyants plus âgés sont confrontés à l’élimination d’une liturgie qui leur était familière et certains réclament le retour ou du moins le maintien de l’ancienne messe tridentine. C’est ainsi que dans les années 1960-1970, la liturgie devient la pomme de discorde la plus visible de l’Église catholique, le symbole des oppositions qui se manifesteront bientôt sur d’autres terrains de la vie religieuse. Les changements de la pratique religieuse Les tensions liées à la réception de la réforme liturgique ne sont pas le seul problème auquel la direction de l’archevêché est confrontée. Le recul de la Une Église devenue minoritaire dans un environnement pluraliste (1961-2009) ı 291 58 Haquin, « La vie liturgique », 108 (sur Cosse, voir Ibidem, 30). 59 Voir Capelle, Van Innis et Osaer, Les églises à Bruxelles ; Boone, Böröcz et Tansens, Eindrapport Onderzoeksopdracht « Thematische inventarisatie 20ste-eeuwse kerken ». 60 Un véritable avertissement est lancé dès le début de Vatican II. Les prêtres sont encouragés à mettre en pratique le directoire Autour de l’autel du seigneur, élaboré à la fin de l’épiscopat du cardinal Van Roey, et à ne pas anticiper sur les réformes que le concile est susceptible d’introduire. Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 292 Visite de l’archevêque Suenens à Sint-Martens-Lennik, photo, 1962. La visite de l’archevêque Suenens à Sint-Martens-Lennik, peu après son installation, se déroule encore dans la tradition de la pompe romaine. Ce faste disparaîtra au cours de la décennie suivante. [Malines, Archives de l’Archevêché] 61 De 1962 à 1998, le Service des statistiques religieuses, qui dépend de la conférence épiscopale belge, tient un décompte précis de la pratique dominicale en Belgique. Ces recensements prennent ensuite fin en raison du trop gros effort logistique qu’ils réclament. Les données en question sont analysés chez Voyé et Dobbelaere, « De la religion : ambivalences et distancements ». Partant des enquêtes du ministère de la Communauté flamande, Marc Hooghe a fait une tentative d’extrapolation des chiffres pour la Flandre jusqu’à 2004. Voir Hooghe, Quintelier et Reeskens, « Kerkpraktijk in Vlaanderen ». 62 Cf. Collard, « Commentaire de la carte de la pratique dominicale en Belgique » ; Population et pratiquants dans les doyennés et diocèses de la province ecclésiastique belge ; Mols, « La pratique dominicale en Belgique »; Voyé, Sociologie du geste religieux ; La pratique dominicale à Bruxelles ; Statistiques de base des doyennés et diocèses de la province ecclésiastique Belge ; Wolfs, « La pratique dominicale ». 63 Pendant un certain temps, les messes pour jeunes remportent un vif succès. À titre d’exemple, les messes pour jeunes de la rue L’Olivier, à Bruxelles (1968-1974), sont analysées par Lombaerts dans « La symbolisation religieuse dans une messe de jeunes ». pratique dominicale est également très inquiétant. En effet, la pratique dominicale, l’indicateur traditionnel de l’engagement religieux, connaît pendant la seconde moitié du XXe siècle une évolution dramatique. Les chiffres de la période étudiée l’illustrent à l’envi 61. En Belgique, la fréquentation hebdomadaire de l’église passe de 42,9% en 1967 à 11,2% en 1998. En Flandre, les chiffres sont de 52% en 1967, de 12,7% en 1998 et de 9,4% en 2004. En Wallonie, ils passent de 33,9% en 1967 à 9,3% en 1998. C’est à Bruxelles que la diminution de la pratique est la plus spectaculaire 62. De 1950 à 1964, la pratique religieuse y reste stable, oscillant autour des 27%, ce qui représente en 1964 quelque 244.000 pratiquants. Ensuite, elle diminue lentement – en 1967, Bruxelles compte encore 220.572, soit 24,3% de pratiquants réguliers – pour chuter brusquement après mai ’68 et Humanae vitae. En 1972, 152.144 fidèles, c’est-àdire 17% de la population, remplissent encore leurs obligations dominicales. Lorsque ces statistiques sont publiées à la fin de 1974, elles provoquent un électrochoc, à tel point que les doyens 292 ı Leo Kenis bruxellois et le conseil épiscopal se réuniront à plusieurs reprises pour discuter du problème. Par la suite, le nombre de pratiquants continue à baisser pour atteindre 6,30% en 1998. Cette diminution s’explique en partie par la présence dans la capitale de nombreux musulmans et adeptes d’autres religions. Depuis lors, la descente est peut-être enrayée, grâce à la présence de nombreux Polonais et Africains. Même si elle ne représente qu’un aspect de la vie religieuse, la diminution de la pratique indique tout de même un changement profond dans le paysage culturel et religieux, dans lequel le catholicisme devient progressivement le choix d’une minorité. Pour ce groupe de plus en plus restreint, mais aussi relativement engagé, de fidèles, des célébrations « spéciales » sont organisées dans les années 1970 : messes pour enfants, offices centrés sur les missions ou des œuvres de bienfaisance comme Entraide et Fraternité, actions de grâce à l’occasion des naissances, etc. Le développement d’une liturgie pour les jeunes représente un point particulièrement important 63. Bien entendu, les Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 293 laïcs sont très largement impliqués dans la liturgie. Dans certaines paroisses, il existe un ou plusieurs groupes de travail liturgiques, qui préparent toutes les célébrations. Dans d’autres, des groupes de travail occasionnels préparent la liturgie des grandes fêtes. L’intégration de laïcs dans les célébrations eucharistiques hebdomadaires est liée à une volonté de coopération dans la vie ecclésiale, mais aussi à la pénurie déjà signalée de prêtres, qui se fait principalement sentir à partir des années 1980. La rationalisation du nombre d’eucharisties devient un élément important de la politique de l’Église qui consiste à créer une collaboration plus intense entre paroisses. Pour alléger la charge des prêtres, on réduit le nombre d’offices. Ceux qui attirent moins de monde, en particulier ceux du dimanche matin tôt, sont progressivement supprimés. À la longue, il reste deux célébrations par week-end et par paroisse : le samedi soir et le dimanche. En même temps, la réduction du nombre d’offices permet d’améliorer la qualité de ceux qui subsistent et d’y impliquer davantage les fidèles. Outre la rationalisation du nombre d’eucharisties, des célébrations non eucharistiques assumées par un diacre ou un laïc peuvent offrir une solution alternative. Au début, ces célébrations du week-end – liturgie de la parole avec distribution de la communion – ne sont acceptées que dans les situations d’urgence. En 1985, la Commission liturgique du Brabant flamand et Malines formule quelques propositions en lien avec les célébrations susceptibles de remplacer les eucharisties. Les liturgies de la parole, réunions de prières et autres louanges avec distribution de la communion comptent parmi les solutions envisagées. L’important est que la différence entre ces célébrations et L’Église de Bruxelles comme minorité, caricature d’André van Laere, 2002. Dans les grandes villes comme Bruxelles, les catholiques sont de plus en plus minoritaires. Dans une sorte de ‘testament pastoral’ de 2006, l’ancien évêque auxiliaire Luk De Hovre parle de Bruxelles comme d’un “pays de mission qui a grand besoin d’une nouvelle évangélisation”. Cette caricature a paru dans Terugblik op twintig jaar pastoraat in Brussel 1982-2002 (Bruxelles, 2006) de Mgr De Hovre. [Louvain, K.U.Leuven, Maurits Sabbebibliotheek : 2-007966] l’eucharistie soit suffisamment nette. Dans les années 1990, des modèles de liturgie de la parole et de la communion sont élaborés, mais il faut attendre 1996 pour qu’apparaisse progressivement une plus grande ouverture vis-àvis de ces alternatives et que les laïcs soient autorisés à célébrer des offices non eucharistiques. Les sacrements : à la rencontre des « chrétiens occasionnels » Alors que les offices hebdomadaires connaissent une forte diminution de fréquentation – autrement dit, que le nombre de pratiquants ou de membres permanents de la communauté se réduit à une minorité –, d’autres rituels connaissent un recul moins net. Certains rituels de vie, en particulier le baptême, la confirmation, le mariage et l’enterrement, résistent bien mieux à l’érosion 64. Les chiffres connus concernant les baptêmes, les mariages et les enterrements chrétiens montrent que la participation à ces rituels est sensiblement plus élevée que la pratique dominicale 65. En 1967, 93,1% des nouveau-nés sont encore baptisés en Belgique, 86,1% de tous les candidats au mariage optent encore pour un mariage religieux et 84,3% de tous les Une Église devenue minoritaire dans un environnement pluraliste (1961-2009) ı 293 64 Voir Dobbelaere, Leijssen et Cloet, éds., Levensrituelen : het vormsel ; Leijssen, Cloet et Dobbelaere, éds., Levensrituelen : geboorte en doopsel ; Burggraeve e.a., éds., Levensrituelen : het huwelijk ; Leijssen e.a., éds., Levensrituelen : dood en begrafenis. 65 On trouve un tableau dans Voyé et Dobbelaere, « De la religion : ambivalences et distancements », 149. Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 294 66 Voir aussi la très instructive étude comparative de Dobbelaere et Billiet, « Late 20th-Century Trends in Catholic Religiousness ». défunts sont encore enterrés religieusement. Dans les décennies qui suivent, ces chiffres baissent : en 1998, le nombre de baptêmes est passé à 64,7%, celui de mariages religieux à 49,2% et celui de funérailles religieuses à 76,6%. Les diminutions ne sont pas parallèles : tandis que la pratique dominicale diminue sérieusement dès les années 1970, le revirement se produit, en ce qui concerne les mariages, plutôt dans les années 1980. Quant au nombre de baptêmes et d’enterrements religieux, il ne diminue sérieusement qu’à partir des années 1990. L’explication de ces données est complexe, mais elles laissent présumer que ces rituels gardent une certaine importance aujourd’hui, y compris pour les gens qui se disent moins ou même pas du tout pratiquants 66. Ces célébrations permettent aux gens d’exprimer un sentiment religieux aux moments-clés de leur vie, même si leur implication dans l’institution qui propose les rituels est limitée. En participant aux rites de passage, beaucoup restent impliqués dans la vie de l’Église de manière occasionnelle. Ces membres « périphériques » ou « marginaux » de l’Église sont des personnes qui se disent encore catholiques, mais ne pratiquent plus chaque semaine. Pour aller à leur rencontre, l’Église opte pour une pastorale sacra- Cérémonie de confirmation dans la paroisse de la Sainte Famille à Woluwe-Saint-Lambert, photo, 1997. Nombreux sont les soi-disant ‘chrétiens en marge’ qui restent néanmoins fidèles aux rites de passage comme la confirmation. Si ces célébrations ont été rendues plus accessibles à tous, elles n’en restent pas moins soumises au cadre imposé par l’Église et par la liturgie. [Malines, Service de presse de l’Archevêché] 294 ı Leo Kenis mentaire « à la portée de tous », qui tient compte du niveau réel d’implication religieuse caractérisant ce vaste groupe de population. En 1975, le vicariat du Brabant flamand et Malines publie à cet effet la brochure Met open handen, dans laquelle il promeut délibérément l’image d’une Église chaleureuse et accueillante. La publication se rapporte en fait à la pastorale du baptême et du mariage, mais elle constitue un élément d’une approche pastorale générale axée sur l’accessibilité, visant à encourager les gens à une préparation individuelle et à les accompagner également après la réception du sacrement. Dans l’élaboration d’un service sacramentaire destiné aux chrétiens occasionnels, des tensions ne tardent pas à se faire jour entre les attentes des gens et les exigences auxquelles les célébrations doivent se conformer dans le cadre liturgique. Souvent, un équilibre doit être