Directives pour intégrer la question du changement climatique et prévoir des mesures d’adaptation dans la conception des projets intéressant la pêche et l’aquaculture © 2014 Fonds international de développement agricole (FIDA) Les opinions exprimées dans cet ouvrage sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement celles du Fonds international de développement agricole (FIDA). Les appellations utilisées et la présentation du matériel dans cette publication ne constituent en aucun cas une prise de position du FIDA quant au statut juridique d’un pays, d’un territoire, d’une ville ou d’une zone ou de ses autorités, ou quant au tracé de ses frontières ou limites. Les appellations “pays développés” et “pays en développement” n’ont qu’une utilité statistique et ne reflètent pas nécessairement un jugement porté quant au niveau atteint par un pays ou un domaine spécifique dans le cadre du processus de développement. La présente publication peut être reproduite en tout ou en partie sans l’autorisation préalable du FIDA, à condition que la source soit indiquée par l’éditeur et qu’une copie du texte publié soit envoyée au FIDA. La présente publication a été partiellement financée par le Programme d’adaptation de l’agriculture paysanne (ASAP) du FIDA, l’initiative la plus importante à l’échelle mondiale en faveur de l’adaptation de l’agriculture paysanne au changement climatique. Tous droits réservés Photo page de couverture: ©FIDA/R. Ramasomanana ISBN 978-92-9072-548-0 Imprimé en Juin 2015 Directives pour intégrer la question du changement climatique et prévoir des mesures d’adaptation dans la conception des projets intéressant la pêche et l’aquaculture Table des matières 2 Sigles et acronymes 3 Remerciements 5 Résumé 6 Introduction 8 Contexte 8 Changement climatique mondial: réponse et ressources 8 Réponse du FIDA 9 Objectif et champ d’application des directives 10 Changement climatique, pêche et aquaculture 12 Généralités 12 Incidences du changement climatique sur la pêche et l’aquaculture 15 Contribution de la pêche et de l’aquaculture au changement climatique 25 Mesures permettant d’intégrer l’adaptation au changement climatique et son atténuation dans les projets intéressant la pêche et l’aquaculture 30 Vulnérabilité, adaptation et résilience 30 FIDA 31 Généralités sur l’adaptation 32 Description des mesures d’adaptation 37 Mesures d’atténuation spécifiques 50 Conclusions 53 Références 55 Sigles et acronymes APR Division Asie et Pacifique (FIDA) PMA Pays les moins avancés ASC Aquaculture Stewardship Council – Conseil d’intendance de l’aquaculture PMERL Participatory, Monitoring, Evaluation, Reflection and Learning Tool (Outil participatif de suivi, évaluation, réflexion et apprentissage) changements climatiques PNUD Programme des Nations Unies pour le développement Secrétariat général de la Communauté du Pacifique PNUE Programme des Nations Unies pour l’environnement REDD Programme pour la réduction des émissions résultant du déboisement et de la dégradation des forêts CCNUCC Convention-cadre des Nations Unies sur les CPS DANIDA Agence danoise de développement international DCP Dispositif de concentration du poisson S&E Suivi et évaluation ESA Division Afrique orientale et australe (FIDA) UICN Union internationale pour la conservation de la nature FAO Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture USAID Agence des États-Unis pour le développement international FEM Fonds pour l’environnement mondial VINAFIS Viet Nam Fisheries Society FIDA Fonds international de développement agricole WCA GCRAI Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale GIEC Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat GIZ Agence allemande de coopération internationale ICAFIS International Collaborating Centre for Aquaculture and Fisheries Sustainability LAC Division Amérique latine et Caraïbes (FIDA) MSC Marine Stewardship Council – Conseil d’intendance des mers NEN Division Proche-Orient, Afrique du Nord et Europe (FIDA) OCDE Organisation de coopération et de développement économiques ONU Organisation des Nations Unies Division Afrique de l’Ouest et du Centre (FIDA) 3 4 Remerciements Ces directives sont le fruit d’un long processus de consultation et d’une concertation qui ont rassemblé divers spécialistes de la pêche et du changement climatique à plusieurs reprises. Des parties prenantes variées: petits agriculteurs, aquaculteurs, universitaires, fonctionnaires de ministères de l’agriculture et de l’environnement et partenaires de la coopération pour le développement, ont fourni de précieuses contributions. La majeure partie du document a été élaborée en 2010-2011 par l’International Collaborating Centre for Aquaculture and Fisheries Sustainability (ICAFIS). Ce centre qui s’intéresse aux questions de durabilité et intervient activement en Asie, au Moyen-Orient et en Afrique subsaharienne, émane de l’Association de la pêche du Viet Nam (VINAFIS), une organisation comptant plus de 800 sections locales et 34 000 membres. Les principaux auteurs du document sont Flavio Corsin, directeur du programme Aquaculture à IDH The Sustainable Trade Initiative, et Davide Fezzardi, consultant pour l’aquaculture et la pêche artisanale à la Commission générale des pêches pour la méditerranée (CGPM). Ils ont travaillé en collaboration avec leurs collègues de l’ICAFIS et des organisations suivantes: Banque asiatique de développement (BAsD), Asian Institute of Technology, Algen Sustainables, ALVEO S.c.r.l., Université de Can Tho, Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), Agence danoise de développement international (DANIDA), Département d’agriculture et de développement rural à Ben Tre (Viet Nam), Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), Fisheries College and Research Institute (Inde), Agence allemande de coopération technique (GIZ-GTZ), Humber Seafood Institute (Royaume-Uni), Coalition internationale des associations halieutiques, CARE International, Centre de recherches pour le développement international (CRDI), Institut international de gestion des ressources en eau, Réseau de centres d’aquaculture pour la région Asie et Pacifique, coopérative des producteurs de praires de Rang Dong à Ben Tre (Viet Nam), Secrétariat général de la Communauté du Pacifique (CPS), Université de Stirling (Royaume-Uni), Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) au Vietnam, Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), Kenya, Université du New Brunswick (Canada), Banque mondiale, Institut des ressources mondiales et WorldFish. Le document a ensuite fait l’objet d’un examen collégial et a été mis à jour, notamment pour intégrer les dernières conclusions de la cinquième évaluation menée par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) (2013). Ont contribué à ces travaux: Melody Braun, consultante sur le changement climatique international; Kieran Kelleher, consultant – pêches et océans; Felix Jan Baptist Marttin, fonctionnaire principal des pêches, Banque africaine de développement; Anders Poulsen, Conseiller technique international auprès de la Commission du fleuve Mékong; et Leon Williams, spécialiste du développement rural, Fonds international de développement agricole (FIDA). Nous adressons aussi de vifs remerciements à Soma Chakrabarti, Ilaria Firmian, Maria Elena Mangiafico, Cristina Moro, Alessandra Pani, Antonio Rota et Silvia Sperandini du FIDA, pour leur appui et leurs avis. 5 Résumé Le changement climatique transforme le contexte dans lequel les 55 millions de pêcheurs et d’aquaculteurs du monde vivent et travaillent et fait peser Ces dernières années, il est rapidement apparu que les opérations du FIDA devaient s’attaquer aux problèmes posés par le changement climatique, une menace majeure sur leurs moyens d’existence et les écosystèmes dont ils dépendent. Pendant des millénaires, les artisans pêcheurs et les petits aquaculteurs ont pu compter sur les savoirs autochtones et les observations historiques pour gérer la variabilité saisonnière et climatique mais, de nos jours, la rapidité et l’intensité du changement environnemental ne cessent d’augmenter, prenant de vitesse l’aptitude des systèmes humains et aquatiques à s’adapter. ce qui s’est traduit par la formulation de la Stratégie concernant le changement climatique en 2010 et de la Politique de gestion des ressources naturelles et de l’environnement en 2011, et – plus important peut‑être – le lancement du Programme d’adaptation de l’agriculture paysanne (ASAP) en 2012. Les changements déjà observés sont notamment le réchauffement de l’atmosphère et des océans, la modification des régimes de précipitations et la multiplication des phénomènes météorologiques extrêmes. Les océans deviennent plus salés et acides, ce qui a des incidences sur la physiologie et le comportement de nombreuses espèces aquatiques et altère la productivité, les habitats et les cycles de migration. L’élévation du niveau de la mer, conjuguée à l’augmentation de la violence des intempéries, menace gravement les communautés et les écosystèmes côtiers. Partout dans le monde, les récifs coralliens pourraient être détruits au cours du siècle prochain. Certains lacs et plans d’eau continentaux sont en cours d’asséchement tandis que, ailleurs, les inondations destructrices deviennent habituelles. Souvent, ce sont les communautés démunies des pays pauvres qui ont le plus à souffrir de ces changements. 6 La présente étude décrit un ensemble de mesures à avantages multiples permettant d’intégrer la question du changement climatique et de son atténuation dans les interventions du FIDA relatives aux secteurs de la pêche et de l’aquaculture. L’étude s’appuie sur un examen de la documentation pertinente ayant trait au changement climatique et aux secteurs de la pêche et de l’aquaculture, et sur une analyse des activités conduites par d’autres organisations internationales dans ces domaines. La plupart des mesures proposées ne sont pas de nouvelles idées ni des concepts inédits, mais des mesures qui ont démontré à maintes reprises dans la pratique qu’elles généraient une série d’avantages au profit des artisans pêcheurs et des petits aquaculteurs et renforçaient leur résilience ainsi que celle des écosystèmes dont ils dépendent. Cette approche est cohérente avec le premier principe de l’ASAP qui est de transposer à plus grande échelle des approches éprouvées et fiables. Synthèse des principales mesures à avantages multiples Défis liés au changement climatique Mesures à avantages multiples susceptibles d’être mises en œuvre Améliorer la résilience des artisans pêcheurs et des petits aquaculteurs face au changement climatique • • • • • • • • Améliorer l’aptitude à gérer les risques climatiques à court et long termes et à réduire les pertes dues aux catastrophes d’origine climatique. • • • • • Réduire les émissions de gaz à effet de serre et/ou fixer ces gaz • • • Réduire la surpêche et l’excédent de capacité de pêche. Mettre en œuvre une approche écosystémique de la gestion de la pêche et de l’aquaculture (notamment la gestion intégrée des zones côtières et la création d’aires marines protégées). Établir des régimes de cogestion des ressources naturelles prévoyant la participation