Opmaak 1 - Lirias

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Célébration du 450e anniversaire
de l’archevêché de Malines,
photo, 2009.
Entre le 1er février et le 21 juin
2009 se sont déroulés divers
événements dans le cadre du
450e anniversaire de l’archevêché. Le 12 mai, date exacte de
l’anniversaire, une célébration
eucharistique multilingue a eu
lieu dans la cathédrale SaintRombaut pour tous les collaborateurs de l’archevêché.
[Malines, Service de presse de
l’Archevêché]
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V
Une Église devenue minoritaire
dans un environnement pluraliste
L’archidiocèse sous Léon-Joseph Suenens
et Godfried Danneels (1961-2009)
Leo Kenis
1
L
e dernier chapitre de l’histoire de l’archidiocèse correspond à une nouvelle période relativement tumultueuse de son existence 1. À partir de
la fin des années 1950, non seulement l’archidiocèse de MalinesBruxelles, mais également l’Église de Belgique et le monde catholique en général
connaissent une transformation qui, aujourd’hui encore, reste difficile à appréhender dans son ensemble, tant les lignes de fracture et les repères de cette évolution
demeurent insaisissables. Durant cette période, deux fortes personnalités dirigent
l’archidiocèse : les cardinaux Léon-Joseph Suenens et Godfried Danneels. Étant
donné que la transmission de la crosse archiépiscopale de l’un à l’autre de ces prélats
ne nous est pas apparue comme une rupture, ce chapitre présente chronologiquement l’histoire de l’archidiocèse du début des années 1960 jusqu’à nos jours comme
un tout.
S’il fallait à tout prix trouver une charnière dans cette évolution, elle se situerait au
début des années 1960. Des récentes études historiques font de plus en plus ressortir cette période comme un tournant capital dans l’évolution religieuse de l’Europe occidentale 2. En effet, les années 1960 marquent le début d’une crise des
Églises établies qui, avec le temps, avaient fini par se muer en véritables institutions
sociales, puissantes et très actives. Cette crise ecclésiastico-religieuse n’est évidemment pas un phénomène isolé, mais doit être liée à l’évolution radicale, voire révolutionnaire que connaît la société occidentale dans son ensemble durant cette période.
Toutefois, à côté de cet aspect de crise, la réelle vitalité qui anime le milieu religieux
à cette époque ne peut être niée. Dans le monde catholique, cette vitalité est le fait
du mouvement de renouvellement qui apparait dans les années 1950 et culmine
avec le concile Vatican II (1962-1965). Ce concile réactualise la foi et stimule les catholiques à rendre à nouveau visible au monde la force de l’évangile. Pour y parvenir,
c’est d’abord à l’intérieur même de l’Église que des fenêtres ont été largement ouvertes. Le développement de l’archidiocèse de Malines illustre bien la dynamique
insufflée dans la communauté ecclésiale suite à cette impulsion et permet de voir
comment l’Église a dû se battre pied à pied pour conserver son identité et sa signification dans une société en évolution exponentielle 3.
Une Église devenue minoritaire dans un environnement pluraliste (1961-2009) ı 255
2
3
Ce texte s’appuie sur les
notes de travail rédigées par
André Tihon pour l’histoire
des vicariats de Bruxelles et
du Brabant wallon et de Bart
Latré pour le vicariat du
Brabant flamand et Malines,
ainsi que sur les informations fournies par Jean-François Van Caulaert, Leo
Declerck et Kristien Suenens.
Voir, par exemple, Hugh
McLeod, The religious crisis of
the 1960’s.
Pour ce qui suit, nous nous
sommes principalement
référés aux informations
parues dans les revues diocésaines Pastoralia (éditions
néerlandophone et francophone) et Trefpunt. D’autres
informations ont été puisées
dans l’Annuaire de l’archidiocèse de Malines-Bruxelles, ainsi
que dans le rapport interne
de Patricia Quaghebeur, Naar
een toekomstig beleid inzake
beheer en ontsluiting van de
archieven van het Aartsbisdom
Mechelen-Brussel (Louvain,
KADOC, 2000). Un certain
nombre de personnes ont
été interviewées par André
Tihon et Jean-François Van
Caulaert. À quelques exceptions près, l’on ne retrouvera
pas de renvois explicites à ces
sources. Les documents d’archives n’ont été que très sporadiquement mis en œuvre.
Les archives des archevêques
Suenens et Danneels ne sont
pas encore accessibles à la
recherche scientifique. Seuls
les documents du cardinal
Suenens relatifs au Concile
ont été inventoriés par Declerck et Louchez, Inventaire
des papiers conciliaires du cardinal L.-J. Suenens.
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Rapidement, Léon-Joseph Suenens
s’attelle concrètement au partage du
nouvel archidiocèse de MalinesBruxelles en quatre zones pastorales : le
Brabant flamand, le Brabant wallon,
Bruxelles et Malines (en province d’Anvers). La responsabilité pastorale de
chacune de ces zones (également dénommées secteurs territoriaux) est
confiée à un vicaire général, assisté
d’un ou plusieurs adjoints. Les vicaires
reçoivent en outre la responsabilité des
pastorales spécialisées. Étant donné
que, initialement, un seul vicaire général a été désigné pour les deux zones du
Brabant flamand et de Malines, il est
d’usage de ne parler que de trois zones
vicariales : le Brabant flamand et Malines, le Brabant wallon et, enfin,
Bruxelles. En 1979, la dénomination de
« zone pastorale » a été remplacée par
celle de « vicariat ».
Léon-Joseph Suenens, tableau de
Félix De Boeck, 1971.
Léon-Joseph Suenens est
nommé archevêque le 24 novembre 1961. Il sera promu
cardinal en 1962.
[Malines, Palais archiépiscopal]
Le 7 août 1961, au lendemain du décès
du cardinal Van Roey, Léon-Joseph Suenens, vicaire général et évêque auxiliaire, est nommé administrateur apostolique de l’archidiocèse. Il est désigné
comme nouvel archevêque le 24 novembre 1961, nomination confirmée
par bulle du 12 janvier 1962. Monseigneur Suenens prend possession de son
siège archiépiscopal le 24 janvier. Dans
l’intervalle, une autre bulle pontificale,
datée du 9 décembre 1961, a scindé
l’ancien archidiocèse en deux nouveaux
diocèses : Malines-Bruxelles et Anvers,
auxquels une loi belge du 5 avril 1962
accorde la reconnaissance civile. Suenens est également nommé administrateur apostolique du nouveau diocèse
d’Anvers dans l’attente de la nomination d’un premier évêque titulaire.
256 ı Leo Kenis
Cette partition de l’archidiocèse en vicariats territoriaux est en concordance
avec les besoins concrets et la disparité
de la population de l’archidiocèse. Dans
les années 1960 en effet, le Brabant flamand était rural avec des zones davantage urbanisées autour de Louvain et
surtout de Bruxelles. Un nombre de paroisses qui se situent en province d’Anvers font également partie de ce vicariat : Malines surtout, mais aussi Duffel,
Sint-Katelijne-Waver, Bonheiden, Willebroek, Puurs, Saint-Amand et Bornem.
En Brabant wallon, il existe alors une
forte disparité entre l’Ouest industriel
et l’Est davantage agricole. La création
de Louvain-la-Neuve en 1969, suite à la
scission de l’université de Louvain, ainsi
que l’établissement de familles bruxelloises entraîne un très net accroissement de la population. Il est d’ailleurs
étonnant de constater que, dès les années 1940, il existait une dynamique
ecclésiastique propre au Brabant wallon. Elle résultait surtout de l’action de
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l’abbé Henri Lemercier (1906-1995)
qui, à partir de 1949, entame l’organisation de conférences régionales annuelles pour doyens, prêtres et laïcs engagés 4.
Quant à la démographie de l’agglomération bruxelloise, elle connaît d’abord
une forte chute de sa population de
1970 à 1996, puis une diversification de
celle-ci par l’immigration, ce qui n’est
pas sans conséquences au niveau religieux. Si le catholicisme reste dominant
à côté d’autres courants d’inspiration
chrétienne et de la communauté juive,
l’augmentation du nombre de musulmans est telle que, suite à la forte immigration marocaine et turque, l’islam
est devenu la deuxième religion en région bruxelloise. À Bruxelles aussi, une
initiative pastorale concertée voit le
jour avant qu’il soit question d’un vicariat spécifique. L’Entraide Sacerdotale
mise sur pied à la fin des années 1920
par l’abbé Robert Kothen (1900-1955)
y a joué un rôle important jusque
1961 5. Ce groupe d’étude a joué un rôle
de suppléance pour l’organisation de
rencontres du clergé ; les doyens aussi
se retrouvaient régulièrement 6. Une
autre initiative d’importance sont les
« Journées de Fichermont » qui sont
lancées en janvier 1959 dans le but de
développer une pastorale concertée
pour Bruxelles.
Revenant sur son initiative de décentralisation et de partage de l’archidiocèse,
le cardinal Suenens estimait avoir anticipé d’un quart de siècle la fédéralisation de la Belgique 7. En même temps,
dès son entrée en charge, il est rapidement confronté aux faits et aux aspects
imprévus de la fédéralisation de la politique culturelle. La question linguistique se réveille avec la polémique liée
à la scission de l’Université catholique
de Louvain dont l’archevêque et ses
suffragants constituaient le pouvoir organisateur. Dans le cadre des lois linguistiques de 1962-1963, les tensions
croissent entre les Flamands partisans
d’une université unilingue néerlandophone à Louvain et les francophones
qui s’y opposent. En 1962 encore, les
évêques insistent sur le caractère
unique et bilingue de l’Université catholique 8. De même, lors des protestations flamandes contre les plans d’expansion de l’université dans un triangle
Louvain-Woluwe-Wavre jugé trop
francophone, les évêques répètent leur
4
5
6
7
8
Voir, à son propos, l’article de
Tihon et Verhaegen, « Un
précurseur du vicariat du
Brabant wallon : Henri Lemercier ». Dans les années
1950, il a organisé avec le
chanoine Houtart une enquête sociologique sur le
Brabant wallon. Houtart,
« Le Brabant Wallon ».
Voir Leclercq, L’abbé Robert
Kothen.
Le secrétariat y constitué en
1957 a, à partir de 1960, publié un bulletin bilingue : 02.
Bulletin d’entraide de pastorale
du clergé bruxellois publié à
l’initiative de Messieurs les
doyens de l’agglomération Broederlijke mededelingen van
zielzorgnota’s voor de Brusselse
clerus uitgegeven onder toezicht
van de Zeereerwaarde Heren
Dekens van Groot Brussel,
1960-1962. Cette publication
fut arrêtée sur ordre du cardinal Suenens début 1962.
Suenens, Souvenirs et espérances, 50.
Cependant, cette même
année, les évêques érigent
deux paroisses universitaires
à Louvain, de manière à ce
que les francophones puissent bénéficier de célébrations liturgiques en français.
L’installation solennelle de LéonJoseph Suenens comme archevêque de Malines, photo, 1962.
[Malines, Archives de l’Archevêché]
Une Église devenue minoritaire dans un environnement pluraliste (1961-2009) ı 257
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Le cardinal Suenens contrôle les
étudiants flamands, caricature,
1966.
Lors de la polémique engagée
autour de la scission de l’Université catholique de Louvain,
les cercles flamingants font du
cardinal Suenens leur tête de
Turc. La présente caricature
paraît dans la revue’t Pallieterke du 26 mai 1966.
[Louvain, KADOC : KYC795]
9
10
11
12
13
Suenens, Souvenirs et espérances, 136-137.
Les péripéties ultérieures des
paroisses universitaires sont
du reste dignes d’intérêt. Sur
le nouveau campus de Louvain-la-Neuve, il a été décidé
de bâtir une église et une paroisse étudiante est active. À
Louvain, la paroisse universitaire est devenue un espace
expérimental de renouveau
ecclésiastique davantage
tourné vers la société. Voir à
ce propos Lattré, Aggiornamento in Leuven.
Voir Tihon, « Le Brabant wallon ».
Voir l’article de Christian Laporte, « Deux archevêchés
après le départ du Cardinal
Danneels ? », dans La Libre
Belgique, 4 décembre 2007.
Interview mené par Christian Laporte, dans La Libre
Belgique, 22 mai 2008.
point de vue et rejettent à nouveau
toute scission de l’université dans un
mandement du 13 mai 1966. La réaction flamande à cette déclaration mène
rapidement à une crise politique et à la
scission de Louvain en deux universités
distinctes, les francophones partant
pour Louvain-la-Neuve et Woluwe. La
protestation flamande vise également
explicitement l’institution ecclésiastique et la personne du cardinal Suenens qui, après coup, fait preuve d’incompréhension en continuant à faire
référence au « drame » de la scission 9.
La question de Louvain signifie non
seulement la fin des formations politiques unitaires nationales, mais divise
également l’épiscopat et met un terme
à une longue tradition d’autoritarisme
et d’interventionnisme ecclésiastique
en matière politique 10.
Depuis lors, la question de l’extension
de la fédéralisation aux institutions ecclésiastiques revient de temps en temps
à la surface, particulièrement en Wallonie 11. Ainsi, dans les années 1980, le
groupe Église-Wallonie, réuni autour
de Jean-É. Humblet (°1920), a-t-il
plaidé pour une scission de la province
ecclésiastique belge. Ce mouvement est
toutefois resté relativement limité et
n’a jamais pu traduire ses revendications dans les faits (pas davantage à
Bruxelles). Plus récemment, à l’annonce du départ à la retraite du cardi258 ı Leo Kenis
nal Danneels en tant qu’archevêque, ce
groupe a fait un timide appel pour la
scission de l’archidiocèse et la mise en
place d’un double statut particulier
pour Bruxelles 12. Questionné sur ce
point, le cardinal a fait comprendre que
cette exigence ne rencontrait que fort
peu de soutien 13.
Progressivement, les différents vicariats
ont pris leur autonomie en matière de
gestion, tandis que subsistait une coordination diocésaine sous la direction de
l’archevêque. Quand bien même évolutions et initiatives peuvent diverger, il
nous semble néanmoins opportun de
traiter en un même chapitre les différents aspects de la vie de l’Église dans
l’archidiocèse, de manière à rendre plus
visible ce qui les distingue, mais aussi
de constater leur unicité de réaction et
de point de vue en matière sociale et
politique. Avant d’esquisser ces évolutions, nous nous arrêterons à la préhistoire des vicariats et à la situation sociale dont ils sont issus.
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Léon-Joseph Suenens
(Ixelles, 16 juillet 1904 - Bruxelles, 6 mai 1996)
archevêque de Malines-Bruxelles de 1961 à 1980
L
éon-Joseph Suenens naît à Ixelles le 16 juillet
1904. Il suit l’enseignement primaire en néerlandais à Boom et l’enseignement secondaire en
français à Schaerbeek. Il devient ainsi un Bruxellois bilingue parfaitement équipé pour diriger un archidiocèse multilingue qui subira de nombreux changements
historiques, et pas seulement sur le plan communautaire.
Léon-Joseph Suenens se prépare au sacerdoce, non au
séminaire de Malines, mais à Rome où le cardinal Mercier l’envoie de 1921 à 1929 à étudier la philosophie et
la théologie à la Grégorienne. Il y décroche également
un baccalauréat en droit canon. Mercier lui conseille
dom Lambert Beauduin (1873-1960) comme directeur
spirituel à Rome. Suenens est ordonné prêtre le 4 septembre 1927. Il enseigne pendant quelque temps à
Schaerbeek, puis, de 1930 à 1940, la philosophie respectivement au petit séminaire et au séminaire SaintJoseph de Malines. En 1940, après le début de la Seconde Guerre mondiale, il est nommé vice-recteur de
l’université de Louvain, où il seconde courageusement
le recteur Van Waeyenbergh (1891-1971) dans la
confrontation avec l’occupant allemand. À Louvain,
Suenens entre en contact avec un groupe de professeurs parmi lesquels Lucien Cerfaux (1883-1968), Gérard Philips (1899-1972), Albert Dondeyne (19011985) et Franz Grégoire (1898-1977). Ils lui fournissent
le terreau intellectuel qui lui permettra d’élaborer ses
idées sur l’Église et le christianisme.
En 1945, Léon-Joseph Suenens est nommé évêque
auxiliaire et vicaire général par le cardinal Van Roey qui
le charge de tâches administratives et, plus spécialement, de l’apostolat radiophonique et du vicariat pour
l’enseignement – ce qui le plongera entre autres dans
la guerre scolaire de 1954-1958. Il attache beaucoup
d’importance à la formation et à la contribution des religieuses à la vie ecclésiale, comme il l’exprimera plus
tard dans un livre stimulant, Promotion apostolique de la
religieuse (1962). Au lendemain de la guerre, monseigneur Suenens entre en contact avec le mouvement de
réarmement moral et découvre la Légion de Marie, un
mouvement de laïcs fondé en 1921 par un Irlandais,
Frank Duff (1889-1980), comme alternative à la tradi-
tionnelle Action Catholique. Il soutient en 1947 la fondation de la section belge de la Légion de Marie et rencontre dans ce cadre l’Irlandaise Veronica O’Brien
(1905-1998), qui devient son âme sœur. Son penchant
pour la spiritualité mariale s’exprime plus tard dans sa
devise, In Spiritu sancto (« Dans l’Esprit Saint »), à laquelle il ajoute ex Maria virgine (« par la Vierge
Marie »).
En 1961, monseigneur Suenens succède à JosephErnest Van Roey comme archevêque de MalinesBruxelles, puis, en 1962, est promu au cardinalat. Après
la création du diocèse d’Anvers, il entreprend la réorganisation de l’archevêché. Entre-temps, le pape Jean
XXIII (1881/1958-1963) a pris l’initiative de rassembler
le concile Vatican II. En 1962, le cardinal Suenens devient membre de la commission centrale préparatoire
du concile. Au concile même, il joue d’emblée un rôle
de premier plan, notamment grâce à sa connivence
avec le pape. Il participe au lancement du concile en
présentant un projet de plan global, puis, sous le pape
Paul VI (1897/1963-1978), il devient un des quatre modérateurs du concile et marque de son empreinte
l’orientation du concile. Il se distingue par ailleurs par
quelques interventions importantes, entre autres au
sujet du schéma « L’Église et le monde ». Le cardinal
Suenens témoigne d’une grande largeur d’esprit, de
courage, de sens tactique et d’intuition dans sa façon
de prendre au bon moment l’initiative appropriée. Il est
soutenu par les évêques belges et leurs théologiens présents au concile, dont plusieurs appartiennent aux anciens cercles du Collège belge de Rome et de l’université
de Louvain. Ses interventions au concile feront de lui
une des figures les plus remarquées d’une Église en
quête de renouveau.
La renommée internationale du cardinal Suenens
étend inévitablement son terrain d’activité bien au-delà
des frontières de son diocèse. Lors du partage de l’archidiocèse en trois vicariats, il fait d’ailleurs remarquer
qu’il n’a jamais considéré qu’il était de son devoir d’être
« trois fois évêque », mais qu’il devait veiller, en tant
qu’archevêque, à la réalisation des grandes lignes stratégiques de la pastorale, en collaboration avec ses vicaires généraux et d’autres organes représentatifs. Il a
réussi, dans l’ensemble, et en dépit de ses nombreuses
absences, à déléguer ses responsabilités et à faire
confiance à ses collaborateurs. En Belgique, il se fait
même remarquer quelquefois, notamment de façon
explicite (et involontaire) en 1966, lorsque le mandement des évêques belges concernant l’université de
Une Église devenue minoritaire dans un environnement pluraliste (1961-2009) ı 259
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Louvain est violemment contesté en Flandre et que l’attaque vise aussi sa personne. Au cours de cette période
houleuse, pendant laquelle le laborieux processus de
réforme entraîne une polarisation dans une Église en
pleine évolution sociale, le cardinal Suenens continue
inlassablement à appliquer les décisions de Vatican II.
En 1968, il publie un de ses ouvrages les plus importants, La coresponsabilité dans l’Église d’aujourd’hui, dans
lequel il plaide pour la collégialité dans plusieurs domaines de la vie de l’Église. Les tensions concernant le
principe et l’exercice d’une authentique autorité épiscopale dans l’Église culminent avec la publication de
l’encyclique Humanae vitae. Les évêques de Belgique,
sous la direction de leur cardinal, parviennent à formuler un avis nuancé vis-à-vis de cette encyclique.
Plus tard, le cardinal Suenens commente son point de
vue sur la collégialité dans quelques interviews remarquées qui le projettent au cœur de l’actualité mondiale.
Le 15 mai 1969, dans les Informations catholiques internationales, il critique vivement le manque de collégialité
dans le processus décisionnel de l’Église, et dans une
interview donnée au journal Le Monde des 11-12 mai
1970, il réitère son plaidoyer en faveur d’une gestion
collégiale au cours d’une conversation sur la question
du célibat obligatoire pour les prêtres. Ces points de vue
provoquent le mécontentement du pape et le refus de
plusieurs de ses collègues-évêques, en particulier parmi
ses propres suffragants.
En 1972, presque simultanément, le cardinal Suenens
entre en contact aux États-Unis avec Marriage Encounter et avec le mouvement charismatique. Dorénavant,
il ne s’occupe plus de problèmes ecclésiaux structurels,
mais se consacre surtout au renouveau charismatique
dans l’Église. En 1975, Paul VI, avec lequel il s’est entretemps réconcilié, le charge de ce renouveau. Surtout
actif dans le monde anglo-saxon qui l’apprécie beaucoup, le cardinal reçoit en 1976 le prestigieux Templeton Prize pour son action en faveur du renouveau spirituel. Il publie, dans le cadre de ces activités, une série
de Documents de Malines (1974-1986), traitant des divers aspects du renouveau charismatique.
En 1979, le cardinal Suenens offre au pape sa démission
et est remplacé, le 4 janvier 1980, par Godfried Danneels. Il fait encore parler de lui à l’occasion de la publication de ses mémoires (Souvenirs et espérances, 1991,
et Les imprévus de Dieu, 1993) et d’un livre sur le roi Baudouin dans lequel il dévoile son influence sur la vie du
roi (Le roi Baudouin. Une vie qui nous parle, 1995). Léon-
260 ı Leo Kenis
Joseph Suenens meurt le 6 mai 1996 à Bruxelles, âgé
de 91 ans.
Un coup d’œil rétrospectif sur la vie du cardinal Suenens a amené certains commentateurs à mettre en lumière sa personnalité, à la fois forte et un peu énigmatique, ainsi que son influence profonde sur l’Église et
sa renommée internationale qui fit de lui un des grands
archevêques de l’histoire de Belgique. Toutefois, sa
façon de penser et d’agir ne fut pas dépourvue d’une
certaine ambiguïté : après avoir été influencé par la spiritualité traditionnelle de la Légion de Marie (19471960), il passe au renouveau de l’Église pendant et
après Vatican II, puis, à partir des années 1970, s’oriente
vers le renouveau charismatique stimulé par l’Esprit,
c’est-à-dire en fait un retour à sa piété mariale initiale.
Il insistait lui-même sur la nécessité de passer de l’engagement envers le renouveau institutionnel de l’Église
à plus de vie spirituelle, et était convaincu de la compatibilité de ces deux aspects de la vie de l’Église. Même
si l’on conclut que, dans la vie du cardinal Suenens,
l’élément spirituel traditionnel l’a finalement emporté,
il est clair qu’en inspirant, puis en préparant le terrain
des réformes de l’Église, il a donné corps à une nouvelle
forme d’autorité épiscopale, authentique et contemporaine.
Hamilton, Cardinal Suenens ; Fleckenstein, Pour l’Église de demain ;
« Le Cardinal Suenens » ; Plavsic, « Le cardinal Suenens » ;
Grootaers, « Le cardinal L.-J. Suenens » ; Idem, « Le cardinal
Suenens, stratège et charismatique » ; Idem, « Suenens, JosephLéon, dit Léon-Joseph » ; Levada, « The Charism of Leon-Joseph
Cardinal Suenens » ; Lamberigts et Declerck, « The Role of Cardinal Léon-Joseph Suenens at Vatican II » ; Declerck et Osaer,
« Les relations entre le cardinal Montini/Paul VI (1897-1978) et
le cardinal Suenens (1924-1996) pendant le Concile Vatican II ».
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Godfried Danneels succède au cardinal Suenens comme archevêque, photo, 1979.
Le 21 décembre 1979, le cardinal Suenens transmet le flambeau archiépiscopal à Godfried Danneels, évêque d’Anvers. Ce dernier sera solennellement installé quinze jours plus tard. Cette photo a été prise lors de la ‘passation des
pouvoirs’.
[Malines, Archives de l’Archevêché]
Godfried Danneels
(Kanegem, 14 juin 1933)
archevêque de Malines-Bruxelles de 1980 à 2009
G
odfried Danneels naît le 14 juin 1933 à Kanegem (Flandre occidentale). Après ses études
secondaires au collège de Tielt, il se prépare au
sacerdoce dans le diocèse de Bruges. Il est immédiatement envoyé à Louvain pour y étudier la philosophie et
obtient sa licence en 1954. Il poursuit ses études de
théologie à la Grégorienne à Rome. Le 17 août 1957, il
est ordonné prêtre à Kanegem. En 1959, il est chargé
de cours et directeur spirituel au grand séminaire de
Bruges et, en 1961, il défend sa thèse de doctorat en
théologie sur l’acte de foi chez Henri de Gand. En 1969,
il est également chargé des cours de liturgie et de théologie des sacrements à la faculté de théologie de Louvain.
En novembre 1977, Godfried Danneels est nommé de
façon inattendue évêque d’Anvers par le pape Paul VI.
À peine deux ans plus tard, le 21 décembre 1979, il succède à Léon-Joseph Suenens comme archevêque de
Malines-Bruxelles et comme président de la conférence
épiscopale belge. Son installation solennelle a lieu le 4
janvier 1980. Le pape Jean-Paul II le charge entre-temps
d’une mission internationale délicate en le nommant
second président délégué du synode spécial des
évêques des Pays-Bas. Ce synode se tient à Rome du 14
au 30 janvier 1980 et a pour but de rétablir la solidarité
et l’unité, sérieusement perturbées par plusieurs incidents, dans la communauté ecclésiale hollandaise. L’intervention conciliatrice de monseigneur Danneels est
franchement appréciée. Le 2 février 1983, il est créé
cardinal. Dans les années qui suivent, son travail est de
plus en plus estimé, notamment son apport aux synodes épiscopaux suivants. Il joue un rôle clé au synode
spécial de 1985, à l’occasion du vingtième anniversaire
de la clôture du concile Vatican II, en tant que rapporteur et auteur du rapport final en collaboration avec
Walter Kasper (°1933). Un autre point fort de l’année
1985 est la visite du pape Jean-Paul II au Benelux, qui
connaît un grand succès en Belgique. En 1987, le cardinal est chargé d’une autre mission fort délicate : il doit
notamment intervenir avec quelques collègues dans le
conflit relatif à la présence d’un carmel sur le terrain
du camp de concentration d’Auschwitz. Au cours des
années 1990-1999, le cardinal découvre l’Église universelle grâce à sa présidence de Pax Christi International.
Il est souvent invité comme conférencier par plusieurs
pays comme les États-Unis, la France et les Pays-Bas.
Dans le domaine du dialogue interreligieux, il œuvre
Une Église devenue minoritaire dans un environnement pluraliste (1961-2009) ı 261
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dans le cadre de la Conférence mondiale des Religions
pour la Paix, et plus spécialement comme comodérateur du Conseil européen des Chefs religieux dont une
section est fondée en Belgique en 2007.
Ses activités internationales obligent le cardinal Danneels, tout comme son prédécesseur, à de fréquentes
absences. Pour la gestion interne de l’archevêché, il se
fait seconder par ses plus proches collaborateurs qui
sont d’abord quatre puis trois évêques auxiliaires. La collaboration avec le groupe de gestion épiscopal se passe
fort bien ; même si le contact direct avec la communauté ecclésiale locale n’est que sporadique, le cardinal
Danneels séjourne plus fréquemment dans son diocèse
que son prédécesseur. Afin d’entretenir des liens avec
la base, il prend quelques initiatives originales. Ainsi,
deux fois par an des adultes sont invités pour une soirée
d’échanges informels au palais archiépiscopal de Malines et chaque année des rencontres avec des jeunes
ont lieu à Louvain (voir les publications Qui est Dieu pour
vous ? 1990 et Dieu, à quoi bon 2001).