recherché entre l’usage de textes religieux appropriés et de textes personnels, par exemple lors des mariages et des confirmations. Il en va de même pour les funérailles : le cardinal Danneels s’insurge régulièrement contre les enterrements dans lesquels textes et homélies se conjuguent pour former une sorte d’in memoriam, pratiquement dépourvu de tout référence Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 295 explicite à la vision chrétienne de la mort et de la vie après la mort. En 1992, un nouveau vade-mecum de pastorale des sacrements est publié dans le Brabant flamand et Malines. Il vise à instaurer une forme plus coordonnée d’accueil, de préparation, de célébration et de suivi au sein d’un même doyenné et d’un même vicariat. À la même époque, un vade-mecum analogue voit le jour à Bruxelles. Enfin, le sacrement de la confession disparaît dans sa forme ancienne, à un rythme très rapide, dès les années 1960. En quelques décennies, la confession traditionnelle est presque entièrement remplacée par des célébrations communes et moins fréquentes. La direction de l’évêché n’exprime pas une franche satisfaction au sujet de cette évolution, notamment parce que le choix de la célébration collective entraîne la perte de la signification personnelle du péché et du pardon. Le sacrement de la confession est de plus en plus souvent nommé « sacrement de réconciliation », un changement de nom qui résume à lui seul la nouvelle signification qui lui est prêtée : aux notions de péché et de pardon se substitue celle de réconciliation avec Dieu et la communauté ecclésiastique. Ce glissement de sens et de pratique fait sans doute de la confession l’une des illustrations les plus parlantes de la mutation profonde vécue par la foi catholique à la période contemporaine. Les innovations dans la catéchèse La formation religieuse des enfants et des jeunes reste une préoccupation majeure des autorités religieuses, car celles-ci désirent s’inspirer des nouvelles idées et des nouveaux défis qui voient le jour dans ce domaine 67. À la fin de 1963 un service diocésain pour la catéchèse est mis sur pied dans le but Couverture de Met open handen (Malines, 1975). Afin de rendre les rites de passage plus accessibles à tous, l’archevêché publie des brochures comme Met open handen. Cette dernière concerne la pastorale du baptême et du mariage. [Louvain, KADOC : KB6207] explicite d’apporter un renouveau basé sur les nouvelles idées et sur les pratiques utilisées dans l’étude de la Bible, dans la liturgie et dans la pédagogie. Un premier changement important est la responsabilité croissante des laïcs dans la catéchèse. De nombreuses paroisses font appel à des catéchistes ou à des familles de catéchistes pour la catéchèse de la confirmation et de la première communion. Quant à la méthode, la plupart des catéchistes optent pour une approche nouvelle qui se fonde sur l’expérience et que les autorités diocésaines encouragent. Le fil conducteur de l’éducation à la foi ne réside plus dans l’apprentissage des vérités de la foi et des règles de conduite, mais doit amener les enfants et les jeunes à découvrir le mode de vie chrétien en partant de leur propre vécu. Cette approche basée sur le vécu et préparée par des travaux en petits groupes n’empêche cependant pas que la célébration de la confirmation corresponde pour beaucoup de jeunes à leur dernière visite à l’église. Pour contrer ce phénomène, certaines paroisses ont retardé l’âge de la confirmation de douze ans à dix-sept ans. Les Une Église devenue minoritaire dans un environnement pluraliste (1961-2009) ı 295 67 Pour ce qui suit, voir quelques données dans Henrivaux et Simon, « La catéchèse et l’enseignement religieux » ; Bulckens, « De geleidelijke doorbraak van de volwassenencatechese », 5859. Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 296 Rassemblement de jeunes à Malines, photo, 1982. Le cardinal Danneels essaie d’entretenir le contact avec la base, et aussi avec les jeunes. C’est pourquoi il organise, entre autres, des soiréesdébats informelles au palais archiépiscopal. [Malines, Archives de l’Archevêché] autorités diocésaines sont partagées sur la question. En 1992, le conseil épiscopal signale que cette ‘expérience’, qui n’a d’ailleurs pas résolu le problème, exige souvent de la part d’une paroisse beaucoup trop d’énergie. Cinq ans plus tard, l’évêque auxiliaire Jan De Bie et quelques autres estiment néanmoins qu’une préparation plus longue et une confirmation à dix-sept ans semblent avoir donné dans plusieurs paroisses des résultats fructueux. Dans les paroisses où le sacrement de confirmation continue à être administré à douze ans, une pastorale de jeunes appropriée appelée le plus souvent « Plus 13 » est proposée aux jeunes entre douze et dix-huit ans. En 1983, quelque 35 paroisses ont un groupe d’animation « Plus 13 ». Celle-ci est axée sur le travail par petits groupes, sur le sens des responsabilités et sur un accompagnement dans la foi basé sur le vécu concret des jeunes. Ces dernières années, dans l’archidiocèse, la confirmation est de plus en plus souvent dissociée de la profession de foi solennelle. Elle est désormais préparée au sein d’une pastorale des jeunes plus vaste et la fête se vit en union et en collaboration avec plusieurs paroisses. 296 ı Leo Kenis Également nouveau est le fait que la catéchèse donnée aux enfants fournit l’occasion d’évangéliser les adultes. Les parents sont de plus en plus souvent invités à s’impliquer dans l’événement catéchétique. Aujourd’hui, lors de la confirmation, les parents conduisent généralement leur enfant au sacrement, en lieu et place des parrain et marraine qui, jadis, étaient souvent l’un ou l’autre notable de la paroisse. L’accent est également mis sur le rôle des parents dans la préparation à la première communion. En 1973, une note vicariale affirme même que la pastorale de la préparation à la première communion doit autant viser à alimenter la foi des parents qu’à procurer une éducation religieuse aux enfants. La préparation à la première communion n’est d’ailleurs plus la tâche exclusive de l’école, mais elle est organisée par une catéchèse paroissiale de première communion. Rappelons enfin que les parents sont également invités à s’impliquer plus directement dans le baptême de leurs enfants. On constate que tous les vicariats accordent beaucoup d’attention à la pastorale des jeunes, sous toutes sortes de formes. Ainsi, le vicariat du Brabant flamand et Malines organise chaque année pendant les vacances d’été un camp sous tente, conjointement avec le diocèse d’Anvers jusqu’en 1993, puis séparément. D’autres priorités importantes dans les services à rendre à la jeunesse sont l’instauration d’équipes interdécanales de pastorale des jeunes ainsi que la formation et le financement d’aumôniers de la jeunesse. Enfin, les services de catéchèse des adultes créés en 1963 dans plusieurs vicariats sous l’impulsion du cardinal Suenens méritent d’être cités, en particulier le catéchuménat des adultes 68. Divers centres de catéchèse pour adultes sont créés dans ce cadre, Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 297 comme par exemple le centre bruxellois Yabboq (Centre de formation chrétienne pour jeunes adultes), qui fonctionne de 1982 à 1991. Une description de la situation à Bruxelles en 1993 donne un exemple de l’importance de cette catéchèse pour candidats au catholicisme. Elle montre que plusieurs équipes catéchétiques œuvrent dans ce catéchuménat. Les catéchumènes sont le plus souvent de jeunes Belges, catholiques puisque baptisés, mais désireux de prendre un nouveau départ dans la foi 69. En 2009, en Belgique, au moins de 153 adultes entrent dans l’Église catholique par le baptême et la confirmation, parmi lesquels 60 candidats au baptême originaires de l’archidiocèse de Malines-Bruxelles : 9 néerlandophones, 11 du Brabant wallon et 40 francophones de Bruxelles. Plusieurs programmes pour la formation des catéchistes sont mis au point dans les vicariats, en partie dans le cadre de la formation des animateurs et animatrices pastoraux et des assistant(e)s paroissiaux, en partie spécifiquement à leur intention. Le vicariat du Brabant wallon ouvre en septembre 1976 un « Service audiovisuel pour la catéchèse », qui reçoit le nom de Sycomore 70. L’individualisation de la morale La révolution culturelle des années 1960 s’accompagne d’une individualisation poussée qui imprègne également la vie religieuse. Les gens élaborent leur propre foi, et cette quête les conduit parfois à la limite ou en dehors du cadre des communautés ecclésiales. Ce processus s’est également peu à peu accompli dans la Belgique catholique. Sur le plan éthique, l’individualisation s’exprime dans l’option en faveur d’une morale autonome, qui fait que l’obéissance traditionnelle aux directives de l’Église perd de sa force de persuasion. Cette évolution se manifeste de façon très explicite dans les questions de morale sexuelle vis-à-vis desquelles l’Église catholique doit défendre sa vision traditionnelle contre une libéralisation croissante. Depuis les années 1950, la demande se fait de plus en plus pressante de la part de certains catholiques qui souhaitent que de leurs questions touchant le mariage chrétien et la vie de famille soient prises en compte 71. Les autorités ecclésiastiques, sous l’impulsion du cardinal Suenens, se préoccupent elles aussi de l’évolution de la pastorale du mariage et de la famille. À partir de là est créé, en 1959, un Centre national de pastorale familiale / Nationale Raad voor Gezinspastoraal, dont les sections francophones et néerlandophones développent chacune leur propre stratégie. Le centre francophone devient, sous la direction du théologien moraliste Pierre de Locht, le Centre d’éducation à la famille et à l’amour (CEFA). Des écoles du mariage sont organisées72, et une Commission diocésaine pour la Pastorale familiale est créée en octobre 1962. Il est à noter que les théologiens moralistes ne sont pas les seuls à participer à cette réflexion sur une vie conjugale chrétienne responsable, mais que des laïcs y sont enfin explicitement associés. Une des questions les plus pressantes concerne le contrôle des naissances et la permissivité dans l’utilisation de contraceptifs. L’attente d’une décision du concile en la matière est grande, notamment de la part du cardinal Suenens qui, au cours du concile, se montre favorable à plus de souplesse de la part de l’Église. La question du contrôle des naissances est toutefois soustraite au processus décisionnel du concile par le pape Paul VI et confiée, sous son autorité, à une commission séparée. Une Église devenue minoritaire dans un environnement pluraliste (1961-2009) ı 297 68 Les réunions de fiancés se révèlent d’ailleurs une formule idéale pour atteindre les jeunes adultes (voir p. 298). 69 Fossion, « Physionomie des catéchumènes à Bruxelles ». Voir à ce sujet Bulckens, « De geleidelijke doorbraak van de volwassenencatechese », 5859. 70 Collet, « 25 ans d’histoire du Sycomore ». 71 Gevers, « De omslag in de katholieke huwelijksmoraal ». Plus généralement : Gevers et Vos, Wendingen in Vlaanderen. 72 Voir par ex. P. de Locht, « L’école du mariage » dans : CM, (1961), 165-170. Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 298 Une pilule amère, caricature de Gal, 1968. L’encyclique Humanae vitae du pape Paul VI suscite, en Belgique aussi, des réactions négatives. Cette caricature de Gal, parue dans le périodique De Nieuwe du 2 août 1968, résume bien comment le texte s’est finalement retourné contre l’Église, en dépit de la déclaration nuancée du cardinal Suenens et de ses confrères évêques. [Louvain, K.U.Leuven, Centrale bibliotheek : J52] 73 À ce sujet voir Declerck, « La réaction du cardinal Suenens et de l’épiscopat belge à l’encyclique Humanae Vitae ». 