de groupements communautaires et d’associations de pêcheurs et d’aquaculteurs. Renforcer les connaissances des agents de vulgarisation des secteurs de la pêche et de l’aquaculture et leur aptitude à conseiller, dans le domaine du changement climatique. Investir dans les infrastructures clés et les projets de régénération d’écosystèmes essentiels, en favorisant ainsi une approche dite “sans regrets” (utile en tout état de cause). Encourager la diversification des moyens d’existence et des sources de revenus, y compris les activités qui ne sont pas liées à la pêche ni à l’aquaculture. Investir dans la recherche pour mettre au point/trouver de nouvelles espèces à produire en aquaculture, qui soient viables sur le plan commercial et tolérantes à l’eau de mauvaise qualité, aux températures élevées et aux maladies. Promouvoir des systèmes d’aquaculture et d’agriculture intégrés, qui permettent de mettre en valeur notamment les terres inondées/ salines et les plans d’eau. Établir des systèmes d’alerte rapide, des dispositifs pour la sécurité en mer et des plans de réduction des risques de catastrophe et de préparation. Régénérer les écosystèmes côtiers qui assurent une protection contre les tempêtes et les vagues (par exemple, mangrove, zones humides, marais et récifs coralliens). Promouvoir l’accès à des services financiers et à des mécanismes d’assurance. Encourager la création de petites alevinières pour faciliter le réempoissonnement après une catastrophe. Améliorer la planification du développement de l’aquaculture et le zonage. Introduire des navires plus économes en carburant et encourager l’emploi d’engins de pêche statiques au lieu des engins tractés, tels que les chaluts, qui provoquent de nombreux dégâts. Promouvoir l’élevage d’espèces situées aux échelons inférieurs de la chaîne trophique et la culture de plantes aquatiques dans des systèmes aquacoles de polyculture/multi-trophiques intégrés. Recenser les possibilités d’accéder aux mécanismes de financement carbone pour appuyer la plantation de mangrove et/ ou sa régénération. 7 Introduction Contexte Le changement climatique transforme le contexte dans lequel les 55 millions de pêcheurs et d’aquaculteurs du monde vivent et travaillent et fait peser une menace majeure sur leurs moyens d’existence et les écosystèmes dont ils dépendent. Pendant des millénaires, les artisans pêcheurs et les petits aquaculteurs ont pu compter sur les savoirs autochtones et les observations historiques pour gérer la variabilité saisonnière et climatique mais, de nos jours, la rapidité et l’intensité du changement environnemental ne cessent d’augmenter, prenant de vitesse l’aptitude des systèmes humains et aquatiques à s’adapter. On observe dans les océans, les cours d’eau et les lacs une modification de la température, de l’acidité, de la salinité et des flux, qui a souvent des effets négatifs sur les fonctions écosystémiques. Par ailleurs, les pertes et les dégâts provoqués par des phénomènes météorologiques extrêmes augmentent, en même temps que la fréquence et l’intensité des sécheresses, des inondations, des vagues de chaleur et des intempéries. Il faut d’abord prévenir et gérer les risques climatiques si l’on veut que les populations rurales puissent sortir de la pauvreté. Les ruraux pauvres sont moins résilients parce qu’ils ont moins de ressources auxquelles recourir pendant les crises. Dans un environnement où les risques habituels, tels que les problèmes de santé, l’instabilité des marchés, l’insécurité alimentaire et la mauvaise gouvernance, sont exacerbés par la dégradation des ressources naturelles et le changement climatique, les possibilités de croissance sont hors d’atteinte de la plupart des ruraux pauvres. Il faut mettre en place des politiques et des programmes d’investissement placés sous le signe de l’innovation, pour aider les populations rurales pauvres à réagir et à s’adapter face au changement climatique, et à anticiper, absorber et surmonter les chocs et les stress qui s’y rattachent. 8 Changement climatique mondial: réponse et ressources S’il est manifeste qu’il faut donner une réponse face aux défis et aux possibilités liés au changement climatique, en revanche les modalités de la réponse et l’allocation des ressources nécessaires font encore l’objet de débats internationaux de haut niveau. Ceux-ci se tiennent habituellement lors des sessions annuelles de la Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Le Plan d’action de Bali, convenu à la Conférence des Parties de 2007 à Bali, demandait que des ressources financières soient allouées pour aider les pays en développement à s’adapter au changement climatique. Pendant la Conférence des parties de 2009, à Copenhague, les pays développés se sont engagés à fournir “des fonds pour un démarrage rapide”, à savoir des ressources nouvelles et supplémentaires à hauteur de 30 milliards d’USD pour la période 2010-2012, puis de 100 milliards d’USD par an jusqu’en 2020. En 2010, à la Conférence des Parties de Cancun, les participants ont commencé à réfléchir à un mécanisme international permettant de compenser les pertes et les dégâts subis dans les pays les plus vulnérables, où certaines incidences négatives sont déjà inévitables. Cependant, la stratégie de mobilisation de ces financements climatiques élargis demeure très floue et sa mise en œuvre est régulièrement repoussée. Aucun accord final sur la réponse donnée par la communauté mondiale au changement climatique n’est attendu avant la vingt et unième session de la Conférence des Parties qui se tiendra à Paris en 2015. Avec les ressources mises à disposition actuellement, notamment les ressources du Fonds pour l’environnement mondial (FEM), la communauté internationale – en particulier des organisations de développement, des organisations non gouvernementales, des institutions des Nations Unies, des instituts de recherche et des banques et fonds internationaux et régionaux de développement – s’emploie déjà activement à renforcer les capacités en matière de lutte contre le changement climatique et à incorporer des pratiques optimales d’adaptation et d’atténuation dans les plans de développement et les projets d’investissement sectoriels et nationaux (Banque mondiale 2010b). Parallèlement, un certain nombre de fonds mondiaux centrés sur les problèmes d’adaptation ont été créés sous l’égide de la CCNUCC, notamment le Fonds pour l’adaptation établi par les Parties au Protocole de Kyoto et le Fonds spécial pour les changements climatiques et le Fonds pour les pays les moins avancés, deux fonds administrés par le FEM. En outre, le Programme d’adaptation de l’agriculture paysanne (ASAP) du FIDA constitue l’un des premiers exemples de nouveaux guichets de financement qui ont vu le jour dans le but précis de financer l’adaptation au changement climatique. Le Fonds pour les pays les moins avancés, géré par le FEM, a appuyé l’élaboration de programmes nationaux d’adaptation aux changements climatiques dans les pays les moins avancés (PMA). Ces programmes tiennent compte des informations existantes pour déterminer les mesures d’adaptation prioritaires et sont pragmatiques, gérés par les pays, flexibles et en prise sur les réalités nationales. Ils servent aussi de base à la mobilisation de ressources en faveur de l’adaptation, en particulier auprès du FEM. La CCNUCC a fait valoir que, dans de nombreux pays, la planification et les pratiques en matière d’adaptation en étaient à un stade embryonnaire et, en ce qui concerne les PMA, étaient très souvent centrées sur les programmes nationaux d’adaptation (FIDA 2010b). Le FEM estime que le FIDA est un partenaire intéressant, s’agissant de la mise en œuvre des programmes nationaux d’adaptation dans les PMA, étant donné qu’un grand nombre des programmes d’adaptation donnent la priorité à l’agriculture, un secteur dans lequel le FIDA possède justement une grande expérience. Réponse du FIDA Ces dernières années, il est devenu de plus en plus évident que les opérations du FIDA devaient s’attaquer aux problèmes posés par le changement climatique, ce qui s’est traduit par une série de publications et d’initiatives, la formulation de la Stratégie concernant le changement climatique (2010) et de la Politique de gestion des ressources naturelles et de l’environnement (2011), et – plus important peut-être – le lancement de l’ASAP en 2012. En conséquence, des indications plus précises ont été demandées sur la conception et la mise en œuvre des activités d’adaptation et d’atténuation financées par le FIDA. Programme d’adaptation de l’agriculture paysanne (ASAP) Le FIDA a lancé l’ASAP en 2012 afin que les populations rurales, y compris les artisans pêcheurs, puissent bénéficier des fonds liés au changement climatique et à l’environnement. L’ASAP est un guichet de financement multidonateurs pluriannuel, qui offre des ressources complémentaires pour transposer à plus grande échelle et intégrer des mesures d’adaptation au changement climatique, dans l’ensemble du portefeuille de nouveaux investissements du FIDA, dont le montant s’élève à 1 milliard d’USD par an. L’ASAP mène une action majeure de transposition à plus grande échelle des approches de l’agriculture paysanne, à la fois performantes et à avantages multiples, qui améliorent la production tout en réduisant et en diversifiant les risques d’origine climatique. À cet effet, le programme associe des approches éprouvées du développement rural à un savoir-faire et des techniques susceptibles de faciliter l’adaptation. En 2011, le FIDA a publié un document intitulé: “En quoi l’agriculture intelligente face au climat pratiquée par les petits exploitants est-elle différente?”