Les lettres pastorales de l’archevêque de MalinesBruxelles rencontrent un franc succès depuis 1981. La
série publiée sous le titre Paroles de vie à l’occasion des
fêtes de Pâques et de Noël, traite de sujets variés, tant
religieux et spirituels que sociaux. Ces petits fascicules
sont distribués et vendus à des dizaines de milliers
d’exemplaires. Ils montrent comment Godfried Danneels remplit une des tâches épiscopales, essentielles à
ses yeux, à savoir la proclamation de la Parole. Ils mon-
262 ı Leo Kenis
trent également que, lorsqu’il s’agit de questions spirituelles et théologiques dans sa propre communauté ecclésiale, il parle avec autorité, comme auparavant
lorsqu’il faisait entendre sa voix dans le domaine de la
liturgie. La teneur de sa vision théologique s’exprime de
façon frappante dans sa devise épiscopale : Apparuit humanitas Dei nostri (« L’humanité de Dieu nous est apparue »). Cette promotion de l’humanité s’est accomplie dans la personne de Jésus Christ, et incite les
chrétiens à s’engager inconditionnellement en faveur
de l’humanité. Aussi, la vision religieuse de Godfried
Danneels constitue la base d’une humanisme chrétien
dans lequel beaucoup se reconnaissent. Afin de propager ce message, il recourt fréquemment aux média, notamment la télévision. Il apparaît dans l’opinion publique comme le représentant des catholiques belges.
Par le biais de ces apparitions régulières dans les média,
il est devenu, non seulement en Flandre, mais aussi en
Belgique francophone, le porte-parole incontesté de
l’Église de Belgique. S’exprimant avec autorité, il est estimé de tous, y compris des non-croyants. Dans ce rôle,
il ne manque jamais de faire entendre sans détours la
voix de l’Église catholique, même lorsque des sujets brûlants, comme les problèmes éthiques, alimentent le
débat de société.
Van Hoof, Entretiens avec le Cardinal Danneels ; Danneels, L’humanité de Dieu ; Danneels, Franc parler; Bogaert, Kardinaal Godfried
Danneels ; Lamberigts, « Kardinaal Danneels 15 jaar bisschop » ;
« Dossier. Kardinaal Godfried Danneels wordt 75 ».
Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:30 Pagina 263
1. Structure et direction
Le cadre décisionnel : les évêques
auxiliaires, les vicaires et leurs
collaborateurs
Dès sa nomination comme archevêque,
Léon-Joseph Suenens constitue son
équipe 14. À cette époque, deux évêques
auxiliaires du temps du cardinal Van
Roey sont toujours actifs : Paul Schoenmaeckers et Honoré Van Waeyenbergh,
tous deux vicaires généraux, ainsi que
Paul Theeuws. Durant son épiscopat, le
cardinal Suenens ne nomme pas
d’évêque auxiliaire, mais institue des vicaires généraux territoriaux, responsables de la gestion quotidienne des zones
pastorales de l’archidiocèse. En outre, la
direction du vicariat pour l’enseignement est partagée entre les vicaires généraux et le vicariat pour les religieux et
religieuses, tout d’abord confié à monseigneur Schoenmaeckers, est transmis
dès avril 1962 au chanoine René Ceuppens (1911-1980), secrétaire particulier
du cardinal 15.
Sous l’épiscopat du cardinal Danneels,
les fonctions dirigeantes sont quelque
peu restructurées en 1982 : les vicariats
14 Les dates de naissance et de
décès des personnes qui font
l’objet d’une biographie spécifique (p. 266-268) ne sont
pas mentionnées dans le
texte.
15 Nommé vicaire général,
Ceuppens est remplacé
comme secrétaire particulier
par Thierry Cogels (19141976), puis, en juin 1966, par
Wilfried Brieven (°1931). Le
chanoine Brieven demeure
secrétaire particulier du
nouvel archevêque jusqu’à
fin février 2001. Quelques
mois auparavant, en octobre
2000, Luc Van Hilst (°1967)
est désigné comme son successeur.
Le cardinal Godfried Danneels,
photo, 2003.
L’archevêque Danneels est
créé cardinal le 2 février 1983.
La photo montre le cardinal
après la célébration du saint
chrême dans la cathédrale
Saint-Rombaut à Malines le
16 avril 2003.
[Malines, Archives de l’Archevêché]
Une Église devenue minoritaire dans un environnement pluraliste (1961-2009) ı 263
Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:30 Pagina 264
Le cardinal Suenens et ses collaborateurs, photo, 1977.
La présente photo a été réalisée à l’occasion du jubilé sacerdotal du cardinal Suenens.
De gauche à droite : Rémy
Goossens, Gaston Huynen,
Paul Schoenmaeckers, le cardinal Suenens, René Ceuppens, Paul Theeuws et Henri
De Raedt.
[Malines, Archives de l’Archevêché]
territoriaux sont confiés à de nouveaux
vicaires généraux et ceux-ci sont nommés évêques auxiliaires. Par ailleurs,
Édouard Goffinet est promu vicaire général de l’archevêché en remplacement
de Paul Theeuws et des vicaires épiscopaux prennent en charge les autres secteurs de la curie 16. Depuis fin août 2000,
le vicaire général de l’archidiocèse est le
chanoine Étienne Van Billoen.
Voici l’organisation interne des vicariats
territoriaux.
Brabant flamand et Malines
Le cardinal Danneels et ses collaborateurs, photo, 1989.
Le cardinal Danneels réunit
autour de lui ses collaborateurs à l’occasion du dixième
anniversaire de son entrée en
fonction comme archevêque :
de gauche à droite, son secrétaire privé Wilfried Brieven,
Paul Theeuws, Édouard Goffinet, Rémy Vancottem, Paul
Lanneau, le cardinal Danneels,
Luk De Hovre, Jan De Bie et Jo
Cornille, attaché de presse. Ce
dernier avait déjà été nommé
sous le cardinal Suenens.
[Malines, Archives de l’Archevêché]
Le vicariat du Brabant flamand et Malines demeure sous l’autorité de
264 ı Leo Kenis
l’évêque auxiliaire Schoenmaeckers
qui, en même temps, est responsable
des paroisses relevant de la province
d’Anvers 17. Le vicaire général Theeuws
devient responsable des deux doyennés de Malines. Monseigneur Schoenmaeckers peut en outre compter sur
son adjoint Paul De Haes (1925-1984),
auquel succèdent après son décès
Guido Johnson (°1927) et Gust Stoops
(1932-1994). Jan De Bie, le successeur
de Schoenmaeckers, est désigné le 16
mars 1987 et consacré évêque le jour
de Pâques 1987 18. Son adjoint depuis
2002 est Marcel De Pauw (°1943), un
missionnaire du Sacré Cœur. Suite à la
démission de Jan De Bie pour raisons
de santé à la fin de 2008, la charge de
vicaire épiscopal est exercée par
Étienne Heyse depuis le 30 janvier
2009.
Brabant wallon
La zone pastorale du Brabant wallon est
confiée le 14 avril 1962 à monseigneur
Charles Lagasse qui désigne deux adjoints, le chanoine Léon Bataille (19081999) pour la partie orientale et le chanoine Maurice Scheuer (1906-1989)
pour la partie occidentale du vicariat.
Henri De Raedt succède à Lagasse en
mars 1970 et transfère le vicariat de
Waterloo à Wavre (rue de l’Ermitage).
Il s’adjoint les services de Henri Weber
(°1929) qui restera en fonction, avec
Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:30 Pagina 265
Sacre épiscopal de Jozef De Kesel,
photo, 2002.
Le 20 mars 2002, Jozef De
Kesel est nommé évêque auxiliaire pour Bruxelles. Le 26
mai, il reçoit l’onction épiscopale dans la cathédrale des
Saints-Michel-et-Gudule.
[Malines, Service de presse de
l’Archevêché]
des affectations diverses, jusqu’en 1987.
Rémy Vancottem succède au vicaire général De Raedt et devient évêque auxiliaire en mars 1982. Enfin, Jean-Luc
Hudsyn (°1947) succède à Henri
Weber en 1988.
Bruxelles
Le 14 avril 1962, le cardinal Suenens
nomme Pierre Goossens vicaire général
pour Bruxelles 19 et l’enseignement
Suite à la fronde de quelques doyens
qui lui reprochent sa « valse des vicaires », Pierre Goossens est remplacé
à Bruxelles par Gaston Huynen le 14 décembre 1963, tandis que l’enseignement tant francophone que néerlandophone est confié à Rémy Goossens
(1920-1981) jusqu’en 1981. Raymond
Van Schoubroeck (°1928), directeur du
« Secrétariat Interparoissial », nommé
secrétaire de Pierre Goossens, continue
son ministère auprès de Huynen dont
il devient l’adjoint, tout comme Bernard Vanden Berghe, successivement
doyen de Koekelberg et de BruxellesCentre (en 1966). À trois, ils forment
une équipe parfaitement soudée
même après la séparation des pastorales francophone et néerlandophone
en 1969.
Peu après son intronisation, le nouvel
archevêque Danneels annonce qu’il demanderait deux évêques auxiliaires
pour le vicariat de Bruxelles. Le 15 février 1982, il procède à la nomination,
pour la pastorale francophone, de Paul
Lanneau, un Bruxellois d’origine flamande mais ayant fait ses études en
français, et, pour la pastorale néerlandophone, de Luk De Hovre, jésuite, qui
arrive à Bruxelles précédé dans la Compagnie d’une solide réputation de flamingant. Raymond Van Schoubroeck
devient alors vicaire épiscopal en
charge de la pastorale des étrangers,
poste auquel lui succède le chanoine
Lode Vermeir (°1938), le 30 septembre
1993, un an après que le chanoine Van
Schoubroeck ait succédé à Bernard
Vanden Berghe au doyenné de Bruxelles Centre.
Les rapports entre les deux évêques
auxiliaires n’ont pas toujours été faciles.
Lors de leur démission pour raison
d’âge, ils n’ont qu’un seul successeur le
20 mars 2002, Jozef De Kesel, originaire du diocèse de Gand. Monseigneur
De Kesel est d’abord assisté de trois adjoints, les chanoines Herman Cosijns
(°1944) pour la pastorale néerlandophone, Jean-Luc Blanpain (°1963) pour
Une Église devenue minoritaire dans un environnement pluraliste (1961-2009) ı 265
16 Sept vicaires épiscopaux sont
nommés. Leur est confiée la
responsabilité en matière de
droit matrimonial, gestion
du temporel, religieux et religieuses, enseignement et
pastorale des communautés
catholiques d’origine étrangère à Bruxelles.
17 Le siège du vicariat est primitivement établi au palais archiépiscopal, mais les services vicariaux sont peu à
peu regroupés au Centre
pastoral diocésain à Malines.
18 Durant la vacance du vicariat, de janvier 1986 à mars
1987, les affaires courantes
sont gérées par Gust Stoops.
19 Le vicariat est d’abord établi
rue de Ligne, au centre de
Bruxelles ; le 4 juin 1973 il
prend possession de nouveaux bâtiments dans la rue
de la Linière.
Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 266
QUI DIRIGE L’ARCHEVÊCHÉ ?
Les cardinaux Suenens et Danneels sont secondés dans
l’organisation de l’archevêché par un important groupe
de collaborateurs qui mettent en pratique la gestion définie par l’archevêque et son conseil. Au cours des ans, ce
groupe change parfois de composition et de structure.
Un aperçu des fonctions dirigeantes les plus importantes
de l’archevêché est donné aux pages 263-265. Les figures
les plus marquantes de ce réseau sont présentées ici : les
vicaires généraux de l’archevêché et les vicaires (respectivement évêques auxiliaires) des trois vicariats territoriaux. Ils constituent en fait, avec l’archevêque, l’équipe
de direction de l’archevêché de Malines-Bruxelles.
VICAIRES GÉNÉRAUX
DE L’ARCHEVÊCHÉ
gué épiscopal pour la formation au presbytérat puis aux
différents ministères. En 1982, le cardinal Danneels le
prend comme vicaire général jusqu’en septembre 2000,
trouvant en lui un collaborateur fidèle qui connait bien
le diocèse. Lors de son décès en janvier 2001, le cardinal
le qualifie d’« administrateur au grand cœur ».
Étienne Van Billoen
Étienne Van Billoen naît le 11 novembre 1942 à Uccle,
obtient une licence en sociologie à l’université de Louvain et est ordonné prêtre à Bruxelles le 24 juin 1966. Il
remplit plusieurs fonctions au sein de la pastorale francophone du vicariat de Bruxelles. En 1987, il devient président du séminaire diocésain (Bruxelles et Limelette)
et, en 1998, directeur du Centre d’études théologiques
et pastorales (CETEP). Le 1er septembre 2000, il devient
chanoine honoraire et vicaire général de l’archevêché.
Paul Theeuws
VICAIRES TERRITORIAUX
Paul Theeuws, né à Aarschot le 5 janvier 1914, est ordonné prêtre le 18 avril 1938. Il obtient un doctorat en
droit canon. De 1942 à 1944, il enseigne à l’École normale catholique d’Anvers et, de 1944 à 1970, il est professeur de droit canon au grand séminaire de Malines.
De 1950 à 1988, il remplit la fonction d’official à l’archevêché. Le 13 novembre 1951, il obtient le titre de chanoine honoraire et, le 6 mai 1955, celui de prélat domestique du pape. De 1955 à 1982, il est vicaire général de
l’archevêché, puis remplit les fonctions de vicaire épiscopal judiciaire pour tout ce qui concerne le domaine du
mariage et enfin, à partir de 1988, de notaire au tribunal
ecclésiastique de Malines-Bruxelles et de prêtre délégué
pour les affaires conjugales. Il décède le 6 mars 1993.
Édouard Goffinet
Né à Hasselt en 1923, Édouard Goffinet est ordonné
prêtre en 1947. Après une candidature en philologie romane et classique, il est nommé professeur à l’institut
Notre-Dame de Tirlemont en 1949, mais retourne à
Louvain en 1952 où il obtient une licence en philologie
romane. En 1955, il est nommé professeur au collège
du Sacré-Cœur à Ganshoren, dont il devient le directeur
en 1957. En 1963, il est nommé président du grand séminaire et chanoine honoraire. Il joue désormais un
rôle important dans le diocèse et au conseil épiscopal
dont il devient officiellement le modérateur en 1971. À
partir de 1970, il assume également la charge de délé-
266 ı Leo Kenis
Brabant flamand et Malines
Paul Schoenmaeckers
Paul Constant Schoenmaeckers naît à Anvers le 6 octobre 1914. Après sa formation au grand séminaire de
Malines et l’obtention d’un diplôme de candidature en
histoire en 1938, il est ordonné prêtre le 18 avril 1938.
De 1940 à 1946, il est professeur au collège Saint-Pierre
à Louvain et en assume la direction en 1948-1949. De
1946 à 1952, il est également directeur spirituel au séminaire Saint-Joseph à Malines. En 1949, il devient président du séminaire. Le 13 septembre 1949, il acquiert
le titre de chanoine honoraire du chapitre métropolitain, puis, le 26 octobre 1952, est sacré évêque par le
cardinal Van Roey. Il devient évêque auxiliaire de l’archevêché et, lors de la scission, est chargé de la direction
de la zone pastorale du Brabant flamand et de Malines.
Au cours de sa carrière, monseigneur Schoenmaeckers
s’est particulièrement consacré à la mise en œuvre des
décisions du concile Vatican II dans le vicariat qui lui
avait été attribué. Il meurt le 8 janvier 1986.
Jan De Bie
Jan De Bie naît à Olen le 19 avril 1937 et est ordonné
prêtre le 8 juillet 1961. En 1965, il obtient la licence en
Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 267
théologie à l’université de Louvain. Jusqu’en 1969, il est
directeur spirituel du Collège pour l’Amérique latine à
Louvain (COPAL). Il part ensuite au Brésil, où il est professeur à l’institut de théologie de l’université catholique de Salvador-Bahia de 1970 à 1981. Il est également
curé de paroisse (jusqu’en 1975) et recteur du grand séminaire de Bahia (de 1975 à 1981). À son retour en Belgique, il est nommé vice-président, puis, en septembre
1982, président de COPAL. Il est sacré évêque le 19 avril
1987. Il démissionne pour raison de santé le 3 janvier
2009.
Etienne Heyse
Etienne Heyse naît à Vilvorde le 2 février 1967 et est ordonné prêtre le 12 septembre 1992. Il étudie l’histoire
moderne et la philologie orientale (candidatures) ainsi
que les sciences religieuses et la théologie (licences). En
septembre 1997, il devient, pour l’archevêché, responsable diocésain de la formation des diacres permanents.
De juillet 2000 à août 2008, il est président du séminaire Jean XXIII à Louvain. Il est aussi vicaire de la paroisse Saint-Lambert à Heverlee depuis le 1er septembre
2006. Le 30 janvier 2009, il succède à Jan De Bie comme
vicaire épiscopal pour le Brabant flamand et Malines.
Brabant wallon
Charles Lagasse
Charles Lagasse naît à Ixelles le 24 octobre 1920. Licencié en sciences politiques et sociales et en journalisme,
il est ordonné prêtre le 26 mai 1945. De 1949 à 1953, il
est vicaire à Clabecq, puis curé dans des paroisses ouvrières à Tubize. De 1962 à 1970, il est vicaire général,
responsable de la pastorale de la zone du Brabant wallon. À partir de 1970, il est entre autres conseiller permanent de ‘Prospective’, créé pour préparer l’Église du
futur. Il décède le 20 mars 1989.
Henri De Raedt
Henri De Raedt naît à Bierges le 23 avril 1921 et est ordonné prêtre le 3 juin 1944 au terme de ses études au
grand séminaire de Malines. La même année, il obtient
à l’université de Louvain le diplôme de candidat en philologie classique et en philosophie ainsi qu’un baccalauréat en philosophie. En 1946, il est nommé professeur à
l’Institut Sainte-Gertrude à Nivelles, puis, deux ans plus
tard, il est chargé de cours au petit séminaire de BasseWavre. De 1952 à 1964, il est responsable du mouvement missionnaire des jeunes ‘Fraternités de Bourgogne’. Le 26 mars 1970, il devient vicaire général pour
le Brabant wallon, tâche qu’il remplit jusqu’en 1982.
Rémy Vancottem
Rémy Vancottem naît à Tubize le 25 juillet 1943 et est
ordonné prêtre le 27 juin 1969. Il obtient en 1974 le diplôme de licencié en psychologie de la religion à l’université de Louvain. En septembre 1974, il devient membre de la direction du séminaire diocésain de Bruxelles.
Un an plus tard, il est également coresponsable des
groupes ‘Anime’ dans le Brabant wallon. À partir de
1977, il assume cette fonction également à Bruxelles. Il
devient vicaire général pour le Brabant wallon le 15 février 1982 et est sacré évêque le 21 mars 1982.
Bruxelles
Pierre Goossens
Pierre Goossens, né à Asse le 29 novembre 1915, fait ses
études au grand séminaire de Malines (1934) et au Collège belge de Rome (1935). Il est ordonné prêtre le 31 juillet 1938. Il est successivement professeur au collège SaintJean Berchmans à Anvers (1938), directeur de l’Institut
Notre-Dame à Cureghem/Anderlecht (1944), et curé de
la paroisse de la Sainte-Croix à Ixelles (1957). D’avril 1962
à décembre 1963, il est vicaire général pour Bruxelles et
pour l’enseignement.
Gaston Huynen
Gaston Huynen naît à Hakendover le 7 avril 1917 et est
ordonné prêtre le 24 juillet 1943. Il enseigne au collège
Saint-Albert de Jodoigne depuis 1945, puis, en est le directeur de 1950 à 1963. Le 14 décembre 1963, il est
nommé vicaire général pour Bruxelles et le reste
jusqu’au 30 avril 1982. Depuis 1964, il porte le titre de
chanoine honoraire. Il meurt le 26 février 1984.
Paul Lanneau
Paul Lanneau naît à Anderlecht le 22 juillet 1925 et est
ordonné prêtre le 24 juillet 1949. Nommé professeur
au collège Saint-Pierre à Louvain, il est ensuite vicaire à
Une Église devenue minoritaire dans un environnement pluraliste (1961-2009) ı 267
Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 268
Louvain (1950), à Schaerbeek (1954) et à Bruxelles
(1959). En septembre 1965, il est nommé curé à Schaerbeek et, cinq ans plus tard, responsable de la pastorale
socio-caritative à Bruxelles. En 1977, il devient doyen de
Schaerbeek-Nord et doyen de la zone Bruxelles-NordEst. Le 14 février 1982, il est nommé vicaire général
pour la pastorale francophone à Bruxelles et est sacré
évêque le 20 mars 1982. Il démissione exactement vingt
ans plus tard, le 20 mars 2002.
Luk De Hovre
Luk De Hovre naît à Nederbrakel le 27 février 1926. En
1945, il entre à la Compagnie de Jésus à Drongen et est
ordonné prêtre le 10 août 1958. De 1959 à 1964, il est
préfet au collège Saint-Jean Berchmans à Bruxelles, puis
devient recteur et directeur du collège Saint-Joseph à
Turnhout en 1964. En 1971, il devient maître des novices
et, quatre ans plus tard, supérieur de la province des jésuites flamands et président du comité des supérieurs
provinciaux d’Europe. Il est en outre nommé, en 1978,
président national des supérieurs majeurs masculins et,
deux ans plus tard, il devient le premier président des
supérieurs majeurs européens. Le 15 février 1982, il est
nommé vicaire général pour la pastorale néerlandophone à Bruxelles et est sacré évêque le 28 mars 1982.
Luk De Hovre est évêque auxiliaire jusqu’en 2002, et décède le 4 juin 2009.
Jozef De Kesel
Jozef De Kesel naît à Gand le 17 juin 1947. Après ses
études au séminaire Saint-Paul à Gand, il obtient un diplôme de candidat en philosophie et lettres et de docteur en théologie. Le 26 août 1972, il est ordonné prêtre.
En septembre 1974, il devient professeur de religion à
Eeklo et, trois ans plus tard, il enseigne à l’École sociale
à Gand. En 1980, il est nommé professeur au grand séminaire de Gand. De 1989 à 1992, il enseigne à la faculté de théologie de la K.U.Leuven. Il devient vicaire
épiscopal du diocèse de Gand le 1er mars 1992. Dix ans
plus tard, le 20 mars 2002, il est nommé vicaire général
pour Bruxelles et est sacré évêque le 26 mai 2002.
la pastorale francophone, et Lode Vermeir (à présent comme adjoint du vicaire général) pour la pastorale des
étrangers. Dans le cadre de la réorganisation de la pastorale à Bruxelles et
dans un souci de plus d’unité, seul un
adjoint est maintenu. Ainsi, depuis le 1er
septembre 2007, le chanoine Herman
Cosijns est en charge des différents secteurs pastoraux à Bruxelles.
Les structures et les organes :
organiser la coresponsabilité
20 Billiet et Dobbelaere, Godsdienst in Vlaanderen, 46.
Coresponsabilité est le leitmotiv que le
cardinal Suenens propage explicitement
au sein de l’Église. Dès le début, il introduit systématiquement ce principe dans
l’organisation de l’archidiocèse. Les
croyants sont peu à peu invités à s’impliquer davantage dans la vie de l’Église
et même dans sa gestion, non seulement par nécessité pratique, mais surtout pour mieux témoigner du carac268 ı Leo Kenis
tère communautaire de l’Église comme
peuple de Dieu. Cette intégration est rapidement qualifiée de « démocratisation programmée » par les sociologues
et s’exprime dans une structure passablement compliquée de conseils dont
suivent les grandes lignes 20.
Les organes de gestion diocésaine
Au début de son archiépiscopat, le cardinal Suenens est conseillé par le
conseil pastoral, un comité d’avis, et par
le conseil des vicaires généraux qui se
réunit chaque semaine. En 1964, le
conseil pastoral est élargi.
Le conseil épiscopal
Dans la ligne des orientations formulées par le concile, est mis en place en
1966 un conseil épiscopal qui se réunit
régulièrement autour du cardinal. La
composition de ce conseil varie, mais
les évêques auxiliaires, le vicaire général et les autres vicaires en font partie.
Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 269
Le conseil épiscopal assiste l’archevêque en matière de préparation, de
coordination et d’évaluation de la gestion en général, de même qu’en matière de nominations. En 1989, les présidents des séminaires diocésains y font
leur entrée. Depuis lors, le conseil épiscopal est le point de rencontre de tous
les vicariats et des secteurs pastoraux
de l’archidiocèse.
Les organes de gestion des vicariats
Dans les différents vicariats, le conseil vicarial constitue à l’origine l’organe le plus
important. Dans le Brabant flamand et
dans le Brabant wallon, ce conseil est officiellement mis sur pied en 1971. À
Bruxelles, deux conseils vicariaux, l’un
francophone, l’autre néerlandophone
sont déjà constitués dès octobre 1970.
Aux personnes en charge de la gestion
quotidienne du vicariat, se joignent les
doyens de district, les chefs de service, les
responsables des services diocésains et
des représentants des autres conseils
consultatifs. La composition de ces
conseils change plusieurs fois. Autour des
conseils, des groupes de travail et d’autres commissions sont également mis en
place, parmi lesquels les principaux sont
la commission formation, la commission
services et la commission liturgie, ainsi
que les services vicariaux en charge de
certains aspects de la pastorale, comme
la pastorale ouvrière, Caritas, l’évangélisation ou la pastorale familiale.
À partir de 1982, les organes de gestion
vicariale sont élargis. Dans chaque vicariat est créé un bureau vicarial, tandis
que le conseil vicarial est scindé entre
une équipe vicariale et un conseil vicarial élargi. Celui-ci doit faire entendre la
« voix de la base » et préciser les lignes
de force de la gestion. La coordination
de la gestion et du travail quotidien du
vicariat est aux mains de l’équipe vicariale, qui prépare également les dossiers de nomination. À Bruxelles, cette
structure a de nouveau été réunifiée en
un conseil vicarial bilingue dont le bureau se réunit chaque semaine et le
conseil élargi chaque mois.
Dans le Brabant flamand et Malines, le
conseil vicarial général assume l’objectif
du développement de la participation
des laïcs. Il est prévu que ce conseil réunisse une fois par an autour d’un thème
bien déterminé des représentants de
toutes les équipes pastorales paroissiales. Le premier conseil vicarial général se tient en 1989 et réunit 370 personnes. L’on constate alors que ce type
d’assemblée ne permet pas d’instaurer
un dialogue fructueux entre la base et
les organes de gestion, car sa taille en
fait plutôt un forum de rencontre. Pour
cette raison, depuis 1993, une concertation vicariale est organisée tous les
trois mois : les doyens de district, les
chefs de service et l’équipe dirigeante se
réunissent pour fixer les options de gestion du vicariat à long terme.
Le conseil presbytéral
et le conseil pastoral
Pour organiser la pastorale au niveau
des vicariats, le cardinal Suenens prend
résolument des initiatives en ligne avec
le principe de coresponsabilité introduit
par le concile Vatican II. Concrètement
cela se traduit par l’installation de
conseils presbytéraux et pastoraux démocratiquement élus.