74 Le CEFA créé par Pierre de Locht a entre-temps élargi son champ d’action à la problématique de l’égalité homme-femme, de la violence conjugale, de l’intégration sociale et de la multiculturalité. Au sujet de De Locht voir Debelle, éd., Rue de la Pré-Voyance. 75 Voir par ex. « Pour le redressement de la moralité publique dans le domaine sexuel. Déclaration conjointe des évêques belges et des autorités d’autres églises chrétiennes » dans : Pastoralia, (1971) 3, 17-20. En juillet 1968, nombreux sont les catholiques qui réagissent, consternés, à l’encyclique Humanae vitae, dans laquelle le pape, contre l’avis de sa commission, maintient le point de vue traditionnel de l’Église et condamne les formes artificielles (non naturelles) de contrôle des naissances. Le 30 août 1968, sous la direction du cardinal Suenens, les évêques belges rendent publique une déclaration dans laquelle, tout en témoignant leur respect pour les vues de l’encyclique, ils rappellent qu’en définitive, tout chrétien est libre de suivre sa conscience dans la pratique concrète 73. Cette déclaration, préparée avec l’aide de théologiens – en particulier de Gérard Philips (1899-1972), professeur à l’université de Louvain –, en concertation avec les évêques les plus proches, est un signal fort et nuancé, même sur le plan international. Mais elle n’empêche pas que Humanae vitae soit à l’origine de la rupture entre beaucoup de croyants et l’autorité ecclésiastique. On constatera plus tard que, de toute manière, le but envisagé par l’encyclique était loin d’être atteint. Au contraire, bon nombre de catholiques définiraient dorénavant de façon plus libre et plus indépendante quelle serait leur attitude face au mariage et à leur vie sexuelle. Les questions et les évolutions concernant les relations, le mariage et la sexualité restent sources de tensions au cours des années suivantes. D’une part 298 ı Leo Kenis naissent des nouvelles initiatives concernant la structure concrète de la pastorale du mariage. Les écoles du mariage classiques du début des années 1960 évoluent : les séries de cours se transforment en entretiens interactifs. À partir de 1975, sont en outre organisés des week-ends pour fiancés. Trois ans plus tard apparaissent les centres d’accueil décanaux qui accompagnent les fiancés jusqu’au bout de leur parcours, c’est-à-dire jusqu’à la visite au prêtre de la paroisse. La signification d’une vie conjugale chrétienne est également au centre des équipes de foyers qui remontent aux Équipes NotreDame fondées en France en 1939 et actives en Belgique depuis 1948. Ces groupes, formés de cinq couples et d’un prêtre, se réunissent une fois par mois afin d’approfondir leur engagement de chrétiens dans le mariage et d’apporter leur contribution à la réflexion sur le mariage et la sexualité. C’est dans le même esprit que se développe à partir de 1972 le mouvement Vivre et Aimer (Marriage Encounter) créé sous l’impulsion du cardinal Suenens. De jeunes mariés s’y rencontrent au cours de week-ends pour témoigner de leurs relations et de leur vie conjugale. Ces week-ends seront organisés plus tard pour les fiancés (1977) et pour les jeunes célibataires (1980). Les questions concernant le mariage et la sexualité peuvent toutefois aussi aboutir à des situations de crise. C’est Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 299 ainsi que, dans les années 1970, les autorités ecclésiastiques interviennent à l’encontre du théologien moraliste Pierre de Locht qui, comme président du Centre d’éducation à la famille et à l’amour (CEFA), joue depuis plusieurs années un rôle actif dans la pastorale d’accompagnement de catholiques dans des problèmes de morale sexuelle et conjugale. De Locht sera mis au ban des institutions ecclésiastiques en raison de sa prise de position par rapport à l’avortement, à l’occasion de l’affaire intentée contre le docteur Willy Peers (1924-1984) à Namur. Il aura beaucoup de mal à conserver sa position d’enseignant à l’UCL 74. Les autorités ecclésiastiques de l’archidiocèse tentent de développer une plus grande ouverture par rapport au problème du divorce et des divorcés. En 1972, elles édictent des directives pastorales demandant une certaine souplesse dans l’autorisation de funérailles religieuses à accorder aux divorcés remariés. Au début de l’année 19851986, la gestion vicariale du Brabant flamand déclare même que les divorcés forment un groupe qui, du point de vue pastoral, doit être traité en priorité. Trois ans plus tard, le conseil presbytéral demande la réforme du refus de la communion aux divorcés. En général l’idée que la question doit être laissée à la conscience des fidèles fait son chemin. rement les citoyens à rétablir le climat moral 75, un point de vue que partagera son successeur, le cardinal Danneels. En 1987, les évêques belges éditent une déclaration par laquelle ils réagissent contre les campagnes de lutte contre le sida lancées par le gouvernement. Audelà de ces campagnes qui se limitent à des mesures préventives, ils préfèrent promouvoir un renouveau de la conscience morale et insistent sur le respect de la sexualité humaine et de la fidélité dans le mariage. En 1989, année de la famille, le cardinal Danneels insiste sur les directives classiques concernant le planning familial et sur l’importance de relations conjugales stables. Il demande toutefois que l’on se préoccupe des foyers désarticulés et ‘blessés’, tout en n’évitant pas de préciser que le mariage classique d’un couple hétérosexuel avec enfants doit avoir la préférence. En 1998, les évêques belges déclarent d’ailleurs qu’ils se prononcent contre la tendance à donner à d’autres formes de cohabitation le même statut qu’au mariage. Le débat de société concernant les questions vitales de l’avortement et de l’euthanasie s’avère particulièrement Pour le reste, la direction de l’archevêché continue à défendre les points de vue habituels de l’Église en matière d’éthique (sexuelle), et elle le fait le plus souvent à l’occasion de déclarations collectives en accord avec les autres évêques belges. Ces derniers constatent que la société adopte un comportement de plus en plus libre, pluraliste et permissif, et continuent à en réprouver formellement les excès. Le cardinal Suenens entre autres exhorte régulièUne Église devenue minoritaire dans un environnement pluraliste (1961-2009) ı 299 “Votre mariage vaut bien un weekend”, affiche. Le cardinal Suenens découvre Marriage Encounter au cours d’un voyage aux États-Unis en 1972. Il demande à l’abbé Guido Heyrbaut de mettre en place une structure du même genre dans l’archidiocèse. Des fiancés et des jeunes mariés se retrouveront pendant un week-end, le plus souvent à l’abbaye de Grimbergen, pour parler et témoigner de leur relation et de leur vie conjugale. [Leuven, KADOC : KCA6091] Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 300 vif Procession avec la châsse de sainte Gertrude à Nivelles, photo, 2006. Ermelindisommegang à Meldert, photo, 2000. Au cours des années 1960 on voit disparaître plusieurs processions et faiblir le succès des pèlerinages. Certains survivent pourtant, et on assiste même à leur réveil, en raison de l’intérêt grandissant pour le patrimoine immatériel. [Malines, Service de presse de l’Archevêché] dans les années 1980 et 1990. Les évêques se sont déjà prononcés auparavant à plusieurs reprises contre la légalisation de ces deux interventions, en invoquant le respect absolu dû à la vie humaine. Ils défendent les solutions alternatives telles que le développement de meilleures structures d’accueil pour les enfants non désirés, des soins palliatifs pour les mourants. Les évêques ne peuvent toutefois pas empêcher l’application des modifications de la loi : en 1990 l’avortement est légalisé, et en 2002 la Belgique se dote d’une des législations les plus libérales en matière d’euthanasie. Comme on le sait, les évêques continuent à suivre avec un esprit très critique l’évolution qui découle de cette législation. Les mutations dans la spiritualité et la dévotion 76 Voir pour le Brabant flamand : Roelants, Voetsporen van devotie. Les nouveautés les plus importantes apportées à la vie religieuse des catholiques depuis Vatican II ont déjà été mentionnées : il s‘agit du cœur même de la vie chrétienne, des sacrements et de la liturgie. Les changements vont dans le sens d’une foi évangélique vécue consciemment dans le présent. Ce vécu de la foi évangélique s’accompagne de multiples expressions de la religiosité populaire traditionnelle, plus 300 ı Leo Kenis difficiles à tracer et à contrôler, mais dans lesquelles pendant des siècles la foi catholique fut vécue par les fidèles. Cette religiosité populaire fut éminemment présente, également dans l’archidiocèse, et surtout dans les nombreux pèlerinages et processions. En tête de la liste des lieux de pèlerinage se trouve évidemment Montaigu, mais l’archidiocèse compte d’autres lieux de pèlerinages mariaux populaires comme Hal et Basse-Wavre. Parmi les somptueuses processions, très connues sont celle de Notre-Dame de Hanswijk à Malines, la procession des chevaux à Hakendover, et la procession des rameaux à Hoegaarden 76. Les chars historiques des processions de sainte Gertrude à Nivelles, de sainte Renelde à Saintes et de saint Barthélémy à Bousval sont autant des symboles de la collectivité que l’expression de la foi. Beaucoup de paroisses ont leur propre procession annuelle. Au cours des années 1960, ces formes populaires de la dévotion catholique disparaissent quasi partout, pour diverses raisons. À partir des années 1980-1990, les processions connaissent toutefois un regain d’intérêt et se multiplient : des processions supprimées sont réorganisées, des processions existantes sont redynamisées et adaptées au nouveau contexte culturel. Des Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 301 événements comme les pèlerinages et les processions interpellent parfois ceux qui empruntent individuellement de nouvelles voies de spiritualité pour donner un contenu personnel à leur quête de sens. Les manifestations de dévotions les plus importantes, comme la procession d’Hanswijk et le pèlerinage de Montaigu, subissent d’importantes transformations. Avec son million de pèlerins par an, Montaigu est le lieu de pèlerinage belge le plus fréquenté. Grâce au pèlerinage annuel du mois de mai, des jeunes prennent eux aussi le chemin de Montaigu. Ils ne viennent pas tous pour des raisons religieuses ou dévotionnelles ; certains ont des motifs sportifs ou touristiques pour entreprendre l’excursion. La nouvelle initiative « Pas à pas » tente d’éveiller l’intérêt des jeunes pour le pèlerinage. S’inspirant du pèlerinage des jeunes Français à Chartres, « Pas à pas » – une excursion pédestre pendant le week-end du dimanche des Rameaux – est organisé pour la première fois en 1998, suite aux journées mondiales de la jeunesse à Paris. Hors des frontières de l’archidio- cèse, c’est le pèlerinage à Lourdes qui remporte le plus grand succès. Depuis la première moitié des années 1960, l’archidiocèse organise chaque année un pèlerinage à Lourdes. En outre ces manifestations populaires de dévotion, la vie spirituelle des catholiques subit des bouleversements profonds au cours de la seconde moitié de siècle. Des associations traditionnelles comme les Ligues du Sacré-Cœur, présentes pratiquement dans toutes les paroisses, disparaissent dans le courant des années 1960. Même un mouvement comme la Légion de Marie, dont la vogue n’a commencé que dans les années 1950, disparaît peu à peu de la vie paroissiale, en même temps qu’une génération de croyants. Entre-temps, dans les paroisses, de nouvelles formes de vie spirituelle se développent. C’est ainsi que les Équipes Notre-Dame et les groupes de Vivre et Aimer déjà cités se fixent dès le départ comme objectif l’approfondissement de la vie spirituelle dans le cadre de la famille. De nouveaux