. Ce document rendait compte d’un fait qui recueille un consensus croissant, à savoir, “que le changement climatique est en train de transformer le contexte dans lequel s’inscrit le développement rural; il remodèle les paysages physiques et socioéconomiques et rend plus coûteux le développement de la petite agriculture” (FIDA 2011: 2). En outre, il mettait en lumière les divergences de vues sur la façon dont les pratiques agricoles des petits exploitants devaient changer et proposait trois changements majeurs susceptibles de rendre l’agriculture paysanne “intelligente face au climat”, des changements également applicables à la pêche artisanale et à la petite aquaculture: • Tenir compte de l’aggravation des risques d’origine climatique dans l’élaboration des projets et des politiques, en associant l’évaluation de la vulnérabilité et la modélisation du climat à une meilleure compréhension des interconnexions existant entre l’agriculture paysanne et le paysage dans son ensemble; • Transposer à plus grande échelle les approches à avantages multiples qui améliorent la résilience face au changement climatique, tout en réduisant la pauvreté, en protégeant la biodiversité, en limitant les émissions de gaz à effet de serre et en contribuant à la réalisation d’autres objectifs de développement durable; 9 • Permettre aux petits exploitants de bénéficier des fonds climatiques, afin de rémunérer les activités génératrices d’avantages multiples et de compenser les coûts et les risques croissants, et recenser les meilleurs moyens d’obtenir, puis de mesurer, une gamme plus large d’avantages, allant au-delà des incidences traditionnelles sur la pauvreté et les rendements. Objectif et champ d’application des directives Objectif Depuis longtemps, le FIDA aide des instituts de recherche et d’autres organismes à expérimenter, adapter et diffuser des techniques permettant de surmonter la variabilité climatique. Les projets financés par le FIDA sont aussi des sources d’enseignements et d’expériences pratiques en matière d’intégration de l’adaptation au changement climatique (FIDA 2010b). L’objectif du présent document est de synthétiser les connaissances disponibles et les pratiques optimales relatives à l’adaptation au changement climatique et à son atténuation dans les secteurs de la pêche et de l’aquaculture, en vue de donner des indications susceptibles d’orienter les interventions du FIDA dans ce secteur. Plus spécifiquement le document vise à: • Examiner la documentation pertinente ayant trait au changement climatique et aux secteurs de la pêche et de l’aquaculture et analyser les activités conduites par d’autres organisations internationales dans ces domaines; • Recenser les pratiques optimales en matière d’adaptation au changement climatique et d’atténuation du changement climatique dans les secteurs de la pêche et de l’aquaculture; • Donner des indications pour l’intégration de mesures d’adaptation au changement climatique et d’atténuation du changement climatique dans les interventions du FIDA intéressant les secteurs de la pêche et l’aquaculture, et améliorer la qualité des processus de conception, d’exécution, de supervision et d’évaluation des projets du FIDA ainsi que la participation de celui-ci à la concertation sur les politiques. Méthodologie L’examen de la documentation a été de portée mondiale et a reposé sur une étude théorique de publications et de littérature grise, complétée par des entretiens, des réunions et une série de visites 10 de terrain dans des sites du delta du Mékong, au Viet Nam. Les données et les informations ont été synthétisées et ont fait l’objet d’une analyse qualitative qui a permis de dégager les pratiques optimales. Le présent document reprend aussi des données présentées dans une publication thématique du FIDA intitulée: Fisheries, Aquaculture and Climate Change (Pêche, aquaculture et changement climatique, de Williams et Rota 2010), laquelle est un examen détaillé de la documentation mondiale relative aux incidences probables du changement climatique sur la pêche et l’aquaculture, ainsi qu’aux mesures d’adaptation et d’atténuation qui pourraient être prises. Les conclusions de cet examen ont été utilisées pour préparer le matériel que le FIDA a présenté à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) et lors de la quinzième session de la Conférence des Parties, tenue à Copenhague en décembre 2009. Champ d’application et limites du document L’analyse de la bibliographie a permis de conclure que, à l’échelle mondiale, les travaux ayant trait aux incidences du changement climatique sur la pêche et l’aquaculture n’en étaient qu’à leur début. Si les connaissances relatives aux incidences biophysiques du changement climatique sur les écosystèmes aquatiques sont relativement abondantes, en revanche on en sait moins sur les conséquences socioéconomiques et les réponses à apporter (De Silva et Soto 2009). Un certain nombre d’organisations se sont attelées à l’élaboration de directives pour intégrer des mesures d’adaptation et d’atténuation dans les projets intéressant la pêche et l’aquaculture, notamment l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et WorldFish, qui s’efforcent de mettre au point, d’expérimenter et d’adopter une méthode normalisée d’évaluation et de documentation des pratiques optimales. Les questions de parité hommes-femmes commencent à mobiliser l’attention, étant donné que les femmes comptent pour la moitié de la maind’œuvre mondiale travaillant dans les entreprises de transformation et de commercialisation des secteurs de la pêche et de l’aquaculture. Des lacunes de connaissances et des incertitudes demeurent en ce qui concerne les incidences, la vulnérabilité, et les coûts et les avantages de l’adaptation et de l’atténuation, mais des travaux sont en cours pour y remédier. Certains des projets examinés plus loin permettent de progresser sensiblement à cet égard. ©FIDA/G.M.B.Akash 11 Changement climatique, pêche et aquaculture Généralités Changement climatique Le cinquième rapport d’évaluation publié par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC 2013) a confirmé que le système climatique mondial changeait comme il ne l’avait jamais fait pendant des millénaires. Le dernier rapport confirme aussi que l’homme est responsable de la plupart de ces évolutions et qu’il faudra déployer des efforts conséquents pour parvenir à limiter l’ampleur de ces changements. “Selon l’évaluation, le réchauffement du système climatique est incontestable et, depuis les années 50, un grand nombre des changements observés sont sans précédent, que ce soit à l’échelle de décennies ou de millénaires. L’atmosphère et les océans se sont réchauffés, la neige et la glace ont partiellement fondu, le niveau de la mer est monté et les concentrations de gaz à effet de serre ont augmenté.” (GIEC 2013:2) “Le rapport fait valoir que l’influence humaine a été détectée dans le réchauffement de l’atmosphère et des océans, dans la modification du cycle global de l’eau, dans la fonte de la neige et de la glace, dans l’élévation du niveau moyen de la mer à l’échelle mondiale et dans l’évolution de certains phénomènes climatiques extrêmes. Par rapport au quatrième rapport d’évaluation, l’influence anthropique semble plus amplement démontrée. En effet, le dernier rapport indique qu’il est extrêmement probable que l’influence humaine ait été la cause principale du réchauffement observé depuis le milieu du XXe siècle.” (GIEC 2013:15) “On peut aussi lire dans ce rapport que la poursuite de l’émission de gaz à effet de serre entraînera une aggravation du réchauffement ainsi que de nouveaux bouleversements dans toutes les composantes du système climatique. Il faudra réduire considérablement et durablement l’émission de gaz à effet de serre pour parvenir à limiter le changement climatique.” (GIEC 2013:17). 12 Quoi qu’il en soit, des mesures d’atténuation pourraient limiter la poursuite éventuelle du changement climatique, mais il est vraisemblable qu’un grand nombre de tendances déjà sensibles continueront sur leur lancée pendant des décennies voire – dans certains cas – des siècles, compte tenu de la persistance des effets des gaz à effet de serre qui se sont accumulés dans l’atmosphère. Ces évolutions auront des incidences complexes sur les écosystèmes aquatiques et les moyens d’existence des populations qui en dépendent. Il faut déjà mettre en place des mesures d’adaptation pour renforcer la résilience et la capacité adaptative et continuer à les appliquer à l’avenir, quels que soient les scénarios futurs en matière d’émission. Les changements observés et prévus ci-après sont décrits avec précision dans le dernier rapport du GIEC (GIEC 2013): Climat • • • • • ­ échauffement de la surface du globe R d’environ 0,85°C, de 1880 à 2012. Par rapport à la période 1986-2005, les températures vont vraisemblablement augmenter de 0,3°C à 0,7°C supplémentaire d’ici à 2016-2035 et de 0,3°C à 4,8°C d’ici à 2081-2100, en fonction du scénario d’émission. La hausse totale sera donc comprise entre 1°C et 5°C par rapport aux températures de l’ère préindustrielle; ­Observation d’une augmentation des températures et de la fréquence des journées et des nuits chaudes et d’une réduction de la fréquence des journées et des nuits froides – une tendance dont la poursuite est virtuellement certaine; ­Augmentation probable de la fréquence des vagues de chaleur – une tendance dont la poursuite est très vraisemblable; ­Augmentation possible de l’intensité et/ou de la durée des sécheresses – qui pourrait continuer; ­Augmentation de la fréquence et de l’intensité des précipitations torrentielles – qui se • poursuivra très probablement, en particulier sous les tropiques humides. Il pourrait y avoir d’avantage de zones concernées par la mousson, celle-ci étant caractérisée par des vents plus faibles mais des précipitations plus importantes et des changements de calendrier; ­Observation d’une relative amplification de l’activité cyclonique tropicale, qui va probablement se poursuivre plutôt que s’atténuer à l’avenir; le phénomène appelé El Niño-Oscillation australe va vraisemblablement s’intensifier. • • Niveau de la mer • Atmosphère • ­­­ Augmentation des concentrations atmosphériques de gaz à effet de serre (dioxyde de carbone [CO2], méthane [CH4] et oxyde nitreux [N2O]), qui dépassent aujourd’hui les concentrations les plus élevées connues sur une période de 800 000 ans – et constituent la cause majeure du réchauffement mondial. Océans • ­ échauffement des océans, avec un R réchauffement des 75 premiers mètres de surface de 0,11 ºC par décennie pendant la période 1971-2010. Le réchauffement des océans représente plus de 90% de l’énergie accumulée dans le système climatique mondial au cours de cette période. Le réchauffement des océans va continuer pendant tout le XXIe siècle, pénétrer en profondeur et influer sur la circulation des courants et le niveau de la mer. Le réchauffement le plus marqué est attendu dans les zones tropicales et dans les zones subtropicales septentrionales; ­ cidification des océans, avec une baisse du A pH de l’eau de surface de 0,1 depuis 1750. L’absorption ininterrompue de carbone par les océans continuera à favoriser leur acidification jusqu’à la fin du siècle actuel; ­Variation de la salinité, les zones fortement salines devenant encore plus salines et inversement, en raison des changements touchant l’évaporation et les précipitations. • ­ l’échelle mondiale, le niveau de la mer s’est À élevé en moyenne de 0,19 mètre pendant la période 1901-2010 et le rythme de l’élévation s’est accéléré, passant de 1,7 millimètre par an au début du XXe siècle au rythme actuel de 3,2 millimètres par an. En conséquence, l’élévation totale du niveau de la mer en 2081-2100 par rapport à 1981-2005 sera de l’ordre de 0,26 à 0,98 mètre, la fonte des glaciers et la dilatation thermique étant responsables de quelque 75% de cette variation. Le niveau de la mer continuera à monter pendant le XXIe siècle et au-delà, quel que soit le scénario en matière d’émission; ­L’augmentation de l’incidence et de l’ampleur des épisodes d’élévation extrême du niveau de la mer a commencé et va très probablement continuer. Les chiffres suivants indiquent les variations prévues des valeurs moyennes, en ce qui concerne la température à la surface du globe, la quantité de précipitations et le pH de la surface des océans, dans le meilleur scénario (à gauche) et dans le pire scénario (à droite) en matière d’émission. FIGURE 1 13 Source: Adapté de GIEC 2013 Pêche et aquaculture La pêche et l’aquaculture sont tributaires des écosystèmes aquatiques (d’eau douce, côtiers et marins). Ces écosystèmes ressentent déjà les effets du changement climatique en raison de leur extrême