Dès septembre 1966, neuf mois après
la fin du concile, le cardinal consulte le
clergé sur les objectifs, l’organisation et
le type de désignation des membres du
conseil presbytéral. Ceux-ci seront élus
au mois de février suivant. Un conseil
unique comporte trois sections constituées par les trois zones pastorales:
Brabant wallon, Bruxelles et Brabant
flamand plus Malines, comptant respectivement, 10, 20 et 25 membres. Le
mode de scrutin et le nombre d’élus
permet aussi une certaine forme de représentativité des catégories de prêtres ;
Une Église devenue minoritaire dans un environnement pluraliste (1961-2009) ı 269
Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 270
DIRIGEANTS DE L’ARCHEVÊCHÉ
Archevêques
1962-1980
1980-2009
Léon-Joseph Suenens
Godfried Danneels
Vicaires généraux de l’archevêché
1955-1982
1982-2000
2000-
Paul Theeuws
Édouard Goffinet
Étienne Van Billoen
Vicaires territoriaux / évêques auxiliaires
Brabant flamand et Malines
1962-1986
Paul Schoenmaeckers
1987-2009
Jan De Bie
2009Etienne Heyse
Brabant wallon
1962-1970
1970-1982
1982-
Charles Lagasse
Henri De Raedt
Rémy Vancottem
Bruxelles
1962-1963
1963-1982
1982-2002
1982-2002
2002-
Pierre Goossens
Gaston Huynen
Paul Lanneau (F)
Luk De Hovre (N)
Jozef De Kesel
Vicaires / délégués épiscopaux
Vicariat de l’enseignement
1962-1963
Pierre Goossens
1963-1981
Rémy Goossens
(1963-1966 comme directeur
diocésain)
1981-1989
1981-1994
19891994-
Vicariat pour la vie consacrée
1962
Paul Schoenmaeckers
1962-1968
René Ceuppens
1968-1977
René Ceuppens (N)
1967-1982
Pierre Helleputte (F)
(1967-1976 comme adjoint)
1976-1986
Jozef Hoing (N)
1982-1996
Gonzague Van Innis (F)
1987-1993
Joris Backeljauw (N)
1994-1995
Luk De Hovre (N)
1995-2002
Louisa (Benigna) Cools (N)
1996-2004
Françoise Cassiers (F)
2002-2007
Maria (Judith) Muyshondt (N)
2004Elisabeth Schmid (F)
2007Martha Lathouwers (N)
Vicariat pour la gestion du temporel
1962-1982
Joseph Billiauw
1982-2000
Jean De Wulf
2000-2006
Yvan Hertsens *
2006Patrick du Bois *
Officiaux
1950-1988
1988-1993
1993-2003
Paul Theeuws
Michel Lejeune
Joris Backeljauw
‘Vicariat’ pour les communautés catholiques
d’origine étrangère aux vicariat de Bruxelles
1982-1993
Raymond Van Schoubroeck
1993-2007
Lode Vermeir
2007Eric Vancraeynest
* laïc
il y siège même un représentant des
prêtres pensionnés. Le démarrage semble assez difficile et, en octobre 1969, on
décide de remplacer le conseil unique
par des assemblées de zones. Pour
Bruxelles, il y aura deux conseils, un
pour les francophones et un pour les
néerlandophones. Les prêtres membres
270 ı Leo Kenis
André Voussure (F)
Jozef Peeters (N)
Jean Janssens (F)
Jos Portael (N)
sont élus pour trois ans, mais tant à
Bruxelles qu’en Brabant wallon, ces
conseils presbytéraux connaissent
quelques interruptions.
L’élection des conseils pastoraux est
également précédée d’une large consultation. Leurs membres sont élus en
Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 271
1968 au terme d’une procédure démocratique. Pour Bruxelles, cet organe
consultatif est également divisé en un
conseil francophone, qui connaît plusieurs interruptions, et un conseil néerlandophone 21. Après quelque temps, le
choix des membres de ces conseils est
davantage structuré. Ainsi le conseil
pastoral est-il désormais en grande
partie composé de membres élus par
les conseils décanaux ; en outre, les districts, de même que certains groupes
comme la jeunesse, les handicapés ou
les malades, disposent de représentants
particuliers. Le conseil presbytéral,
quant à lui, a toujours disposé d’un
nombre proportionnel de membres
élus par secteurs (prêtres en paroisse,
prêtres actifs dans l’enseignement). En
outre, ces conseils comportent éventuellement un certain nombre de
membres cooptés. Tant le conseil pastoral que le conseil presbytéral disposent d’une compétence d’avis 22.
Enfin, pour avoir une vue d’ensemble
de la totalité des structures participatives où les laïcs s’intègrent dans la période postconciliaire, il est utile de
faire référence aux organes mis en
place au niveau interdiocésain. Ainsi,
le conseil pastoral interdiocésain (‘In-
terdiocesaan Pastoraal Beraad’, IPB)
est mis en place en 1969 au niveau des
diocèses flamands, en remplacement
de la commission flamande ‘Algemene
Raad der Apostolaatswerken’ créé en
1956. L’IPB est longtemps très actif en
tant qu’organe supérieur de concertation de l’Église de Flandre. Du côté
francophone, le Conseil Général des
Œuvres d’Apostolat de 1956 se mue
en 1964 en Conseil Général de l’Apostolat des Laïcs (CGAL), puis, en 1996,
en Conseil Interdiocésain des Laïcs
(CIL).
21 Voir Van de Weyer, Onderzoek naar de werking van de
pastorale raad Vlaams-Brabant/Mechelen.
22 Liliane Voyé a fait une évaluation comparative des
conseils presbytéraux et pastoraux pour toute la
Belgique : « Les Conseils
Presbytéraux et Pastoraux
diocésains ».
Les paroisses et les doyennés
En 1963, le vicariat du Brabant flamand
et Malines compte 21 doyennés et 346
paroisses ; dix ans plus tard, il y a 42
doyennés et 393 paroisses. Ces chiffres
varient peu jusqu’à ce que le plan pastoral 1999-2006 y apporte de profondes réformes. En 2009 il ne reste
que 15 doyennés regroupant 61 fédérations paroissiales et 389 paroisses.
Le Brabant wallon, en 1961, est divisé
en dix doyennés et 156 paroisses. Sept
nouvelles paroisses sont créées dans le
vicariat et, en septembre 1962, trois
nouveaux doyennés sont érigés au côté
Réunion du conseil pastoral,
photo, 1980.
Le conseil pastoral, élu démocratiquement, est un organisme consultatif. Il est l’application du principe de
coresponsabilité dans l’Église,
introduit par Vatican II.
À droite, le chanoine Paul
De Haes.
[Malines, Archives de l’Archevêché]
Une Église devenue minoritaire dans un environnement pluraliste (1961-2009) ı 271
Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 272
Duffel
Bornem
Sint-Amands
Willebroek
Puurs
KLEIN-BRABANT
Sint-Katelijne-Waver
MECHELEN
Bonheiden
Begijnendijk
LONDERZEEL Kapelleop-denBos
Keerbergen
Tremelo
Boortmeerbeek
Zemst
Merchtem
Wemmel
ASSE
Hekelgem
Haacht
Meise
Opwijk
Grimbergen
Kampenhout
VILVOORDE
Steenokkerzeel
Machelen
Dilbeek
Bekkevoort
HERENT
Kortenaken
Roosdaal
Drogenbos
St.-Pieters-Leeuw
Gooik
Linkebeek
St.Beersel Genesius
Rode
Galmaarden
Pepingen
Herne
Bruxelles
Sud
Boutersem
Rebecq
Braine-leChâteau
Linter
Oud-Heverlee
TIENEN
OVERIJSE
BEAUVECHAIN
Hoegaarden
Hoeilaart
Landen
RIXENSART
JODOIGNE
WAVRE
LASNE
BRAINEl’Alleud
OTTIGNIES-LOUVAINLA-NEUVE
ChaumontGistoux
MontSaintGuibert WALHAIN
Ittre
GENAPPE
Hélécine
GREZ-DOICEAU
La Hulpe
WATERLOO
TUBIZE
ZOUTLEEUW
BIERBEEK
Huldenberg
HALLE
Bever
GlabbeekZuurbemde
Bertem
Tervuren
LENNIK
Geetbets
Lubbeek
LEUVEN
Bruxelles
Ouest
Kraainem
Bruxelles
Centre Bruxelles
Nord-Est WezenbeekOpem
DIEST
Tielt-Winge
Holsbeek
Zaventem
Ternat
ScherpenheuvelZichem
Rotselaar
Kortenberg
Liedekerke
AARSCHOT
ORP-Jauche
Incourt
Ramillies
PERWEZ
COURT-SAINTETIENNE
NIVELLES
Chastre
VILLERS-LA-VILLE
L’archidiocèse de MalinesBruxelles en 2009, ses vicariats et ses décanats.
des dix précédents. Un quatorzième est
créé en 1977, dans le cadre de la réorganisation partielle de la géographie
décanale. On note pas mal d’autres modifications, notamment la subdivision
du vicariat en deux zones (est et ouest),
puis en trois zones dont les dénominations et limites ont pu varier, enfin la
suppression de ces zones en 2000. En
2009, le vicariat compte 14 doyennés et
163 paroisses. La fondation de Louvainla-Neuve suscite une polémique sur la
taille de son église, certains refusant
toute construction ostentatoire. Il faut
attendre 1983 pour voir l’église Saint272 ı Leo Kenis
François d’Assise s’élever en marge du
centre de la ville.
À Bruxelles, onze nouvelles paroisses
sont érigées depuis 1962. L’organisation décanale, qui avait subi des modifications mineures en 1960 avec le passage de sept à huit doyennés, est
profondément revue en 1965 avec la
création de cinq nouveaux doyennés,
avant la scission de Schaerbeek en deux
entités décanales (1965) et la désignation de Laeken comme doyenné en
1968. En novembre 2007, le nombre de
doyennés est drastiquement ramené à
Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 273
quatre. En 2009, le vicariat de Bruxelles
compte 108 paroisses regroupées en 28
unités pastorales pour la pastorale
francophone et 20 pour la pastorale
néerlandophone.
Pour le catholique de base, les modifications au niveau des paroisses et
doyennés sont les plus sensibles. Les
textes du concile Vatican II insistent sur
la mise en place de conseils paroissiaux
pour rendre plus concrète la coresponsabilité des paroissiens. La politique
dans l’archidiocèse encourage fortement le développement de ces conseils
ainsi que celui des conseils décanaux.
Le conseil paroissial
et le conseil décanal
Dans la pratique, les paroisses ont la liberté de choisir la forme qui leur
convient pour leur conseil paroissial :
désignation des membres par le curé,
élections, rassemblement des responsables des mouvements et groupements paroissiaux. Le conseil décanal se
compose des prêtres de paroisses, responsables des conseils paroissiaux et
des groupes de travail du doyenné, avec
éventuellement les prêtres des institutions catholiques présentes dans le
doyenné. Le conseil doit promouvoir la
collaboration entre les paroisses, coordonner le fonctionnement des groupes
de travail du doyenné, et s’atteler à la
mise en place d’une prise en charge
pastorale commune à tout le doyenné.
Tant au niveau décanal que paroissial,
les conseils sont complétés au moyen
des groupes de travail et d’une équipe.
Les groupes de travail décanaux se sont
toujours investis dans des terrains de
travail spécifiques : liturgie, catéchèse,
pastorale de la jeunesse, pastorale de la
santé, œuvres caritatives, etc. Ces
groupes de travail décanaux sont
constitués d’un responsable décanal et
de représentants des groupes de travail
paroissiaux, tandis que l’équipe pasto-
rale décanale est constituée du doyen,
du secrétaire décanal, des prêtres en
paroisse et des responsables décanaux
des différents services. Progressivement, le président et le secrétaire du
conseil décanal en font également partie. En fait, l’équipe pastorale décanale
est la continuation des anciennes
équipes presbytérales ou conférences
du même nom. Elle s’occupe de la gestion quotidienne et de la coordination
au niveau du doyenné, ainsi que de
l’exécution des décisions du conseil décanal. Le quatuor décanal complète les
organes de gestion du doyenné ; il est
constitué du doyen et de son secrétaire,
tous deux prêtres, ainsi que des président et secrétaire laïcs du conseil décanal.
Entre les doyennés et le vicariat, sont
créés des districts (pour le Brabant flamand et Malines) et des zones (pour
Bruxelles et le Brabant wallon), destinés
à servir de passage obligé entre les paroisses et doyennés d’une part, et les organes de gestion du vicariat d’autre part.
Les doyens de chaque district ou zone se
réunissent régulièrement. Ces districts et
zones sont supprimés en 2000 avec la
mise en place des fédérations de paroisses (Brabant flamand et Malines) et
des unités pastorales (Bruxelles).
Les groupes de travail paroissiaux
Dès 1965, à Bruxelles, commence le
processus de nomination d’équipes de
prêtres pour animer les paroisses. À
partir de 1971, la direction de nombreuses paroisses de ce vicariat a est
confiée à de semblables équipes 23.
Dans le vicariat du Brabant flamand et
Malines, la mise sur pied d’équipes
pastorales de ce type dans les années
1980 constitue un élément central
dans la gestion. Ces équipes sont sensées, avec leur curé, diriger et accompagner la vie quotidienne des paroisses. Au coté du curé et des
éventuels autres prêtres et diacres, doi-
Une Église devenue minoritaire dans un environnement pluraliste (1961-2009) ı 273
23 Liebens, Pastorale teams in het
vicariaat Brussel-Nederlands.
Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 274
Le lancement du statut de
l’équipe paroissiale.
Les équipes paroissiales ont
été créées pour soutenir les
prêtres des paroisses. Elles ont
obtenu un statut juridique officiel en 1993.
[Malines, Service de presse de
l’Archevêché]
24 Cela n’est confirmé par l’archevêque qu’en 1978 et repris dans l’Annuaire de 1981.
25 Les chiffres sont tirés de l’Annuaire officiel de l’archidiocèse
de Malines-Bruxelles, 1963,
qui est susceptible d’interprétation. Ils ne sont donc
donnés qu’à titre indicatif.
Un décret du 24 août 1962
fixe les critères d’appartenance à l’évêché sur base de
la fonction du prêtre ou de
son domicile le 14 avril de la
même année.
vent également y siéger quelques laïcs
responsables des différents secteurs de
la vie paroissiale. Dans le vicariat du
Brabant flamand et Malines, l’évolution locale des paroisses ne répond pas
toujours à l’ambition de certains responsables. Ainsi, le conseil pastoral
constate en 1987, qu’il n’y a que peu
d’avancées dans l’érection des équipes
paroissiales. Au conseil vicarial général
du 27 novembre 1993, un statut juridique officiel est présenté pour les
équipes paroissiales, de manière à ce
que celles-ci puissent recevoir une
agréation officielle de la part du vicariat. Avec ce choix en faveur des
équipes paroissiales, l’implication et la
coresponsabilité d’un groupe étendu
de croyants, et surtout de laïcs, atteint
un sommet. De cette manière, la rupture est nette par rapport à l’ancien
modèle paroissial où le curé et ses collaborateurs ordonnés exerçaient toutes
les responsabilités.
L’évolution vers le travail en commun
Par la diminution du nombre de prêtres
et de croyants, il n’est plus possible, ni
même nécessaire, d’organiser au niveau de chaque paroisse toute une série
d’activités, de célébrations et de mouvements. La collaboration plus intense
274 ı Leo Kenis
entre les paroisses devient dès lors un
nouvel objectif.
À Bruxelles, cette collaboration se fait
par les doyennés qui reçoivent plus de
poids. En 1965 déjà, le doyenné constitue la structure de base de la pastorale
d’ensemble. L’Annuaire de 1970 reprend
pour chaque doyenné la liste des paroisses et la liste des prêtres sans les indiquer comme affectés à une paroisse
déterminée. En mars de la même
année, on nomme des prêtres comme
membre de l’équipe sacerdotale d’un
doyenné. Par après, l’Annuaire revient à
une formule plus classique indiquant les
prêtres affectés à chaque paroisse, mais
sans préciser leur fonction. Vers 1973, la
fonction de doyen de zone, quatre pour
Bruxelles, Centre, Nord-Est, Ouest et
Sud, est mise en place24.
Dans le Brabant flamand et Malines, la
rupture des limites paroissiales en direction d’une plus grande collaboration
entre paroisses n’est pas un processus
simple, car beaucoup de paroissiens sont
très attachés à leur paroisse. On peut dire
que les paroisses ont un caractère, tantôt
actives tantôt calmes, petites ou grandes,
conservatrices et progressistes. Les faire
collaborer est donc un véritable défi. En
outre, de nombreux fidèles ont l’impression que cette collaboration leur est im-
Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 275
posée par l’échelon supérieur. Le vicariat
n’est pas resté insensible à ces ressentiments. C’est pourquoi, dans les années
1990, il propose une double piste : le
doyenné comme unité de travail et la paroisse comme unité de vie. Néanmoins,
dans le plan pastoral 1999-2006, une
nouvelle étape est franchie dans la collaboration entre paroisses. Le personnel
n’est désormais plus rattaché à une paroisse, mais à des « régions de collaboration », assez vite dénommée « zones
pastorales », puis « fédérations de paroisses ». Dans la pratique, ces fédérations ont le plus souvent pour limites, les
limites communales. Chaque fédération
dispose d’un curé de fédération responsable et d’une équipe de fédération. Dans
le même temps, les doyennés sont à
nouveau agrandis et investis de nouvelles
missions. Certains doyens sont désormais curés de fédérations et d’autres
« doyens nouveau style ». Depuis 2002,
les « unités paroissiales », sortes d’équivalents des fédérations de paroisses, sont
constituées à Bruxelles, il est vrai plus
nombreuses du côté de la pastorale francophone que néerlandophone.
Dans le Brabant wallon, le doyenné demeure l’unité pastorale de base et la
collaboration entre eux est relativement limitée. Un certain nombre de
prêtres exercent des responsabilités
pour l’ensemble d’un doyenné, mais
leur nombre ne semble pas avoir été
important.
Les tentatives pour amener à tous les
niveaux de l’archidiocèse, une plus
grande participation et plus de partage
dans les responsabilités n’ont pas toujours coulé de source. Tous les croyants
n’acceptent pas de gaieté de cœur le
plus grand rôle pris par certains laïcs
dans leur paroisse, surtout que certains
d’entre eux se comportent de manière
aussi autoritaire que les anciens clercs.
Un autre problème est la « réunionite
aigue » engendrée par la mise en
œuvre de nombre de nouveaux organes et structures et qui finit par fatiguer tant les laïcs que les prêtres. De
plus, de nombreux laïcs et prêtres de
paroisse ont encore l’impression qu’un
fossé sépare les directives de « Malines » et ce qui se vit à la base.
Cette complexité de plus en plus
grande, la transformation permanente
du réseau des conseils, des commissions et des autres groupes de travail
était le prix à payer par la communauté
ecclésiale pour la participation dans laquelle elle s’était lancée avec enthousiasme. Ce système ne pouvait davantage fournir que les conditions d’une
vie ecclésiale complète, le cadre où la
vie religieuse et l’engagement évangélique pouvaient se développer. Aussi,
avant d’examiner cette vie, convient-il
de s’arrêter un instant aux prêtres, qui
sont ses soutiens et ses moteurs traditionnels, sans lesquels la communauté
ecclésiale ne peut vivre.
2. L’organisation du personnel
La prêtrise en crise
Au début des années 1960, le nombre
de prêtres actifs dans l’archevêché est
encore largement suffisant. Dans une
perspective historique, leur nombre est
même exceptionnellement élevé en raison des nombreuses ordinations intervenues au lendemain de la Seconde
Guerre mondiale.
En 1963, après sa division en zones
pastorales, l’archevêché compte 1903
prêtres séculiers actifs 25 ; 192, soit
8,76%, sont à la retraite ou ne possèdent pas de fonction officielle. La zone
du Brabant flamand et Malines compte
987 prêtres actifs, la zone Brabant wallon 231. L’agglomération bruxelloise
en compte 619 liés à l’archidiocèse ; 22
prêtres déjà ordonnés étudient encore
Une Église devenue minoritaire dans un environnement pluraliste (1961-2009) ı 275
Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 276
Ordination sacerdotale dans la
paroisse Saint-Martin de Marbais, photo, 1972.
Des ordinations sacerdotales
de plusieurs prêtres à la fois,
comme au cours des décennies précédentes, disparaissent à partir des années 1960.
En 1972, le cardinal Suenens
aura toutefois l’occasion d’ordonner deux prêtres à Marbais, notamment Gérard
Bruyr et Guy Stenier.
[Malines, Archives de l’Archevêché]
dans un institut supérieur, 88 exercent
une fonction au niveau diocésain ou
national et 52 sont actifs dans un autre
évêché ou à l’étranger.
26 À ce sujet, voir e.a. Gevers,
« Formation du prêtre et ministère sacerdotal ».
27 Voir Latré, « In confrontatie
met de ambtsproblematiek ».
28 Parmi les prêtres actifs d’origine étrangère, 36,3% (dont
18,4% de Polonais) sont originaires de l’Union européenne actuelle, 51,8% sont
africains et 11,8% sont nés en
Amérique ou en Asie.
29 Les chiffres sont tirés de l’Annuaire de l’archidiocèse de Malines-Bruxelles, 2009.
Malgré ces chiffres plutôt rassurants,
certains signes de déclin apparaissent
dès les années 1950. Dans la décennie
qui suit et plus encore dans les années
1970, la crise de la prêtrise éclate dans
toute son ampleur 26. Elle se manifeste
par de nombreux abandons de postes
et une diminution dramatique des vocations et ordinations. Ce double phénomène a plusieurs causes. Sur le plan
social, le prêtre souffre d’une perte de
statut et de fonction, d’autant que certaines de ses tâches, par exemple celles
qui sont liées au secteur de l’enseignement et des soins, sont de plus en plus
souvent assumées par des laïcs. Sur le
plan théologique, la conception de
l’identité et de la vocation du prêtre vit
une profonde mutation : alors que
l’image traditionnelle du prêtre est celle
d’un acteur du domaine sacré, d’un intermédiaire entre Dieu et les hommes,
la nouvelle théologie du ministère en
276 ı Leo Kenis
fait un homme lié au peuple de Dieu,
centré non seulement sur le culte, mais
aussi sur la prédication et la solidarité
active avec sa paroisse et le monde en
général. Cette nouvelle vision caractérise principalement les jeunes prêtres.
Elle ne manque pas de susciter un
conflit de générations, symbolisé un
temps par le passage de la soutane à
l’habit de clergyman.
L’aspect le plus controversé de la question est l’obligation du célibat et l’aspiration concomitante à des formes alternatives, plus souples, de prêtrise.
Certains pensent qu’un changement de
politique ecclésiastique est possible
dans ce domaine. En 1967, le pape Paul
VI (1897/1963-1978) promulgue toutefois l’encyclique Sacerdotalis coelibatus,
dans laquelle il réaffirme l’obligation
du célibat, point de vue qui est ensuite
confirmé au synode des évêques de
1971 consacré au sacerdoce ministériel.
En ces années troublées, le choix univoque de la hiérarchie mène à une déception voire, parfois, à une véritable
contestation. Celle-ci est le fait de
Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 277
groupes de prêtres critiques, qui, pendant quelques années, combattent avec
véhémence la rigidité de l’autorité ecclésiastique sur ce point et d’autres encore 27.
Suite aux abandons de poste et à la
chute des vocations, le nombre de prêtres engagés dans la pastorale ne cesse
de décroître. Pour assister un effectif qui
se réduit et prend de l’âge, le vicariat fait
entre autres appel à d’anciens missionnaires, à des religieux belges et, plus
tard, en particulier dans le Brabant wallon, à des prêtres réguliers ou séculiers
originaires de Pologne et d’Afrique, dont
beaucoup étudient à l’université. En
1963, il y a 98 réguliers dans l’archidiocèse, ce qui représente 5,15% du nombre total de prêtres investis d’une fonction diocésaine ; 68 réguliers travaillent
dans la zone du Brabant flamand et
Malines, 16 dans le Brabant wallon et 14
à Bruxelles. Seuls 82 prêtres, séculiers
ou réguliers, soit 3,8%, sont nés à
l’étranger : 45 sont actifs dans le Brabant flamand et Malines, 12 dans le Brabant wallon et 25 dans la zone de
Bruxelles. En 2009, le nombre de réguliers investis d’une fonction diocésaine
passe à 269, soit 34% de tous les prêtres
actifs dans l’archevêché de MalinesBruxelles 28. Parmi eux, 105 sont actifs
dans le Brabant flamand et Malines, 57
dans le Brabant wallon, 100 à Bruxelles
et 7 remplissent une fonction au niveau
diocésain. Il y a pour l’instant 239 prêtres actifs, c’est-à-dire 31,45% du corps
de l’archevêché, d’origine étrangère :
seuls 13 d’entre eux sont affectés dans
le Brabant flamand et Malines; 131 le
sont dans le Brabant wallon, 93 à
Bruxelles et 2 sont actifs à l’étranger. Les
prêtres pensionnés sont de moins en
moins remplacés. La charge de travail ne
cesse de grandir, en particulier en vertu
des co-nominations, selon lesquelles
des prêtres sont affectés simultanément
dans plusieurs paroisses. Dans les années 1980-1990, on tente, lorsque cela
est possible, de remplacer ces co-nominations par des nominations in solidum.
Selon ce système, plusieurs prêtres se
partagent la responsabilité d’un groupe
de paroisses sous la direction d’un modérateur. L’usage est déjà connu dans le
Brabant wallon. Dans le Brabant flamand et Malines, il n’est introduit qu’en
1991, en l’occurrence à Tirlemont, à
Léau et à Willebroek.
En 2009, l’archidiocèse compte 501
prêtres séculiers actifs 29. À côté de cela,
on dénombre 269 religieux masculins
officiellement nommés dans l’archevêché et 324 prêtres (29,9%) à la retraite
ou sans fonction officielle. La zone du
Brabant flamand et Malines compte
239 prêtres actifs, celle du Brabant wallon 202. L’agglomération bruxelloise en
Une Église devenue minoritaire dans un environnement pluraliste (1961-2009) ı 277
Ordination sacerdotale de Jan De
Kinder par le cardinal Danneels,
photo, 1986.
[Malines, Archives de l’Archevêché]
Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 278
Célébration eucharistique à Woluwe-Saint-Pierre (Chant d’Oiseau), photo, 2009.
Pour faire face au manque de
prêtres, Bruxelles et le Brabant
wallon font de plus en plus
souvent appel à des prêtres
africains. C’est le cas entre autres à la paroisse Notre-Dame
de Grâce à Woluwe-SaintPierre.
[© THOC]
30 Van Calster, « Het Johannes
XXIII-seminarie te Leuven » ;
De Peuter, « Het Johannes
XXIII-seminarie te Leuven ».
Le premier président du séminaire est le futur professeur louvaniste Herman Servotte (1929-2004). Voir
KADOC, Fonds Herman Servotte et entretien avec Herman Servotte, 1991.
31 Les séminaristes néerlandophones entamant leurs
études au début de l’année
académique 1969-1970 commencent directement à Louvain.
32 Il est également possible de
ne suivre que deux ans de
philosophie. Le cycle préparatoire peut se faire en internat ou en externat.
33 Voir KADOC, Fonds Centrum
voor Kerkelijke Studies.
compte 269 liés à l’archidiocèse ; 26
prêtres exercent une fonction au niveau
diocésain et national, tandis que 24
sont actifs dans un autre évêché ou à
l’étranger.
La pénurie structurelle de prêtres, bien
établie par les chiffres, a sans aucun
doute déterminé les évolutions évoquées plus haut de la coresponsabilité
et de l’intégration de paroisses. La hiérarchie tente également de consolider
la nouvelle position du prêtre dans la
société en adaptant son éducation et sa
formation continue et en introduisant
les nouvelles fonctions de diacre et
d’animateur/animatrice pastoral(e).
Dans tout l’archevêché, des voix se font
entendre pour réclamer une reconsidération de la problématique du mi-
nistère ecclésiastique dans son ensemble.
L’éducation à la prêtrise
et la formation continue
L’éducation à la prêtrise
La principale nouveauté relative à la
formation des prêtres dans l’archidiocèse réside dans la fondation du séminaire Jean XXIII à Louvain. Immédiatement après la scission de l’ancien
archevêché, la création de séminaires
de philosophie distincts est décidée
dans le nouvel évêché d’Anvers et dans
l’archevêché. Jusqu’en 1970, les candidats à la prêtrise anversois étudient au
séminaire Saint-Joseph, puis au grand
9%
15%
4%
7%
Organisaton du personnel
dans l’archidiocèse de Malines-Bruxelles, 1963 et 2009.
prêtres séculiers actifs
prêtres réguliers actifs
prêtres pensionnés ou
sans fonction
diacres
animateurs/animatrices
pastoraux et
assistant(e)s paroissiaux
36%
23%
87%
1963
278 ı Leo Kenis
2009
19%
Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 279
séminaire ; pour ceux de l’archevêché
Malines-Bruxelles, on fonde le séminaire Jean XXIII 30. Cette restructuration
va de pair avec un plaidoyer en faveur
de l’introduction, dans le cursus, de
nouvelles priorités en accord avec le
nouveau profil sacerdotal dans la ligne
de Vatican II. Les séminaristes doivent
apprendre à travailler en groupe, de
façon à pouvoir exercer leur ministère
d’une manière collégiale. Ils doivent
aussi être préparés à collaborer avec des
laïcs. Le projet de nouveau séminaire
est élaboré à la demande du cardinal
Suenens par le chanoine Robert
Blomme (1927-1966). Le séminaire
Jean XXIII entend devenir le modèle de
la nouvelle éducation à la prêtrise. En
1964, il lance une formation bilingue
pour étudiants néerlandophones et
francophones du premier cycle (philosophie), tandis que le grand séminaire
de Malines continue d’assurer la formation en théologie.