mouvements spirituels internationaux comme le Renouveau charismatique et les Focolari rencontrent un Pèlerinage pascal des jeunes à Lourdes, photo, 1988. L’archevêché tente de gagner les jeunes à l’idée du pèlerinage. Il organise, spécialement à leur intention, un pèlerinage pascal à Lourdes. [Malines, Archives de l’Archevêché] Une Église devenue minoritaire dans un environnement pluraliste (1961-2009) ı 301 Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 302 Visite du pape Jean Paul II, photos de Rik Daze, 1985. En 1985, le pape Jean Paul II fait à la Belgique une visite couronnée de succès. Il sera accueilli chaleureusement à Malines à l’occasion de son anniversaire. [Malines, Archives de l’Archevêché] certain succès. Les jeunes se sentent interpellés par la spiritualité émanant du centre œcuménique de méditation de Taizé. Mais depuis les années 1960, on assiste en outre à l’invasion du ‘marché du sens’ par des modes et des nouveautés spirituelles, qui saisissent ainsi l’occasion de répondre à la quête de réalisation personnelle et de sens. Dans cette nouvelle ouverture à la spiritualité, les croyants catholiques découvrent eux aussi, individuellement ou en paroisse, des voies moins spectaculaires qui leur permettent de nourrir leur vie spirituelle, par exemple dans des groupes de prière, des lectures collectives de la Bible, etc. L’archidiocèse dispose dans ce domaine d’un large éventail d’initiatives à divers niveaux. De nombreux ordres et congrégations religieuses donnent un peu partout l’occasion de méditer et de nourrir sa spiritualité, par exemple les norbertins de Grimbergen et d’Averbode, les bénédictins de Clerlande à Ottignies et du Mont César à Louvain, les sœurs de Betléhem à Bonheiden, etc. L’archevêché même prend dans ce domaine de nombreuses initiatives. Il possède jusqu’à présent quatre centres de spiritualité diocésains, un néerlandophone à l’ancienne abbaye de Kortenberg, et trois francophones au Centre Spirituel Notre-Dame de la Justice à Rode-SaintGenèse, au Le Cénacle à La Hulpe (Communauté du Chemin Neuf), et au 302 ı Leo Kenis centre Notre-Dame de Fichermont à Waterloo (Communauté du Verbe de Vie). De nouvelles approches pour un nouveau vécu de la foi chrétienne Les profondes transformations vécues par le catholicisme belge depuis les décennies qui sont suivi la guerre placent les autorités ecclésiastiques devant un défi permanent : comment avoir prise sur les événements et comment réagir à leurs développements. Bien qu’il n’y ait pas eu de véritable rupture, une certaine évolution est incontestable, y compris dans la fonction de la religion. Le renouveau déclenché par Vatican II engendre non seulement une forte dynamique, mais il cause également des tensions entre croyants progressifs et croyants plus conservateurs. Même si ce désaccord n’atteint jamais l’ampleur de celui qui paralyse la vie ecclésiale aux Pays-Bas, il donne cependant beaucoup de soucis aux autorités ecclésiastiques belges. Cela apparaît clairement en 1975, lorsque ‘l’Interdiocesaan Pastoraal Beraad’ en Flandre consacre son assemblée générale aux « tendances de polarisation dans l’Église, un problème pastoral ». Dans l’Église de Belgique, le contraste reste toutefois limité, notamment parce que les groupes de croyants ultraconserva- Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 303 teurs et traditionalistes, comme ceux qui entourent l’évêque Marcel Lefebvre (1905-1991), ne s’organisent pas en groupes d’action permanents 77. Avec le temps, le contraste s’atténue, mais il n’empêche qu’une certaine désillusion plane sur l’évolution de la vie ecclésiale. Face à la diminution progressive du nombre de catholiques qui se sentent encore chez eux dans l’Église, les autorités ecclésiastiques développent à partir des années 1980 une volonté d’accessibilité à tous, en accordant plus d’attention à la manière dont l’identité chrétienne de chacun peut être interprétée et rendue plus visible. Cette préoccupation apparaît régulièrement dans les propos du cardinal Danneels 78. Les chrétiens, dit-il, devraient afficher davantage leur conviction chrétienne personnelle, ce qui les distinguerait d’un certain humanisme religieux. Ils devraient manifester, face à une sorte d’horizontalisme, leur appartenance à Dieu, c’est-à-dire la dimension transcendante de leur existence. Il faudrait aussi qu’ils s’insurgent contre certaines formes d’éclectisme et de relativisme, de façon à faire ressortir clairement l’unicité du Christ, fondement de leur identité chrétienne. Ces propos, souvent répétés par le cardinal, expriment sa conviction de ce que le temps est venu de s’affirmer à nouveau explicitement comme catholique dans un milieu pluraliste envahi de nouveaux mouvements de toutes sortes. La nécessité de cultiver une vie de foi chrétienne authentique se concrétise dans l’appel à une « nouvelle évangélisation ». Cet appel retentit explicitement à l’occasion de la visite du pape Jean Paul II (1920/1978-2005) au Benelux en 1985. Cette visite est pour la Belgique un événement historique et comprend plusieurs rencontres mémorables, en particulier dans l’ar- chidiocèse : l’accueil triomphal à Bruxelles, la célébration festive à Malines, les rencontres avec les communautés universitaires à Louvain et à Louvain-la-Neuve, et avec les mouvements ouvriers chrétiens à Laeken et la messe à Koekelberg. Toutes ces rencontres montrent que la religiosité catholique populaire peut encore s’exprimer massivement. La présence massive des spectateurs n’exprime pas que la foi populaire. De catholiques engagés s’adressent aussi au pape avec beaucoup de franchise. À Louvain et à Louvain-la-Neuve, de jeunes femmes lui adressent des propos critiques mais constructifs touchant à certains points chauds et se font les porteparole des aspirations des fidèles. Piet De Somer (1917-1985), le recteur de la K.U.Leuven, plaide en faveur de la liberté de la science dans une université catholique. Dans les deux villes universitaires, les critiques exprimées par des chrétiens engagés sont accueillies par des protestations, orchestrées ou non, de la part de conservateurs adeptes de l’Opus Dei. En mai 1985, l’Église de Belgique donne de toute façon l’image d’un catholicisme pluriforme, vital et engagé. La question de l’avenir de cet enthousiasme religieux, une fois la période d’euphorie passée, se pose au lendemain de la visite. En tout cas, les évêques de Belgique progressent en préparant un projet d’approfondissement de la foi qui aboutit en 1987 à l’édition d’un nouveau Livre de la Foi, dans lequel ils rappellent l’essentiel de la foi chrétienne. L’expression enthousiaste de la religiosité populaire qui caractérise la première visite papale de 1985 contraste avec la seconde visite de Jean Paul II en Belgique en juin 1995, à l’occasion de la béatification du père Damien Deveuster (1840-1889) - celui qui, dans le cadre de la présente histoire de l’archidiocèse, pourrait être qualifié de Une Église devenue minoritaire dans un environnement pluraliste (1961-2009) ı 303 77 Une communauté traditionaliste est installée à Bruxelles ; elle a ouvert le collège Saint-Paul et acheté l’église Saint-Joseph construite par les rédemptoristes au Quartier Léopold. 78 Par ex. lors de la préparation de quelques priorités pour l’année 1997 dans Pastoralia. Informatieblad, (1996) 9, 2829. Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 304 Visite du pape Jean Paul II, photo, 1995. La seconde visite du pape Jean Paul II se déroule plutôt en mineur. Le point culminant en est la béatification du Père Damien à Koekelberg. [Malines, Archives de l’Archevêché] « plus grand catholique brabançon ». Les circonstances de la seconde visite sont défavorables. En raison de la chute accidentelle du pape, la visite est d’abord reportée d’un an. Le temps est exécrable et le public nettement moins nombreux. Le protocole étant limité, la célébration ne se déroule qu’à Bruxelles, et les habitants de Tremelo qui préparent cette visite depuis longtemps, en sont pour leurs frais. Les commentateurs parlent également de l’atmosphère tendue qui règne dans l’Église depuis quelque temps. Les sanctions prises à l’encontre de Jacques Gaillot (°1935), évêque d’Évreux, marquent aussi les esprits en Belgique. La déception suscitée en mai par la publication de l’encyclique Ordinatio sacerdotalis, qui réserve l’ordination sacerdotale aux hommes, n’est pas encore dissipée, et la critique publique que Rik Devillé (°1944), prêtre de l’archidiocèse, adresse à l’autorité de l’Église provoque de la rancœur et de la contrariété dans les milieux ecclésiastiques. Il convient cependant d’éviter d’utiliser ces manifestations de masse, ces pratiques religieuses populaires et ces réactions spontanées dans les média comme des baromètres de l’évolution du catholicisme dans la société. Elles sont sans doute des indicateurs parmi d’autres de la survie de formes moins marquées de religiosité, qui font qu’à certaines occasions les gens se tournent vers l’Église. L’analyse des chiffres résultant d’une enquête de grande envergure sur la pratique religieuse révèle une réalité plus nuancée et indique que le groupe qui se sent et s’affiche explicitement comme catholique continue à s’effriter. Le catholicisme s’est transformé, il est devenu multiforme, diffus, éphémère. Si le catholicisme de masse, devenu si puissant en Belgique au cours du XXe siècle, n’a pas disparu à la fin du siècle, il s’est du moins fortement sécularisé. Les lignes qui suivent tentent d’illustrer cette évolution à la lumière de quelques domaines où la présence du catholicisme a été dominante pendant des décennies. La seconde visite papale est néanmoins un geste d’encouragement pour la plupart des catholiques. La béatification du père Damien répond à ce que beaucoup ressentent face à cette figure emblématique d’un christianisme authentique réalisé dans l’amour inconditionnel des petits et des exclus 79. En octobre 2009, le père Damien est canonisé. 4. La présence dans la société 304 ı Leo Kenis Le ‘réseau confessionnel’ d’institutions et d’organisations, instauré en Belgique au milieu du XXe siècle (décrit dans le chapitre précédent), a placé les catholiques dans une position de force dans le monde politique, social, économique et culturel. Dans ce pilier catholique, l’Église occupa une position influente. Même si Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 305 ce pilier commence à s’effriter à partir des années 1960, la déconfessionnalisation n’affaiblit en rien les institutions catholiques. Le réseau des organisations et des services continue à fonctionner, malgré le relâchement du lien de l’Église avec ses ‘clients’. Les sociologues Jaak Billiet et Karel Dobbelaere ont qualifié cette évolution typiquement belge de passage du ‘catholicisme d’Église’ au ‘christianisme socioculturel’ 80. Une des caractéristiques de ce passage est la laïcisation croissante de ces institutions. Elle s’accompagne de la pluralisation de la clientèle qui fait usage de leurs services : de plus en plus de gens donnent, dans leur choix, la priorité à la qualité des services plutôt qu’à l’orientation idéologique. Cela a pour conséquence qu’après un certain temps, la plupart des organisations appartenant au pilier catholique se questionnent sur leur identité catholique ou chrétienne. Cette évolution se déroule plus ou moins vite et de façon plus ou moins intense selon les secteurs ; elle n’est sans doute pas encore terminée. Un exemple très simple est celui des mouvements de jeunesse, qui ont poussé très loin l’adaptation au pluralisme de leurs membres et ont, en outre, fait évoluer leurs objectifs. Presque tous se sont interrogés dans un passé récent sur la signification du C, symbole de leur identité catholique, dans leur nom. Les scouts catholiques, on le sait, ont franchi le pas. Depuis 1999, la ‘FSC, Fédération des scouts catholiques’ francophones, s’appelait ‘Les scouts. Fédération catholique des scouts Baden-Powell de Belgique’. En 2008, le mot ‘catholique’ est supprimé. En 2006, les scouts catholiques flamands décident de changer leur nom de ‘Vlaams Verbond van Katholieke Scouts en Meisjesgidsen’ (VVKSM) en ‘Scouts en Gidsen Vlaanderen’. S’étant préalablement concertés sur leur identité, les scouts souhaitent conserver le projet porteur de sens d’inspiration chrétienne, mais font prévaloir, dans leur fonctionnement, l’attitude pluraliste. La plupart des autres mouvements de jeunesse (Patro, Chiro, etc.) adoptent un point de vue plus ou moins analogue, y compris ceux qui conservent le K dans leur nom, comme les ‘Katholieke Arbeidersjeugd’ (KAJ), ‘Katholieke Studerende Jeugd’ (KSJ), ‘Katholieke Studenten Aktie’ (KSA) et ‘Vrouwelijke Katholieke Studerende Jeugd’ (VKSJ). Les points qui suivent décrivent dans les grandes lignes la position de l’Église face à quelques développements importants survenus au sein de la société, en particulier dans les deux secteurs les plus importants que sont les soins de santé et l’enseignement, dans lesquels le pilier catholique a fait un pas dans la direction d’une présence chrétienne rénovée. L’engagement auprès des plus faibles La voix de l’Église dans son souci des plus faibles Les papes de la seconde moitié du XXe siècle ont promulgué plusieurs encycliques sociales. Ce souci de l’Église universelle pour le bien-être social apparaît également dans l’archidiocèse. Dans ce but, Caritas chapeaute en Belgique le réseau d’organisations qu’elle a créé. Dans toutes les paroisses belges, les diverses actions dans ce domaine font partie intégrante de l’engagement de la communauté ecclésiale locale au profit des plus faibles. Dans les diocèses francophones, des actions comme Entraide et Fraternité et Vivre Ensemble sont mises sur pied au profit respectivement du tiers-monde et du quartmonde. Leurs équivalents flamands sont ‘Broederlijk Delen’ et ‘Welzijnszorg’. Entraide et Fraternité, à l’origine une action caritative pour le temps de Une Église devenue minoritaire dans un environnement pluraliste (1961-2009) ı 305 79 Dix ans plus tard, en 2005, Damien est élu par les Flamands comme étant le ‘plus grand Belge’. 80 Billiet et Dobbelaere, Godsdienst in Vlaanderen. Voir également Voyé e.a., éds., La Belgique et ses dieux. Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:32 Pagina 306 Broederlijk Delen et Vivre Ensemble, affiches de Paul Ibou et Jean-Marc Salmon, 1968 et 1990. Les préoccupations sociales de l’Église, tant dans l’archevêché que dans le reste de la Belgique, se traduisent par des actions comme Entraide et Fraternité/Broederlijk Delen, en faveur du tiers monde, et Vivre Ensemble/Welzijnszorg, en faveur du quart monde chez nous. [Louvain, KADOC : KCC30 et KCC1350] carême, est devenue une organisation contestataire qui ne craint pas l’approche structurelle et politique de la coopération au développement et des relations Nord-Sud. Les campagnes de Vivre Ensemble présentent régulièrement un caractère politique. Même si cette coloration politique ne plaît guère à l’évêque auxiliaire Schoenmaeckers, les organisations peuvent poursuivre sur leur lancée. Elles sont soutenues dans leurs campagnes et dans leurs collectes pendant l’Avent (Vivre Ensemble) et pendant le Carême (Entraide et Fraternité). Leur attitude critique vis-à-vis de la société les rend toutefois suspects aux yeux de certains catholiques : Entraide et Fraternité est régulièrement accusé d’aide à des régimes marxistes. La commission Justice et Paix est très proche d’Entraide et Fraternité et de Vivre Ensemble. Créée à Rome en 1967, elle obtient un statut définitif en 1976 et devient en 1988 un conseil pontifical. Les évêques belges créent une commission Justice et Paix nationale dès mars 1967. Les commissions se sont très rapidement mises au travail dans les di306 ı Leo Kenis vers vicariats ; elles sont toutefois pas des commissions vicariales, mais ont un statut propre. Ces commissions peuvent ainsi conseiller les responsables de la gestion vicariale tout en se manifestant vers l’extérieur en toute indépendance sans lier les responsables du vicariat. Elles développent un éventail d’activités en faveur de la paix et des droits de l’homme, et le font souvent en collaboration avec des organismes apparentés comme Pax Christi 81. La direction de l’archevêché témoigne également de sa préoccupation sociale en dehors des actions d’Entraide et Fraternité, de Vivre Ensemble, et de la commission Justice et Paix. Lors du lancement de l’année de la justice en 1974, le cardinal Suenens critique « notre matérialisme et notre libéralisme économique hors controle» 82, tandis qu’en 1975 il appelle ses coreligionnaires à « dénoncer l’injustice structurelle d’une société construite sur la concurrence impitoyable et la recherche du profit » 83. Les directions des vicariats s’associent activement à cette prise de position. Les évêques attirent Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:32 Pagina 307 d’ailleurs régulièrement l’attention sur le problème du chômage, lorsque celuici se développe suite à la crise économique des années 1970 et 1980. Les immigrés forment eux aussi un groupe qui fait l’objet d’une attention régulière. Dès les années 1950, une commission épiscopale Pro Migrantibus est créée pour se charger spécifiquement des immigrés chrétiens. En 1980, elle demande qu’un statut légal soit élaboré pour les immigrés et que le droit de vote et l’éligibilité aux élections communales leur soient accordés. Elle réagit fermement à l’égard de ceux qui rendent les immigrés responsables du chômage 84. Elle adopte ainsi le point de vue de Vivre Ensemble qui, dans sa campagne de 1979, avait déjà milité en faveur des droits politiques des immigrés. En 1982, les évêques belges font une déclaration collective au sujet des immigrés, dans laquelle ils mettent en garde contre la tendance qu’ont certains à faire endosser la responsabilité de la crise économique aux travailleurs immigrés 85. Ils exigent le respect pour toutes les cultures présentes en Belgique et demandent aux politiques de reconsidérer le statut politique des immigrés. En 1992, les évêques prennent une nouvelle fois position contre le racisme et l’intolérance et demandent que les réfugiés soient dignement accueillis 86. La même année, le vicariat du Brabant flamand et Malines, comme tous les diocèses flamands, crée un groupe de travail ‘Multicultureel Samenleven’ 87. ‘Broederlijk Delen’, la commission Justice et Paix, Pro Migrantibus et Caritas Secours International font partie de cette commission. Ainsi nait ‘Kerkwerk Multicultureel Samenleven’, qui coordonne à partir de 1993 de nombreuses initiatives devant favoriser une société multiculturelle. Outre cette action structurée, de nombreuses initiatives sont lancées en collaboration avec d’autres groupements. C’est ainsi qu’à Bruxelles, des chrétiens travaillent dans des associations pluralistes comme le ‘Mouvement contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie’ (MRAX) ou comme le Centre interculturel. En 1995, les évêques belges prennent une nouvelle fois position dans le débat sur les immigrés dans une lettre intitulée « Migrants et réfugiés parmi nous » 88. Ils y plaident en faveur d’une société harmonieuse entre Belges, immigrés et réfugiés, d’une coresponsabilité politique des immigrés et de la régularisation des immigrés qui séjournent en Belgique depuis longtemps. Ils désapprouvent également ceux qui ont tendance à vouloir fermer les frontières aux réfugiés ; point de vue qu’ils répètent trois ans plus tard. Plusieurs églises ouvrent entre-temps leurs portes aux demandeurs d’asile. Les évêques expliquent que « les avis peuvent être divergents concernant l’opportunité de « l’asile » dans les églises comme forme d’action », mais qu’il « n’empêche que ce geste, s’il est porté et accepté par une communauté chrétienne locale est un signe et un signal des besoins de ces personnes, et qu’il interpelle concrètement l’opinion publique et les responsables de la société » 89. Ces dernières années, le cardinal Danneels fait régulièrement la une des journaux en plaidant auprès des politiciens pour la régularisation des ‘sans papiers’. Cet engagement, du sommet à la base de l’Église, prônant la solidarité avec les immigrés, avec les demandeurs d’asile et avec les étrangers, est une activité publique constante par laquelle la communauté ecclésiale choisit effectivement son camp face à un problème de société urgent. L’engagement social de l’Église à Bruxelles Les actions et les déclarations mentionnées ci-dessus témoignent d’une grande Une Église devenue minoritaire dans un environnement pluraliste (1961-2009) ı 307 81 Voir pour la Flandre, Vanthournout, De commissie Rechtvaardigheid en Vrede. 82 Pastoralia, (1974) 1, 3-5. 83 Ibidem, (1975) 10, 154. 84 Ibidem, (1980) 1, 16. 85 Ibidem, (1982) 6, 97. 86 Ibidem, (1992) 5, 88. 87 Les évêques se rangent ainsi aux recommandations d’un groupe de travail Multicultureel Samenleven créé en 1988 dans le cadre de Broederlijk Delen. Geldof, Een ontstaansgeschiedenis van Kerkwerk Multicultureel Samenleven. 88 Déclaration des évêques de Belgique « Migrants et réfugiés parmi nous » dans : Pastoralia, (1996) 1, 20. 89 Ibidem, (1998) 12, 224. Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:32 Pagina 308 diversité et d’une grande dynamique dans l’engagement social de l’Église dans l’archidiocèse. Cet engagement s’étend souvent de façon structurelle aux autres diocèses. Des activités nombreuses, concrètes et pratiques se développent en outre à la base, dans les communautés paroissiales. Étant impossible de donner ici un aperçu plus ou moins complet de la multiplicité de ces initiatives, c’est le cas de Bruxelles qui, à titre d’exemple, fait ici l’objet d’une description plus détaillée. La capitale attire depuis toujours les plus faibles de la société, et les nombreuses initiatives qui s’y développent depuis les années 1960 peuvent servir d’exemple pour l’engagement social de la communauté ecclésiale au sein de l’archidiocèse. 90 Delespesse, La communauté de La Poudrière. 91 de Kerchove, Les gueux sont des seigneurs. 92 Voir par ex. 20 ans de travail social. 93 La commission pastorale et les noms des aumôniers des étrangers seront mentionnés dans l’annuaire de l’archevêché à partir de 1971. 