sensibilité aux variations de température, de salinité et d’acidité. C’est pourquoi, l’on s’attend à ce que les moyens d’existence fondés sur la pêche et l’aquaculture soient parmi les premiers à subir les contrecoups du changement climatique. Les moyens d’existence des petits aquaculteurs et des artisans pêcheurs des petits États insulaires en développement, des pays sujets aux sécheresses et des pays en développement d’Asie du Sud et du Sud-Est et d’Afrique subsaharienne, sont particulièrement fragiles (Allison et al. 2009). Comme l’a souligné la FAO (2012), les secteurs de la pêche et de l’aquaculture offrent des possibilités d’améliorer considérablement la sécurité alimentaire et la nutrition partout dans le monde, de réduire la pauvreté et de favoriser la croissance économique. En 2011, la production mondiale de poisson a atteint 154 millions de tonnes, et la consommation 130,8 millions de tonnes – ce qui représente une moyenne 14 de 18,8 kilogrammes par personne. La progression de la demande stimule l’augmentation de la production, faisant de l’aquaculture l’un des secteurs de production alimentaire dont la croissance est la plus rapide; la production totale de la pêche de capture et de l’aquaculture devrait s’élever à 172 millions de tonnes d’ici à 2021, l’aquaculture comptant pour la majeure partie de l’augmentation. De plus, la croissance de l’emploi dans ces secteurs est plus rapide que dans le secteur agricole. Aujourd’hui, les secteurs de la pêche et de l’aquaculture fournissent directement un emploi à 54,8 millions de personnes, dont quelque 16,6 millions d’aquaculteurs. Si l’on tient compte des activités auxiliaires, telles que la transformation et la commercialisation, ces secteurs contribuent aux moyens d’existence de 660 millions à 820 millions de personnes. Étant donné que 90% de la population mondiale de pêcheurs opèrent à un niveau de subsistance, il est manifeste que le secteur contribue de manière non négligeable à la sécurité alimentaire et à la réduction de la pauvreté; le poisson constitue la base de la nutrition de 3 milliards de personnes TABLEAU 1 Production mondiale de la pêche et de l’aquaculture et utilisation des produits pendant la période 2006-2011 2006 2007 Production 2008 2009 2010 2011 (en millions de tonnes) Pêche de capture Continentale 9,8 10,0 10,2 10,4 11,2 11,5 Maritime 80,2 80,4 79,5 79,2 77,4 78,9 Total Pêche de capture 90,0 90,3 89,7 89,6 88,6 90,4 Continentale 31,3 33,4 36,0 38,1 41,7 44,3 Maritime 16,0 16,6 16,9 17,6 18,1 19,3 Total Aquaculture 47,3 49,9 52,9 55,7 59,9 63,6 Total 137,3 140,2 142,6 145,3 148,5 154,0 Consommation humaine 114,3 117,3 119,7 123,6 128,3 130,8 Usages non alimentaires 23,0 23,0 22,9 21,8 20,2 23,2 Aquaculture Utilisation Source: FAO 2012. Ces informations ne tiennent pas compte des algues ni des autres plantes aquatiques. et représente au moins 50% de l’apport en protéines animales et en minéraux essentiels de 400 millions de personnes, essentiellement dans les pays les plus pauvres (FAO 2011). La grande majorité des pêcheurs et des aquaculteurs réside en Asie (87% et 97% respectivement) mais, c’est en Afrique que l’on observe la plus forte croissance annuelle du nombre de personnes travaillant dans ces secteurs. Les secteurs de l’aquaculture et de la pêche sont confrontés à de nombreux défis et problèmes, à la fois internes car inhérents au secteur (surexploitation, discrimination dans l’accès aux ressources et mauvaise gestion) et externes (concurrence d’autres secteurs utilisant la terre et l’eau, pollution, et dégradation des habitats). Partout dans le monde, la viabilité de nombreuses activités de pêche est déjà compromise par une gestion irraisonnée et une gouvernance défaillante qui favorisent la surpêche et la dégradation de l’environnement; 30% des stocks seraient actuellement surexploités et 57,4% seraient pleinement exploités (FAO 2012). Faute d’une planification raisonnée, le développement de l’aquaculture a conduit à endommager gravement des écosystèmes d’eau douce et d’eau de mer, à favoriser les épidémies et à mettre en péril la santé humaine. Outre ces problèmes existants, les incidences générales du changement climatique sur les écosystèmes, les sociétés et les systèmes économiques exacerbent les menaces qui pèsent sur la viabilité de la pêche et de l’aquaculture (FAO 2008e, 2010a, 2012). Incidences du changement climatique sur la pêche et l’aquaculture Le changement climatique a sur le secteur de la pêche des effets directs et indirects qui résultent des processus associés aux systèmes écologiques aquatiques ainsi que de dynamiques politiques, économiques et sociales (Daw et al. 2009). La pêche de capture est totalement tributaire de la productivité des écosystèmes naturels qu’elle exploite. Elle est donc extrêmement sensible aux variations de la production primaire et à la façon dont cette production se répercute le long de la chaîne trophique aquatique. Elle est sensible aussi aux modifications des paramètres physiques 15 et chimiques des écosystèmes, notamment la température, la salinité, l’acidité et le niveau et la circulation de l’eau. Certaines incidences du changement climatique sur le secteur de la pêche sont prévisibles, en revanche les conséquences cumulées globales sont relativement incertaines du fait de la complexité des écosystèmes aquatiques et du manque de données et de modèles (Easterling et al. 2007; Banque mondiale 2010d; Banque mondiale 2012; Banque mondiale 2013; Bezuijen et al. 2011). L’aquaculture est, elle aussi, exposée à des incidences directes et indirectes, mais dans une moindre mesure car le contrôle humain exercé dans ce secteur tend à limiter les facteurs et les conséquences du changement climatique (De Silva et Soto 2009). La vulnérabilité des communautés vivant de l’aquaculture tient essentiellement au fait qu’elles sont exposées aux phénomènes météorologiques extrêmes ainsi qu’aux incidences du changement climatique sur les ressources naturelles nécessaires, notamment: eau de bonne qualité, terre, juvéniles, aliments pour animaux et énergie (Easterling et al. 2007; FAO 2008e). Il faudra donc adapter et améliorer les systèmes d’aquaculture et les espèces produites et renforcer la préparation aux catastrophes. Les communautés qui vivent de la pêche artisanale et de la petite aquaculture sont particulièrement vulnérables car elles résident souvent dans des zones exposées aux incidences du changement climatique. Les artisans pêcheurs sont susceptibles d’être plus vulnérables que les pêcheurs qui opèrent à grande échelle en raison d’une mobilité généralement limitée (Daw et al. 2009) donc de la quasiimpossibilité de diversifier leurs moyens d’existence. Selon une évaluation récemment menée par la Banque mondiale (Sumaila et Cheung 2010), le secteur de la pêche pourrait enregistrer une perte annuelle de revenus bruts allant de 17 milliards d’USD à 41 milliards d’USD (en dollars des États Unis constants de 2005) du fait du changement climatique. De plus, les pertes seraient réparties de manière inégale, les pays en développement étant les plus touchés; par exemple, dans le scénario du changement climatique le plus marqué, les pertes potentielles des pays en développement pourraient se chiffrer à 25 milliards d’USD par an, contre seulement 11 milliards d’USD par an dans les pays développés. 16 Il faut toujours garder présent à l’esprit qu’il est difficile d’établir un rapport de causalité unique entre des effets particuliers du changement climatique et les incidences sur la pêche et l’aquaculture. Ce sont les effets cumulés du changement climatique et des interventions humaines qui comptent (De Silva et Soto 2009). Par exemple, quand un stock de poissons est déjà exploité de manière intensive, voire surexploité, le stress provoqué par la modification d’origine climatique des conditions ou des écosystèmes océaniques peut être le facteur de trop qui entraîne l’effondrement total du stock. Incidences du changement climatique On trouvera ci-dessous un résumé des effets probables qu’un certain nombre de modifications des écosystèmes aquatiques induites par le changement climatique pourraient avoir sur la pêche et l’aquaculture (Ahmed 2013; Bezuijen et al. 2011; Daw et al. 2009; De Silva et Soto 2009; Easterling et al. 2007; FAO 2008b, 2009a; Kam et al. 2010; GIEC 2007, 2013; Nicholls et al. 2007; Nellemann et al. 2009; Mohammed et Uraguchi 2013; PEW 2009; Secretan et al. 2007; van Anrooy et al. 2006; Banque mondiale 2010d, 2012, 2013; WorldFish 2010b): Réchauffement des océans et autres plans d’eau: • ­ ne variation de la productivité halieutique des U océans est attendue en raison de la modification des conditions du milieu, notamment en ce qui concerne les périodes d’efflorescence du plancton et, partant, la disponibilité d’aliments, les rapports proie-prédateur et la dynamique des stocks de poissons. Globalement, la productivité primaire marine devrait augmenter de 0,7 à 8,1% d’ici à 2050, mais avec de grandes disparités d’une région à l’autre; il est probable que la productivité diminue aux basses latitudes du fait de l’augmentation des températures et du réchauffement de la mer. Les effets sur la pêche sont incertains, mais il est vraisemblable que le dérèglement des écosystèmes entraîne un recul général de la production halieutique à moyen terme. L’élevage de nombreux poissons et crustacés, tels que la crevette, repose en général sur l’emploi d’aliments dont les principaux ingrédients sont la farine et l’huile de poisson. Ces ingrédients sont fabriqués essentiellement à partir de petits poissons pélagiques pêchés dans les régions subtropicales et tempérées. • • • • Toute incidence négative du changement climatique sur ce type de pêche risque de compromettre l’approvisionnement en farine et huile de poisson et de remettre en cause le mode d’alimentation et la structure des coûts dans certains systèmes d’aquaculture, éventuellement au point de les rendre non viables. En outre, les moyens d’existence des pêcheurs concernés seraient également menacés. ­L’extinction de certaines espèces a été prédite si le plafond de chaleur tolérable des espèces est dépassé et s’il n’existe pas de possibilités de migration (par exemple, dans les plans d’eau continentaux). ­La multiplication des cas de prolifération d’algues toxiques et d’intoxication par des mollusques, imputable à la hausse des températures, peut perturber l’accès au marché si les services de surveillance et de contrôle ne sont pas en mesure de repérer les produits qui ne répondent pas aux exigences à l’exportation. ­La réduction des quantités d’oxygène dissous dans l’eau est susceptible de limiter la survie des larves, de freiner la croissance des organismes aquatiques et de bloquer les migrations. On assistera à une extension des zones où la teneur en oxygène baissera à des niveaux très faibles (zones mortes) et où aucun poisson ni invertébré ne peut survivre. ­La modification de la répartition de nombreux poissons, crustacés et mollusques est attendue, le réchauffement progressif des océans poussant les populations d’organismes marins à migrer vers de plus hautes latitudes. Cette modification pourrait influer sur la répartition et la phénologie des