En 1970, l’établissement malinois est
fermé. Tous les théologiens néerlandophones de l’archevêché déménagent au
séminaire Jean XXIII et poursuivent
leurs études à Louvain 31. Les candidats
francophones déménagent quant à eux
à Bruxelles. Les formations sont désormais scindées.
À partir de 1970, les séminaristes néerlandophones séjournent donc tous au
séminaire Jean XXIII. Ils y suivent
d’abord un cycle préparatoire, composé
généralement de deux années d’enseignement supérieur et d’un an de philosophie à l’Université catholique de Louvain ou au Centre d’études religieuses
(‘Centrum voor Kerkelijke Studies’,
CKS) 32. Vient ensuite une formation
théologique à l’université (cinq ans) ou
au CKS. Ce dernier est né en 1967 à
Louvain de la réunion de dix-neuf maisons de formation pour futurs
prêtres appartenant aux ordres religieux 33. En 1969, ses charges sont allégées suite à la signature d’un accord de
coopération avec l’université. Pourtant,
certains candidats continuent à fréquenter le centre, connu pour l’orientation pastorale de son projet philosophique et théologique. Enfin, après
cette formation, les séminaristes suivent encore une année diaconale, entièrement consacrée à la pastorale.
En 1995, la section de théologie du
CKS est supprimée à cause du nombre
décroissant de candidats prêtres. Pour
cette raison, notamment, un theologicum
diocésain est fondé la même année au
Centre pastoral diocésain de Malines.
Les candidats y reçoivent une formation
théologique de trois ans, suivie d’une
Une Église devenue minoritaire dans un environnement pluraliste (1961-2009) ı 279
Départ du grand séminaire,
photo, 1970.
Le 6 juin 1970, les professeurs
et les séminaristes de l’archevêché et du diocèse d’Anvers
quittent le grand séminaire.
Les séminaristes anversois
poursuivent leur formation au
‘Theologisch Pastoraal Centrum’ à Anvers ; les séminaristes néerlandophones de
l’archevêché, au séminaire
Jean XXIII de Louvain et leurs
collègues francophones, au
séminaire diocésain de
Bruxelles. Au centre de cette
photo de groupe, Mgr Daem,
évêque d’Anvers, et le cardinal
Suenens.
[Malines, Archives de l’Archevêché]
Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 280
Le séminaire Jean XXIII à Louvain, photos de Rik Daze, 1979.
En 1964 s’ouvre à Louvain le
séminaire Jean XXIII avec Herman Servotte comme premier
président. Le séminaire est,
dans l’archevêché, le symbole
du renouveau dont a bénéficié
la formation au sacerdoce.
Vues sur l’immeuble et sur
une chambre d’étudiant.
[Malines, Archives de l’Archevêché]
34 Voir 1970-1990 : CETEP 20e
anniversaire.
35 Voir Tobback, « Het Centrum
voor Priesteropleiding op rijpere leeftijd » ; KADOC,
Fonds Centrum voor
Priesteropleiding op Rijpere
Leeftijd.
36 Voir Fachinat, Réinventer le
prêtre ?
37 Cf. En Direct. Bulletin d’information et de contact du Vicariat de Bruxelles, 1966-1968.
année pastorale axée sur la pratique.
Certains séminaristes peuvent ensuite
poursuivre leurs études à Louvain ou à
Rome. Toujours en 1995, une année diocésaine propédeutique est instaurée au
séminaire Jean XXIII. En 2006, enfin,
tombe la décision de centraliser la formation des candidats prêtres des diocèses d’Anvers, de Gand, d’Hasselt et de
la partie néerlandophone de l’archevêché de Malines-Bruxelles au séminaire
Jean XXIII de Louvain.
En 1970, les candidats francophones
partent tous pour Bruxelles, où ils habitent dans de petites communautés.
Certains étudiants du premier cycle suivent des cours aux Facultés universitaires Saint-Louis ou à l’Université catholique de Louvain, d’autres reçoivent
une formation d’enseignant ou d’assistant social. Pour le second cycle, on
inaugure la même année le Centre
d’études théologiques et pastorales
(CETEP), indépendant du séminaire
diocésain 34. Le CETEP s’adresse non
seulement aux prêtres, mais aussi aux
religieux et religieuses, aux diacres et
aux laïcs qui se préparent à une tâche
au sein de l’évêché. Son programme
consiste en quatre années de théologie
et prépare au diplôme de baccalauréat
en théologie de l’UCL. Il est divisé en cycles de quatre ans. Ce programme est
progressivement supprimé au cours de
la période 1998-2001.
280 ı Leo Kenis
Une nouvelle maison pour le premier
cycle, le séminaire Notre-Dame d’Espérance est ouvert à Limelette en 1985.
Après une année d’initiation, les étudiants s’inscrivent en philosophie à
Louvain-la-Neuve. Pour le second cycle,
le séminaire Saint-Paul de Louvain-laNeuve devient pluridiocésain.
Celui qui se sent appelé à la prêtrise à
un âge plus avancé peut également se
diriger vers une formation spécifique.
En 1969, est créé à Anvers un centre
spécifique pour les candidats de tous
les évêchés flamands, le ‘Centrum voor
Priesteropleiding op Rijpere Leeftijd’ 35.
Les aspirants plus âgés peuvent y combiner leur formation avec l’exercice
d’un métier. Ce centre est fermé en
1999. Quant aux candidats prêtres
francophones qui exercent déjà une
profession, ils peuvent se rendre au séminaire Cardinal Cardijn, fondé à
Jumet en 1967 36. En 1990, celui-ci
change d’orientation ; on n’y forme
désormais plus de candidats prêtres,
mais uniquement des laïcs.
Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 281
Bénédiction de la chapelle du
séminaire Notre-Dame
d’Espérance à Limelette, photo,
1986.
Les séminaristes francophones sont accueillis, à partir
de 1985, au séminaire NotreDame d’Espérance à Limelette
pour y suivre les cours de leur
premier cycle de formation.
La chapelle du nouveau séminaire a été consacrée par le
cardinal Danneels.
[Malines, Archives de l’Archevêché]
La formation continue
Traditionnellement, la formation continue des prêtres est abordée aux réunions mensuelles, lors desquelles les
prêtres de paroisse commentent avec
leur doyen un sujet, tiré, par exemple,
de la rubrique conferentiae Theologiae de
la revue diocésaine Collectanea Mechliniensia. Dans les années 1960, des initiatives sont prises afin d’intensifier la
formation continue. En 1963, un Centre
diocésain pour la formation théologique et pastorale des prêtres ouvre ses
portes. Sa direction est confiée au chanoine Paul Anciaux (1921-1979), président du séminaire, qui organise des
journées d’étude et des sessions soit
pour l’ensemble du clergé, soit pour
certaines tranches d’âge. Ce centre est
fermé en 1969 et le soin de la formation continue est transféré aux différents vicariats. Ceux-ci ont déjà organisé des sessions pour les prêtres de
leur zone précédemment, par exemple,
les Journées du Berlaymont pour les
Bruxellois 37.
théologie de l’université de Louvain et
le ‘Centrum voor Kerkelijke Studies’, les
journées d’étude interdécanales constituent les principales opportunités de
formation continue. Elles sont créées
au lendemain du concile afin de familiariser les prêtres avec les nouvelles
conceptions théologiques et pastorales.
En 1976, ces sessions de formation s’ouvrent également aux laïcs. Dans le
même but, des soirées de formation interdécanales sont également organisées. Huit ans plus tard, les journées de
formation sont définitivement supprimées pour faire place aux soirées de
formation et d’accompagnement pour
équipes paroissiales. Des journées de
Dans le Brabant flamand et Malines, un
service vicarial de formation permanent est mis sur pied en 1969. Outre les
possibilités offertes par la faculté de
Une Église devenue minoritaire dans un environnement pluraliste (1961-2009) ı 281
Journée d’études interdécanales,
Malines, photo, 1977.
Des journées d’études interdécanales sont organisées pour
la formation continue des prêtres et, depuis 1976, également des laïcs.
[Malines, Archives de l’Archevêché]
Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 282
diocésain et intègre les bâtiments du
séminaire Jean XXIII 39.
Les prêtres francophones du Brabant
wallon et de la capitale peuvent s‘orienter pour leur formation continue vers
divers instituts établis à Bruxelles, également ouverts aux religieux et aux
laïcs : l’École des sciences philosophiques et religieuses des Facultés universitaires Saint-Louis 40, le centre
Lumen Vitae, fondé après la guerre, le
CETEP, déjà cité, et l’Institut d’Études
Théologiques, faculté inaugurée par les
jésuites en 1970. Ils peuvent aussi profiter de l’offre de cours de théologie
proposée depuis 1942 par l’Institut des
sciences religieuses, lié à l’Université catholique de Louvain.
Une théologie dans l’esprit du concile
Centre d’éducation permanente
Lumen Vitae, affiche, 1976.
Les prêtres francophones et
les collaborateurs laïcs de l’archevêché peuvent aussi faire
appel, pour leur formation, au
centre Lumen Vitae dirigé par
les jésuites. Ce centre a organisé en 1976 une semaine
d’études consacrée à la ‘catéchèse audiovisuelle à l’école’.
[Leuven, KADOC : KCA5146]
formation continue en théologie ont
également lieu pour toutes les personnes intéressées.
Le ‘Hoger Instituut voor Godsdienstwetenschappen’ (Institut supérieur des
sciences religieuses) de Malines constitue une autre instance de formation
possible 38. À partir de 1962, il organise
le samedi après-midi des cours destinés
aux prêtres, aux religieux et aux laïcs assumant une responsabilité dans la catéchèse, que ce soit au niveau scolaire
ou paroissial. En 2000, il entame une
collaboration étroite avec le theologicum
282 ı Leo Kenis
Il y a bien longtemps que la théologie
enseignée dans les instituts susmentionnés ne peut plus être considérée
comme une sorte de nouvelle theologia
Mechliniensis. Plusieurs professeurs du
séminaire sont ensuite engagés par les
facultés de théologie de Louvain ou de
Louvain-la-Neuve ou par d’autres instituts de formation continue en théologie et en pastorale. Le concile Vatican II
constitue bien entendu un jalon important dans le développement de leur
pensée, d’autant plus que les évêques
belges et leurs conseillers, surnommés
la squadra belga, exercent une forte influence au concile 41. Parmi les prêtres
de l’archevêché, Charles Moeller (19121986) et Gustave Thils (1909-2000)
sont présents à Rome en tant que peritus ; le théologien moraliste Victor Heylen (1906-1981) et le sociologue de la
religion François Houtart (°1925) collaborent à la préparation des textes
conciliaires. La théologie promue plus
tard par ces professeurs et leurs collègues, s’inscrit pleinement dans la
ligne du renouveau conciliaire 42.
Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 283
Quelques grands noms méritent d’être
mentionnés. Le dogmaticien Gustave
Thils exerce, notamment à travers sa
Théologie des réalités terrestres, publiée
déjà en 1946-1949, une influence sur le
renouvellement de la théologie dans les
années 1960 et 1970. Roger Aubert
(1914-2009) est considéré comme l’un
des principaux historiens de l’Église de
son temps. Jean Ladrière (1921-2007),
scientifique, philosophe et théologien
de renommée mondiale, œuvre à une
nouvelle approche des rapports entre
foi, philosophie et engagement. Paul
Anciaux n’influence pas seulement la
constitution du nouveau cursus du séminaire, il livre également un apport
décisif au renouvellement de la théologie sacramentaire. Spécialiste du Nouveau Testament, Jean Mouson (19221989) est un professeur apprécié au
CETEP. Dans la génération suivante, le
dogmaticien Adolphe Gesché (19282003) gagne le renom international
grâce à une œuvre magistrale en sept
volumes, intitulée Dieu pour penser
(1993-2003). Du côté flamand, des
théologiens comme Herman-Emiel
Mertens (°1928) et Robrecht Michiels
(°1933) participent au renouveau de la
théologie néerlandophone, diffusée
bien au-delà des frontières du domaine
linguistique. Des penseurs appartenant
à l’archevêché, comme le chanoine Paul
De Haes, se distinguent dans le domaine plus pratique de l’exercice de la
théologie. Ils fournissent avec des
confrères issus d’autres diocèses et de
différents ordres un apport à une théologie de haut vol, qui prolonge l’inspiration du concile tout en répondant aux
nouveaux défis posés au christianisme
par la société et le monde 43.
Cette théologie n’entre en opposition
avec la hiérarchie ecclésiastique que
dans de très rares cas. Quelques conflits
publics entre penseurs catholiques et
autorités de l’Église se produisent néanmoins au début des années 1970, pé-
riode à laquelle les oppositions internes
se manifestent le plus vivement, y compris dans le domaine théologique. En
1974, le cardinal Suenens s’élève contre
l’ouvrage Credo sans foi, foi sans Credo,
écrit par le prêtre philosophe Jean
Kamp (°1924), qui enseigne dans plusieurs établissements bruxellois. L’ouvrage est condamné pour ses divergences par rapport à la doctrine
chrétienne et son auteur démis de ses
fonctions d’enseignant 44. Le théologien
moraliste Pierre de Locht (1916-2007)
rencontre également quelques problèmes en raison de ses prises de position dans le domaine des questions
morales 45. Si ces tensions ne mènent
jamais à des conflits comparables à
ceux que connaissent les pays voisins,
cette période correspond toutefois, en
Belgique comme ailleurs, à une perte
d’élan du renouveau théologique impulsé par le concile.
Des nouvelles fonctions :
diacres et animateurs pastoraux
Les diacres
Le diaconat permanent, troisième ministère consacré après l’épiscopat et le
sacerdoce, est remis à l’honneur lors du
concile Vatican II. Le cardinal Suenens
est précisément l’un de ses avocats 46.
En mars 1967, la conférence épiscopale
belge accepte l’introduction de diacres.
Des croyants laïcs ont toutefois déjà
pris des initiatives dans ce sens précédemment, surtout en Wallonie. Le diaconat est destiné aux hommes d’âge
mûr. Certaines espèrent par ce biais devenir prêtre lorsque l’obligation du célibat sera supprimée. Les premiers diacres permanents de l’archevêché sont
consacrés en 1970 par le cardinal Suenens. En cette époque de pénurie croissante de prêtres, ils ne tardent pas à
être pleinement intégrés dans la pastorale : on compte 78 diacres permanents
Une Église devenue minoritaire dans un environnement pluraliste (1961-2009) ı 283
38 À ne pas confondre avec
l’Institut du même nom de
Louvain, fondé en 1942 et intégré par la suite dans la faculté de théologie.
39 Le vicariat pour les religieux
de l’archevêché contribue
encore à la formation continue en organisant des sessions générales avec conférences et travaux de groupe
impliquant une participation
plus active (voir p. 289).
40 Fondé en 1925 ; depuis 1968,
on y organise des sessions
théologiques sur différents
thèmes.
41 À ce sujet, voir e.a. Declerck,
« De rol van de ‘squadra
belga’ op Vaticanum II » ;
Prignon, « Évêques et théologiens de Belgique au
Concile Vatican II ». Pour des
études plus spécifiques, notamment sur G. Thils et
Ch. Moeller, voir le récent
ouvrage collectif de Donnelly
e.a., éds. The Belgian Contribution to the Second Vatican
Council.
42 On trouve une synthèse générale de la théologie postconciliaire belge dans Denaux et Harpigny, « La
Belgique ».
43 Les frontières diocésaines
sont également dépassées au
niveau des organes théologiques. En 1970, Collectanea
Mechliniensia cesse de paraître et est englobé dans les revues interdiocésaines Collationes (néerlandophone) et
La foi et le temps (francophone).
44 En l’époque, Giulio Girardi
(°1926), théologien italien
controversé, est également
licencié par le centre Lumen
Vitae de Bruxelles, où il donnait depuis 1969 un cours
consacré au rapport entre
marxisme et christianisme.
45 Voir ci-après, p. 299.
46 Voir pour ce qui suit Maskens, « Une enquête sur les
diacres francophones de Belgique » ; Vigneron, Le diaconat permanent en Belgique
francophone ; Gielis, « De invoering van het permanent
diaconaat in België » ; Haquin et Weber, éds., Diaconat, XXIe siècle.
Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 284
Ordination du diacre Charles
Lammerant à Nivelles, photo,
1989.
Le cardinal Danneels ordonne
le diacre Charles Lammerant
dans l’église Sainte-Gertrude
de Nivelles. Le diaconat permanent a été restauré sous
son prédécesseur, le cardinal
Suenens. Les diacres aident à
compenser le manque croissant de prêtres.
[Malines, Archives de l’Archevêché]
en 1983 et 89 en 1993 47. En 2009, il y a
dans l’archidiocèse 90 diacres permanents actifs : 41 dans le Brabant flamand et Malines, 18 dans le Brabant
wallon et 31 à Bruxelles (26 francophones et 5 néerlandophones). En
1985, le conseil épiscopal approuve un
texte sur la spécificité du diaconat permanent, qui sera développé d’un point
de vue théologique en 1989. La tâche
principale des diacres est le service :
soins aux malades et aux handicapés,
engagement en faveur de la paix, du
tiers-monde et du quart-monde, etc. Ils
sont en outre chargés d’une mission
évangélique, qui peut se traduire
concrètement par un accompagnement des journées de réflexion, la célébration de liturgies de la parole, de baptêmes, de mariages et d’enterrements,
la participation à des groupes d’étude
de la Bible et de conversation. Très vite,
on fait également appel aux diacres
pour remplacer le prêtre dans les paroisses qui en sont dépourvues.
47 En 1993, il y avait déjà un
diacre permanent pensionné ; deux autres séjournaient à l’étranger.
48 Voir l’étude comparative de
Mertens, Pastorale opleidingen
voor leken in de Vlaamse bisdommen.
Les animateurs et animatrices pastoraux
À partir des années 1970, outre les diacres, des animateurs pastoraux sont
également engagés dans les trois vicariats. Vers 1975, on parle pour la pre284 ı Leo Kenis
mière fois d’« animateurs et animatrices pastoraux », personnes appelées
à jouer un rôle de premier plan dans
l’accompagnement de groupes et d’associations, dans la catéchèse et dans les
groupes liturgiques et de prière. Vers la
fin de la décennie, l’évêché se met à engager des animateurs et animatrices
pastoraux rémunérés à temps partiel.
Ceux-ci sont chargés d’une mission officielle et reconnus par la communauté
de fidèles où ils exercent leur fonction.
Ils sont le plus souvent intégrés dans
une équipe pastorale. En 1993, l’archidiocèse compte 138 de ces animateurs
et animatrices pastoraux. En 1998, les
autorités ecclésiastiques décident de
nommer des « assistant(e)s paroissiaux ». Ceux-ci sont engagés dans le
contexte décanal ou dans celui de la
coopération inter-paroissiale. Juridiquement, ils bénéficient du statut de
serviteurs du culte et, depuis 1997, certains sont même payés par l’État. En
vertu de la loi-programme du 22 décembre 2008, les assistant(e)s paroissiaux sont reconnus comme une catégorie spécifique de serviteurs du culte
catholique romain et un cadre organique de 341 postes rémunérés par
l’État est établi à leur intention. La demande en assistant(e)s paroissiaux rémunérés ne cesse néanmoins de croître. En 2009, on recense officiellement
210 animateurs et animatrices pastoraux, assistants et assistantes paroissiaux dans l’archidiocèse : 6 animatrices
bénéficient d’une nomination diocésaine, 43 animateurs et animatrices
pastoraux et 15 assistant(e)s paroissiaux sont actifs dans le Brabant flamand et Malines, le Brabant wallon
compte 46 animateurs/animatrices
pastoraux et assistant(e)s paroissiaux,
et, à Bruxelles, 64 animateurs/animatrices pastoraux et assistant(e)s paroissiaux sont engagés dans la pastorale
francophone, 26 dans la pastorale
néerlandophone et 8 dans celle des
communautés d’origine étrangère. Un
Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 285
animateur et une animatrice pastoraux
sont actifs en Amérique latine, 32 des
animatrices pastorales sont des religieuses.
tique avec stage et spiritualité. Après
cette formation, les candidats diacres
reçoivent encore une formation au diaconat d’au moins un an.
La formation
Tout comme les prêtres, les diacres et
les animateurs/animatrices pastoraux
bénéficient après leur formation proprement dite d’un large éventail de
possibilités. Celles-ci ne sont du reste
pas réservées à la main d’œuvre rémunérée de l’archevêché. En 1979, une
formation pastorale de base est mise
en place pour les bénévoles. En 1985,
1200 à 1300 personnes l’ont déjà suivie.
En 1988, s’y ajoute l’initiative des soirées de formation et d’accompagnement pour équipes paroissiales, qui
remplacent les anciennes journées
d’étude interdécanales destinées aux
prêtres. Ces soirées s’adressent aux prêtres de paroisse et à leur équipe. Simultanément, on lance une autre initiative,
à savoir les journées d’études pastorales, ouvertes exclusivement aux prêtres, aux diacres et aux animateurs/animatrices pastoraux.
Tant les animateurs/animatrices pastoraux que les assistant(e)s paroissiaux
doivent suivre une formation particulière. En 1979, un cursus est instauré
pour les candidats néerlandophones.
Auparavant, les candidats de MalinesBruxelles étaient inclus dans la formation de l’évêché d’Anvers 48. À partir du
milieu des années 1980, cette formation de trois ans coïncide d’ailleurs de
plus en plus avec celle des diacres permanents. À partir de 1989, les deux
groupes passent par une période
d’orientation de trois mois avant de suivre deux ans et demi d’études théoriques. Après une courte période de
transition, ils entament ensuite une
année de stage. L’approbation des candidats diacres par la hiérarchie a lieu au
début de cette année. Après quoi, ils
sont ordonnés dans leur paroisse d’origine. En 1998, la formation est réformée de sorte qu’aujourd’hui tous suivent une formation en deux phases :
trois ans consacrés à la théologie et à la
spiritualité, deux ans consacrés à la pra-
Les diacres et les animateurs/animatrices pastoraux francophones peuvent se former dans les instituts d’enseignement théologique déjà nommés
de Bruxelles, où prêtres et religieux
Les animateurs pastoraux, caricature de Nagel, 2001.
À partir des années 1970, on
voit de plus en plus de laïcs
prendre en charge une partie
des activités pastorales. Ces
animateurs/animatrices pastoraux et assistant(e)s paroissiaux prennent une part de
plus en plus importante dans
la vie paroissiale. Le dessinateur Nagel réalise ce dessin
pour accompagner un article
de l’hebdomadaire chrétien
d’opinion Tertio (8 août 2001)
consacré à leur travail.
[Leuven, KADOC : KYC629]
Une Église devenue minoritaire dans un environnement pluraliste (1961-2009) ı 285
Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 286
étudient également, ainsi qu’à l’Institut des sciences religieuses de Louvainla-Neuve. En 1975, un programme de
formation spécifique pour laïcs est en
outre élaboré dans le Brabant wallon.
Baptisé « Anime », il est basé sur une
recherche de groupe et accompagné
par un théologien et un animateur. En
1977, cette formation est également
introduite à Bruxelles. Depuis 2000,
enfin, l’archevêché compte également
un Centre d’études pastorales et une
École de la Foi, qui se chargent de l’organisation de la formation (à Bruxelles
et à Wavre) 49.
Des voix en faveur d’une révision
en profondeur du ministère
“Deux secondes, j’arrive”, caricature, 1971.
Certains croyants de l’archidiocèse souhaitraient que l’on
ordonne des hommes mariés
et des femmes. La question
sera posée de façon explicite
en 1971, lors du conseil pastoral du Brabant wallon. C’est à
cette occasion que paraîtra
dans ‘t Pallieterke (13 mai
1971) la présente caricature.
[Leuven, KADOC : KYC795]
Le débat concernant la fonction de prêtre est en partie bloqué par le fait que
le ministère sacerdotal n’est accessible
qu’aux hommes célibataires. Dans l’archevêché, certains, en particulier à la
base, demandent que le ministère soit
repensé en profondeur et ouvert également aux femmes et aux hommes mariés. Dans les années 1990, ces voix s’affirment. Lors du conseil vicarial général
du Brabant flamand de 1989, de nombreux participants se prononcent en faveur de l’ouverture de la prêtrise aux
hommes mariés et aux femmes. Beaucoup ne comprennent pas pourquoi la
célébration des sacrements est refusée
aux animateurs pastoraux laïcs. Il ne
s’agit pas seulement de l’eucharistie,
mais, par exemple, de l’onction des malades dans les hôpitaux où ces animateurs travaillent. Le cardinal Danneels,
pour sa part, souligne dans ses homélies et des écrits publiés dans Pastoralia
la différence essentielle qui existe entre
prêtres et laïcs (laquelle n’est d’ailleurs
pas en contradiction avec la vision générale du sacerdoce commun des fidèles depuis Vatican II). Par sa consécration, le prêtre est ‘configuré’ au
Christ. Si, en pratique, les laïcs sont parfois entièrement responsables d’une
286 ı Leo Kenis
paroisse, d’un point de vue théologique, le prêtre reste le garant de l’authenticité apostolique de la prédication,
de la présence du Christ dans les sacrements et de la charité pastorale : « Une
communauté catholique n’est jamais
complète ni parfaite sans le lien au prêtre » 50.
En 1994, le pape promulgue la lettre
apostolique Ordinatio sacerdotalis, en
vertu de laquelle les femmes sont « définitivement » exclues de l’ordination
sacerdotal. Le document suscite la déception et l’incompréhension. Les
évêques belges s’efforcent de calmer les
esprits et expriment leur espoir que le
document ne sera pas interprété
comme un manque de considération
pour le travail considérable effectué par
les femmes au sein de l’Église. Plus tard,
le cardinal Danneels et le conseil épiscopal de l’archevêché rappellent que
l’indulgence à l’égard des réactions
émotionnelles ne peut déforcer l’autorité des positions officielles.
Le monde des religieux
et des religieuses
Il a déjà été dit que les nombreux ordres
et congrégations de religieux et de religieuses établis dans l’archevêché sont
présents dans des champs très divers de
la vie ecclésiastique. Non seulement ils
constituent des centres de réflexion et
de contemplation, mais beaucoup exercent aussi un service actif dans l’enseignement, les soins de santé ou les missions. Depuis plus longtemps encore, ils
servent également la vie paroissiale aux
côtés du clergé diocésain. Dans le chapitre précédent, a été expliqué comment ce groupe très diversifié de religieux avait atteint vers le milieu du XXe
siècle un nombre exceptionnellement
élevé 51. Malgré cela, des premiers
signes de régression sont observés dès
les années 1950, notamment dans le
Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 287
nombre de vocations. Dès l’épiscopat
du cardinal Van Roey, ce recul devient
un sujet d’inquiétude pour la hiérarchie. Mais, par ailleurs, il offre une forte
impulsion au renouvellement et à une
reconsidération du rôle et de la spécificité de ce groupe de croyants.
La diminution du nombre de religieux
se poursuit à un rythme accéléré dans
la seconde moitié du siècle. Le total de
religieux masculins dans l’archevêché
chute de 3595 en 1962 à 1477 en 2007.
En 1962, l’archevêché compte encore
1763 prêtres réguliers, en 2007, ils ne
sont plus que 1142. Le nombre de religieuses diminue également de 10.753
en 1962 à 3139 en 2007. Que ce soit
dans le Brabant wallon ou dans le Brabant flamand, les chiffres sont en net
recul. À Bruxelles, bien que le mouvement soit moins prononcé, toutes les
grandes communautés religieuses
masculines disparaissent progressivement. Occasionnellement, des petites
communautés se créent encore, par
exemple dans les quartiers populaires.