94 En Flandre, le VVI a pris en 2009 le nom de Zorgnet Vlaanderen. Pour ce qui suit, voir par ex. Depuydt e.a., Caritas et la FIHW. À Bruxelles, plusieurs prêtres et religieux ouvrent des maisons d’accueil aux personnes en situation précaire. Ils perpétuent ainsi une tradition lancée plusieurs décennies plus tôt. ‘Les Petits Riens’, fondés en 1937 par l’abbé Édouard Froidure (1899-1971), redémarrent en 1954 pour devenir également un centre d’hébergement et d’accueil ; en 1958, un oblat, Léon Van Hoorde (1931-1996), développe un lieu d’accueil ‘La Poudrière’, qui devient aussi une communauté 90 ; ‘L’Îlot’, une maison pour ex-détenus , est ouvert en 1960 et accueille ensuite également des femmes et des familles sans domicile fixe logis. André Modave (°1941), un prêtre-ouvrier de Molenbeek, installe à Bruxelles une antenne d’‘Aide à Toute Détresse’ (ATD) 91, et Jan Vermeire (1919-1998) ouvre en 1978, dans les Marolles, la maison ‘Poverello’, qui accueille des personnes seules défavorisées pour la journée et leur fournit des repas. À Schaerbeek, une antenne du Nid, qui œuvre pour la réintégration de prostituées, est ouverte. Plus récemment, le projet Betléhem qui met à la disposition d’une organisation des biens immobiliers appartenant aux paroisses, aux fabriques d’église, aux écoles ou aux 308 ı Leo Kenis communautés religieuses pour en faire des logements sociaux, a vu le jour. L’Église de Bruxelles répond ainsi à l’appel lancé par le cardinal Danneels au cours de la cérémonie de clôture du congrès « Bruxelles - Toussaint 2006 », par lequel il invitait les fidèles à faire quelque chose de concret pour remédier à la pénurie de logements à loyer modéré à Bruxelles. En créant des services sociaux au niveau interparoissial, l’aide paroissiale a pu être professionnalisée à partir des années 1970 92. En 1960, Raymond Van Schoubroeck assure quelques heures de permanence téléphonique à l’écoute des personnes en difficultés. Cette écoute se transformera en le vaste réseau d’écoutants bénévoles de Télé-Accueil. Quelques années plus tard, une autre équipe lance Télé-Évangile, qui affiche explicitement son inspiration chrétienne. En mai 1961, le secrétariat interparoissial crée Télé-Service, qui propose un éventail de services allant de la diffusion d’informations à l’aide matérielle et juridique et à la médiation de dettes. Des maisons de jeunes accueillent et accompagnent des jeunes socialement défavorisés à Bruxelles-Centre, à Schaerbeek, à Saint-Josse-ten-Node et à Molenbeek. Elles sont très souvent gérées par des prêtres. C’est ainsi que Gustave Stoop (°1931), un prêtre professeur à l’Institut Technique Saint-Joseph à Etterbeek, prend l’initiative d’Infor-Jeunes (1965), d’Infor-Drogues, de Free-Clinic, d’SOS-Jeunes (1970) et de l’auberge de jeunesse Sleep Well (1975). De nombreux chrétiens s’engagent dans des écoles du devoir, dans des ateliers, dans des activités récréatives et des camps de vacances pour des enfants et des jeunes immigrés. Après le Seconde Guerre mondiale, le nombre croissant d’étrangers à Bruxelles implique la nomination d’aumôniers Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:32 Pagina 309 Accueil des ‘sans papiers’ dans l’église du Béguinage à Bruxelles, photo, 2008. La problématique des immigrés, des réfugiés et des ‘sans papiers’ retient tout particulièrement l’attention de l’Église, surtout dans les grandes villes comme Bruxelles. L’accueil de réfugiés dans des églises, comme en 2008 dans l’église du Béguinage à Bruxelles, peut compter sur l’appui de prêtres socialement engagés. [© THOC] pouvant assurer leur accompagnement spirituel et la célébration de leurs services religieux. Après une enquête sur l’accueil des immigrés, réalisée par TéléService en 1969, une commission pastorale pour les étrangers est créée à Bruxelles et le vicariat s’engage à fournir ces aumôniers.93 Les vicariats installent le 6 décembre 1971, à côté de la Grand-Place, Bruxelles-Accueil - Porte Ouverte, afin de fournir aux étrangers les noms des organisations dont ils pourraient avoir besoin, mais aussi dans le but d’accueillir ceux qui désirent s’instruire sur la foi chrétienne. En 1971, le franciscain Bruno Ducoli (°1935) ouvre le Centre d’action sociale italien (CASI). En 1981, il fonde le Centre culturel des immigrés, sans lien avec l’Église, qui devient en 1991 le Centre bruxellois d’action interculturelle. En 1979, Paul Lauwers (°1924), doyen de Schaerbeek, donne le coup d’envoi du GAFFI, Groupe d’alphabétisation et de formation pour femmes immigrées, dans le cadre de Culture et Développement, un service de formation permanente créé en 1973. En 1974, des immigrés entament une grève de la faim dans l’église SaintJean-et-Saint-Nicolas de Schaerbeek afin d’obtenir la régularisation de leur situation. Ils sont soutenus dans leur action par le MRAX déjà cité, composé de militants de gauche et de chrétiens. Cette première occupation d’église sert de modèle à beaucoup d’autres. Depuis lors, de nombreuses actions sont entreprises dans des communautés paroissiales bruxelloises comme celles de l’église du Béguinage, de l’église NotreDame du Bon Secours et de l’église Sainte-Susanne à Schaerbeek, pour soutenir les demandeurs d’asile et les pauvres. Elles font partie d’un engagement social multiforme. Les institutions catholiques : hôpitaux, maisons de repos et écoles Le soutien pastoral dans les hôpitaux Caritas ne gère pas seulement les services d’animation Vivre Ensemble et Entraide et Fraternité. L’organisation chapeaute aussi toute une série d’hôpitaux, de maisons de repos, d’instituts médico-sociaux chrétiens et d’organismes de prestations de services sociaux. Depuis les années 1930, ceux-ci sont organisés en Fédération des Institutions Hospitalières (FIH) et ‘Verbond der Verzorgingsinstellingen’ (VVI) 94. Les institutions hospitalières sont régulièrement confrontées à des patients défavorisés, surtout à Bruxelles, et les institutions catholiques, souvent por- Une Église devenue minoritaire dans un environnement pluraliste (1961-2009) ı 309 Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:32 Pagina 310 Page de titre du périodique Le Nœud, feuille de contact des bénévoles de l’Aide aux malades, 1997. Pour ce qui est du travail pastoral dans les hôpitaux et les homes pour personnes âgées, et auprès des malades à domicile, l’Église peut faire appel à des organismes comme Aide aux malades/Ziekenzorg, rattachés aux mutualités chrétiennes. [Louvain, KADOC : KYB5394] tées par des congrégations religieuses, essayent de soigner par priorité le groupe de ces patients non-payants. Grâce au développement de la sécurité sociale, ces congrégations peuvent encore s’en sortir financièrement. De la professionnalisation croissante et de l’augmentation du personnel laïc résulte, qu’à partir des années 1970, l’attention se porte plus particulièrement sur la qualité des soins. Des congrès s’attardent désormais davantage, entre autres, à l’inspiration chrétienne de base de ce secteur 95. Les questions d’éthique médicale et de bioéthique sont soulevées explicitement entre autres dans des commissions d’éthique. 95 Voir également à ce sujet De Maeyer et Deferme, « Vrouwelijke religieuzen in de openbare en private gezondheidszorg ». 96 Gheysen, Ziekenhuispastoraat in Vlaanderen ; Goris, Ziekenhuispastoraat in Vlaanderen. 97 L’enseignement spécial n’a pas été comptabilisé. Nous nous basons sur les chiffres de l’Annuaire de l’Archidiocèse de Malines-Bruxelles, 2009. Les vicariats sont très attentifs à l’animation pastorale dans les hôpitaux et dans les maisons de repos. La gestion du personnel y rencontre les mêmes difficultés que dans les paroisses : la diminution du nombre de prêtres et leur vieillissement fait que de moins en moins de prêtres diocésains sont distraits de leur poste paroissial pour être affectés à la pastorale hospitalière. On a fait appel, au début, à des religieux, mais chez eux aussi le vieillissement se fait sentir. Contraint et 310 ı Leo Kenis forcé, le vicariat revient alors sur sa décision de 1978 de ne plus nommer personne ayant dépassé l’âge de la retraite. Très progressivement, il se résout également à faire appel à des laïcs. En 1983, par exemple, seuls quatre sur les cinquante aumôniers d’hôpitaux du vicariat du Brabant flamand et Malines, sont des laïcs 96. Les prêtres affectés aux visites des malades à domicile et à l’aumônerie des hôpitaux communaux ou catholiques de Bruxelles sont eux aussi remplacés progressivement par des religieux et des laïcs. Seules la confession et l’extrême onction, devenus sacrement de la pénitence et sacrement des malades, sont encore administrés par des prêtres. Lorsque des laïcs sont acceptés comme aumôniers des hôpitaux, il est indispensable de leur donner une formation professionnelle adéquate, au cours de laquelle les candidats peuvent suivre un entraînement basé sur la pratique ainsi que des cours de sciences du comportement et des méthodes cliniques. Un service spécial a été créé dans les divers vicariats pour coordonner la pastorale et la formation des prêtres et des travailleurs pastoraux à l’œuvre dans le secteur socio-caritatif. Pour terminer, il convient de citer Aide aux malades, un secteur de soins catholique au service des plus faibles qui, bien que soutenu institutionnellement, est en fait porté par des bénévoles. L’organisation des soins aux malades se développe après la Seconde Guerre mondiale, mais c’est surtout dans les années 1970 qu’elle reçoit une forte impulsion grâce à une structure plus solide et à sa reconnaissance officielle. Depuis lors, dans beaucoup de paroisses, de nombreux fidèles s’engagent à soutenir et à encourager régulièrement des malades chroniques, des personnes âgées invalides et leurs familles, en leur rendant Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:32 Pagina 311 visite à domicile et en organisant pour eux toutes sortes d’activités. Aide aux malades est l’exemple le plus parlant de la façon dont de simples catholiques mettent en œuvre, dans la vie de tous les jours, la force de guérison de la charité chrétienne, et cela en plein XXIe siècle. L’enseignement Mise à part la coupole Caritas, ce sont les écoles qui forment le groupe d’institutions catholiques le plus important. Dans le chapitre précédent a été donné un aperçu du réseau étendu des écoles catholiques de l’archidiocèse. Dans les diverses régions, les écoles subissent des changements significatifs suite aux nouvelles politiques d’enseignement, dépendant désormais des communautés française et flamande. C’est ainsi qu’en 1971, dans l’enseignement francophone, la loi sur l’enseignement secondaire rénové impose l’intégration de l’enseignement technique dans un enseignement général. En 1981, l’âge de l’enseignement obligatoire est porté à dix-huit ans et presque toutes les écoles catholiques deviennent des écoles mixtes. À partir de 1986, diverses mesures sont prises pour réduire les dépenses dans l’enseignement ; on oblige entre autres les écoles à fusionner. Dans l’enseignement néerlandophone, l’évolution est similaire mais avec plus de continuité. Si l’enseignement secondaire rénové y fait son entrée déjà en 1970, en 1989 deux types d’enseignement restent autorisés. À partir de 1994-1995, la Flandre adopte une structure unitaire, qui a depuis été développée. stitutions diocésaines d’enseignement de niveau secondaire, l’enseignement catholique reçoit de forts encouragements en raison de l’augmentation du nombre de jeunes ménages. En 2009, vingt écoles catholiques dispensent un enseignement secondaire général et technique. La région bruxelloise, où l’enseignement catholique a de tout temps formé un important pilier de la pastorale, compte encore 59 écoles catholiques francophones et 15 néerlandophones. Dans toutes les régions, les prêtres, les religieux et les religieuses ont été progressivement remplacés par des laïcs, y compris aux postes de direction. L’enseignement catholique supérieur reste évidemment concentré autour de l’université de Louvain, qui fut scindée en deux en 1969 : la Katholieke Universiteit Leuven restant à Louvain, et l’Université catholique de Louvain établie à Louvain-la-Neuve et Woluwe-SaintLambert. À Bruxelles, les Facultés universitaires Saint-Louis se sont développées et ont ouvert en 1968 une section néerlandophone appelée Sint-Aloysius, qui devient la Katholieke Universiteit Brussel. L’École centrale des arts et métiers et l’Institut supérieur de commerce comportent chacun une section En 2009, la situation de l’enseignement catholique est la suivante. Le Brabant flamand compte 67 écoles d’enseignement secondaire 97. Dans le Brabant wallon, qui ne comptait au début des années 1960 que quatre inUne Église devenue minoritaire dans un environnement pluraliste (1961-2009) ı 311 L’église Saint-François d’Assise à Louvain-la-Neuve, photo, 2008. L’enseignement supérieur catholique dans l’archidiocèse était dominé par l’université catholique de Louvain. Celle-ci fut scindée en 1969 en K.U.Leuven et Université catholique de Louvain. Cette dernière s’installa à Louvainla-Neuve, un campus universitaire tout neuf près d’Ottignies, construit par les architectes Jean-Claude Blondel, Raymond M. Lemaire et Pierre Laconte. L’église a été construite d’après un projet de Jean Cosse. [Louvain, KADOC] Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:32 Pagina 312 francophone et une section néerlandophone. Les sections néerlandophones de ces écoles supérieures ont fusionné en 2007 avec la Katholieke Universiteit Brussel et forment un pôle sous le nom de Hogeschool-Universiteit Brussel. D’autres écoles supérieures du Brabant flamand, situées à Malines, à Louvain et à Diest, ont elles aussi réalisé une vaste opération de fusion dans les années 1995-1996. Elles se sont finalement affiliées en 2002 à l’Associatie K.U.Leuven, formant ainsi, avec encore six écoles supérieures d’autres provinces un réseau d’écoles supérieures de loin le plus grand en Flandre. Les institutions francophones d’études supérieures ont elles aussi opéré, dans les années 1990, plusieurs fusions d’où sont sorties un certain nombre d’écoles supérieures, toutes établies à Bruxelles, auxquelles s’ajoutent quelques établissements à Louvain-laNeuve et à Nivelles : les écoles supérieures Galilée, Léonard de Vinci, EPHEC (École Pratique des Hautes Études Commerciales) et ICHEC (Institut Catholique de Hautes Études Commerciales) - ISC Saint-Louis (Institut Supérieur Commercial) - ISFSC (Institut Supérieur de Formation Sociale et de Communication). 