larves d’organismes aquatiques et avoir de fortes incidences sur le recrutement et la production des stocks. Une telle redistribution pourrait entraîner une réduction des prises allant jusqu’à 40% dans certains sites localisés des régions tropicales, mais aussi une augmentation des prises allant jusqu’à 100% dans certaines zones bien circonscrites. Par exemple, le maquereau – qui tient une large place dans la pêche de capture au Cambodge, au Viet Nam et en Thaïlande – est tributaire de la circulation océanique pour les processus de recrutement et d’alimentation. Une modification de la circulation pourrait entraîner une baisse de la production de maquereaux dans la région. Des changements dans les migrations pénaliseraient essentiellement les artisans pêcheurs qui • • n’ont pas les moyens de suivre les stocks de poissons, alors que les pêcheurs industriels opérant en eau profonde peuvent voyager sur des milliers de kilomètres. Des variations dans la saisonnalité ou les sites de ponte auraient pour résultat de réduire la disponibilité des œufs/larves/alevins sauvages, s’agissant de certaines espèces produites en bassins, en cages et dans d’autres systèmes, et de compromettre l’approvisionnement en géniteurs, s’agissant de certaines espèces marines d’élevage importantes, telles que les crevettes. ­De possibles augmentations des taux de croissance, des rendements de la conversion alimentaire et de la durée de la saison de croissance pourraient être observées en ce qui concerne certaines espèces aquatiques d’élevage, compte tenu de la hausse des températures dans les régions tropicales et subtropicales. ­Des changements dans l’incidence des maladies frappant l’aquaculture sont aussi attendus. De nouvelles maladies sont susceptibles de faire leur apparition, mais la survenue de certaines maladies existantes, telles que la maladie des points blancs chez les crustacés, deviendra plus rare avec la hausse des températures. Élévation du niveau de la mer • ­ ne aggravation des dégâts causés par les U inondations, les crues et les intempéries est attendue, ce qui aura des effets négatifs sur les zones de reproduction et les habitats des organismes aquatiques et accélérera l’érosion côtière. Les invasions d’eau salée dans les régions deltaïques pourraient faire monter le niveau des nappes phréatiques, empêcher le drainage et provoquer des pertes et des dégâts dans les zones humides. D’un autre côté, les inondations et les invasions d’eau salée dans des terres agricoles peuvent permettre d’étendre les surfaces se prêtant à l’aquaculture ou à la production mixte de riz et de poisson, avec la culture de variétés de riz résistantes à la salinité. L’aquaculture en eau saumâtre est également susceptible de constituer une option intéressante dans les zones où la salinité rend les terres impropres à la culture du riz ou d’autres espèces végétales. Cependant, cette forme d’aquaculture pourrait attiser les luttes de pouvoirs locales, dont un exemple est le conflit récurrent qui oppose les riziculteurs pauvres et les puissants producteurs de crevettes dans le sud-ouest du Bangladesh. 17 Modification de la salinité • ­L’osmorégulation des espèces marines sera altérée par la modification de la salinité. Les effets seront particulièrement graves s’agissant des espèces qui ne tolèrent que de très faibles variations de la salinité de l’eau, notamment le zooplancton que l’on trouve dans les lacs de plaines côtières soumis aux marées et dans les zones humides des régions tropicales. Cela perturberait fortement la chaîne trophique qui repose sur ces organismes, donc le fonctionnement écologique des écosystèmes de marécages côtiers, et aurait des incidences colossales sur la pêche locale. Acidification des océans • • ­ a baisse du pH de l’eau de mer (ou “acidification L des océans” résultant de l’absorption par les océans du CO2 en excès) est concrètement irréversible sur des périodes inférieures à un millénaire et constitue une menace systémique majeure. ­Un grand nombre de récifs coralliens seront détruits en conséquence directe de l’acidification de l’océan, et la productivité des mollusques et crustacés et du zooplancton devrait décliner. Les animaux qui utilisent le calcium pour fabriquer leur coquille ou leur squelette sont sensibles à l’acidité, car celle-ci les empêche de secréter des coquilles dures donc les rend moins tolérants aux températures élevées et basses, ce qui se traduit par une mortalité plus élevée et un moindre taux de réussite de la fertilisation. Changement des régimes de précipitations et des taux d’évaporation • 18 ­ n s’attend à ce que le ruissellement évolue, O avec une augmentation de 10 à 40% dans certaines zones humides d’Asie de l’Est et du Sud-Est ainsi que dans les bassins du Gange et du Nil, et une diminution de 10 à 30% dans d’autres régions, notamment la région méditerranéenne, l’Afrique du Nord et l’Afrique australe et les bassins du Mississippi, de l’Amazone, du Danube et du Murray Darling, et ce dans le cas d’un scénario prévoyant une hausse de température de 2 ºC. L’évolution du ruissellement aura une incidence sur le risque d’inondation dans les plaines côtières, la qualité et la salinité de l’eau, la sédimentation fluviale dans les plaines alluviales et la circulation et l’apport d’éléments nutritifs dans les plans d’eau continentaux et côtiers. • • • • ­ incidences sur les systèmes d’eau douce Les seront les suivants: baisse des nappes phréatiques, réduction des débits et, globalement, de la disponibilité des ressources en eau et intensification du stress hydrique, de l’aridité et des épisodes de sécheresse, en particulier dans les régions tropicales et subtropicales d’Afrique et d’Asie centrale, du Sud, de l’Est et du Sud-Est. ­La modification des régimes hydrologiques dans les plans d’eau continentaux entraînera notamment une intensification des phénomènes d’eutrophisation et de stratification, ce qui aura des répercussions sur le réseau trophique et la disponibilité et la qualité des habitats. ­La baisse de débit des cours d’eau – provoquée par une érosion plus importante, la sédimentation et des précipitations plus irrégulières – menacera, dans certains cas, la production écologique et les populations d’organismes d’eau douce dans les cours d’eau concernés. ­La recrudescence des inondations provoquées par des cours d’eau et des lacs entraînera parfois une multiplication des cas d’engorgement et de submersion des terres par de l’eau douce. En certains endroits, cette situation peut s’avérer intéressante: par exemple, le Bangladesh pourrait gagner 9,4 milliards d’USD par an en étendant la production de crevettes d’eau douce aux 2,83 millions d’hectares de terres arables inondées de manière saisonnière et produire 1,58 millions de tonnes supplémentaires de riz en affectant cette surface à la riziculture. Multiplication des événements météorologiques extrêmes • L’intensification des intempéries provoquera des épisodes d’élévation extrême du niveau de la mer et des ondes anormales, une recrudescence de l’érosion épisodique, des dégâts de tempête, des risques d’inondation et la mise à mal des dispositifs de protection. L’aquaculture est très sensible aux tempêtes, aux cyclones et aux inondations qui devraient survenir plus fréquemment à l’avenir, en particulier dans les régions tropicales et subtropicales soumises à la mousson. Les installations d’aquaculture sont susceptibles d’être endommagées et la production perdue, et les organismes fugitifs risquent de favoriser la diffusion de maladies et de parasites dans les stocks sauvages et d’avoir des incidences sur l’environnement et la biodiversité. Par exemple, le cyclone Sidr a • • frappé le sud et le sud-ouest du Bangladesh en novembre 2007 avec des conséquences dévastatrices: victimes, destruction de moyens d’existence, centaines de milliers de personnes devenues sans-abri et indigentes. Le cyclone a pollué l’eau, tué les organismes aquatiques, submergé et endommagé les bassins d’aquaculture et, de ce fait, réduit notablement l’accès des ménages au poisson, que ce soit pour se procurer des revenus ou pour se nourrir. ­La modification de la fréquence et du parcours des tempêtes va probablement provoquer des épisodes de raz de marée et de vagues de tempête anormales, donc aggraver le risque de dégâts et d’inondation. La multiplication des épisodes météorologiques extrêmes compromet gravement la sécurité en mer et entraîne la perte d’engins de pêche et de capital physique ainsi qu’une baisse de revenus imputable au fait que la multiplication des périodes de mauvais temps limite les activités de pêche. L’irrégularité et l’intensité croissantes des tempêtes et des cyclones font que les pêcheurs travaillant loin des côtes prennent de très gros risques et doivent pouvoir compter sur de bons systèmes de prévision météorologique. De plus, l’insécurité et la vulnérabilité sont exacerbées par l’absence d’une quelconque forme d’assurance et les difficultés rencontrées pour accéder au crédit ou à des dispositifs publics de protection sociale. ­La modification du régime des vagues altérera les conditions des ondes (notamment la houle) ainsi que les cycles d’érosion et d’accrétion et entraînera une réorientation de la forme des plages. Incidences par écosystème/habitat aquatique Les principaux écosystèmes qui intéressent directement les secteurs de la pêche et de l’aquaculture sont les récifs coralliens, les zones humides, les prairies sous-marines et la mangrove. Ces écosystèmes seront touchés comme suit: Récifs coralliens. Les écosystèmes de récifs coralliens ne couvrent que 1,2% des plateaux continentaux mondiaux mais hébergent 3 millions d’espèces, notamment plus de 25% de toutes les espèces marines de poisson. Quelque 30 millions de personnes appartenant à des communautés côtières et insulaires sont tributaires des ressources fournies par ces récifs, qui contribuent de manière essentielle à leurs systèmes de production alimentaire, leurs revenus et leurs moyens d’existence (Rapport de la Commission européenne sur l’économie des écosystèmes et de la biodiversité [TEEB] 2010). Par exemple, à Hawaï, les écosystèmes de récifs coralliens fournissent de nombreux biens et services aux populations côtières: pêche, tourisme et protection naturelle contre l’érosion des vagues. Il a été calculé que Hawaï retirait de ses 166 000 hectares de récifs coralliens des avantages nets équivalant à 360 millions d’USD par an; en conséquence, les menaces que le changement climatique et l’acidification de l’océan font peser sur ces récifs, ainsi que des pressions telles que la pollution et la surpêche, auront des incidences économiques majeures (TEEB 2010). Les récifs coralliens sont particulièrement sensibles au réchauffement de la mer, aux variations de la qualité et de la salinité de l’eau et au changement d’intensité lumineuse, autant de facteurs responsables de la décoloration des coraux. Le réchauffement des océans conjugué à leur acidification sont déjà durement ressentis par les écosystèmes de récifs coralliens. La décoloration des coraux résultant du réchauffement de la mer a déjà entraîné des pertes importantes de récifs, notamment dans l’océan Indien. La poursuite de cette tendance