Les circonstances et les initiatives liées
à ce développement sont illustrées dans
les lignes qui suivent, à travers l’évolution du grand groupe de religieuses de
droit diocésain qui est le plus impliqué
dans la gestion de l’archevêché. Une
fois encore, c’est à Léon-Joseph Suenens que l’on doit une reconsidération
radicale du profil de ce groupe et une
réorganisation en profondeur de la politique qui le concerne.
Un vicariat pour les religieuses
Alors que les religieuses diocésaines
étaient traditionnellement placées sous
l’autorité du vicaire général, le cardinal
Suenens crée au début de son épiscopat
un service spécial pour toutes les religieuses. En avril 1962, monseigneur
René Ceuppens est nommé comme
successeur de monseigneur Schoen-
maeckers en tant que responsable du
« vicariat pour la vie consacrée ». Les
prêtres diocésains et réguliers qui visitent régulièrement les congrégations y
sont intégrés. Ils jouent un rôle capital
dans la réalisation concrète de la réforme des communautés religieuses féminines. Dans ce cadre, les structures
de gestion sont remaniées à plusieurs
reprises. En octobre 1962, le cardinal
crée l’Union diocésaine des religieuses
de droit diocésain, et en août de l’année
suivante, un Bureau des religieuses diocésaines, composé de quatre membres,
voit le jour. En 1976, le vicariat des religieuses est officiellement scindé en
deux équipes autonomes, même si,
jusqu’en 1997, il n’y a pratiquement pas
de collaboration entre les bureaux de
Bruxelles et du Brabant wallon 52. En
1976, Pierre Helleputte (1916-1982),
qui assistait depuis 1967 les religieuses
francophones, devient responsable de
leur bureau. Il le reste jusqu’à son décès
en 1982, puis lui succède le chanoine
Gonzague Van Innis (1920-1998). Du
côté du vicariat néerlandophone, la
fonction est exercée par le jésuite Jozef
Hoing (1918-1996). À partir de 1983,
ces responsables diocésains portent le
titre de vicaire épiscopal. En 1987,
Hoing est suivi par le dominicain Joris
Backeljauw (°1930) ; en 1994, Luk De
Hovre, évêque auxiliaire de la pastorale
néerlandophone de Bruxelles, devient
également évêque délégué pour les religieuses néerlandophone. Peu après, la
fonction est transmise à des religieuses : pour les francophones, sœur
Françoise Cassiers (°1933/1996-2004)
et sœur Élisabeth Schmid (°1943/
2004-) sont successivement déléguées
épiscopales ; chez les néerlandophones,
le poste est occupé par sœur Louisa
(Benigna) Cools (°1927/1995-2002),
sœur Maria (Judith) Muyshondt
(°1936/2002-2007) et sœur Martha
Lathouwers (°1939/2007-).
Une Église devenue minoritaire dans un environnement pluraliste (1961-2009) ı 287
49 Dans le Brabant wallon, la
formation est assurée par les
mêmes services qu’à
Bruxelles, sauf pour les catéchistes, qui, le temps de
quelques années, sont formés à Braine-l’Alleud, Jodoigne, Ottignies et Tubize.
50 Pastoralia, (1990) 6, 127.
51 Voir p. 191.
52 Le vicariat des religieux est à
l’origine établi dans le palais
archiépiscopal. En 1970, le
secrétariat néerlandophone
déménage pour le Centre
pastoral diocésain à Malines.
Les religieux francophones
n’ont pas de secrétariat fixe
jusqu’en 1997, date à laquelle
les religieux de Bruxelles et
du Brabant wallon unissent
leurs forces et fondent un
bureau permanent chez les
jésuites de la rue Liétart, à
Woluwe-Saint-Pierre.
Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 288
Couverture du livre de Suenens
Promotion apostolique de la
religieuse, 1962.
Dans son livre intitulé Promotion apostolique de la religieuse,
le cardinal Suenens plaide
pour un ressourcement et un
renouveau dans la vie des
couvents de religieuses. Les
religieuses doivent, selon lui,
vivre une vie d’apostolat actif
dans le monde.
[Leuven, KADOC : KB5409]
53 Voir à propos du Brabant
wallon Tihon, « Les religieuses en Brabant wallon ».
54 Mentionnons en particulier
l’initiative ‘Het Schrijn’, à Herent, qui lance en 1969 une
année de formation commune pour les jeunes religieuses de l’archevêché.
Cette année de noviciat est à
l’origine conçue comme collective, mais ne tarde pas à
devenir une année de formation générale.
55 Voir Haquin, « La ‘réception’
de la liturgie de Vatican II en
Belgique »; Lamberigts,
« Entwicklungen nach dem
II. Vatikanum in den Niederlanden ».
Crise et renouveau
Avant sa nomination comme évêque, le
cardinal Suenens avait déjà inspiré un
renouvellement de fond de la vie religieuse, lorsqu’il était responsable diocésain de l’Association des Supérieurs majeurs de Belgique, fondée en 1958. En
1962, il publie La promotion apostolique
de la religieuse dans lequel il plaide pour
un renouvellement et un ressourcement de la vie monastique et de l’apostolat. Son appel suscite une réaction de
grande ampleur. Dans les années 1960,
pratiquement tous les instituts religieux
de l’archevêché et d’ailleurs se lancent
dans l’organisation de « chapitres de rénovation », chargés de débattre de la
structure existante, de la règle, de la vie
communautaire et, le cas échéant, des
œuvres apostoliques. Les chapitres, qui
sont souvent à l’origine d’une révision
de la règle, sont accompagnés à certains
endroits par des collaborateurs de l’évêché. La tendance est à la démocratisation des structures internes et à davantage d’ouverture au monde. La règle
monastique est radicalement assouplie
dans de nombreuses communautés et
l’habit traditionnel, jugé vieilli, est
adapté. Au début des années 1950, la
communauté des sœurs de l’Enfant
Jésus de Nivelles est, avec l’autorisation
de l’évêque auxiliaire Suenens, la première de l’archevêché à renouveler son
habit traditionnel. Nombre de congrégations partent à la recherche de leur
identité première et de leur charisme
originel. Il en résulte un regain d’intérêt
pour les fondateurs oubliés et leurs motivations sociales et spirituelles.
Dans bien de communautés, l’apostolat
est également réorienté de façon radicale. En raison de la diminution des effectifs et du vieillissement des membres, les tâches traditionnelles des
sœurs, des frères et des pères dans le
domaine des soins de santé et de l’enseignement cessent d’être réalisables et
288 ı Leo Kenis
sont transmises aux laïcs. En revanche,
les religieux conservent souvent un rôle
dans l’administration des instituts qu’ils
ont fondés. Il faut attendre les deux
dernières décennies du XXe siècle pour
assister à l’introduction de nouvelles
structures de propriété et aux transferts
définitifs de patrimoine et de compétences.
Parallèle à ce démantèlement des œuvres traditionnelles, les jeunes recrues
des instituts religieux sont en quête de
nouveaux défis dans la pastorale ou au
bénéfice de nouveaux groupes de personnes défavorisées, comme les réfugiés et les personnes âgés isolées. Ces
nouvelles initiatives sont généralement
de plus petite échelle et plus individuelles que l’apostolat institutionnel du
XIXe siècle et de la première moitié du
XXe siècle.
La vie communautaire change également sous l’influence de la chute des
vocations. Dans la seconde moitié du
siècle, pratiquement aucune succursale
n’est créée dans l’archevêché, moins
encore de nouvelle congrégation. Dans
un premier temps, l’attention accrue
Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 289
pour le développement personnel des
membres mène à la formation de nouvelles communautés, plus petites, de
religieuses et de religieux souhaitant
vivre leur vocation parmi les gens. Mais,
avec le temps, plusieurs congrégations
se replient sur leur maison mère, si bien
que non seulement le nombre de religieux, mais aussi le nombre de bâtiments occupés commence à décroître
et que la problématique de la réaffectation se pose un peu partout. De nombreuses petites communautés de religieuses établies dans les villages
disparaissent 53. Çà et là, des congrégations fusionnent, même si leur nombre
reste, en comparaison avec la situation
dans certains autres diocèses, relativement limité. Ainsi, par exemple, les
sœurs de la charité de Malines, les
sœurs noires de Malines et les filles de
l’Immaculée Conception de la très
Sainte Vierge Marie d’Overijse fusionnent en 1967 pour former la congrégation des sœurs diocésaines d’OverijseMalines. D’autres congrégations plus
petites et en proie à des difficultés matérielles se joignent à des plus grandes,
parfois en dehors de l’archevêché.
Outre ces transformations, la formation des religieuses représente un souci
permanent. Dès les années 1970, les religieuses néerlandophones et francophones élaborent leur offre propre
dans ce domaine 54. Le vicariat constitue également une plateforme où l’on
cherche des solutions aux problèmes
matériels, canoniques et spirituels qui
affectent les instituts religieux et les religieuses en tant qu’individus.
3. La vie de l’Église
La liturgie et la pratique religieuse
La réforme de la liturgie
La première réforme introduite par le
concile Vatican II concerne la liturgie.
Dans la constitution Sacrosanctum
concilium (4 décembre 1963), le caractère communautaire des célébrations
liturgiques et l’implication de tous les
fidèles jouent un rôle central : « participation active » devient le mot clé
d’une réforme qui est pour les chrétiens
le versant le plus visible du renouveau
conciliaire 55. Contrairement à la messe
classique, la célébration eucharistique
accorde une grande importance à la liturgie de la parole. Autre élément crucial, la langue vernaculaire gagne une
Sœurs des Fraternités Monastiques de Jérusalem dans l’église
Saint-Gilles à Saint-Gilles
(Bruxelles), 2009.
La communauté religieuse des
Fraternités Monastiques de
Jérusalem s’installe à SaintGilles (Bruxelles) en 2001 à
l’invitation du cardinal Danneels. Elles ont pour vocation
d’être une oasis de contemplation au cœur de l’agitation
des villes ou, comme elles le
formulent elles-mêmes,
“d’étendre un tapis de prière
sur le macadam de nos
grandes villes”.
[© THOC]
Une Église devenue minoritaire dans un environnement pluraliste (1961-2009) ı 289
Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 290
Vue intérieure de la chapelle
Saint-Joseph Ouvrier de Willebroek, photo, 1964.
Après Vatican II, le renouveau
de la liturgie s’exprime également dans l’architecture des
églises. Marc Dessauvage, originaire de la Flandre Occidentale, crée dans l’archidiocèse
quelques églises ‘modernes’
remarquées, entre autres la
chapelle Saint-Joseph Ouvrier
à Willebroek, l’église SainteAldegonde à Ezemaal (Landen) et l’église Saint-Charles à
Attenhoven-Holsbeek.
[Malines, Archives de l’Archevêché]
Vue intérieure de l’église SaintPaul à Waterloo, photo, 1968.
Jean Cosse a dessiné pour le
Brabant wallon quelques
églises nouvelles, entre autres
l’église Saint-Paul à Waterloo,
l’église Saint-François à Louvain-la-Neuve et le monastère
bénédictin de Saint-André de
Clerlande (Ottignies) (en collaboration avec Frédéric Debuyst, prieur de la communauté).
[Malines, Archives de l’Archevêché]
56 En 2006, une édition, largement remaniée, de Zingt Jubilate est publiée.
57 Voir aussi l’œuvre de Geert
Bekaert, In een of ander huis.
Bekaert est le rédacteur du
numéro spécial Gewijde kunst
de la revue Nieuwe Stemmen,
17 (1961) 6-7. Celui-ci
contient un article sur la
nouvelle architecture religieuse en Belgique (127148), faisant notamment référence à l’exposition « Ars
Sacra 58 », de Louvain
(1958).
place nettement plus importante ; en
principe, elle peut désormais être utilisée pour tous les éléments de l’eucharistie. De plus, les décisions relatives à
ces réformes sont maintenant prises
par les conférences épiscopales nationales.
Dans l’archevêché de Malines-Bruxelles, la réforme liturgique est rapidement mise en œuvre. Deux commissions diocésaines sont créées, une pour
la liturgie en décembre 1964, l’autre
pour la musique sacrée en juin 1965.
Dès mai 1964, les lectures des célébrations publiques sont faites dans la
langue vivante et le prêtre est désormais tourné vers le peuple. L’homélie
devient obligatoire lors des messes des
dimanches et des jours de fête. En mars
1965, la concélébration est introduite.
À partir d’août 1967, la messe du dimanche peut être remplacée par celle
du samedi soir en termes d’obligation
dominicale et le canon de l’office peut
être récité dans la langue vernaculaire.
Deux ans plus tard, les croyants sont
autorisés à recevoir la communion
dans la main.
La traduction des livres liturgiques en
langue vernaculaire est un travail de
longue haleine, qui sera réalisé par les
commissions interdiocésaines francophones et néerlandophones pour la
pastorale liturgique (CIPL et ICLZ) en
collaboration avec les commissions des
domaines linguistiques apparentés. Il
porte avant tout sur le lectionnaire de
la messe, dont la nouvelle formule a été
fixée dans le missel de Paul VI en 1970.
Par ailleurs, on travaille intensivement
à la création de cantiques et de chants
en français et en néerlandais, tâche qui
implique plusieurs compositeurs et paroliers régionaux. Le plus connu d’entre
eux – et pas seulement en Flandre – est
le poète néerlandais Huub Oosterhuis
(°1933), dont les traductions de textes
liturgiques et les textes de chansons
290 ı Leo Kenis
donnent à la vie liturgique un cachet
particulier. Une formation musicale appropriée est dispensée à l’Institut de
musique liturgique et pédagogie musicale de Namur et par le Lemmensinstituut de Louvain. Au bout d’un certain
temps, après des expériences multiples
et multiformes, un degré de stabilité et
de qualité est atteint dans le répertoire
de chansons, comme en témoigne par
exemple la publication, en 1976, de
Zingt Jubilate, carnet de chant officiel
de la communauté chrétienne flamande 56.
Le renouveau de la liturgie implique
aussi une adaptation de l’espace qui lui
est dédié : pendant l’office, la communauté des fidèles se réunit à présent en
communio autour du célébrant. Pour
permettre la mise en pratique de cette
liturgie communautaire, les églises sont
réaménagées : maîtres-autels, chaires
de vérité et autres équipements apparentés, désormais obsolètes, sont abandonnés ou vendus. À la place, un nouvel
autel et un ambon sont placés au centre
de l’édifice, souvent à la croisée du transept, autour duquel les croyants peuvent se disposer en demi-cercle ou en
fer à cheval. De plus, de nouvelles
églises sont construites dans tout l’archevêché, en particulier au cours des
années 1960, en remplacement des anciennes ou en réponse aux besoins de
nouvelles paroisses et chapelles. L’un
des principaux architectes de ce mouvement de renouveau est Marc Dessauvage (1931-1984), originaire de Flandre
occidentale 57. Les églises modernes traduisent la nouvelle vision de la liturgie :
elles n’imposent plus leur verticalité
monumentale, mais sont construites
basses, dans un style sobre et discret,
éventuellement flanquées d’un petit
clocher. Souvent, elles répondent à un
plan centré ou au modèle de l’église
halle, dans lesquelles l’espace est
concentré autour de l’autel. Dans le Brabant wallon, Jean Cosse (°1931) traduit
Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 291
la théologie de la communauté dans le
concept de l’« église-maison » 58. Par
ailleurs, on cherche aussi à combiner
harmonieusement le rôle liturgique du
bâtiment avec d’autres fonctions qu’il
remplit pour la communauté paroissiale. L’organisation Domus Dei, fondée
en 1952, collecte des fonds pour la
construction de nouvelles églises ; désormais, l’œuvre finance le réaménagement intérieur de ces édifices, qui se
traduit souvent par l’aménagement de
chapelles destinées aux célébrations
quotidiennes 59.
Le renouvellement de l’espace liturgique va de pair avec un changement
de vêtements et d’ornements sacerdotaux, la création de nouveaux vitraux, la
mise en place de nouvelles sculptures,
etc. Lors du réaménagement des églises
existantes, les travaux commencent
parfois par la mise au rebut de nombreuses statues de saints qui ne cadrent
plus avec un nouveau vécu de la foi axé
sur le Christ. Il arrive d’ailleurs que cela
soit ressenti comme de l’iconoclasme
par une partie des fidèles qui ont du
mal à assimiler ces changements rapides.
En raison de ces interventions plus ou
moins radicales, le renouveau liturgique cause quelquefois des tensions et
des divergences d’opinion parmi les
membres de la communauté. D’une
part, il y a les croyants pour qui les réformes ne vont pas assez vite. Dès 1962,
au début du concile donc, les responsables de l’évêché se voient obligés de
mettre en garde contre l’exécution prématurée des modifications et des expérimentations liturgiques 60. Par la suite,
ils demandent de patience et combattent les « applications erronées » de la
réforme, comme le remplacement des
textes bibliques par des textes profanes,
l’abandon ou le remplacement des
textes officiellement autorisés, les
prières eucharistiques « maison », etc.
D’autre part, les croyants plus âgés sont
confrontés à l’élimination d’une liturgie
qui leur était familière et certains réclament le retour ou du moins le maintien
de l’ancienne messe tridentine. C’est
ainsi que dans les années 1960-1970, la
liturgie devient la pomme de discorde
la plus visible de l’Église catholique, le
symbole des oppositions qui se manifesteront bientôt sur d’autres terrains
de la vie religieuse.
Les changements de la pratique religieuse
Les tensions liées à la réception de la réforme liturgique ne sont pas le seul
problème auquel la direction de l’archevêché est confrontée. Le recul de la
Une Église devenue minoritaire dans un environnement pluraliste (1961-2009) ı 291
58 Haquin, « La vie liturgique »,
108 (sur Cosse, voir Ibidem,
30).
59 Voir Capelle, Van Innis et
Osaer, Les églises à Bruxelles ;
Boone, Böröcz et Tansens,
Eindrapport Onderzoeksopdracht « Thematische inventarisatie 20ste-eeuwse kerken ».
60 Un véritable avertissement
est lancé dès le début de Vatican II. Les prêtres sont encouragés à mettre en pratique le directoire Autour de
l’autel du seigneur, élaboré à
la fin de l’épiscopat du cardinal Van Roey, et à ne pas anticiper sur les réformes que
le concile est susceptible
d’introduire.
Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 292
Visite de l’archevêque Suenens à
Sint-Martens-Lennik, photo,
1962.
La visite de l’archevêque Suenens à Sint-Martens-Lennik,
peu après son installation, se
déroule encore dans la tradition de la pompe romaine. Ce
faste disparaîtra au cours de la
décennie suivante.
[Malines, Archives de l’Archevêché]
61 De 1962 à 1998, le Service
des statistiques religieuses,
qui dépend de la conférence
épiscopale belge, tient un décompte précis de la pratique
dominicale en Belgique. Ces
recensements prennent ensuite fin en raison du trop
gros effort logistique qu’ils
réclament. Les données en
question sont analysés chez
Voyé et Dobbelaere, « De la
religion : ambivalences et
distancements ». Partant des
enquêtes du ministère de la
Communauté flamande,
Marc Hooghe a fait une tentative d’extrapolation des
chiffres pour la Flandre
jusqu’à 2004. Voir Hooghe,
Quintelier et Reeskens,
« Kerkpraktijk in Vlaanderen ».
62 Cf. Collard, « Commentaire
de la carte de la pratique dominicale en Belgique » ; Population et pratiquants dans
les doyennés et diocèses de la
province ecclésiastique belge ;
Mols, « La pratique dominicale en Belgique »; Voyé,
Sociologie du geste religieux ;
La pratique dominicale à
Bruxelles ; Statistiques de base
des doyennés et diocèses de la
province ecclésiastique Belge ;
Wolfs, « La pratique dominicale ».
63 Pendant un certain temps,
les messes pour jeunes remportent un vif succès. À titre
d’exemple, les messes pour
jeunes de la rue L’Olivier, à
Bruxelles (1968-1974), sont
analysées par Lombaerts
dans « La symbolisation religieuse dans une messe de
jeunes ».
pratique dominicale est également très
inquiétant. En effet, la pratique dominicale, l’indicateur traditionnel de l’engagement religieux, connaît pendant la
seconde moitié du XXe siècle une évolution dramatique. Les chiffres de la période étudiée l’illustrent à l’envi 61.
En Belgique, la fréquentation hebdomadaire de l’église passe de 42,9% en 1967
à 11,2% en 1998. En Flandre, les chiffres
sont de 52% en 1967, de 12,7% en 1998
et de 9,4% en 2004. En Wallonie, ils passent de 33,9% en 1967 à 9,3% en 1998.
C’est à Bruxelles que la diminution de la
pratique est la plus spectaculaire 62. De
1950 à 1964, la pratique religieuse y
reste stable, oscillant autour des 27%, ce
qui représente en 1964 quelque
244.000 pratiquants. Ensuite, elle diminue lentement – en 1967, Bruxelles
compte encore 220.572, soit 24,3% de
pratiquants réguliers – pour chuter
brusquement après mai ’68 et Humanae
vitae. En 1972, 152.144 fidèles, c’est-àdire 17% de la population, remplissent
encore leurs obligations dominicales.
Lorsque ces statistiques sont publiées à
la fin de 1974, elles provoquent un électrochoc, à tel point que les doyens
292 ı Leo Kenis
bruxellois et le conseil épiscopal se réuniront à plusieurs reprises pour discuter
du problème. Par la suite, le nombre de
pratiquants continue à baisser pour atteindre 6,30% en 1998. Cette diminution s’explique en partie par la présence
dans la capitale de nombreux musulmans et adeptes d’autres religions. Depuis lors, la descente est peut-être enrayée, grâce à la présence de nombreux
Polonais et Africains.
Même si elle ne représente qu’un aspect de la vie religieuse, la diminution
de la pratique indique tout de même un
changement profond dans le paysage
culturel et religieux, dans lequel le catholicisme devient progressivement le
choix d’une minorité. Pour ce groupe
de plus en plus restreint, mais aussi relativement engagé, de fidèles, des célébrations « spéciales » sont organisées
dans les années 1970 : messes pour enfants, offices centrés sur les missions
ou des œuvres de bienfaisance comme
Entraide et Fraternité, actions de grâce
à l’occasion des naissances, etc. Le développement d’une liturgie pour les
jeunes représente un point particulièrement important 63. Bien entendu, les
Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 293
laïcs sont très largement impliqués
dans la liturgie. Dans certaines paroisses, il existe un ou plusieurs groupes
de travail liturgiques, qui préparent
toutes les célébrations. Dans d’autres,
des groupes de travail occasionnels préparent la liturgie des grandes fêtes.
L’intégration de laïcs dans les célébrations eucharistiques hebdomadaires
est liée à une volonté de coopération
dans la vie ecclésiale, mais aussi à la
pénurie déjà signalée de prêtres, qui
se fait principalement sentir à partir
des années 1980. La rationalisation du
nombre d’eucharisties devient un élément important de la politique de
l’Église qui consiste à créer une collaboration plus intense entre paroisses.
Pour alléger la charge des prêtres, on
réduit le nombre d’offices. Ceux qui
attirent moins de monde, en particulier ceux du dimanche matin tôt, sont
progressivement supprimés. À la
longue, il reste deux célébrations par
week-end et par paroisse : le samedi
soir et le dimanche. En même temps,
la réduction du nombre d’offices permet d’améliorer la qualité de ceux qui
subsistent et d’y impliquer davantage
les fidèles.
Outre la rationalisation du nombre
d’eucharisties, des célébrations non eucharistiques assumées par un diacre ou
un laïc peuvent offrir une solution alternative. Au début, ces célébrations du
week-end – liturgie de la parole avec
distribution de la communion – ne
sont acceptées que dans les situations
d’urgence. En 1985, la Commission liturgique du Brabant flamand et Malines formule quelques propositions en
lien avec les célébrations susceptibles
de remplacer les eucharisties. Les liturgies de la parole, réunions de prières et
autres louanges avec distribution de la
communion comptent parmi les solutions envisagées. L’important est que la
différence entre ces célébrations et
L’Église de Bruxelles comme minorité, caricature d’André van
Laere, 2002.
Dans les grandes villes comme
Bruxelles, les catholiques sont
de plus en plus minoritaires.
Dans une sorte de ‘testament
pastoral’ de 2006, l’ancien
évêque auxiliaire Luk De
Hovre parle de Bruxelles
comme d’un “pays de mission
qui a grand besoin d’une nouvelle évangélisation”. Cette caricature a paru dans Terugblik
op twintig jaar pastoraat in
Brussel 1982-2002 (Bruxelles,
2006) de Mgr De Hovre.
[Louvain, K.U.Leuven, Maurits
Sabbebibliotheek : 2-007966]
l’eucharistie soit suffisamment nette.
Dans les années 1990, des modèles de
liturgie de la parole et de la communion sont élaborés, mais il faut attendre
1996 pour qu’apparaisse progressivement une plus grande ouverture vis-àvis de ces alternatives et que les laïcs
soient autorisés à célébrer des offices
non eucharistiques.
Les sacrements : à la rencontre des
« chrétiens occasionnels »
Alors que les offices hebdomadaires
connaissent une forte diminution de
fréquentation – autrement dit, que le
nombre de pratiquants ou de membres
permanents de la communauté se réduit à une minorité –, d’autres rituels
connaissent un recul moins net. Certains rituels de vie, en particulier le
baptême, la confirmation, le mariage et
l’enterrement, résistent bien mieux à
l’érosion 64. Les chiffres connus concernant les baptêmes, les mariages et les
enterrements chrétiens montrent que
la participation à ces rituels est sensiblement plus élevée que la pratique
dominicale 65. En 1967, 93,1% des
nouveau-nés sont encore baptisés en
Belgique, 86,1% de tous les candidats
au mariage optent encore pour un
mariage religieux et 84,3% de tous les
Une Église devenue minoritaire dans un environnement pluraliste (1961-2009) ı 293
64 Voir Dobbelaere, Leijssen et
Cloet, éds., Levensrituelen :
het vormsel ; Leijssen, Cloet et
Dobbelaere, éds., Levensrituelen : geboorte en doopsel ; Burggraeve e.a., éds., Levensrituelen : het huwelijk ; Leijssen
e.a., éds., Levensrituelen : dood
en begrafenis.
65 On trouve un tableau dans
Voyé et Dobbelaere, « De la
religion : ambivalences et
distancements », 149.
Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 294
66 Voir aussi la très instructive
étude comparative de Dobbelaere et Billiet, « Late
20th-Century Trends in Catholic Religiousness ».
défunts sont encore enterrés religieusement. Dans les décennies qui suivent,
ces chiffres baissent : en 1998, le nombre de baptêmes est passé à 64,7%,
celui de mariages religieux à 49,2% et
celui de funérailles religieuses à 76,6%.
Les diminutions ne sont pas parallèles :
tandis que la pratique dominicale diminue sérieusement dès les années 1970,
le revirement se produit, en ce qui
concerne les mariages, plutôt dans les
années 1980. Quant au nombre de
baptêmes et d’enterrements religieux,
il ne diminue sérieusement qu’à partir
des années 1990. L’explication de ces
données est complexe, mais elles laissent présumer que ces rituels gardent
une certaine importance aujourd’hui, y
compris pour les gens qui se disent
moins ou même pas du tout pratiquants 66. Ces célébrations permettent
aux gens d’exprimer un sentiment religieux aux moments-clés de leur vie,
même si leur implication dans l’institution qui propose les rituels est limitée.
En participant aux rites de passage,
beaucoup restent impliqués dans la vie
de l’Église de manière occasionnelle.
Ces membres « périphériques » ou
« marginaux » de l’Église sont des personnes qui se disent encore catholiques, mais ne pratiquent plus chaque
semaine. Pour aller à leur rencontre,
l’Église opte pour une pastorale sacra-
Cérémonie de confirmation dans
la paroisse de la Sainte Famille à
Woluwe-Saint-Lambert, photo,
1997.
Nombreux sont les soi-disant
‘chrétiens en marge’ qui restent néanmoins fidèles aux
rites de passage comme la
confirmation. Si ces célébrations ont été rendues plus accessibles à tous, elles n’en restent pas moins soumises au
cadre imposé par l’Église et
par la liturgie.