98 Pastoralia, (1978) 4, 62 ; Ibidem, (1988) 7, 88-89. 99 Prudhomme et Zorn, « Crises et mutations de la mission chrétienne », 357362 ; Pirotte, « Proselitisme en inculturatie ». 100 En 1961, la Belgique atteint le record total de 10.070 missionnaires en activité. Vanysacker, « Historisch overzicht van de katholieke Belgische en Nederlandse missies », 326. Traditionnellement, la responsabilité diocésaine de l’enseignement pour la totalité de l’archidiocèse est confiée à un seul vicaire général. À monseigneur Pierre Goossens, nommé en 1962, succède en 1963 le chanoine Rémy Goossens comme directeur diocésain. En 1966 il est nommé vicaire général. Rémy Goossens est secondé à Bruxelles par un adjoint pour l’enseignement néerlandophone, Albert Faes (°1915), et par un adjoint pour l’enseignement francophone, Jean Van Camp (1931-2000), qui sera remplacé à partir de 1974, par Étienne Glibert (1921-2001). Lors de la restructuration de 1981, le vicaire général est remplacé par deux vicaires épiscopaux, notamment André Voussure (19212003) pour l’enseignement franco312 ı Leo Kenis phone et Jozef Peeters (°1927) pour l’enseignement néerlandophone, qui sont à leur tour respectivement remplacés par Jean Janssens (°1935) en 1989 et Jos Portael (°1934) en 1994. La direction du diocèse se montre préoccupée par la sauvegarde, au sein d’une société pluraliste, de l’identité chrétienne de ses écoles. Ce pluralisme caractérise également, et de plus en plus, les parents, les élèves et les enseignants des écoles catholiques. Aussi l’enseignement catholique est-il confronté, en tant qu’institution appartenant au pilier traditionnel, au défi de l’interprétation et de la sauvegarde de l’identité catholique dans ce pluralisme interne. Afin d’étayer cette identité religieuse, la mise en œuvre d’une pastorale scolaire efficace devient une priorité à partir des années 1970. En 1972, un groupe diocésain de planning pour la pastorale scolaire voit le jour. La création de cette pastorale scolaire soulève inévitablement des problèmes, principalement dans l’enseignement officiel. Afin d’y remédier, un groupe spécial d’animation spirituelle est créé en 1972 dans l’enseignement officiel. Dans les écoles maternelles et primaires catholiques, la pastorale de l’enseignement est confiée en grande partie à l’inspection diocésaine et au clergé local. Pour l’enseignement secondaire catholique, on demande que soit lancée la création de petits noyaux de bénévoles disposés à se charger de cette tâche. Ces noyaux portent des noms divers : groupes d’animation pastorale, groupes de base, noyau pastoral etc. La présence d’enfants d’immigrés musulmans constitue un problème spécifique par rapport à l’identité chrétienne des écoles catholiques. En 1978, les évêques décident de ne pas prendre de mesure générale et de principe quant à l’organisation de cours de religion islamique dans les écoles catholiques 98. Le cardinal Danneels rap- Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:32 Pagina 313 pelle explicitement que tous sont les bienvenus dans les écoles catholiques, mais qu’il n’y aura pas de cours de religion islamique car la spécificité chrétienne doit être garantie. Cette problématique illustre la présence dans les écoles catholiques d’une diversité idéologique croissante. De nouveaux plans scolaires en tiennent compte. L’attitude des autorités diocésaines vis-à-vis de cette situation nouvelle exprime un soutien et indique une orientation. Les services diocésains responsables de l’enseignement ont déjà évolué : ils sont passés des services traditionnels d’inspection au service d’accompagnement pédagogique axé sur l’aide aux pouvoirs organisateurs et sur une offre abondante de formations et de recyclages dans toutes les branches de la vie scolaire. 5. Confrontation avec le monde Les missions L’idée que se fait l’Église catholique du travail missionnaire a changé profondément dans les décennies après la Seconde Guerre mondiale. La notion classique de conversion est corrigée suite à la prise de conscience de la nécessité de reconnaître l’identité culturelle des peuples visités. Ainsi, dans un souci d’équité, l’Église s’efforce peu à peu de marquer sa solidarité avec ce qu’on appelle le tiers-monde, et que se manifestent des initiatives d’aide au développement 99. Une organisation comme Entraide et Fraternité a suivi cette ligne de conduite et insiste de plus en plus sur l’aide socio-économique. Cela ne l’empêche pas de continuer à soutenir l’annonce de l’Évangile, qui est son véritable objectif missionnaire, par le biais d’une organisation distincte, Entraide et Fraternité de Prêtres et de Religieux. Dans l’archidiocèse, le soutien et la promotion des missions est pris à cœur par le ‘Centrum voor Evangelisatie’, par le service diocésain du Conseil national des missions et par les Œuvres pontificales missionnaires. Ces dernières, actives dans la récolte de fonds et dans l’animation au profit de l’œuvre missionnaire, ont après quelque temps réuni les services dans les différents vicariats qui organisent l’action missionnaire. En 1989, elles poursuivent leur travail sous le nom de Missio. Parmi les nombreuses activités pastorales de Missio, la plus connue est celle où des enfants, à la fête de l’Épiphanie (Jour des Rois), sillonnent les rues de la paroisse en chantant et invitent les paroissiens à soutenir financièrement les projets en faveur des pays en voie de développement. Au début des années 1960, le nombre de missionnaires masculins et féminins est encore très élevé 100. C’est d’ailleurs dans l’archidiocèse, à Bruxelles et à Louvain, que sont implantés les sièges principaux de deux congrégations missionnaires des plus vivantes : les missionnaires de Scheut (congrégation des missionnaires du Cœur Immaculé de Marie) et les sœurs missionnaires de la Chasse-Heverlee (sœurs missionnaires du Cœur Immaculé de Marie). Les missions sont réparties sur tous les continents, mais Une Église devenue minoritaire dans un environnement pluraliste (1961-2009) ı 313 Journée missionnaire à CourtSaint-Etienne, photo, 1983. Les missionnaires de l’archidiocèse sont l’objet d’attentions particulières. On organise chaque année à leur intention des journées missionnaires au cours desquelles d’anciens missionnaires ou des missionnaires en vacances peuvent se retrouver. L’archevêque lui-même participe souvent à ces rencontres. [Malines, Archives de l’Archevêché] Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:32 Pagina 314 leur présence est naturellement prépondérante dans les anciennes colonies belges en Afrique. tre de l’archidiocèse parti dès 1958 au Brésil, devient le conseiller de Helder Camara (1909-1999) l’évêque des pauvres. Le prêtre colombien Camillo Torres (1929-1966) fait ses études à Louvain dans les années 1954-1958 (il est sous-régent du COPAL en 1955) ; après son retour au pays, il abandonne l’état ecclésiastique, rejoint la résistance armée en Colombie, et finit abattu en 1966. Pendant sa période louvaniste, Torres se lie d’amitié avec François Houtart, sociologue des religions et prêtre de l’archevêché qui se range résolument du côté de ‘l’Église du peuple’ et connaît personnellement plusieurs théologiens de la libération. Gustavo Gutiérrez (°1928), qui lançait l’expression « théologie de la libération », est un ancien de Louvain où il étudie en 1951-1955. Depuis la fin des années 1960, sous l’influence de l’esprit de l’époque, l’intérêt pour la problématique du développement se fait plus contestataire, ce qui ressort aussi dans l’action missionnaire. À cet égard, l’attention particulière accordée à la situation en Amérique latine est significatrice. L’Église de Belgique a depuis longtemps tissé des liens avec l’Amérique latine et, dans l’archidiocèse, ceux-ci se concrétisent principalement à Louvain, où le Collegium pro America Latina (COPAL) est installé en 1953. À l’origine, ce collège forme à l’activité pastorale, des prêtres diocésains pour l’Église latinoaméricaine qui en manque alors cruellement 101. Cette offre de formation n’est pas seulement appréciée des séminaristes, mais également des prêtres déjà ordonnés, des religieux et des laïcs. Au cours des années 1970, les contacts avec la théologie de la libération qui commence à se développer en Amérique latine, se multiplient par l’intermédiaire des étudiants latino-américains vivant dans ou en dehors du collège. Joseph Comblin (°1923), prê- Toute cette nouvelle dynamique de gauche de l’aide chrétienne au développement imprègne également les idées concernant l’action missionnaire, et atteint son point culminant dans les années 1970 et 1980. Cette interprétation critique et politique du message missionnaire évangélique provoque d’ailleurs des tensions internes au sein de la communauté ecclésiastique, notamment après la prise de position critique du Saint-Siège vis-à-vis de la théologie de la libération en 1984 et 1986. Toutefois, le message évangélique en faveur de l’engagement social envers les plus pauvres du monde entier devient une évidence pour la plupart des fidèles, entre autres grâce aux campagnes d’Entraide et Fraternité. Il confronte également toute la communauté des fidèles aux conséquences violentes de l’engagement envers les pauvres, notamment dans les années 1980, avec l’assassinat de l’archevêque Óscar Romero (1917-1980) au Salvador, et lors de la disparition et la mort de quatre pères scheutistes belges au Guatemala. Commémoration Romero à Bruxelles, affiche, 1983. Des croyants progressistes et socialement engagés de l’archidiocèse s’intéressent depuis longtemps à ce qui se passe dans l’Église d’Amérique latine. Des figures comme Helder Camara, Camillo Torres, Gustavo Gutiérrez et Óscar Romero frappent l’imagination. Diverses associations chrétiennes organisent régulièrement des célébrations à la mémoire de l’archevêque salvadorien Romero, assassiné en 1980. [Louvain, KADOC : KCA1972] 101 Voir à ce sujet les contributions de Paul Servais, de Caroline Sappia et de Pierre Sauvage dans Sappia et Servais, éds., Les relations de Louvain avec l’Amérique latine, resp. 55-85, 86-113, 115-121. 102 En 1974, la Belgique compte 6283 missionnaires ; en 1988, ils sont encore 3710 ; en 1994 plus que 2167. Dujardin, « Gender », 280-283 ; Vanysacker, « Historisch overzicht van de katholieke Belgische en Nederlandse missies », 326. 103 La commission informelle est étendue et mieux structurée au début de l’année 1967, ce qui lui donne un statut officiel. KADOC, Fonds Bernard Vanden Berghe, 316320. 