aura une incidence directe sur la production halieutique et les moyens d’existence fondés sur la pêche, favorisera l’érosion et, en particulier, conduira à la disparition des atolls. Il est prévu que les incidences sur les récifs coralliens se traduiront par une perte de 60% de cet écosystème d’ici à 2030, avec un appauvrissement correspondant de la biodiversité (De Silva et Soto 2009). La décoloration et la mortalité des coraux entraîneront une multiplication des cas d’intoxication à ciguatera, laquelle est provoquée par l’ingestion de poissons ayant consommé une algue qui pousse sur les coraux morts. Des études sont menées actuellement sur la capacité d’adaptation des coraux. Zones humides et prairies sous-marines sont des puits de carbone naturels capables de fixer des quantités importantes de carbone, à la fois dans les plantes, au-dessus et en dessous du niveau de la mer, et dans les sols; les zones humides recouvertes de végétation assurent 50% du transfert du carbone des océans dans les sédiments. D’un autre côté, les zones humides dégradées pourraient devenir une importante source d’émission de gaz à effet de serre. Par conséquent, la conservation des zones humides côtières et des prairies sous-marines apporterait 19 un avantage immédiat en évitant la libération de CO2 dans l’atmosphère (Banque mondiale, Union internationale pour la conservation de la nature [UICN], et ESA PWA1, 2010). Les zones humides sont exposées aux dégâts provoqués par les tempêtes violentes et peuvent aussi souffrir de l’altération des cycles d’inondation et des modèles de ruissellement ainsi que des invasions salines. Les systèmes de prairies sous-marines sont sensibles aux variations d’intensité lumineuse qui surviennent en cas d’inondation, aux pluies torrentielles entraînant une forte turbidité et à la prolifération d’algues due au réchauffement des océans. Écosystèmes de mangrove constituent l’habitat d’une faune et d’une flore aquatiques et terrestres. On estime que 75% de toutes les espèces aquatiques commerciales tropicales passeraient une partie de leur vie dans la mangrove, où elles peuvent se reproduire, trouver un abri et se nourrir. Les autres services écosystémiques assurés par les mangroves sont les suivants: protection contre les vagues et les vents forts; stabilisation des sols et protection contre l’érosion; rétention d’éléments nutritifs et amélioration de la qualité de l’eau au moyen de la filtration des sédiments et des polluants; atténuation des inondations; fixation du dioxyde de carbone; et protection des écosystèmes marins connexes. Les mangroves sont également une source de biens écosystémiques, tels que: produits médicinaux, aliments, bois de chauffe, charbon de bois et matériaux de construction. La valeur économique des écosystèmes de mangrove est considérable. Il a été estimé que chaque hectare de mangrove détruite coûtait l’équivalent de 1,08 tonne de poisson par an (Schatz 1991). D’autres estimations indiquent que la valeur marchande annuelle des produits halieutiques de la mangrove est comprise entre 7,500 USD et 167,500 USD par kilomètre carré (Banque mondiale, UICN, et ESA PWA 2010). En Inde, Glover (2010) a calculé que chaque hectare de mangrove avait évité des dégâts équivalant à 43,000 USD lors du violent cyclone ayant frappé l’État d’Orissa en octobre 1999. Même en admettant que les mangroves ne revêtent aucune valeur en termes de protection contre les tempêtes pendant les années sans intempéries, l’étude ci-dessus conclut que, sur le long terme, la valeur de la protection est équivalente à quelque 8,700 USD par hectare. À la même époque, un hectare de terre défrichée valait 5,000 USD; ce qui porte à penser qu’il serait plus avantageux pour la 1. www.esassoc.com 20 société de laisser les mangroves en l’état afin qu’elles servent d’amortisseurs en cas d’intempérie, plutôt que de les défricher à des fins de développement. Dans les écosystèmes de mangrove, les processus tels que la respiration, la photosynthèse et la productivité sont perturbés par les variations de la température de l’air et de l’eau ainsi que par l’élévation du niveau de la mer. Des intempéries violentes sont susceptibles d’endommager la mangrove, même si celle-ci constitue une bonne protection contre l’érosion côtière. La recrudescence de la pauvreté peut aussi représenter une menace pour la mangrove, car les communautés se tournent vers elle pour se procurer du bois de chauffe et des matériaux de construction et pour faire paître les animaux. Les incidences du changement climatique vont aussi varier en fonction des zones d’habitat aquatique – eau douce/milieu continental, milieu marin/côtier, et milieu deltaïque. Milieu continental • ­ êche continentale. La pêche continentale P pratiquée dans les lacs, les cours d’eau, les retenues de barrages et les plaines alluviales sera fortement influencée par la modification des précipitations et du ruissellement résultant de l’évolution des cycles de la mousson et du phénomène El Niño-Oscillation australe, et sera confrontée à des problèmes d’érosion, d’envasement et de drainage (Daw et al. 2009). Outre la modification du régime de précipitations, les autres incidences touchant la pêche continentale seront les suivantes: variations de la température de l’eau, de l’évaporation (favorisant la sécheresse), du débit des cours d’eau et du niveau des lacs, appauvrissement de la biodiversité, s’agissant des poissons et d’autres espèces de la faune et de la flore aquatiques, altération de la chimie de l’eau, accroissement de la turbidité et disparition ou fragmentation d’habitats. Les incidences dépendront de l’époque et de l’intensité des effets du changement climatique ainsi que des interactions entre eux. Par exemple, il est évident que les sécheresses auront des incidences négatives, en revanche une augmentation des précipitations qui ne provoque pas d’inondation est susceptible de se traduire par une extension de la surface des lacs et des réservoirs, donc une amélioration de la production. • ­ Aquaculture continentale en eau douce. La modification du régime de précipitations, les périodes de sécheresse et l’intensification des intempéries, associées à des ondes de tempête ou des raz de marée plus fréquents et plus violents, vont probablement toucher les systèmes d’aquaculture en bassins par l’intermédiaire d’une plus forte variation du niveau de l’eau – conduisant potentiellement à des épisodes de sécheresse ou de submersion – ainsi que par l’intermédiaire d’une éventuelle salinisation, notamment pendant la saison sèche. L’aquaculture en cages pratiquée dans des réservoirs et des lacs pourrait devoir faire face à des sécheresses et des variations de la température de l’eau et de la teneur en oxygène. Les études indiquent que les phénomènes de stratification et d’eutrophisation pourraient survenir plus fréquemment en raison du changement climatique, entraînant un appauvrissement en oxygène et accroissant ainsi le risque de mortalité dans les exploitations aquacoles. La diminution de la teneur en oxygène peut également être due à des phénomènes d’upwelling (remontées d’eau profonde) provoqués par un vent et des précipitations d’une violence extrême. Milieu côtier • ­ êche côtière. La pêche côtière se ressentira des P changements observés dans la productivité et la répartition des espèces halieutiques ainsi que des dégâts causés par le changement climatique aux écosystèmes dont ce type de pêche dépend, notamment les récifs coralliens. Étant donné que les eaux côtières peu profondes subiront le réchauffement le plus important, les incidences sur les populations de poissons vivant dans ces eaux seront probablement considérables. Les modifications en matière de précipitations, ruissellement et inondations auront aussi une influence sur la pêche côtière; ces processus apportent de grandes quantités d’éléments nutritifs dans les eaux côtières, de sorte qu’une diminution des précipitations et du ruissellement pourrait faire baisser la productivité. Inversement, les épisodes de tempêtes et de précipitations violentes sont susceptibles d’intensifier le ruissellement et d’entraîner le lessivage de quantités excessives d’éléments nutritifs – voire de produits chimiques agricoles et de polluants – jusque dans les eaux côtières, favorisant les proliférations d’algues. La pêche côtière et les communautés qui en dépendent sont également extrêmement vulnérables face aux dégâts causés par le vent, les vagues et l’érosion côtière accélérée, qu’exacerbe l’élévation du niveau de la mer. • ­ L’aquaculture côtière – notamment pratiquée à petite échelle, comme c’est très souvent le cas en Asie – sera menacée par les conditions météorologiques extrêmes, notamment l’intensification du ruissellement en provenance du continent, les raz de marée, l’érosion côtière et la destruction de la mangrove. L’acidification de l’océan altérera la formation des coquilles et carapaces d’un grand nombre de mollusques et de crustacés produits en élevage. Le Secrétariat général de la Communauté du Pacifique (CPS) met en garde contre les graves conséquences que cela aurait pour l’aquaculture marine dans la région Pacifique – en particulier la culture des huîtres perlières, l’acidification de l’océan rendant la fabrication de leur coquille plus difficile (CPS 2008). La culture d’algues marines peut aussi être touchée dans la mesure où la hausse de la température de l’eau accroît le risque de maladies. De même, il est probable que le réchauffement de l’eau favorise le développement des maladies et accentue la sensibilité des organismes aquatiques d’élevage à l’égard de certaines d’entre elles – par exemple, la virémie printanière de la carpe et la streptococcie. On devrait aussi assister à une multiplication des épisodes de toxicité, notamment les proliférations d’algues nuisibles et les marées rouges, du fait du réchauffement mais aussi de l’eutrophisation de l’eau (Easterling et al. 2007). Ce problème constitue également une menace pour le secteur de l’aquaculture, en particulier l’élevage de mollusques, en accroissant le risque d’intoxication des consommateurs humains. De plus, des études récentes révèlent que le changement climatique pourrait avoir des effets sur le transport et la transmission des parasites, ce qui aurait aussi des conséquences pour l’aquaculture dans le domaine de la santé (De Silva et Soto 2009). La pisciculture en eau de mer et en eau saumâtre est susceptible de pâtir des changements observés dans la salinité, la turbidité et la température, lesquels pourraient 21 freiner le développement des larves et des juvéniles. Il convient de noter que l’espèce la plus tolérante à ces variations est celle des serranidés, une espèce de ce fait extrêmement intéressante dans la perspective de l’adaptation (Bezuijen et al. 2011). Les zones deltaïques seront particulièrement vulnérables face aux incidences du changement climatique. L’élévation attendue du niveau de la mer entraînera le déplacement de millions de personnes vivant dans les mégadeltas du Gange-Brahmapoutre, du Nil et du Mékong, où l’aquaculture est bien développée. Par exemple, l’élévation du niveau de la mer, les invasions d’eau saline et les baisses de débit