[Malines, Service de presse de
l’Archevêché]
294 ı Leo Kenis
mentaire « à la portée de tous », qui
tient compte du niveau réel d’implication religieuse caractérisant ce vaste
groupe de population. En 1975, le vicariat du Brabant flamand et Malines publie à cet effet la brochure Met open
handen, dans laquelle il promeut délibérément l’image d’une Église chaleureuse et accueillante. La publication se
rapporte en fait à la pastorale du baptême et du mariage, mais elle constitue
un élément d’une approche pastorale
générale axée sur l’accessibilité, visant
à encourager les gens à une préparation individuelle et à les accompagner
également après la réception du sacrement.
Dans l’élaboration d’un service sacramentaire destiné aux chrétiens occasionnels, des tensions ne tardent pas à
se faire jour entre les attentes des gens
et les exigences auxquelles les célébrations doivent se conformer dans le
cadre liturgique. Souvent, un équilibre
doit être recherché entre l’usage de
textes religieux appropriés et de textes
personnels, par exemple lors des mariages et des confirmations. Il en va de
même pour les funérailles : le cardinal
Danneels s’insurge régulièrement
contre les enterrements dans lesquels
textes et homélies se conjuguent pour
former une sorte d’in memoriam, pratiquement dépourvu de tout référence
Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 295
explicite à la vision chrétienne de la
mort et de la vie après la mort. En 1992,
un nouveau vade-mecum de pastorale
des sacrements est publié dans le Brabant flamand et Malines. Il vise à instaurer une forme plus coordonnée
d’accueil, de préparation, de célébration et de suivi au sein d’un même
doyenné et d’un même vicariat. À la
même époque, un vade-mecum analogue voit le jour à Bruxelles.
Enfin, le sacrement de la confession disparaît dans sa forme ancienne, à un
rythme très rapide, dès les années
1960. En quelques décennies, la confession traditionnelle est presque entièrement remplacée par des célébrations
communes et moins fréquentes. La direction de l’évêché n’exprime pas une
franche satisfaction au sujet de cette
évolution, notamment parce que le
choix de la célébration collective entraîne la perte de la signification personnelle du péché et du pardon. Le sacrement de la confession est de plus en
plus souvent nommé « sacrement de
réconciliation », un changement de
nom qui résume à lui seul la nouvelle
signification qui lui est prêtée : aux notions de péché et de pardon se substitue celle de réconciliation avec Dieu et
la communauté ecclésiastique. Ce glissement de sens et de pratique fait sans
doute de la confession l’une des illustrations les plus parlantes de la mutation profonde vécue par la foi catholique à la période contemporaine.
Les innovations dans la catéchèse
La formation religieuse des enfants et
des jeunes reste une préoccupation
majeure des autorités religieuses, car
celles-ci désirent s’inspirer des nouvelles idées et des nouveaux défis qui
voient le jour dans ce domaine 67. À la
fin de 1963 un service diocésain pour la
catéchèse est mis sur pied dans le but
Couverture de Met open handen (Malines, 1975).
Afin de rendre les rites de passage plus accessibles à tous,
l’archevêché publie des brochures comme Met open handen. Cette dernière concerne
la pastorale du baptême et du
mariage.
[Louvain, KADOC : KB6207]
explicite d’apporter un renouveau basé
sur les nouvelles idées et sur les pratiques utilisées dans l’étude de la Bible,
dans la liturgie et dans la pédagogie.
Un premier changement important est
la responsabilité croissante des laïcs
dans la catéchèse. De nombreuses paroisses font appel à des catéchistes ou
à des familles de catéchistes pour la catéchèse de la confirmation et de la première communion. Quant à la méthode, la plupart des catéchistes optent
pour une approche nouvelle qui se
fonde sur l’expérience et que les autorités diocésaines encouragent. Le fil
conducteur de l’éducation à la foi ne
réside plus dans l’apprentissage des vérités de la foi et des règles de conduite,
mais doit amener les enfants et les
jeunes à découvrir le mode de vie chrétien en partant de leur propre vécu.
Cette approche basée sur le vécu et
préparée par des travaux en petits
groupes n’empêche cependant pas que
la célébration de la confirmation corresponde pour beaucoup de jeunes à
leur dernière visite à l’église. Pour
contrer ce phénomène, certaines paroisses ont retardé l’âge de la confirmation de douze ans à dix-sept ans. Les
Une Église devenue minoritaire dans un environnement pluraliste (1961-2009) ı 295
67 Pour ce qui suit, voir
quelques données dans Henrivaux et Simon, « La catéchèse et l’enseignement religieux » ; Bulckens, « De
geleidelijke doorbraak van de
volwassenencatechese », 5859.
Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 296
Rassemblement de jeunes à
Malines, photo, 1982.
Le cardinal Danneels essaie
d’entretenir le contact avec la
base, et aussi avec les jeunes.
C’est pourquoi il organise,
entre autres, des soiréesdébats informelles au palais
archiépiscopal.
[Malines, Archives de l’Archevêché]
autorités diocésaines sont partagées
sur la question. En 1992, le conseil épiscopal signale que cette ‘expérience’,
qui n’a d’ailleurs pas résolu le problème, exige souvent de la part d’une
paroisse beaucoup trop d’énergie. Cinq
ans plus tard, l’évêque auxiliaire Jan De
Bie et quelques autres estiment néanmoins qu’une préparation plus longue
et une confirmation à dix-sept ans
semblent avoir donné dans plusieurs
paroisses des résultats fructueux.
Dans les paroisses où le sacrement de
confirmation continue à être administré à douze ans, une pastorale de jeunes
appropriée appelée le plus souvent
« Plus 13 » est proposée aux jeunes
entre douze et dix-huit ans. En 1983,
quelque 35 paroisses ont un groupe
d’animation « Plus 13 ». Celle-ci est
axée sur le travail par petits groupes,
sur le sens des responsabilités et sur un
accompagnement dans la foi basé sur
le vécu concret des jeunes. Ces dernières années, dans l’archidiocèse, la
confirmation est de plus en plus souvent dissociée de la profession de foi solennelle. Elle est désormais préparée au
sein d’une pastorale des jeunes plus
vaste et la fête se vit en union et en collaboration avec plusieurs paroisses.
296 ı Leo Kenis
Également nouveau est le fait que la catéchèse donnée aux enfants fournit
l’occasion d’évangéliser les adultes. Les
parents sont de plus en plus souvent invités à s’impliquer dans l’événement catéchétique. Aujourd’hui, lors de la
confirmation, les parents conduisent
généralement leur enfant au sacrement, en lieu et place des parrain et
marraine qui, jadis, étaient souvent l’un
ou l’autre notable de la paroisse. L’accent est également mis sur le rôle des
parents dans la préparation à la première communion. En 1973, une note
vicariale affirme même que la pastorale de la préparation à la première
communion doit autant viser à alimenter la foi des parents qu’à procurer une
éducation religieuse aux enfants. La
préparation à la première communion
n’est d’ailleurs plus la tâche exclusive de
l’école, mais elle est organisée par une
catéchèse paroissiale de première communion. Rappelons enfin que les parents sont également invités à s’impliquer plus directement dans le baptême
de leurs enfants.
On constate que tous les vicariats accordent beaucoup d’attention à la pastorale des jeunes, sous toutes sortes de
formes. Ainsi, le vicariat du Brabant flamand et Malines organise chaque
année pendant les vacances d’été un
camp sous tente, conjointement avec le
diocèse d’Anvers jusqu’en 1993, puis
séparément. D’autres priorités importantes dans les services à rendre à la
jeunesse sont l’instauration d’équipes
interdécanales de pastorale des jeunes
ainsi que la formation et le financement d’aumôniers de la jeunesse.
Enfin, les services de catéchèse des
adultes créés en 1963 dans plusieurs vicariats sous l’impulsion du cardinal
Suenens méritent d’être cités, en particulier le catéchuménat des adultes 68.
Divers centres de catéchèse pour
adultes sont créés dans ce cadre,
Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 297
comme par exemple le centre bruxellois Yabboq (Centre de formation chrétienne pour jeunes adultes), qui fonctionne de 1982 à 1991. Une description
de la situation à Bruxelles en 1993
donne un exemple de l’importance de
cette catéchèse pour candidats au catholicisme. Elle montre que plusieurs
équipes catéchétiques œuvrent dans ce
catéchuménat. Les catéchumènes sont
le plus souvent de jeunes Belges, catholiques puisque baptisés, mais désireux
de prendre un nouveau départ dans la
foi 69. En 2009, en Belgique, au moins
de 153 adultes entrent dans l’Église catholique par le baptême et la confirmation, parmi lesquels 60 candidats au
baptême originaires de l’archidiocèse
de Malines-Bruxelles : 9 néerlandophones, 11 du Brabant wallon et 40
francophones de Bruxelles.
Plusieurs programmes pour la formation des catéchistes sont mis au point
dans les vicariats, en partie dans le
cadre de la formation des animateurs
et animatrices pastoraux et des assistant(e)s paroissiaux, en partie spécifiquement à leur intention. Le vicariat
du Brabant wallon ouvre en septembre 1976 un « Service audiovisuel pour
la catéchèse », qui reçoit le nom de Sycomore 70.
L’individualisation de la morale
La révolution culturelle des années
1960 s’accompagne d’une individualisation poussée qui imprègne également la vie religieuse. Les gens élaborent leur propre foi, et cette quête les
conduit parfois à la limite ou en dehors
du cadre des communautés ecclésiales.
Ce processus s’est également peu à peu
accompli dans la Belgique catholique.
Sur le plan éthique, l’individualisation
s’exprime dans l’option en faveur d’une
morale autonome, qui fait que l’obéissance traditionnelle aux directives de
l’Église perd de sa force de persuasion.
Cette évolution se manifeste de façon
très explicite dans les questions de morale sexuelle vis-à-vis desquelles l’Église
catholique doit défendre sa vision traditionnelle contre une libéralisation
croissante.
Depuis les années 1950, la demande se
fait de plus en plus pressante de la part
de certains catholiques qui souhaitent
que de leurs questions touchant le mariage chrétien et la vie de famille soient
prises en compte 71. Les autorités ecclésiastiques, sous l’impulsion du cardinal
Suenens, se préoccupent elles aussi de
l’évolution de la pastorale du mariage
et de la famille. À partir de là est créé,
en 1959, un Centre national de pastorale familiale / Nationale Raad voor
Gezinspastoraal, dont les sections francophones et néerlandophones développent chacune leur propre stratégie.
Le centre francophone devient, sous la
direction du théologien moraliste
Pierre de Locht, le Centre d’éducation
à la famille et à l’amour (CEFA). Des
écoles du mariage sont organisées72, et
une Commission diocésaine pour la
Pastorale familiale est créée en octobre
1962. Il est à noter que les théologiens
moralistes ne sont pas les seuls à participer à cette réflexion sur une vie
conjugale chrétienne responsable,
mais que des laïcs y sont enfin explicitement associés. Une des questions les
plus pressantes concerne le contrôle
des naissances et la permissivité dans
l’utilisation de contraceptifs. L’attente
d’une décision du concile en la matière
est grande, notamment de la part du
cardinal Suenens qui, au cours du
concile, se montre favorable à plus de
souplesse de la part de l’Église. La question du contrôle des naissances est toutefois soustraite au processus décisionnel du concile par le pape Paul VI et
confiée, sous son autorité, à une commission séparée.
Une Église devenue minoritaire dans un environnement pluraliste (1961-2009) ı 297
68 Les réunions de fiancés se révèlent d’ailleurs une formule
idéale pour atteindre les
jeunes adultes (voir p. 298).
69 Fossion, « Physionomie des
catéchumènes à Bruxelles ».
Voir à ce sujet Bulckens, « De
geleidelijke doorbraak van de
volwassenencatechese », 5859.
70 Collet, « 25 ans d’histoire du
Sycomore ».
71 Gevers, « De omslag in de
katholieke huwelijksmoraal ». Plus généralement :
Gevers et Vos, Wendingen in
Vlaanderen.
72 Voir par ex. P. de Locht,
« L’école du mariage » dans :
CM, (1961), 165-170.
Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 298
Une pilule amère, caricature de
Gal, 1968.
L’encyclique Humanae vitae du
pape Paul VI suscite, en Belgique aussi, des réactions négatives. Cette caricature de
Gal, parue dans le périodique
De Nieuwe du 2 août 1968, résume bien comment le texte
s’est finalement retourné
contre l’Église, en dépit de la
déclaration nuancée du cardinal Suenens et de ses
confrères évêques.
[Louvain, K.U.Leuven, Centrale bibliotheek : J52]
73 À ce sujet voir Declerck, « La
réaction du cardinal Suenens
et de l’épiscopat belge à l’encyclique Humanae Vitae ».
74 Le CEFA créé par Pierre de
Locht a entre-temps élargi
son champ d’action à la problématique de l’égalité
homme-femme, de la violence conjugale, de l’intégration sociale et de la multiculturalité. Au sujet de De Locht
voir Debelle, éd., Rue de la
Pré-Voyance.
75 Voir par ex. « Pour le redressement de la moralité publique dans le domaine
sexuel. Déclaration conjointe
des évêques belges et des autorités d’autres églises chrétiennes » dans : Pastoralia,
(1971) 3, 17-20.
En juillet 1968, nombreux sont les catholiques qui réagissent, consternés, à
l’encyclique Humanae vitae, dans laquelle le pape, contre l’avis de sa commission, maintient le point de vue traditionnel de l’Église et condamne les
formes artificielles (non naturelles) de
contrôle des naissances. Le 30 août
1968, sous la direction du cardinal Suenens, les évêques belges rendent publique une déclaration dans laquelle,
tout en témoignant leur respect pour
les vues de l’encyclique, ils rappellent
qu’en définitive, tout chrétien est libre
de suivre sa conscience dans la pratique
concrète 73. Cette déclaration, préparée
avec l’aide de théologiens – en particulier de Gérard Philips (1899-1972), professeur à l’université de Louvain –, en
concertation avec les évêques les plus
proches, est un signal fort et nuancé,
même sur le plan international. Mais
elle n’empêche pas que Humanae vitae
soit à l’origine de la rupture entre beaucoup de croyants et l’autorité ecclésiastique. On constatera plus tard que, de
toute manière, le but envisagé par l’encyclique était loin d’être atteint. Au
contraire, bon nombre de catholiques
définiraient dorénavant de façon plus
libre et plus indépendante quelle serait
leur attitude face au mariage et à leur
vie sexuelle.
Les questions et les évolutions concernant les relations, le mariage et la
sexualité restent sources de tensions au
cours des années suivantes. D’une part
298 ı Leo Kenis
naissent des nouvelles initiatives
concernant la structure concrète de la
pastorale du mariage. Les écoles du
mariage classiques du début des années
1960 évoluent : les séries de cours se
transforment en entretiens interactifs.
À partir de 1975, sont en outre organisés des week-ends pour fiancés. Trois
ans plus tard apparaissent les centres
d’accueil décanaux qui accompagnent
les fiancés jusqu’au bout de leur parcours, c’est-à-dire jusqu’à la visite au
prêtre de la paroisse. La signification
d’une vie conjugale chrétienne est également au centre des équipes de foyers
qui remontent aux Équipes NotreDame fondées en France en 1939 et actives en Belgique depuis 1948. Ces
groupes, formés de cinq couples et d’un
prêtre, se réunissent une fois par mois
afin d’approfondir leur engagement de
chrétiens dans le mariage et d’apporter
leur contribution à la réflexion sur le
mariage et la sexualité. C’est dans le
même esprit que se développe à partir
de 1972 le mouvement Vivre et Aimer
(Marriage Encounter) créé sous l’impulsion du cardinal Suenens. De jeunes
mariés s’y rencontrent au cours de
week-ends pour témoigner de leurs relations et de leur vie conjugale. Ces
week-ends seront organisés plus tard
pour les fiancés (1977) et pour les
jeunes célibataires (1980).
Les questions concernant le mariage et
la sexualité peuvent toutefois aussi
aboutir à des situations de crise. C’est
Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 299
ainsi que, dans les années 1970, les autorités ecclésiastiques interviennent à
l’encontre du théologien moraliste
Pierre de Locht qui, comme président
du Centre d’éducation à la famille et à
l’amour (CEFA), joue depuis plusieurs
années un rôle actif dans la pastorale
d’accompagnement de catholiques
dans des problèmes de morale sexuelle
et conjugale. De Locht sera mis au ban
des institutions ecclésiastiques en raison de sa prise de position par rapport
à l’avortement, à l’occasion de l’affaire
intentée contre le docteur Willy Peers
(1924-1984) à Namur. Il aura beaucoup
de mal à conserver sa position d’enseignant à l’UCL 74.
Les autorités ecclésiastiques de l’archidiocèse tentent de développer une plus
grande ouverture par rapport au problème du divorce et des divorcés. En
1972, elles édictent des directives pastorales demandant une certaine souplesse dans l’autorisation de funérailles
religieuses à accorder aux divorcés remariés. Au début de l’année 19851986, la gestion vicariale du Brabant
flamand déclare même que les divorcés
forment un groupe qui, du point de vue
pastoral, doit être traité en priorité.
Trois ans plus tard, le conseil presbytéral demande la réforme du refus de la
communion aux divorcés. En général
l’idée que la question doit être laissée à
la conscience des fidèles fait son chemin.
rement les citoyens à rétablir le climat
moral 75, un point de vue que partagera
son successeur, le cardinal Danneels. En
1987, les évêques belges éditent une déclaration par laquelle ils réagissent
contre les campagnes de lutte contre le
sida lancées par le gouvernement. Audelà de ces campagnes qui se limitent à
des mesures préventives, ils préfèrent
promouvoir un renouveau de la
conscience morale et insistent sur le
respect de la sexualité humaine et de la
fidélité dans le mariage. En 1989, année
de la famille, le cardinal Danneels insiste sur les directives classiques
concernant le planning familial et sur
l’importance de relations conjugales
stables. Il demande toutefois que l’on
se préoccupe des foyers désarticulés et
‘blessés’, tout en n’évitant pas de préciser que le mariage classique d’un couple hétérosexuel avec enfants doit avoir
la préférence. En 1998, les évêques
belges déclarent d’ailleurs qu’ils se prononcent contre la tendance à donner à
d’autres formes de cohabitation le
même statut qu’au mariage.
Le débat de société concernant les
questions vitales de l’avortement et de
l’euthanasie s’avère particulièrement
Pour le reste, la direction de l’archevêché continue à défendre les points de
vue habituels de l’Église en matière
d’éthique (sexuelle), et elle le fait le plus
souvent à l’occasion de déclarations
collectives en accord avec les autres
évêques belges. Ces derniers constatent
que la société adopte un comportement de plus en plus libre, pluraliste et
permissif, et continuent à en réprouver
formellement les excès. Le cardinal
Suenens entre autres exhorte régulièUne Église devenue minoritaire dans un environnement pluraliste (1961-2009) ı 299
“Votre mariage vaut bien un
weekend”, affiche.
Le cardinal Suenens découvre
Marriage Encounter au cours
d’un voyage aux États-Unis en
1972. Il demande à l’abbé
Guido Heyrbaut de mettre en
place une structure du même
genre dans l’archidiocèse. Des
fiancés et des jeunes mariés se
retrouveront pendant un
week-end, le plus souvent à
l’abbaye de Grimbergen, pour
parler et témoigner de leur relation et de leur vie conjugale.
[Leuven, KADOC : KCA6091]
Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 300
vif
Procession avec la châsse de
sainte Gertrude à Nivelles,
photo, 2006.
Ermelindisommegang à Meldert, photo, 2000.
Au cours des années 1960 on
voit disparaître plusieurs processions et faiblir le succès des
pèlerinages. Certains survivent pourtant, et on assiste
même à leur réveil, en raison
de l’intérêt grandissant pour
le patrimoine immatériel.
[Malines, Service de presse de
l’Archevêché]
dans les années 1980 et 1990. Les
évêques se sont déjà prononcés auparavant à plusieurs reprises contre la légalisation de ces deux interventions, en
invoquant le respect absolu dû à la vie
humaine. Ils défendent les solutions alternatives telles que le développement
de meilleures structures d’accueil pour
les enfants non désirés, des soins palliatifs pour les mourants. Les évêques ne
peuvent toutefois pas empêcher l’application des modifications de la loi : en
1990 l’avortement est légalisé, et en
2002 la Belgique se dote d’une des législations les plus libérales en matière
d’euthanasie. Comme on le sait, les
évêques continuent à suivre avec un esprit très critique l’évolution qui découle
de cette législation.
Les mutations dans la spiritualité
et la dévotion
76 Voir pour le Brabant
flamand : Roelants, Voetsporen van devotie.
Les nouveautés les plus importantes
apportées à la vie religieuse des catholiques depuis Vatican II ont déjà été
mentionnées : il s‘agit du cœur même
de la vie chrétienne, des sacrements et
de la liturgie. Les changements vont
dans le sens d’une foi évangélique
vécue consciemment dans le présent.
Ce vécu de la foi évangélique s’accompagne de multiples expressions de la religiosité populaire traditionnelle, plus
300 ı Leo Kenis
difficiles à tracer et à contrôler, mais
dans lesquelles pendant des siècles la
foi catholique fut vécue par les fidèles.
Cette religiosité populaire fut éminemment présente, également dans l’archidiocèse, et surtout dans les nombreux
pèlerinages et processions. En tête de la
liste des lieux de pèlerinage se trouve
évidemment Montaigu, mais l’archidiocèse compte d’autres lieux de pèlerinages mariaux populaires comme Hal
et Basse-Wavre. Parmi les somptueuses
processions, très connues sont celle de
Notre-Dame de Hanswijk à Malines, la
procession des chevaux à Hakendover,
et la procession des rameaux à Hoegaarden 76. Les chars historiques des
processions de sainte Gertrude à Nivelles, de sainte Renelde à Saintes et de
saint Barthélémy à Bousval sont autant
des symboles de la collectivité que l’expression de la foi. Beaucoup de paroisses ont leur propre procession annuelle.
Au cours des années 1960, ces formes
populaires de la dévotion catholique
disparaissent quasi partout, pour diverses raisons. À partir des années
1980-1990, les processions connaissent
toutefois un regain d’intérêt et se multiplient : des processions supprimées
sont réorganisées, des processions
existantes sont redynamisées et adaptées au nouveau contexte culturel. Des
Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 301
événements comme les pèlerinages et
les processions interpellent parfois ceux
qui empruntent individuellement de
nouvelles voies de spiritualité pour
donner un contenu personnel à leur
quête de sens.
Les manifestations de dévotions les
plus importantes, comme la procession
d’Hanswijk et le pèlerinage de Montaigu, subissent d’importantes transformations. Avec son million de pèlerins
par an, Montaigu est le lieu de pèlerinage belge le plus fréquenté. Grâce au
pèlerinage annuel du mois de mai, des
jeunes prennent eux aussi le chemin de
Montaigu. Ils ne viennent pas tous pour
des raisons religieuses ou dévotionnelles ; certains ont des motifs sportifs
ou touristiques pour entreprendre l’excursion. La nouvelle initiative « Pas à
pas » tente d’éveiller l’intérêt des
jeunes pour le pèlerinage. S’inspirant
du pèlerinage des jeunes Français à
Chartres, « Pas à pas » – une excursion
pédestre pendant le week-end du dimanche des Rameaux – est organisé
pour la première fois en 1998, suite aux
journées mondiales de la jeunesse à
Paris. Hors des frontières de l’archidio-
cèse, c’est le pèlerinage à Lourdes qui
remporte le plus grand succès. Depuis
la première moitié des années 1960,
l’archidiocèse organise chaque année
un pèlerinage à Lourdes.
En outre ces manifestations populaires
de dévotion, la vie spirituelle des catholiques subit des bouleversements profonds au cours de la seconde moitié de
siècle. Des associations traditionnelles
comme les Ligues du Sacré-Cœur, présentes pratiquement dans toutes les
paroisses, disparaissent dans le courant
des années 1960. Même un mouvement comme la Légion de Marie, dont
la vogue n’a commencé que dans les
années 1950, disparaît peu à peu de la
vie paroissiale, en même temps qu’une
génération de croyants. Entre-temps,
dans les paroisses, de nouvelles formes
de vie spirituelle se développent. C’est
ainsi que les Équipes Notre-Dame et les
groupes de Vivre et Aimer déjà cités se
fixent dès le départ comme objectif
l’approfondissement de la vie spirituelle dans le cadre de la famille. De
nouveaux mouvements spirituels internationaux comme le Renouveau charismatique et les Focolari rencontrent un
Pèlerinage pascal des jeunes à
Lourdes, photo, 1988.
L’archevêché tente de gagner
les jeunes à l’idée du pèlerinage. Il organise, spécialement
à leur intention, un pèlerinage
pascal à Lourdes.
[Malines, Archives de l’Archevêché]
Une Église devenue minoritaire dans un environnement pluraliste (1961-2009) ı 301
Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 302
Visite du pape Jean Paul II, photos de Rik Daze, 1985.
En 1985, le pape Jean Paul II
fait à la Belgique une visite
couronnée de succès. Il sera
accueilli chaleureusement à
Malines à l’occasion de son
anniversaire.
[Malines, Archives de l’Archevêché]
certain succès. Les jeunes se sentent interpellés par la spiritualité émanant du
centre œcuménique de méditation de
Taizé. Mais depuis les années 1960, on
assiste en outre à l’invasion du ‘marché
du sens’ par des modes et des nouveautés spirituelles, qui saisissent ainsi l’occasion de répondre à la quête de réalisation personnelle et de sens. Dans
cette nouvelle ouverture à la spiritualité, les croyants catholiques découvrent
eux aussi, individuellement ou en paroisse, des voies moins spectaculaires
qui leur permettent de nourrir leur vie
spirituelle, par exemple dans des
groupes de prière, des lectures collectives de la Bible, etc. L’archidiocèse dispose dans ce domaine d’un large éventail d’initiatives à divers niveaux. De
nombreux ordres et congrégations religieuses donnent un peu partout l’occasion de méditer et de nourrir sa spiritualité, par exemple les norbertins de
Grimbergen et d’Averbode, les bénédictins de Clerlande à Ottignies et du
Mont César à Louvain, les sœurs de
Betléhem à Bonheiden, etc. L’archevêché même prend dans ce domaine de
nombreuses initiatives. Il possède
jusqu’à présent quatre centres de spiritualité diocésains, un néerlandophone
à l’ancienne abbaye de Kortenberg, et
trois francophones au Centre Spirituel
Notre-Dame de la Justice à Rode-SaintGenèse, au Le Cénacle à La Hulpe
(Communauté du Chemin Neuf), et au
302 ı Leo Kenis
centre Notre-Dame de Fichermont à
Waterloo (Communauté du Verbe de
Vie).
De nouvelles approches pour un nouveau vécu de la foi chrétienne
Les profondes transformations vécues
par le catholicisme belge depuis les décennies qui sont suivi la guerre placent
les autorités ecclésiastiques devant un
défi permanent : comment avoir prise
sur les événements et comment réagir
à leurs développements. Bien qu’il n’y
ait pas eu de véritable rupture, une
certaine évolution est incontestable, y
compris dans la fonction de la religion.
Le renouveau déclenché par Vatican II
engendre non seulement une forte dynamique, mais il cause également des
tensions entre croyants progressifs et
croyants plus conservateurs. Même si
ce désaccord n’atteint jamais l’ampleur de celui qui paralyse la vie ecclésiale aux Pays-Bas, il donne cependant
beaucoup de soucis aux autorités ecclésiastiques belges. Cela apparaît clairement en 1975, lorsque ‘l’Interdiocesaan Pastoraal Beraad’ en Flandre
consacre son assemblée générale aux
« tendances de polarisation dans
l’Église, un problème pastoral ». Dans
l’Église de Belgique, le contraste reste
toutefois limité, notamment parce que
les groupes de croyants ultraconserva-
Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 303
teurs et traditionalistes, comme ceux
qui entourent l’évêque Marcel Lefebvre (1905-1991), ne s’organisent pas
en groupes d’action permanents 77.
Avec le temps, le contraste s’atténue,
mais il n’empêche qu’une certaine
désillusion plane sur l’évolution de la
vie ecclésiale.
Face à la diminution progressive du
nombre de catholiques qui se sentent
encore chez eux dans l’Église, les autorités ecclésiastiques développent à partir des années 1980 une volonté d’accessibilité à tous, en accordant plus
d’attention à la manière dont l’identité
chrétienne de chacun peut être interprétée et rendue plus visible. Cette
préoccupation apparaît régulièrement
dans les propos du cardinal Danneels 78.