104 Cela a lieu suite à des conversations préparatoires à l’initiative de la Commission nationale catholique pour l’Œcuménisme fondée en 1967. La Documentation catholique, 69 (1972), 35-37. 314 ı Leo Kenis Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:32 Pagina 315 L’engagement libérateur en Amérique latine passe ensuite au second plan de l’actualité. Le nombre de missionnaires diminue, suivant en cela la même évolution que les autres groupes de prêtres et de religieux 102. L’engagement en faveur des Églises et des peuples du sud se maintient néanmoins. Des laïcs de plus en plus nombreux s’engagent dans des mouvements d’aide au développement d’inspiration chrétienne et favorisent des formes d’échanges équivalents avec les jeunes Églises. Aujourd’hui, les chrétiens estiment normal qu’une action missionnaire s’accompagne d’une action politique appropriée en faveur de la justice. L’estime témoignée à des personnalités comme Jeanne Devos (°1935) en est une preuve. Cette religieuse de la Chasse, originaire du Brabant, prend la défense des pauvres et des sans-droits à Mumbai (Indes) et est nominée pour le Prix Nobel de la Paix en 2005. L’œcuménisme et les contacts interreligieux La période après la guerre permet aussi de préparer le terrain à une percée dans les rapports entre l’Église catholique et les autres Églises chrétiennes. Dans les années 1950, le mouvement œcuménique acquiert une structure institutionnelle par la création du Conseil œcuménique des Églises (1948). L’Église catholique s’ouvre peu à peu aux autres Églises. Le décret conciliaire Unitatis redintegratio (novembre 1964) sert de fil conducteur pour le positionnement œcuménique de l’Église catholique. Dès avant la proclamation du décret, le 12 octobre 1964, une commission diocésaine informelle voit le jour dans l’archidiocèse. Celle-ci est responsable des contacts œcuméniques et des initiatives pastorales dans l’archevêché. Des catholiques, des protestants et des anglicans font partie de la commission 103. Plusieurs initiatives sont lancées au cours de cette période. En janvier 1965, le cardinal célèbre la première messe de la ‘Semaine pour l’Unité’ dans la cathédrale de Bruxelles. En mai 1965, la commission insiste sur l’importance de la prière, de la connaissance et de l’action. En janvier 1968, des catholiques, des orthodoxes et des protestants tiennent pour la première fois une veillée de prière commune au Palais des Congrès à Bruxelles. En janvier 1969, les protestants organisent une veillée de prière dans la basilique de Koekelberg. Les premiers contacts plus approfondis sont principalement établis avec les protestants. En juin 1971, le cardinal Suenens est invité à s’adresser au synode diocésain de l’Église protestante de Belgique et, le 23 novembre de la même année, est publiée la déclaration de reconnaissance ecclésiale du baptême 104. Pour les fidèles de l’archidiocèse, le signe le plus visible de l’ouverture de l’Église catholique aux autres chrétiens est la Semaine annuelle pour l’Unité. Dans les régions où vivent de petites communautés non catholiques naissent depuis la Une Église devenue minoritaire dans un environnement pluraliste (1961-2009) ı 315 Le cardinal Suenens rencontre l’archevêque Ramsey de Canterbury, photo, 1969. Depuis les ‘Conversations de Malines’ (1921-1926), l’archevêché entretient des liens étroits avec l’Église anglicane. Les contacts furent intenses sous l’épiscopat du cardinal Suenens. [Malines, Archives de l’Archevêché] Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:32 Pagina 316 base des contacts réciproques et des cérémonies communes, mais aussi des jumelages de paroisses avec des paroisses protestantes d’autres pays 105. En-tête du périodique des sœurs de Sion, 1980. Depuis environ 1970, les contacts entre chrétiens et juifs se sont intensifiés. Ils ont abouti à la publication du Bulletin d’information du Service de documentation Relations entre juifs et chrétiens, édité par les sœurs de Sion. Ces dernières se sont établies à Bruxelles en 1970, dans le but de chercher à se rapprocher des juifs. La présente illustration orne l’en-tête du périodique. [Louvain, KADOC : KYB1289] En-tête du périodique El Kalima, 1990. La présence de nombreux immigrés marocains et turcs dans diverses villes de l’archidiocèse stimule les rapprochements avec l’islam. ‘El Kalima’, créé en 1978 à Bruxelles, est un centre d’études et de rencontres pour l’islam qui édite également son propre périodique. [Louvain, KADOC : KYA333] L’archevêché entretient des liens spéciaux avec l’Église anglicane, en particulier avec l’archevêché d’York. Cette fraternisation est une des conséquences lointaines des fameuses « conversations de Malines » organisées par le cardinal Mercier dans les années 1921-1926 avec Lord Halifax (1839-1934), un anglican. Même si elles ne sont guère suivies de résultats concrets, ces rencontres ont fort favorisé le rapprochement entre l’Église catholique et l’Église anglicane. La visite du cardinal Suenens invité par l’archevêque d’York est suivie de visites réciproques régulières, entre autres en 1966 à l’occasion du quarantième anniversaire de la fin des conversations de Malines, et en 1984, à l’occasion du cinquantième anniversaire du décès de Lord Halifax. En août 1996, à l’occasion du 75e anniversaire des conversations de Malines, se déroule à Malines une grandiose cérémonie au cours de laquelle le cardinal Danneels accueille entre autres l’archevêque de Canterbury George Carey (°1935) 106. Les relations avec les religions non chrétiennes placent le judaïsme au premier rang, étant donné l’importance de la communauté juive à Bruxelles. Le concile provoque également un revirement dans l’attitude de l’Église vis-à-vis du judaïsme. À partir de septembre 1964, l’archidiocèse fait état de cette nouvelle relation. En 1970, les sœurs de Notre-Dame de Sion, dont la vocation 316 ı Leo Kenis est le rapprochement avec les juifs, s’installent à Bruxelles et lancent en janvier 1973, la publication d’un bulletin d’information sur les relations entres juifs et chrétiens 107. Ce rapprochement avec la communauté juive s’accompagne concrètement d’un aveu de culpabilité vis-à-vis du passé. Dans ce sens le cardinal inaugure en 1977 dans la cathédrale de Bruxelles une plaque de repentance pour le massacre de juifs à Bruxelles au XIVe siècle. Cette persécution avait été suscitée par une fausse accusation de profanation d’hosties à l’origine du culte du Sacrement de Miracle 108. Le développement des relations avec l’islam est déterminé par la présence, d’abord à Bruxelles, puis dans des villes comme Malines et Vilvorde, de communautés de plus en plus nombreuses d’immigrés marocains et turcs musulmans. À partir de 1974, la commission pour l’œcuménisme inclut explicitement l’islam dans ses préoccupations. En janvier 1976, Pastoralia publie un « Message de félicitation à l’occasion de la fête du sacrifice ». Un pas important est fait à Bruxelles en faveur du rapprochement avec l’islam lorsque, en février 1978, le vicariat fonde ‘El Kalima’, un centre d’études et de rencontres avec les musulmans 109, qui en publie un bulletin à partir de 1989 110. La fascination pour la spiritualité orientale, mène enfin, en 1980, à la fondation d’un centre, les ‘Voies de l’Orient’. Cette confrontation avec d’autres dénominations religieuses et d’autres religions ne cesse de se développer depuis des années, surtout dans la ville de plus en plus cosmopolite qu’est Bruxelles 111. L’immigration a aussi amené à Bruxelles de nombreux catholiques d’Europe, d’Afrique et d’Amérique, ainsi que d’autres communautés chrétiennes, par exemple du Moyen-Orient. La communauté catholique de Bruxelles est devenue un rassemblement bigarré dans le- Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:32 Pagina 317 quel, outre les francophones et les Flamands, pas moins de quarante communautés d’origine étrangère vivent leur foi. Dans le creuset qu’est devenu Bruxelles y compris dans ses nombreuses visions du monde, la minorité catholique constitue donc une palette haute en couleurs. Couverture de B-City à l’occasion de Bruxelles-Toussaint 2006. Au début du XXIe siècle, la communauté catholique de Bruxelles n’est plus qu’une minorité. Elle s’est ‘montrée’ en 2006 dans ‘Bruxelles-Toussaint’, un congrès international axé sur l’évangélisation urbaine et comportant divers événements annexes. Le magazine chrétien gratuit B-City, autre expression du ‘comingout’ catholique dans la capitale, y a accordé beaucoup d’attention. [Louvain, KADOC : KYB7150] 6. Conclusion Cette situation nouvelle a incité l’Église catholique bruxelloise (de même que d’ailleurs, bien d’autres communautés paroissiales brabançonnes), à sortir de sa réserve en organisant entre autres le congrès international sur l’évangélisation urbaine « Bruxelles - Toussaint 2006 ». « Venez et voyez », tel était le slogan du congrès : une invitation, lancée par les catholiques à tous ceux qui le désirent, à venir voir comment ils essayent de vivre dans l’imitation du Christ. Plus récemment, du 29 décembre 2008 au 2 janvier 2009, la dynamique de cette ouverture au monde s’est une nouvelle fois exprimée à l’occasion de la rencontre internationale « Taizé-Bruxelles », organisée par la communauté de Taizé, où se rassemblent quarante mille jeunes du monde entier qui sont accueillis dans des familles et quartiers. L’exemple de Bruxelles semble indiquer la direction que peut prendre l’Église dans l’archevêché, et l’Église belge en général, non comme un modèle à imiter, mais comme l’illustration de la voie que l’Église catholique a suivie ces cinquante dernières années. Les catholiques de Bruxelles ont été les premiers à ressentir, et à leurs dépens, la gravité de la crise de leur Église. Mais c’est aussi de Bruxelles que viennent les signes qui montrent comment des catholiques, ayant l’expérience de vivre en tant que minorité dans un monde pluraliste, redécouvrent la force d’un authentique christianisme. Ils vivent ainsi leur identité en tant qu’Église dans des formes nouvelles de vie et de célébration religieuse, dans des actions concrètes de solidarité avec les faibles et les sans-droits de notre société. Laissons, en conclusion, la parole à un de ces catholiques bruxellois, monseigneur Jozef De Kesel, leur évêque auxiliaire ‘adopté’, qui, en tant qu’évêque est aussi le porte-parole de ses fidèles : “En tant qu’Église nous ne représentons pas tout ni tout le monde. Ce n’est pas grave. L’Église vit et œuvre avec les changements d’époques. Nous ne devons pas essayer de reconquérir un statut et une position que nous étions parvenus à conserver intacts jusqu’à un passé récent. Nous n’avons pas pour mission d’être dans notre société tout et tout le monde. Ce n’est pas ce que Dieu attend de nous. Comme Église, ce que Dieu nous demande bien, c’est de lui procurer une place dans nos communautés. Que ce soient des lieux où Il peut dès maintenant partager la vie avec les hommes, où dès maintenant il est agréable de vivre dans son alliance. C’est notre manière d’être présents dans la société et de vraiment signifier quelque chose pour les hommes”112. Une Église devenue minoritaire dans un environnement pluraliste (1961-2009) ı 317 105 Parré, « Multiplications de liens entre Églises ». 106 Overleg tussen katholieken en anglicanen. 107 Service de documentation pour les relations entre chrétiens et juifs. Bulletin d’information, édition poursuivie en 1982 sous le titre de Ein Shalom, et à partir de 1993 sous le titre de Shalom. 108 Voir Dequeker, Het Sacrament van Mirakel. 109 Pour un bref historique voir El Kalima, (1998) 37, 3-30. 110 Il a été précédé d’un autre périodique indépendant, La feuille du chêne, 1986-1987. 111 Une idée de la grande diversité dans Vermeir, « Een Belgisch antwoord ». 112 Jozef De Kesel, Église, pourquoi es-tu là, Bruxelles, 2002, pp. 11-12. Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:32 Pagina 318 318 ı Leo Kenis