devraient avoir des incidences négatives sur le florissant secteur de la crevette, le long des fleuves Gange-Brahmapoutre en Inde et au Bangladesh, ainsi que dans le delta du Mékong au Viet Nam, où l’élevage du pangasius (poisson-chat) et de la crevette géante tigrée occupe une place stratégique dans l’économie nationale. Au Bangladesh, l’élévation du niveau de la mer et les cyclones risquent d’entraîner la submersion des polders aménagés dans les années 60 par le gouvernement, et d’attiser les conflits entre les producteurs de crevettes et les riziculteurs. Initialement conçus pour protéger les plaines alluviales des fréquentes inondations et invasions d’eau saline, ainsi que pour promouvoir la riziculture, les polders montrent aujourd’hui leurs limites. En détournant l’eau des plaines alluviales dans les cours d’eau, les aménagements ont favorisé l’envasement des lits des cours d’eau et ont ainsi fait baisser les débits et réduit la capacité de drainage en cas d’inondation. En outre, certains polders ont déjà été contaminés par de l’eau salée qui, soit a été piégée après le raz-de-marée provoqué par le cyclone Aila en 2009, soit a été faite entrer volontairement par des producteurs de crevettes. Initialement, l’élevage de crevettes a été encouragé en tant que stratégie d’adaptation à la salinité de la zone, mais l’activité est devenue si lucrative que de puissants producteurs de crevettes ont commencé à faire entrer de l’eau salée dans les polders pendant la saison des pluies afin de développer la production. Cette pratique a entraîné une contamination des sols environnants et contraint les exploitants locaux pratiquant une agriculture de subsistance à renoncer à la riziculture, devenue impossible en raison de la forte salinité. Cependant, l’élevage de crevettes contribue de manière non négligeable à la croissance économique 22 du Bangladesh; la production de crevettes marines et de crevettes d’eau douce est le deuxième secteur contribuant aux recettes d’exportation du pays, après le secteur du textile. Outre l’élévation du niveau de la mer et les problèmes qui s’y rattachent, l’aquaculture est aussi touchée par le stress hydrique, dû à une moindre disponibilité d’eau dans les grands fleuves d’Afrique, d’Asie et d’Asie du Sud-Est (GIEC 2007). Incidences par région À l’aide de divers indicateurs, Allison et al. (2009) ont comparé la vulnérabilité de 132 pays du point de vue des incidences potentielles du changement climatique sur le secteur national de la pêche de capture. Ils ont observé que la vulnérabilité résultait des effets combinés du réchauffement mondial annoncé, de l’importance relative de la pêche dans l’économie nationale et l’alimentation de la population, et de la capacité d’adaptation face aux incidences et nouvelles possibilités potentielles. Le tableau suivant énumère les pays les plus vulnérables. Comme on le voit, il s’agit de pays à faible revenu et de pays à revenu intermédiaire, et 20 des 32 pays cités sont des pays d’Afrique subsaharienne. La plupart des pays vulnérables font partie de la catégorie des pays les moins avancés (PMA) et sont fortement dépendants du poisson, qui assure jusqu’à 27% de l’apport alimentaire en protéines (contre 13% dans les pays moins vulnérables). En outre, ces pays produisent 20% des exportations mondiales de poisson et doivent donc impérativement planifier l’adaptation pour conserver ou accroître la contribution du secteur de la pêche à leur économie et à leur stratégie de réduction de la pauvreté (Allison et al. 2009). Pour planifier l’adaptation au niveau du terrain, il faut progressivement ramener au niveau régional puis à un niveau inférieur les changements prévus au niveau mondial; plus le degré de certitude est élevé et la zone géographique pour laquelle les prédictions sont formulées est réduite, plus l’information générée peut déboucher sur la prise de mesures concrètes. Les effets décrits ici concernent les niveaux régional et sous-régional et reposent sur des évaluations menées par le GIEC (2007), la FAO (2008e) et la Banque mondiale (2013). Afrique • ­ stocks de poissons déjà en situation précaire Les continueront à décliner du fait du réchauffement de l’eau et de divers autres changements physiques et écosystémiques. TABLEAU 2 Pays les plus vulnérables du point de vue des incidences du changement climatique sur le secteur de la pêche Rang Pays Rang Pays Rang Pays Rang Pays 1 Angola (WCA) 9 Niger (WCA) 17 Zimbabwe (ESA) 25 Ghana (WCA) 2 RD Congo (WCA) 10 Pérou (LAC) 18 Côte d’Ivoire (WCA) 26 Guinée-Bissau (WCA) 3 Fédération de Russie 11 Maroc (NEN) 19 Yémen (NEN) 27 Viet Nam (APR) 4 Mauritanie (WCA) 12 Bangladesh (APR) 20 Pakistan (APR) 28 Venezuela (LAC) 5 Sénégal (WCA) 13 Zambie (ESA) 21 Burundi (ESA) 29 Algérie 6 Mali (WCA) 14 Ukraine 22 Guinée (WCA) 30 Cambodge (APR) 7 Sierra Leone (WCA) 15 Malawi (ESA) 23 Nigeria (WCA) 31 Tanzanie (ESA) 8 Mozambique (ESA) 16 Ouganda (ESA) 24 Colombie (LAC) 32 Gambie (WCA) Source: Allison et al. (2009) d’après Williams et Rota (2010), modifié. La division régionale du FIDA concernée est indiquée à côté du nom du pays. Les pays dans lesquels le FIDA est actif sont indiqués en caractères gras. • • • • ­ Des inondations menaceront la côte de l’Afrique orientale et les deltas côtiers tels que celui du Nil et seront accompagnées d’une dégradation des écosystèmes marins ainsi que de divers autres changements physiques et écosystémiques. ­L’Afrique subsaharienne souffrira de vagues de chaleur et de sécheresses sans précédent, qui frapperont durement l’élevage, la production végétale, la couverture végétale, et les moyens d’existence des communautés rurales. ­Les incidences du changement climatique sur les océans altéreront de plus en plus les cycles de migration du poisson et sa disponibilité locale. En Afrique de l’Ouest, où le poisson constitue une importante source de protéines, la quantité de prises pourrait être divisée par deux en 2050 par rapport au niveau de 2000. Les prises de la pêche côtière risquent aussi de baisser de 5 à 16% en Afrique orientale et australe, tandis que les prises de la pêche en haute mer pourraient augmenter de 16% dans la même zone. Le long des côtes de la Somalie et de l’Afrique du Sud, les captures pourraient être multipliées par deux. ­En Afrique, Ovie et Belel (2010) se sont récemment penchés sur les effets ressentis par les communautés installées le long de cours d’eau, autour du bassin du lac Tchad que se partagent le Cameroun, la République centrafricaine, le Tchad, le Niger, le Nigéria et le Soudan. Plus de 200 millions de personnes vivent des ressources naturelles de la zone, où la pêche, l’agriculture et l’élevage constituent les principaux moyens d’existence. Le lac Tchad est très peu profond, sa • profondeur variant de 2,5 à 10,5 mètres. Depuis les années 70, il traverse des bouleversements environnementaux, notamment des épisodes de sécheresse intense qui ont entraîné un rétrécissement de sa surface, laquelle est passée de 25 000 kilomètres carré dans les années 60 à 2 500-6 000 kilomètres carré dans les années 80 et 90. En conséquence, les prises sont tombées de 220 000 tonnes par an à 100 000 tonnes par an pendant cette période. Il est probable que ces changements résultent d’une combinaison de pressions humaines et de pressions climatiques sur l’écosystème. ­La FAO (2007) rend compte de deux autres cas de pêche dans des lacs africains, où les effets du changement climatique – essentiellement la diminution des précipitations et la modification des régimes de vents – se font déjà sentir, entraînant des fluctuations de la production primaire et du rendement de la pêche: • Au Malawi, le lac Chilwa est considéré comme un lac endoréique, dont la surface diminue périodiquement et qui s’assèche quand les précipitations sont faibles mais qui permet de couvrir jusqu’à 25% des besoins du pays en poisson dans les années très productives. Cependant, la moyenne des précipitations ayant progressivement diminué, les périodes sèches sont devenues plus fréquentes et les rendements en poisson ont baissé en conséquence. • Le lac Tanganyika qui est partagé entre quatre pays – le Burundi, la République 23 démocratique du Congo, la Tanzanie et la Zambie – est un important site de pêche aux petits pélagiques. Mais le rendement de la pêche est en recul pour diverses raisons, notamment la surpêche et les incidences du changement climatique, telles que le ralentissement de la vitesse du vent et le réchauffement de l’eau qui font que les eaux profondes riches en éléments nutritifs ont moins tendance à monter se mélanger aux eaux de surface où vivent les poissons pélagiques exploités. • • Asie • • • • 24 ­ e stress hydrique concernera des millions de L personnes en Asie centrale et en Asie du Sud, de l’Est et du Sud-Est, notamment dans les grands bassins hydrographiques tels que celui du Chang Jiang. ­Les habitats se prêtant à l’élevage du poisson, la disponibilité de poisson à consommer et, en dernier ressort, l’abondance des populations de poisson dans les eaux asiatiques seront considérablement altérés. Le secteur de l’aquaculture et les infrastructures correspondantes, en particulier dans les mégadeltas densément peuplés, seront probablement frappés de plein fouet par des inondations côtières. Vers 2050, le changement climatique deviendra le principal facteur de changement et jusque-là, se fera sentir essentiellement en exacerbant les autres facteurs. ­L’Asie du Sud-Est est de plus en plus vulnérable aux changements graduels, notamment l’élévation du niveau de la mer et le réchauffement et l’acidification de l’océan, mais la région souffre aussi de certaines incidences brutales, telles que l’accroissement de la fréquence et de l’intensité des cyclones et des vagues de chaleur. ­Les activités de pêche et d’aquaculture sont gravement menacées, en particulier dans les deltas fluviaux fortement vulnérables, où les installations sont exposées à l’élévation du niveau de la mer, l’érosion et les invasions d’eau salée. Le réchauffement et l’acidification de l’océan ainsi que la diminution des quantités d’oxygène dissous dans l’eau entraîneront une baisse de la taille moyenne des organismes marins et provoqueront des épisodes plus graves et plus fréquents de décoloration des coraux. Il est prévu que la production mondiale de poisson • de mer baisse de 20% d’ici à la fin du siècle. Le secteur aquacole aura également à souffrir de problèmes liés au changement climatique, notamment les hausses de température, la salinisation et la multiplication des phénomènes météorologiques extrêmes. ­Les communautés côtières pratiquant la pêche et l’aquaculture sont déjà touchées par les cyclones et les tempêtes, l’élévation du niveau de la mer et les invasions salines associées, et le seront de plus en plus à l’avenir. ­Avec la très forte densité démographique et la grande pauvreté qui la caractérisent, l’Asie du Sud fait partie des régions les plus fragiles face aux incidences du changement climatique. Il est prévu que la région soit confrontée à des périodes de chaleur plus fréquentes et plus extrêmes, à des précipitations de plus en plus irrégulières et intenses, avec une augmentation de 40% des précipitations annuelles dans