Les chrétiens, dit-il, devraient afficher
davantage leur conviction chrétienne
personnelle, ce qui les distinguerait
d’un certain humanisme religieux. Ils
devraient manifester, face à une sorte
d’horizontalisme, leur appartenance à
Dieu, c’est-à-dire la dimension transcendante de leur existence. Il faudrait
aussi qu’ils s’insurgent contre certaines
formes d’éclectisme et de relativisme,
de façon à faire ressortir clairement
l’unicité du Christ, fondement de leur
identité chrétienne. Ces propos, souvent répétés par le cardinal, expriment
sa conviction de ce que le temps est
venu de s’affirmer à nouveau explicitement comme catholique dans un milieu pluraliste envahi de nouveaux
mouvements de toutes sortes.
La nécessité de cultiver une vie de foi
chrétienne authentique se concrétise
dans l’appel à une « nouvelle évangélisation ». Cet appel retentit explicitement à l’occasion de la visite du pape
Jean Paul II (1920/1978-2005) au Benelux en 1985. Cette visite est pour la
Belgique un événement historique et
comprend plusieurs rencontres
mémorables, en particulier dans l’ar-
chidiocèse : l’accueil triomphal à
Bruxelles, la célébration festive à Malines, les rencontres avec les communautés universitaires à Louvain et à
Louvain-la-Neuve, et avec les mouvements ouvriers chrétiens à Laeken et
la messe à Koekelberg. Toutes ces rencontres montrent que la religiosité catholique populaire peut encore s’exprimer massivement.
La présence massive des spectateurs
n’exprime pas que la foi populaire. De
catholiques engagés s’adressent aussi au
pape avec beaucoup de franchise. À Louvain et à Louvain-la-Neuve, de jeunes
femmes lui adressent des propos critiques mais constructifs touchant à certains points chauds et se font les porteparole des aspirations des fidèles. Piet De
Somer (1917-1985), le recteur de la
K.U.Leuven, plaide en faveur de la liberté
de la science dans une université catholique. Dans les deux villes universitaires,
les critiques exprimées par des chrétiens
engagés sont accueillies par des protestations, orchestrées ou non, de la part de
conservateurs adeptes de l’Opus Dei. En
mai 1985, l’Église de Belgique donne de
toute façon l’image d’un catholicisme
pluriforme, vital et engagé. La question
de l’avenir de cet enthousiasme religieux, une fois la période d’euphorie
passée, se pose au lendemain de la visite.
En tout cas, les évêques de Belgique progressent en préparant un projet d’approfondissement de la foi qui aboutit en
1987 à l’édition d’un nouveau Livre de la
Foi, dans lequel ils rappellent l’essentiel
de la foi chrétienne.
L’expression enthousiaste de la religiosité populaire qui caractérise la première visite papale de 1985 contraste
avec la seconde visite de Jean Paul II en
Belgique en juin 1995, à l’occasion de
la béatification du père Damien Deveuster (1840-1889) - celui qui, dans
le cadre de la présente histoire de l’archidiocèse, pourrait être qualifié de
Une Église devenue minoritaire dans un environnement pluraliste (1961-2009) ı 303
77 Une communauté traditionaliste est installée à
Bruxelles ; elle a ouvert le
collège Saint-Paul et acheté
l’église Saint-Joseph
construite par les rédemptoristes au Quartier Léopold.
78 Par ex. lors de la préparation
de quelques priorités pour
l’année 1997 dans Pastoralia.
Informatieblad, (1996) 9, 2829.
Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 304
Visite du pape Jean Paul II,
photo, 1995.
La seconde visite du pape Jean
Paul II se déroule plutôt en
mineur. Le point culminant en
est la béatification du Père
Damien à Koekelberg.
[Malines, Archives de l’Archevêché]
« plus grand catholique brabançon ».
Les circonstances de la seconde visite
sont défavorables. En raison de la
chute accidentelle du pape, la visite est
d’abord reportée d’un an. Le temps est
exécrable et le public nettement moins
nombreux. Le protocole étant limité,
la célébration ne se déroule qu’à
Bruxelles, et les habitants de Tremelo
qui préparent cette visite depuis longtemps, en sont pour leurs frais. Les
commentateurs parlent également de
l’atmosphère tendue qui règne dans
l’Église depuis quelque temps. Les
sanctions prises à l’encontre de
Jacques Gaillot (°1935), évêque
d’Évreux, marquent aussi les esprits en
Belgique. La déception suscitée en mai
par la publication de l’encyclique Ordinatio sacerdotalis, qui réserve l’ordination sacerdotale aux hommes, n’est
pas encore dissipée, et la critique publique que Rik Devillé (°1944), prêtre
de l’archidiocèse, adresse à l’autorité
de l’Église provoque de la rancœur et
de la contrariété dans les milieux ecclésiastiques.
Il convient cependant d’éviter d’utiliser
ces manifestations de masse, ces pratiques religieuses populaires et ces réactions spontanées dans les média comme
des baromètres de l’évolution du catholicisme dans la société. Elles sont sans
doute des indicateurs parmi d’autres de
la survie de formes moins marquées de
religiosité, qui font qu’à certaines occasions les gens se tournent vers l’Église.
L’analyse des chiffres résultant d’une enquête de grande envergure sur la pratique religieuse révèle une réalité plus
nuancée et indique que le groupe qui se
sent et s’affiche explicitement comme
catholique continue à s’effriter. Le catholicisme s’est transformé, il est devenu
multiforme, diffus, éphémère. Si le catholicisme de masse, devenu si puissant
en Belgique au cours du XXe siècle, n’a
pas disparu à la fin du siècle, il s’est du
moins fortement sécularisé. Les lignes
qui suivent tentent d’illustrer cette évolution à la lumière de quelques domaines où la présence du catholicisme a
été dominante pendant des décennies.
La seconde visite papale est néanmoins un geste d’encouragement pour
la plupart des catholiques. La béatification du père Damien répond à ce
que beaucoup ressentent face à cette
figure emblématique d’un christianisme authentique réalisé dans
l’amour inconditionnel des petits et
des exclus 79. En octobre 2009, le père
Damien est canonisé.
4. La présence dans la société
304 ı Leo Kenis
Le ‘réseau confessionnel’ d’institutions et
d’organisations, instauré en Belgique au
milieu du XXe siècle (décrit dans le chapitre précédent), a placé les catholiques
dans une position de force dans le
monde politique, social, économique et
culturel. Dans ce pilier catholique, l’Église
occupa une position influente. Même si
Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:31 Pagina 305
ce pilier commence à s’effriter à partir
des années 1960, la déconfessionnalisation n’affaiblit en rien les institutions catholiques. Le réseau des organisations et
des services continue à fonctionner, malgré le relâchement du lien de l’Église avec
ses ‘clients’. Les sociologues Jaak Billiet et
Karel Dobbelaere ont qualifié cette évolution typiquement belge de passage du
‘catholicisme d’Église’ au ‘christianisme
socioculturel’ 80.
Une des caractéristiques de ce passage
est la laïcisation croissante de ces institutions. Elle s’accompagne de la pluralisation de la clientèle qui fait usage de
leurs services : de plus en plus de gens
donnent, dans leur choix, la priorité à la
qualité des services plutôt qu’à l’orientation idéologique. Cela a pour conséquence qu’après un certain temps, la
plupart des organisations appartenant
au pilier catholique se questionnent sur
leur identité catholique ou chrétienne.
Cette évolution se déroule plus ou
moins vite et de façon plus ou moins intense selon les secteurs ; elle n’est sans
doute pas encore terminée.
Un exemple très simple est celui des
mouvements de jeunesse, qui ont
poussé très loin l’adaptation au pluralisme de leurs membres et ont, en
outre, fait évoluer leurs objectifs.
Presque tous se sont interrogés dans un
passé récent sur la signification du C,
symbole de leur identité catholique,
dans leur nom. Les scouts catholiques,
on le sait, ont franchi le pas. Depuis
1999, la ‘FSC, Fédération des scouts catholiques’ francophones, s’appelait ‘Les
scouts. Fédération catholique des scouts
Baden-Powell de Belgique’. En 2008, le
mot ‘catholique’ est supprimé. En 2006,
les scouts catholiques flamands décident de changer leur nom de ‘Vlaams
Verbond van Katholieke Scouts en
Meisjesgidsen’ (VVKSM) en ‘Scouts en
Gidsen Vlaanderen’. S’étant préalablement concertés sur leur identité, les
scouts souhaitent conserver le projet
porteur de sens d’inspiration chrétienne, mais font prévaloir, dans leur
fonctionnement, l’attitude pluraliste. La
plupart des autres mouvements de jeunesse (Patro, Chiro, etc.) adoptent un
point de vue plus ou moins analogue, y
compris ceux qui conservent le K dans
leur nom, comme les ‘Katholieke Arbeidersjeugd’ (KAJ), ‘Katholieke Studerende Jeugd’ (KSJ), ‘Katholieke Studenten Aktie’ (KSA) et ‘Vrouwelijke
Katholieke Studerende Jeugd’ (VKSJ).
Les points qui suivent décrivent dans les
grandes lignes la position de l’Église face
à quelques développements importants
survenus au sein de la société, en particulier dans les deux secteurs les plus importants que sont les soins de santé et
l’enseignement, dans lesquels le pilier
catholique a fait un pas dans la direction
d’une présence chrétienne rénovée.
L’engagement auprès des plus faibles
La voix de l’Église dans
son souci des plus faibles
Les papes de la seconde moitié du XXe
siècle ont promulgué plusieurs encycliques sociales. Ce souci de l’Église universelle pour le bien-être social apparaît également dans l’archidiocèse.
Dans ce but, Caritas chapeaute en Belgique le réseau d’organisations qu’elle
a créé. Dans toutes les paroisses belges,
les diverses actions dans ce domaine
font partie intégrante de l’engagement
de la communauté ecclésiale locale au
profit des plus faibles. Dans les diocèses
francophones, des actions comme Entraide et Fraternité et Vivre Ensemble
sont mises sur pied au profit respectivement du tiers-monde et du quartmonde. Leurs équivalents flamands
sont ‘Broederlijk Delen’ et ‘Welzijnszorg’. Entraide et Fraternité, à l’origine
une action caritative pour le temps de
Une Église devenue minoritaire dans un environnement pluraliste (1961-2009) ı 305
79 Dix ans plus tard, en 2005,
Damien est élu par les Flamands comme étant le ‘plus
grand Belge’.
80 Billiet et Dobbelaere, Godsdienst in Vlaanderen. Voir
également Voyé e.a., éds., La
Belgique et ses dieux.
Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:32 Pagina 306
Broederlijk Delen et Vivre Ensemble, affiches de Paul Ibou et
Jean-Marc Salmon, 1968 et
1990.
Les préoccupations sociales de
l’Église, tant dans l’archevêché
que dans le reste de la Belgique, se traduisent par des
actions comme Entraide et
Fraternité/Broederlijk Delen,
en faveur du tiers monde, et
Vivre Ensemble/Welzijnszorg,
en faveur du quart monde
chez nous.
[Louvain, KADOC : KCC30 et
KCC1350]
carême, est devenue une organisation
contestataire qui ne craint pas l’approche structurelle et politique de la
coopération au développement et des
relations Nord-Sud. Les campagnes de
Vivre Ensemble présentent régulièrement un caractère politique. Même si
cette coloration politique ne plaît guère
à l’évêque auxiliaire Schoenmaeckers,
les organisations peuvent poursuivre
sur leur lancée. Elles sont soutenues
dans leurs campagnes et dans leurs collectes pendant l’Avent (Vivre Ensemble)
et pendant le Carême (Entraide et Fraternité). Leur attitude critique vis-à-vis
de la société les rend toutefois suspects
aux yeux de certains catholiques : Entraide et Fraternité est régulièrement
accusé d’aide à des régimes marxistes.
La commission Justice et Paix est très
proche d’Entraide et Fraternité et de
Vivre Ensemble. Créée à Rome en 1967,
elle obtient un statut définitif en 1976
et devient en 1988 un conseil pontifical.
Les évêques belges créent une commission Justice et Paix nationale dès mars
1967. Les commissions se sont très rapidement mises au travail dans les di306 ı Leo Kenis
vers vicariats ; elles sont toutefois pas
des commissions vicariales, mais ont un
statut propre. Ces commissions peuvent ainsi conseiller les responsables de
la gestion vicariale tout en se manifestant vers l’extérieur en toute indépendance sans lier les responsables du vicariat. Elles développent un éventail
d’activités en faveur de la paix et des
droits de l’homme, et le font souvent en
collaboration avec des organismes apparentés comme Pax Christi 81.
La direction de l’archevêché témoigne
également de sa préoccupation sociale
en dehors des actions d’Entraide et Fraternité, de Vivre Ensemble, et de la
commission Justice et Paix. Lors du lancement de l’année de la justice en 1974,
le cardinal Suenens critique « notre
matérialisme et notre libéralisme économique hors controle» 82, tandis
qu’en 1975 il appelle ses coreligionnaires à « dénoncer l’injustice structurelle d’une société construite sur la
concurrence impitoyable et la recherche du profit » 83. Les directions des
vicariats s’associent activement à cette
prise de position. Les évêques attirent
Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:32 Pagina 307
d’ailleurs régulièrement l’attention sur
le problème du chômage, lorsque celuici se développe suite à la crise économique des années 1970 et 1980.
Les immigrés forment eux aussi un
groupe qui fait l’objet d’une attention
régulière. Dès les années 1950, une
commission épiscopale Pro Migrantibus
est créée pour se charger spécifiquement des immigrés chrétiens. En 1980,
elle demande qu’un statut légal soit élaboré pour les immigrés et que le droit
de vote et l’éligibilité aux élections communales leur soient accordés. Elle réagit
fermement à l’égard de ceux qui rendent les immigrés responsables du chômage 84. Elle adopte ainsi le point de vue
de Vivre Ensemble qui, dans sa campagne de 1979, avait déjà milité en faveur des droits politiques des immigrés.
En 1982, les évêques belges font une déclaration collective au sujet des immigrés, dans laquelle ils mettent en garde
contre la tendance qu’ont certains à
faire endosser la responsabilité de la
crise économique aux travailleurs immigrés 85. Ils exigent le respect pour
toutes les cultures présentes en Belgique et demandent aux politiques de
reconsidérer le statut politique des immigrés. En 1992, les évêques prennent
une nouvelle fois position contre le racisme et l’intolérance et demandent que
les réfugiés soient dignement accueillis 86. La même année, le vicariat du Brabant flamand et Malines, comme tous
les diocèses flamands, crée un groupe
de travail ‘Multicultureel Samenleven’ 87. ‘Broederlijk Delen’, la commission Justice et Paix, Pro Migrantibus et
Caritas Secours International font partie
de cette commission. Ainsi nait ‘Kerkwerk Multicultureel Samenleven’, qui
coordonne à partir de 1993 de nombreuses initiatives devant favoriser une
société multiculturelle. Outre cette action structurée, de nombreuses initiatives sont lancées en collaboration avec
d’autres groupements. C’est ainsi qu’à
Bruxelles, des chrétiens travaillent dans
des associations pluralistes comme le
‘Mouvement contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie’ (MRAX) ou
comme le Centre interculturel.
En 1995, les évêques belges prennent
une nouvelle fois position dans le débat
sur les immigrés dans une lettre intitulée « Migrants et réfugiés parmi
nous » 88. Ils y plaident en faveur d’une
société harmonieuse entre Belges, immigrés et réfugiés, d’une coresponsabilité politique des immigrés et de la régularisation des immigrés qui
séjournent en Belgique depuis longtemps. Ils désapprouvent également
ceux qui ont tendance à vouloir fermer
les frontières aux réfugiés ; point de vue
qu’ils répètent trois ans plus tard. Plusieurs églises ouvrent entre-temps leurs
portes aux demandeurs d’asile. Les
évêques expliquent que « les avis peuvent être divergents concernant l’opportunité de « l’asile » dans les églises
comme forme d’action », mais qu’il
« n’empêche que ce geste, s’il est porté
et accepté par une communauté chrétienne locale est un signe et un signal
des besoins de ces personnes, et qu’il interpelle concrètement l’opinion publique et les responsables de la société » 89. Ces dernières années, le
cardinal Danneels fait régulièrement la
une des journaux en plaidant auprès des
politiciens pour la régularisation des
‘sans papiers’. Cet engagement, du sommet à la base de l’Église, prônant la solidarité avec les immigrés, avec les demandeurs d’asile et avec les étrangers,
est une activité publique constante par
laquelle la communauté ecclésiale choisit effectivement son camp face à un
problème de société urgent.
L’engagement social
de l’Église à Bruxelles
Les actions et les déclarations mentionnées ci-dessus témoignent d’une grande
Une Église devenue minoritaire dans un environnement pluraliste (1961-2009) ı 307
81 Voir pour la Flandre, Vanthournout, De commissie
Rechtvaardigheid en Vrede.
82 Pastoralia, (1974) 1, 3-5.
83 Ibidem, (1975) 10, 154.
84 Ibidem, (1980) 1, 16.
85 Ibidem, (1982) 6, 97.
86 Ibidem, (1992) 5, 88.
87 Les évêques se rangent ainsi
aux recommandations d’un
groupe de travail Multicultureel Samenleven créé en
1988 dans le cadre de Broederlijk Delen. Geldof, Een
ontstaansgeschiedenis van
Kerkwerk Multicultureel Samenleven.
88 Déclaration des évêques de
Belgique « Migrants et réfugiés parmi nous » dans : Pastoralia, (1996) 1, 20.
89 Ibidem, (1998) 12, 224.
Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:32 Pagina 308
diversité et d’une grande dynamique
dans l’engagement social de l’Église dans
l’archidiocèse. Cet engagement s’étend
souvent de façon structurelle aux autres
diocèses. Des activités nombreuses,
concrètes et pratiques se développent en
outre à la base, dans les communautés
paroissiales. Étant impossible de donner
ici un aperçu plus ou moins complet de
la multiplicité de ces initiatives, c’est le
cas de Bruxelles qui, à titre d’exemple,
fait ici l’objet d’une description plus détaillée. La capitale attire depuis toujours
les plus faibles de la société, et les nombreuses initiatives qui s’y développent
depuis les années 1960 peuvent servir
d’exemple pour l’engagement social de
la communauté ecclésiale au sein de
l’archidiocèse.
90 Delespesse, La communauté
de La Poudrière.
91 de Kerchove, Les gueux sont
des seigneurs.
92 Voir par ex. 20 ans de travail
social.
93 La commission pastorale et
les noms des aumôniers des
étrangers seront mentionnés
dans l’annuaire de l’archevêché à partir de 1971.
94 En Flandre, le VVI a pris en
2009 le nom de Zorgnet
Vlaanderen. Pour ce qui suit,
voir par ex. Depuydt e.a., Caritas et la FIHW.
À Bruxelles, plusieurs prêtres et religieux
ouvrent des maisons d’accueil aux personnes en situation précaire. Ils perpétuent ainsi une tradition lancée plusieurs
décennies plus tôt. ‘Les Petits Riens’, fondés en 1937 par l’abbé Édouard Froidure
(1899-1971), redémarrent en 1954 pour
devenir également un centre d’hébergement et d’accueil ; en 1958, un oblat,
Léon Van Hoorde (1931-1996), développe un lieu d’accueil ‘La Poudrière’, qui
devient aussi une communauté 90 ;
‘L’Îlot’, une maison pour ex-détenus , est
ouvert en 1960 et accueille ensuite également des femmes et des familles sans
domicile fixe logis. André Modave
(°1941), un prêtre-ouvrier de Molenbeek, installe à Bruxelles une antenne
d’‘Aide à Toute Détresse’ (ATD) 91, et Jan
Vermeire (1919-1998) ouvre en 1978,
dans les Marolles, la maison ‘Poverello’,
qui accueille des personnes seules défavorisées pour la journée et leur fournit
des repas. À Schaerbeek, une antenne du
Nid, qui œuvre pour la réintégration de
prostituées, est ouverte. Plus récemment, le projet Betléhem qui met à la
disposition d’une organisation des biens
immobiliers appartenant aux paroisses,
aux fabriques d’église, aux écoles ou aux
308 ı Leo Kenis
communautés religieuses pour en faire
des logements sociaux, a vu le jour.
L’Église de Bruxelles répond ainsi à l’appel lancé par le cardinal Danneels au
cours de la cérémonie de clôture du
congrès « Bruxelles - Toussaint 2006 »,
par lequel il invitait les fidèles à faire
quelque chose de concret pour remédier
à la pénurie de logements à loyer modéré à Bruxelles.
En créant des services sociaux au niveau
interparoissial, l’aide paroissiale a pu
être professionnalisée à partir des années 1970 92. En 1960, Raymond Van
Schoubroeck assure quelques heures de
permanence téléphonique à l’écoute des
personnes en difficultés. Cette écoute se
transformera en le vaste réseau d’écoutants bénévoles de Télé-Accueil.
Quelques années plus tard, une autre
équipe lance Télé-Évangile, qui affiche
explicitement son inspiration chrétienne. En mai 1961, le secrétariat interparoissial crée Télé-Service, qui propose
un éventail de services allant de la diffusion d’informations à l’aide matérielle et
juridique et à la médiation de dettes.
Des maisons de jeunes accueillent et
accompagnent des jeunes socialement
défavorisés à Bruxelles-Centre, à
Schaerbeek, à Saint-Josse-ten-Node et
à Molenbeek. Elles sont très souvent
gérées par des prêtres. C’est ainsi que
Gustave Stoop (°1931), un prêtre professeur à l’Institut Technique Saint-Joseph à Etterbeek, prend l’initiative d’Infor-Jeunes (1965), d’Infor-Drogues, de
Free-Clinic, d’SOS-Jeunes (1970) et de
l’auberge de jeunesse Sleep Well
(1975). De nombreux chrétiens s’engagent dans des écoles du devoir, dans des
ateliers, dans des activités récréatives et
des camps de vacances pour des enfants et des jeunes immigrés.
Après le Seconde Guerre mondiale, le
nombre croissant d’étrangers à Bruxelles
implique la nomination d’aumôniers
Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:32 Pagina 309
Accueil des ‘sans papiers’ dans
l’église du Béguinage à Bruxelles,
photo, 2008.
La problématique des immigrés, des réfugiés et des ‘sans
papiers’ retient tout particulièrement l’attention de
l’Église, surtout dans les
grandes villes comme
Bruxelles. L’accueil de réfugiés
dans des églises, comme en
2008 dans l’église du Béguinage à Bruxelles, peut compter sur l’appui de prêtres socialement engagés.
[© THOC]
pouvant assurer leur accompagnement
spirituel et la célébration de leurs services religieux. Après une enquête sur
l’accueil des immigrés, réalisée par TéléService en 1969, une commission pastorale pour les étrangers est créée à
Bruxelles et le vicariat s’engage à fournir
ces aumôniers.93
Les vicariats installent le 6 décembre
1971, à côté de la Grand-Place,
Bruxelles-Accueil - Porte Ouverte, afin
de fournir aux étrangers les noms des
organisations dont ils pourraient avoir
besoin, mais aussi dans le but d’accueillir ceux qui désirent s’instruire sur la foi
chrétienne. En 1971, le franciscain
Bruno Ducoli (°1935) ouvre le Centre
d’action sociale italien (CASI). En 1981,
il fonde le Centre culturel des immigrés,
sans lien avec l’Église, qui devient en
1991 le Centre bruxellois d’action interculturelle. En 1979, Paul Lauwers
(°1924), doyen de Schaerbeek, donne le
coup d’envoi du GAFFI, Groupe d’alphabétisation et de formation pour femmes
immigrées, dans le cadre de Culture et
Développement, un service de formation permanente créé en 1973.
En 1974, des immigrés entament une
grève de la faim dans l’église SaintJean-et-Saint-Nicolas de Schaerbeek
afin d’obtenir la régularisation de leur
situation. Ils sont soutenus dans leur
action par le MRAX déjà cité, composé
de militants de gauche et de chrétiens.
Cette première occupation d’église sert
de modèle à beaucoup d’autres. Depuis
lors, de nombreuses actions sont entreprises dans des communautés paroissiales bruxelloises comme celles de
l’église du Béguinage, de l’église NotreDame du Bon Secours et de l’église
Sainte-Susanne à Schaerbeek, pour
soutenir les demandeurs d’asile et les
pauvres. Elles font partie d’un engagement social multiforme.
Les institutions catholiques :
hôpitaux, maisons de repos et écoles
Le soutien pastoral dans les hôpitaux
Caritas ne gère pas seulement les services d’animation Vivre Ensemble et
Entraide et Fraternité. L’organisation
chapeaute aussi toute une série d’hôpitaux, de maisons de repos, d’instituts
médico-sociaux chrétiens et d’organismes de prestations de services sociaux. Depuis les années 1930, ceux-ci
sont organisés en Fédération des Institutions Hospitalières (FIH) et ‘Verbond
der Verzorgingsinstellingen’ (VVI) 94.
Les institutions hospitalières sont régulièrement confrontées à des patients
défavorisés, surtout à Bruxelles, et les
institutions catholiques, souvent por-
Une Église devenue minoritaire dans un environnement pluraliste (1961-2009) ı 309
Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:32 Pagina 310
Page de titre du périodique Le
Nœud, feuille de contact des
bénévoles de l’Aide aux malades, 1997.
Pour ce qui est du travail pastoral dans les hôpitaux et les
homes pour personnes âgées,
et auprès des malades à domicile, l’Église peut faire appel à
des organismes comme Aide
aux malades/Ziekenzorg, rattachés aux mutualités chrétiennes.
[Louvain, KADOC : KYB5394]
tées par des congrégations religieuses,
essayent de soigner par priorité le
groupe de ces patients non-payants.
Grâce au développement de la sécurité sociale, ces congrégations peuvent encore s’en sortir financièrement. De la professionnalisation
croissante et de l’augmentation du
personnel laïc résulte, qu’à partir des
années 1970, l’attention se porte plus
particulièrement sur la qualité des
soins. Des congrès s’attardent désormais davantage, entre autres, à l’inspiration chrétienne de base de ce secteur 95. Les questions d’éthique
médicale et de bioéthique sont soulevées explicitement entre autres dans
des commissions d’éthique.
95 Voir également à ce sujet De
Maeyer et Deferme, « Vrouwelijke religieuzen in de
openbare en private gezondheidszorg ».
96 Gheysen, Ziekenhuispastoraat
in Vlaanderen ; Goris, Ziekenhuispastoraat in Vlaanderen.
97 L’enseignement spécial n’a
pas été comptabilisé. Nous
nous basons sur les chiffres
de l’Annuaire de l’Archidiocèse
de Malines-Bruxelles, 2009.
Les vicariats sont très attentifs à l’animation pastorale dans les hôpitaux et
dans les maisons de repos. La gestion
du personnel y rencontre les mêmes
difficultés que dans les paroisses : la
diminution du nombre de prêtres et
leur vieillissement fait que de moins
en moins de prêtres diocésains sont
distraits de leur poste paroissial pour
être affectés à la pastorale hospitalière. On a fait appel, au début, à des
religieux, mais chez eux aussi le vieillissement se fait sentir. Contraint et
310 ı Leo Kenis
forcé, le vicariat revient alors sur sa décision de 1978 de ne plus nommer personne ayant dépassé l’âge de la retraite. Très progressivement, il se
résout également à faire appel à des
laïcs. En 1983, par exemple, seuls quatre sur les cinquante aumôniers d’hôpitaux du vicariat du Brabant flamand
et Malines, sont des laïcs 96. Les prêtres
affectés aux visites des malades à domicile et à l’aumônerie des hôpitaux
communaux ou catholiques de
Bruxelles sont eux aussi remplacés
progressivement par des religieux et
des laïcs. Seules la confession et l’extrême onction, devenus sacrement de
la pénitence et sacrement des malades, sont encore administrés par des
prêtres.
Lorsque des laïcs sont acceptés comme
aumôniers des hôpitaux, il est indispensable de leur donner une formation
professionnelle adéquate, au cours de
laquelle les candidats peuvent suivre un
entraînement basé sur la pratique ainsi
que des cours de sciences du comportement et des méthodes cliniques. Un
service spécial a été créé dans les divers
vicariats pour coordonner la pastorale
et la formation des prêtres et des travailleurs pastoraux à l’œuvre dans le
secteur socio-caritatif.
Pour terminer, il convient de citer Aide
aux malades, un secteur de soins catholique au service des plus faibles qui,
bien que soutenu institutionnellement,
est en fait porté par des bénévoles. L’organisation des soins aux malades se développe après la Seconde Guerre mondiale, mais c’est surtout dans les années
1970 qu’elle reçoit une forte impulsion
grâce à une structure plus solide et à sa
reconnaissance officielle. Depuis lors,
dans beaucoup de paroisses, de nombreux fidèles s’engagent à soutenir et à
encourager régulièrement des malades
chroniques, des personnes âgées invalides et leurs familles, en leur rendant
Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:32 Pagina 311
visite à domicile et en organisant pour
eux toutes sortes d’activités. Aide aux
malades est l’exemple le plus parlant de
la façon dont de simples catholiques
mettent en œuvre, dans la vie de tous
les jours, la force de guérison de la charité chrétienne, et cela en plein XXIe siècle.
L’enseignement
Mise à part la coupole Caritas, ce sont
les écoles qui forment le groupe d’institutions catholiques le plus important.
Dans le chapitre précédent a été donné
un aperçu du réseau étendu des écoles
catholiques de l’archidiocèse. Dans les
diverses régions, les écoles subissent
des changements significatifs suite aux
nouvelles politiques d’enseignement,
dépendant désormais des communautés française et flamande. C’est ainsi
qu’en 1971, dans l’enseignement francophone, la loi sur l’enseignement secondaire rénové impose l’intégration
de l’enseignement technique dans un
enseignement général. En 1981, l’âge
de l’enseignement obligatoire est porté
à dix-huit ans et presque toutes les
écoles catholiques deviennent des
écoles mixtes. À partir de 1986, diverses
mesures sont prises pour réduire les
dépenses dans l’enseignement ; on
oblige entre autres les écoles à fusionner. Dans l’enseignement néerlandophone, l’évolution est similaire mais
avec plus de continuité. Si l’enseignement secondaire rénové y fait son entrée déjà en 1970, en 1989 deux types
d’enseignement restent autorisés. À
partir de 1994-1995, la Flandre adopte
une structure unitaire, qui a depuis été
développée.
stitutions diocésaines d’enseignement
de niveau secondaire, l’enseignement
catholique reçoit de forts encouragements en raison de l’augmentation du
nombre de jeunes ménages. En 2009,
vingt écoles catholiques dispensent un
enseignement secondaire général et
technique. La région bruxelloise, où
l’enseignement catholique a de tout
temps formé un important pilier de la
pastorale, compte encore 59 écoles catholiques francophones et 15 néerlandophones. Dans toutes les régions, les
prêtres, les religieux et les religieuses
ont été progressivement remplacés
par des laïcs, y compris aux postes de
direction.
L’enseignement catholique supérieur
reste évidemment concentré autour de
l’université de Louvain, qui fut scindée
en deux en 1969 : la Katholieke Universiteit Leuven restant à Louvain, et l’Université catholique de Louvain établie à
Louvain-la-Neuve et Woluwe-SaintLambert. À Bruxelles, les Facultés universitaires Saint-Louis se sont développées et ont ouvert en 1968 une section
néerlandophone appelée Sint-Aloysius,
qui devient la Katholieke Universiteit
Brussel. L’École centrale des arts et métiers et l’Institut supérieur de commerce comportent chacun une section
En 2009, la situation de l’enseignement catholique est la suivante. Le
Brabant flamand compte 67 écoles
d’enseignement secondaire 97. Dans le
Brabant wallon, qui ne comptait au
début des années 1960 que quatre inUne Église devenue minoritaire dans un environnement pluraliste (1961-2009) ı 311
L’église Saint-François d’Assise à
Louvain-la-Neuve, photo, 2008.
L’enseignement supérieur catholique dans l’archidiocèse
était dominé par l’université
catholique de Louvain. Celle-ci
fut scindée en 1969 en
K.U.Leuven et Université catholique de Louvain. Cette
dernière s’installa à Louvainla-Neuve, un campus universitaire tout neuf près d’Ottignies, construit par les
architectes Jean-Claude Blondel, Raymond M. Lemaire et
Pierre Laconte. L’église a été
construite d’après un projet
de Jean Cosse.
[Louvain, KADOC]
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francophone et une section néerlandophone. Les sections néerlandophones de
ces écoles supérieures ont fusionné en
2007 avec la Katholieke Universiteit
Brussel et forment un pôle sous le nom
de Hogeschool-Universiteit Brussel.
D’autres écoles supérieures du Brabant
flamand, situées à Malines, à Louvain et
à Diest, ont elles aussi réalisé une vaste
opération de fusion dans les années
1995-1996. Elles se sont finalement affiliées en 2002 à l’Associatie K.U.Leuven,
formant ainsi, avec encore six écoles supérieures d’autres provinces un réseau
d’écoles supérieures de loin le plus grand
en Flandre. Les institutions francophones
d’études supérieures ont elles aussi
opéré, dans les années 1990, plusieurs
fusions d’où sont sorties un certain nombre d’écoles supérieures, toutes établies
à Bruxelles, auxquelles s’ajoutent
quelques établissements à Louvain-laNeuve et à Nivelles : les écoles supérieures Galilée, Léonard de Vinci, EPHEC
(École Pratique des Hautes Études Commerciales) et ICHEC (Institut Catholique
de Hautes Études Commerciales) - ISC
Saint-Louis (Institut Supérieur Commercial) - ISFSC (Institut Supérieur de Formation Sociale et de Communication).
98 Pastoralia, (1978) 4, 62 ; Ibidem, (1988) 7, 88-89.
99 Prudhomme et Zorn,
« Crises et mutations de la
mission chrétienne », 357362 ; Pirotte, « Proselitisme
en inculturatie ».
100 En 1961, la Belgique atteint le
record total de 10.070 missionnaires en activité. Vanysacker, « Historisch overzicht
van de katholieke Belgische
en Nederlandse missies »,
326.
Traditionnellement, la responsabilité
diocésaine de l’enseignement pour la totalité de l’archidiocèse est confiée à un
seul vicaire général. À monseigneur
Pierre Goossens, nommé en 1962, succède en 1963 le chanoine Rémy Goossens comme directeur diocésain. En
1966 il est nommé vicaire général. Rémy
Goossens est secondé à Bruxelles par un
adjoint pour l’enseignement néerlandophone, Albert Faes (°1915), et par un adjoint pour l’enseignement francophone,
Jean Van Camp (1931-2000), qui sera
remplacé à partir de 1974, par Étienne
Glibert (1921-2001). Lors de la restructuration de 1981, le vicaire général est
remplacé par deux vicaires épiscopaux,
notamment André Voussure (19212003) pour l’enseignement franco312 ı Leo Kenis
phone et Jozef Peeters (°1927) pour
l’enseignement néerlandophone, qui
sont à leur tour respectivement remplacés par Jean Janssens (°1935) en 1989
et Jos Portael (°1934) en 1994.
La direction du diocèse se montre
préoccupée par la sauvegarde, au sein
d’une société pluraliste, de l’identité
chrétienne de ses écoles. Ce pluralisme
caractérise également, et de plus en
plus, les parents, les élèves et les enseignants des écoles catholiques. Aussi
l’enseignement catholique est-il confronté, en tant qu’institution appartenant au pilier traditionnel, au défi de
l’interprétation et de la sauvegarde de
l’identité catholique dans ce pluralisme
interne. Afin d’étayer cette identité religieuse, la mise en œuvre d’une pastorale scolaire efficace devient une priorité à partir des années 1970.
En 1972, un groupe diocésain de planning pour la pastorale scolaire voit le
jour. La création de cette pastorale scolaire soulève inévitablement des problèmes, principalement dans l’enseignement officiel. Afin d’y remédier, un
groupe spécial d’animation spirituelle est
créé en 1972 dans l’enseignement officiel. Dans les écoles maternelles et primaires catholiques, la pastorale de l’enseignement est confiée en grande partie
à l’inspection diocésaine et au clergé
local. Pour l’enseignement secondaire catholique, on demande que soit lancée la
création de petits noyaux de bénévoles
disposés à se charger de cette tâche. Ces
noyaux portent des noms divers :
groupes d’animation pastorale, groupes
de base, noyau pastoral etc. La présence
d’enfants d’immigrés musulmans constitue un problème spécifique par rapport
à l’identité chrétienne des écoles catholiques. En 1978, les évêques décident de
ne pas prendre de mesure générale et de
principe quant à l’organisation de cours
de religion islamique dans les écoles catholiques 98. Le cardinal Danneels rap-
Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:32 Pagina 313
pelle explicitement que tous sont les
bienvenus dans les écoles catholiques,
mais qu’il n’y aura pas de cours de religion islamique car la spécificité chrétienne doit être garantie. Cette problématique illustre la présence dans les
écoles catholiques d’une diversité idéologique croissante. De nouveaux plans
scolaires en tiennent compte. L’attitude
des autorités diocésaines vis-à-vis de
cette situation nouvelle exprime un soutien et indique une orientation. Les services diocésains responsables de l’enseignement ont déjà évolué : ils sont passés
des services traditionnels d’inspection au
service d’accompagnement pédagogique
axé sur l’aide aux pouvoirs organisateurs
et sur une offre abondante de formations et de recyclages dans toutes les
branches de la vie scolaire.
5. Confrontation avec le monde
Les missions
L’idée que se fait l’Église catholique du
travail missionnaire a changé profondément dans les décennies après la Seconde Guerre mondiale. La notion classique de conversion est corrigée suite à
la prise de conscience de la nécessité de
reconnaître l’identité culturelle des
peuples visités. Ainsi, dans un souci
d’équité, l’Église s’efforce peu à peu de
marquer sa solidarité avec ce qu’on appelle le tiers-monde, et que se manifestent des initiatives d’aide au développement 99. Une organisation comme
Entraide et Fraternité a suivi cette ligne
de conduite et insiste de plus en plus
sur l’aide socio-économique. Cela ne
l’empêche pas de continuer à soutenir
l’annonce de l’Évangile, qui est son véritable objectif missionnaire, par le biais
d’une organisation distincte, Entraide et
Fraternité de Prêtres et de Religieux.
Dans l’archidiocèse, le soutien et la promotion des missions est pris à cœur par
le ‘Centrum voor Evangelisatie’, par le
service diocésain du Conseil national
des missions et par les Œuvres pontificales missionnaires. Ces dernières, actives dans la récolte de fonds et dans
l’animation au profit de l’œuvre missionnaire, ont après quelque temps
réuni les services dans les différents vicariats qui organisent l’action missionnaire. En 1989, elles poursuivent leur
travail sous le nom de Missio. Parmi les
nombreuses activités pastorales de Missio, la plus connue est celle où des enfants, à la fête de l’Épiphanie (Jour des
Rois), sillonnent les rues de la paroisse
en chantant et invitent les paroissiens à
soutenir financièrement les projets en
faveur des pays en voie de développement.
Au début des années 1960, le nombre de
missionnaires masculins et féminins est
encore très élevé 100. C’est d’ailleurs dans
l’archidiocèse, à Bruxelles et à Louvain,
que sont implantés les sièges principaux
de deux congrégations missionnaires
des plus vivantes : les missionnaires de
Scheut (congrégation des missionnaires
du Cœur Immaculé de Marie) et les
sœurs missionnaires de la Chasse-Heverlee (sœurs missionnaires du Cœur
Immaculé de Marie). Les missions sont
réparties sur tous les continents, mais
Une Église devenue minoritaire dans un environnement pluraliste (1961-2009) ı 313
Journée missionnaire à CourtSaint-Etienne, photo, 1983.
Les missionnaires de l’archidiocèse sont l’objet d’attentions particulières. On organise chaque année à leur
intention des journées missionnaires au cours desquelles
d’anciens missionnaires ou
des missionnaires en vacances
peuvent se retrouver. L’archevêque lui-même participe
souvent à ces rencontres.
[Malines, Archives de l’Archevêché]
Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:32 Pagina 314
leur présence est naturellement prépondérante dans les anciennes colonies
belges en Afrique.
tre de l’archidiocèse parti dès 1958 au
Brésil, devient le conseiller de Helder
Camara (1909-1999) l’évêque des pauvres. Le prêtre colombien Camillo
Torres (1929-1966) fait ses études à
Louvain dans les années 1954-1958 (il
est sous-régent du COPAL en 1955) ;
après son retour au pays, il abandonne
l’état ecclésiastique, rejoint la résistance armée en Colombie, et finit
abattu en 1966. Pendant sa période
louvaniste, Torres se lie d’amitié avec
François Houtart, sociologue des religions et prêtre de l’archevêché qui se
range résolument du côté de ‘l’Église
du peuple’ et connaît personnellement
plusieurs théologiens de la libération.
Gustavo Gutiérrez (°1928), qui lançait
l’expression « théologie de la libération », est un ancien de Louvain où il
étudie en 1951-1955.
Depuis la fin des années 1960, sous
l’influence de l’esprit de l’époque, l’intérêt pour la problématique du développement se fait plus contestataire, ce
qui ressort aussi dans l’action missionnaire. À cet égard, l’attention particulière accordée à la situation en Amérique latine est significatrice. L’Église
de Belgique a depuis longtemps tissé
des liens avec l’Amérique latine et,
dans l’archidiocèse, ceux-ci se concrétisent principalement à Louvain, où le
Collegium pro America Latina (COPAL)
est installé en 1953. À l’origine, ce collège forme à l’activité pastorale, des
prêtres diocésains pour l’Église latinoaméricaine qui en manque alors cruellement 101. Cette offre de formation
n’est pas seulement appréciée des séminaristes, mais également des prêtres
déjà ordonnés, des religieux et des
laïcs. Au cours des années 1970, les
contacts avec la théologie de la libération qui commence à se développer en
Amérique latine, se multiplient par l’intermédiaire des étudiants latino-américains vivant dans ou en dehors du
collège. Joseph Comblin (°1923), prê-
Toute cette nouvelle dynamique de
gauche de l’aide chrétienne au développement imprègne également les
idées concernant l’action missionnaire,
et atteint son point culminant dans les
années 1970 et 1980. Cette interprétation critique et politique du message
missionnaire évangélique provoque
d’ailleurs des tensions internes au sein
de la communauté ecclésiastique, notamment après la prise de position critique du Saint-Siège vis-à-vis de la
théologie de la libération en 1984 et
1986. Toutefois, le message évangélique en faveur de l’engagement social
envers les plus pauvres du monde entier devient une évidence pour la plupart des fidèles, entre autres grâce aux
campagnes d’Entraide et Fraternité. Il
confronte également toute la communauté des fidèles aux conséquences
violentes de l’engagement envers les
pauvres, notamment dans les années
1980, avec l’assassinat de l’archevêque
Óscar Romero (1917-1980) au Salvador, et lors de la disparition et la mort
de quatre pères scheutistes belges au
Guatemala.
Commémoration Romero à
Bruxelles, affiche, 1983.
Des croyants progressistes et
socialement engagés de l’archidiocèse s’intéressent depuis
longtemps à ce qui se passe
dans l’Église d’Amérique latine. Des figures comme Helder Camara, Camillo Torres,
Gustavo Gutiérrez et Óscar
Romero frappent l’imagination. Diverses associations
chrétiennes organisent régulièrement des célébrations à la
mémoire de l’archevêque salvadorien Romero, assassiné
en 1980.
[Louvain, KADOC : KCA1972]
101 Voir à ce sujet les contributions de Paul Servais, de Caroline Sappia et de Pierre
Sauvage dans Sappia et Servais, éds., Les relations de Louvain avec l’Amérique latine,
resp. 55-85, 86-113, 115-121.
102 En 1974, la Belgique compte
6283 missionnaires ; en
1988, ils sont encore 3710 ;
en 1994 plus que 2167. Dujardin, « Gender », 280-283 ;
Vanysacker, « Historisch
overzicht van de katholieke
Belgische en Nederlandse
missies », 326.
103 La commission informelle
est étendue et mieux structurée au début de l’année
1967, ce qui lui donne un
statut officiel. KADOC, Fonds
Bernard Vanden Berghe, 316320.
104 Cela a lieu suite à des conversations préparatoires à l’initiative de la Commission nationale catholique pour
l’Œcuménisme fondée en
1967. La Documentation catholique, 69 (1972), 35-37.
314 ı Leo Kenis
Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:32 Pagina 315
L’engagement libérateur en Amérique
latine passe ensuite au second plan de
l’actualité. Le nombre de missionnaires
diminue, suivant en cela la même évolution que les autres groupes de prêtres
et de religieux 102. L’engagement en faveur des Églises et des peuples du sud se
maintient néanmoins. Des laïcs de plus
en plus nombreux s’engagent dans des
mouvements d’aide au développement
d’inspiration chrétienne et favorisent des
formes d’échanges équivalents avec les
jeunes Églises. Aujourd’hui, les chrétiens
estiment normal qu’une action missionnaire s’accompagne d’une action politique appropriée en faveur de la justice.
L’estime témoignée à des personnalités
comme Jeanne Devos (°1935) en est
une preuve. Cette religieuse de la
Chasse, originaire du Brabant, prend la
défense des pauvres et des sans-droits à
Mumbai (Indes) et est nominée pour le
Prix Nobel de la Paix en 2005.
L’œcuménisme
et les contacts interreligieux
La période après la guerre permet aussi
de préparer le terrain à une percée dans
les rapports entre l’Église catholique et
les autres Églises chrétiennes. Dans les
années 1950, le mouvement œcuménique acquiert une structure institutionnelle par la création du Conseil
œcuménique des Églises (1948).
L’Église catholique s’ouvre peu à peu
aux autres Églises. Le décret conciliaire
Unitatis redintegratio (novembre 1964)
sert de fil conducteur pour le positionnement œcuménique de l’Église catholique. Dès avant la proclamation du décret, le 12 octobre 1964, une
commission diocésaine informelle voit
le jour dans l’archidiocèse. Celle-ci est
responsable des contacts œcuméniques
et des initiatives pastorales dans l’archevêché. Des catholiques, des protestants et des anglicans font partie de la
commission 103. Plusieurs initiatives
sont lancées au cours de cette période.
En janvier 1965, le cardinal célèbre la
première messe de la ‘Semaine pour
l’Unité’ dans la cathédrale de Bruxelles.
En mai 1965, la commission insiste sur
l’importance de la prière, de la connaissance et de l’action. En janvier 1968, des
catholiques, des orthodoxes et des protestants tiennent pour la première fois
une veillée de prière commune au Palais des Congrès à Bruxelles. En janvier
1969, les protestants organisent une
veillée de prière dans la basilique de
Koekelberg. Les premiers contacts plus
approfondis sont principalement établis avec les protestants. En juin 1971, le
cardinal Suenens est invité à s’adresser
au synode diocésain de l’Église protestante de Belgique et, le 23 novembre de
la même année, est publiée la déclaration de reconnaissance ecclésiale du
baptême 104.
Pour les fidèles de l’archidiocèse, le signe
le plus visible de l’ouverture de l’Église
catholique aux autres chrétiens est la Semaine annuelle pour l’Unité. Dans les
régions où vivent de petites communautés non catholiques naissent depuis la
Une Église devenue minoritaire dans un environnement pluraliste (1961-2009) ı 315
Le cardinal Suenens rencontre
l’archevêque Ramsey de Canterbury, photo, 1969.
Depuis les ‘Conversations de
Malines’ (1921-1926), l’archevêché entretient des liens
étroits avec l’Église anglicane.
Les contacts furent intenses
sous l’épiscopat du cardinal
Suenens.
[Malines, Archives de l’Archevêché]
Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:32 Pagina 316
base des contacts réciproques et des cérémonies communes, mais aussi des jumelages de paroisses avec des paroisses
protestantes d’autres pays 105.
En-tête du périodique des sœurs
de Sion, 1980.
Depuis environ 1970, les
contacts entre chrétiens et
juifs se sont intensifiés. Ils ont
abouti à la publication du Bulletin d’information du Service
de documentation Relations
entre juifs et chrétiens, édité par
les sœurs de Sion. Ces dernières se sont établies à
Bruxelles en 1970, dans le but
de chercher à se rapprocher
des juifs. La présente illustration orne l’en-tête du périodique.
[Louvain, KADOC : KYB1289]
En-tête du périodique El Kalima,
1990.
La présence de nombreux immigrés marocains et turcs
dans diverses villes de l’archidiocèse stimule les rapprochements avec l’islam. ‘El Kalima’,
créé en 1978 à Bruxelles, est
un centre d’études et de rencontres pour l’islam qui édite
également son propre périodique.
[Louvain, KADOC : KYA333]
L’archevêché entretient des liens spéciaux avec l’Église anglicane, en particulier avec l’archevêché d’York. Cette fraternisation est une des conséquences
lointaines des fameuses « conversations
de Malines » organisées par le cardinal
Mercier dans les années 1921-1926 avec
Lord Halifax (1839-1934), un anglican.
Même si elles ne sont guère suivies de
résultats concrets, ces rencontres ont
fort favorisé le rapprochement entre
l’Église catholique et l’Église anglicane.
La visite du cardinal Suenens invité par
l’archevêque d’York est suivie de visites
réciproques régulières, entre autres en
1966 à l’occasion du quarantième anniversaire de la fin des conversations de
Malines, et en 1984, à l’occasion du cinquantième anniversaire du décès de
Lord Halifax. En août 1996, à l’occasion
du 75e anniversaire des conversations de
Malines, se déroule à Malines une grandiose cérémonie au cours de laquelle le
cardinal Danneels accueille entre autres
l’archevêque de Canterbury George
Carey (°1935) 106.
Les relations avec les religions non chrétiennes placent le judaïsme au premier
rang, étant donné l’importance de la
communauté juive à Bruxelles. Le
concile provoque également un revirement dans l’attitude de l’Église vis-à-vis
du judaïsme. À partir de septembre
1964, l’archidiocèse fait état de cette
nouvelle relation. En 1970, les sœurs de
Notre-Dame de Sion, dont la vocation
316 ı Leo Kenis
est le rapprochement avec les juifs, s’installent à Bruxelles et lancent en janvier
1973, la publication d’un bulletin d’information sur les relations entres juifs et
chrétiens 107. Ce rapprochement avec la
communauté juive s’accompagne
concrètement d’un aveu de culpabilité
vis-à-vis du passé. Dans ce sens le cardinal inaugure en 1977 dans la cathédrale
de Bruxelles une plaque de repentance
pour le massacre de juifs à Bruxelles au
XIVe siècle. Cette persécution avait été
suscitée par une fausse accusation de
profanation d’hosties à l’origine du culte
du Sacrement de Miracle 108.
Le développement des relations avec
l’islam est déterminé par la présence,
d’abord à Bruxelles, puis dans des villes
comme Malines et Vilvorde, de communautés de plus en plus nombreuses
d’immigrés marocains et turcs musulmans. À partir de 1974, la commission
pour l’œcuménisme inclut explicitement l’islam dans ses préoccupations.
En janvier 1976, Pastoralia publie un
« Message de félicitation à l’occasion de
la fête du sacrifice ». Un pas important
est fait à Bruxelles en faveur du rapprochement avec l’islam lorsque, en février
1978, le vicariat fonde ‘El Kalima’, un
centre d’études et de rencontres avec les
musulmans 109, qui en publie un bulletin
à partir de 1989 110. La fascination pour
la spiritualité orientale, mène enfin, en
1980, à la fondation d’un centre, les
‘Voies de l’Orient’.
Cette confrontation avec d’autres dénominations religieuses et d’autres religions ne cesse de se développer depuis
des années, surtout dans la ville de plus
en plus cosmopolite qu’est Bruxelles 111.
L’immigration a aussi amené à Bruxelles
de nombreux catholiques d’Europe,
d’Afrique et d’Amérique, ainsi que d’autres communautés chrétiennes, par
exemple du Moyen-Orient. La communauté catholique de Bruxelles est devenue un rassemblement bigarré dans le-
Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:32 Pagina 317
quel, outre les francophones et les Flamands, pas moins de quarante communautés d’origine étrangère vivent leur
foi. Dans le creuset qu’est devenu
Bruxelles y compris dans ses nombreuses visions du monde, la minorité
catholique constitue donc une palette
haute en couleurs.
Couverture de B-City à l’occasion de Bruxelles-Toussaint
2006.
Au début du XXIe siècle, la
communauté catholique de
Bruxelles n’est plus qu’une minorité. Elle s’est ‘montrée’ en
2006 dans ‘Bruxelles-Toussaint’, un congrès international axé sur l’évangélisation urbaine et comportant divers
événements annexes. Le magazine chrétien gratuit B-City,
autre expression du ‘comingout’ catholique dans la capitale, y a accordé beaucoup
d’attention.
[Louvain, KADOC : KYB7150]
6. Conclusion
Cette situation nouvelle a incité l’Église
catholique bruxelloise (de même que
d’ailleurs, bien d’autres communautés
paroissiales brabançonnes), à sortir de
sa réserve en organisant entre autres le
congrès international sur l’évangélisation urbaine « Bruxelles - Toussaint
2006 ». « Venez et voyez », tel était le
slogan du congrès : une invitation, lancée par les catholiques à tous ceux qui
le désirent, à venir voir comment ils essayent de vivre dans l’imitation du
Christ. Plus récemment, du 29 décembre 2008 au 2 janvier 2009, la dynamique de cette ouverture au monde
s’est une nouvelle fois exprimée à l’occasion de la rencontre internationale
« Taizé-Bruxelles », organisée par la
communauté de Taizé, où se rassemblent quarante mille jeunes du monde
entier qui sont accueillis dans des familles et quartiers.
L’exemple de Bruxelles semble indiquer
la direction que peut prendre l’Église
dans l’archevêché, et l’Église belge en général, non comme un modèle à imiter,
mais comme l’illustration de la voie que
l’Église catholique a suivie ces cinquante
dernières années. Les catholiques de
Bruxelles ont été les premiers à ressentir,
et à leurs dépens, la gravité de la crise de
leur Église. Mais c’est aussi de Bruxelles
que viennent les signes qui montrent
comment des catholiques, ayant l’expérience de vivre en tant que minorité
dans un monde pluraliste, redécouvrent
la force d’un authentique christianisme.
Ils vivent ainsi leur identité en tant
qu’Église dans des formes nouvelles de
vie et de célébration religieuse, dans des
actions concrètes de solidarité avec les
faibles et les sans-droits de notre société.
Laissons, en conclusion, la parole à un de
ces catholiques bruxellois, monseigneur
Jozef De Kesel, leur évêque auxiliaire
‘adopté’, qui, en tant qu’évêque est aussi
le porte-parole de ses fidèles : “En tant
qu’Église nous ne représentons pas tout
ni tout le monde. Ce n’est pas grave.
L’Église vit et œuvre avec les changements d’époques. Nous ne devons pas
essayer de reconquérir un statut et une
position que nous étions parvenus à
conserver intacts jusqu’à un passé récent. Nous n’avons pas pour mission
d’être dans notre société tout et tout le
monde. Ce n’est pas ce que Dieu attend
de nous. Comme Église, ce que Dieu
nous demande bien, c’est de lui procurer
une place dans nos communautés. Que
ce soient des lieux où Il peut dès maintenant partager la vie avec les hommes,
où dès maintenant il est agréable de
vivre dans son alliance. C’est notre manière d’être présents dans la société et de
vraiment signifier quelque chose pour
les hommes”112.
Une Église devenue minoritaire dans un environnement pluraliste (1961-2009) ı 317
105 Parré, « Multiplications de
liens entre Églises ».
106 Overleg tussen katholieken en
anglicanen.
107 Service de documentation pour
les relations entre chrétiens et
juifs. Bulletin d’information,
édition poursuivie en 1982
sous le titre de Ein Shalom, et
à partir de 1993 sous le titre
de Shalom.
108 Voir Dequeker, Het Sacrament
van Mirakel.
109 Pour un bref historique voir
El Kalima, (1998) 37, 3-30.
110 Il a été précédé d’un autre
périodique indépendant, La
feuille du chêne, 1986-1987.
111 Une idée de la grande diversité dans Vermeir, « Een Belgisch antwoord ».
112 Jozef De Kesel, Église, pourquoi es-tu là, Bruxelles, 2002,
pp. 11-12.
Geschiedenisboek 2 (5):FR 2 hoofdstuk 5 9/11/09 16:32 Pagina 318
318 ı Leo Kenis
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