un monde où la température aurait augmenté de 4°C, mais aussi à un nombre croissant de jours sans précipitation et à la fonte des glaciers dans la chaîne de l’Himalaya. De plus, la présence de grands deltas rend l’Asie du Sud particulièrement vulnérable face à l’élévation du niveau de la mer. ­Le bassin inférieur du Mékong, qui produit 2,1 millions de tonnes de poissons sauvages par an – représentant plus de 2,1 milliards d’USD à la première vente et plus de 4,2 milliards d’USD sur les marchés de détail – fait vivre plus de 40 millions de personnes. Selon le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), les menaces qui pèsent sur la pêche pratiquée dans cette zone sont d’origine humaine – notamment construction de barrages, changement d’affectation des terres et pollution – et d’origine climatique – notamment élévation du niveau de la mer, invasions d’eau salée et modification du régime de précipitations (PNUE 2010). Pacifique • ­ n ce qui concerne les pays et les territoires E insulaires du Pacifique, le Secrétariat général de la Communauté du Pacifique (2008) prévoit que le changement climatique entraînera une diminution considérable des ressources halieutiques côtières, avec une réduction potentielle de la production de 50% d’ici à 2100, en raison du réchauffement et de l’acidification • • de l’océan et compte tenu de la perte d’habitats importants tels que récifs coralliens, prairies sousmarines et mangrove. ­Les incidences annoncées sont les suivantes: i) modification de la répartition et de l’abondance du thon, imputable aux changements observés dans la température de l’eau, les courants et les chaînes trophiques dont le thon est le sommet; ii) dégâts aux infrastructures compte tenu de l’intensification des intempéries; et iii) augmentation du coût de la pêche en mer du fait qu’il faut moderniser les flottilles pour améliorer la sécurité et que le nombre de jours passés en mer diminue parce que les intempéries sont plus graves et plus fréquentes. ­Des intempéries et des cyclones plus violents et plus fréquents pourraient aussi endommager considérablement la mangrove qui joue souvent le rôle de barrière naturelle, constitue aussi un écosystème précieux et un lieu de reproduction pour les espèces marines, et génère de nombreux avantages au profit des communautés locales. Amérique latine • • ­­ plaines côtières seront touchées par Les l’élévation du niveau de la mer et les épisodes météorologiques extrêmes, liés en particulier au phénomène El Niño-Oscillation australe, qui auront des incidences sur l’estuaire du Rio de La Plata, la morphologie côtière, les récifs coralliens, la mangrove, l’emplacement des stocks de poissons et la disponibilité d’eau potable. ­Les variations observées dans le phénomène El Niño-Oscillation australe auront des effets considérables sur la productivité de la pêche aux petits pélagiques le long des côtes du Pérou et du Chili. Petits États insulaires en développement • ­La pêche souffrira du réchauffement de la surface de la mer et de l’élévation de son niveau ainsi que des dégâts provoqués par les cyclones tropicaux. • ­La dégradation des récifs coralliens aura des conséquences majeures sur les moyens d’existence locaux, en compromettant les revenus tirés de la pêche et du tourisme et en mettant en péril tout le système économique. • ­Les terres agricoles et la sécurité alimentaire seront confrontées à plusieurs problèmes: élévation du niveau de la mer, inondations, salinisation des sols, pénétration d’eau de mer dans les plans d’eau douce et difficultés d’approvisionnement en eau douce. Contribution de la pêche et de l’aquaculture au changement climatique Il est largement admis que la pêche et l’aquaculture feront partie des premiers secteurs à ressentir les effets du changement climatique. Certains de ces effets sont désormais inévitables (par exemple, le réchauffement des océans) ou irréversibles sur des périodes inférieures à un millénaire (par exemple, l’acidification), mais d’autres effets seront plus ou moins graves selon l’ampleur des changements climatiques à venir, donc des futurs scénarios d’émission mondiale. C’est pourquoi, à l’avenir, la planification du développement des secteurs de la pêche et de l’aquaculture devrait faire en sorte que la contribution de ces secteurs aux émissions mondiales soit minimale et que, partout où on le peut, des mesures d’atténuation soient mises en œuvre. La pêche et l’aquaculture contribuent de manière mineure, quoique non négligeable, aux émissions mondiales de gaz à effet de serre – lesquels sont responsables du changement climatique induit par l’homme – tout au long de la filière (Daw et al. 2009; FAO 2009a). La promotion d’une croissance verte – qui consiste à “favoriser la croissance économique et le développement tout en veillant à ce que les actifs naturels continuent de fournir les ressources et les services environnementaux sur lesquels repose notre bien-être” (OCDE 2011:9) – prend explicitement en considération la contribution de la pêche aux émissions mondiales de gaz à effet de serre. Pêche. L’estimation de l’émission de gaz à effet de serre imputable aux opérations de pêche varie en fonction des auteurs. Tyedmers et al. (2005) ont calculé que la flottille de pêche mondiale consommait 42 millions de tonnes de carburant par an (soit 1,2% de la consommation mondiale annuelle de carburant‑pétrole, qui pourrait être réduit par l’amélioration des techniques et la gestion des stocks [FAO 2007; Daw et al. 2009]) et générait 134 téragrammes (Tg2) de CO2 par an. Les principaux facteurs de la consommation d’énergie dans les opérations de pêche sont les suivants: i) les méthodes de pêche adoptées – en général, les engins de pêche mobiles (par exemple, les chaluts de fond et les sennes tournantes) demandent plus de carburant que les engins statiques/ passifs tels que les filets maillants; et ii) l’état des stocks ciblés – les stocks faisant l’objet d’une surpêche sont moins denses et demandent plus de 2. Un téragramme est égal à 1012 grammes. 25 ressources et de carburants par tonne de poisson débarqué (FAO 2008e). Les autres émissions sont associées à la transformation, l’entreposage et la commercialisation des produits halieutiques dans le monde entier, qui supposent le recours au transport aérien, au transport maritime et à la réfrigération. L’aquaculture a probablement une relation plus complexe avec les émissions de carbone. La contribution de l’aquaculture au changement climatique résulte en partie du défrichement de la mangrove, en particulier à des fins de développement de l’élevage de crevettes, bien que ces défrichements soient devenus plus rares ces dernières années (De Silva et Soto 2009). L’élevage d’animaux terrestres est une importante source mondiale de gaz à effet de serre (responsable de 18% des émissions et de 37% de toutes les émissions de méthane induites par l’homme, selon certaines estimations), tandis que les animaux aquatiques d’élevage n’émettent du CO2 que dans le cadre de la respiration normale et ne produisent pas de méthane, ce qui fait que leur contribution est beaucoup plus modeste (De Silva et Soto 2009). La consommation d’énergie et l’alimentation des animaux aquatiques constituent les principales sources d’émission de carbone dans le secteur aquacole, avec une différence notable entre les systèmes d’aquaculture intensifs à recyclage qui requièrent l’emploi de pompes et de filtres et les systèmes plus extensifs peu gourmands en intrants, notamment la culture d’algues et l’élevage de mollusques et de crustacés (Bunting et Pretty 2007). Les autres incidences observées le long de la filière sont liées à la consommation d’énergie des installations de transformation, à la production d’aliments pour animaux aquatiques et à l’entreposage et au transport des produits. Une analyse du cycle de vie3 appliquée à différentes techniques d’élevage de crevettes en Chine a permis d’évaluer l’impact environnemental de systèmes d’élevage intensifs par opposition à des systèmes semi-intensifs (dont les produits sont destinés respectivement à l’exportation et aux marchés nationaux), y compris du point de vue du réchauffement mondial, de l’acidification, de l’eutrophisation, de la consommation d’énergie cumulée et de l’utilisation de ressources biotiques. Les résultats ont montré que l’élevage intensif avait des incidences environnementales par unité de production nettement plus marquées que l’élevage semi-intensif et ce, dans toutes les catégories d’impact, les émissions les plus importantes étant imputables à la production d’aliments pour animaux aquatiques, à l’emploi d’électricité et aux effluents au niveau de l’exploitation. Les résultats ont aussi montré que, par tonne de crevettes produites, la consommation d’énergie des systèmes intensifs était supérieure de 470% à celle des systèmes semi-intensifs (Cao et al. 2011). Cependant, selon une étude relative à la consommation d’énergie dans le secteur de l’aquaculture tropicale (Henriksson et Troell, non daté), l’intensité de la production ne constitue pas nécessairement le principal facteur de l’émission de gaz à effet de serre et la consommation d’énergie peut être considérablement réduite en recourant à des services écosystémiques plutôt qu’à des systèmes anthropogéniques. L’étude souligne que la production d’aliments pour animaux aquatiques est la pratique qui consomme le plus d’énergie. La figure ci-dessous illustre les diverses étapes de la consommation d’énergie en aquaculture, qui ont été prises en compte dans l’analyse du cycle de vie pour évaluer la consommation d’énergie. La figure ci-dessous montre les divers éléments de la consommation totale d’énergie dans différents systèmes de production et pour différentes espèces, les losanges représentant l’énergie totale cumulée (Henriksson et Troell, non daté). L’ostréiculture ressort clairement comme le type d’aquaculture marine ayant le meilleur rendement énergétique, tandis que l’élevage de pangasius avec pompage de l’eau est le système qui utilise le plus d’énergie compte tenu de sa forte consommation de carburant. Une analyse du cycle de vie des aliments pour animaux aquatiques utilisés dans le secteur de l’aquaculture au Bangladesh – réalisée par le Centre of Excellence on Environmental Strategy for Green Business (VGREEN) en 2012 et tenant compte des effets potentiels en termes de réchauffement mondial, acidification et eutrophisation de l’eau douce/eau de mer – a montré que la production des ingrédients pour aliments industriels flottants et coulants était responsable de plus de 70% de l’ensemble des incidences imputables aux aliments pour animaux 3. L’analyse du cycle de vie examine les impacts environnementaux et tout autre impact potentiel d’un produit pendant sa durée de vie, depuis le stade de matière première jusqu’à l’élimination, en passant par la production et l’utilisation. L’analyse du cycle de vie peut aussi être employée pour évaluer les incidences environnementales d’un processus ou d’un service pendant toute la durée de son cycle de vie, depuis la conception jusqu’à l’achèvement. 26 FIGURE 2 Processus consommant de l’énergie dans les systèmes d’aquaculture PÊCHE DE CAPTURE COPRODUITS DE L’ÉLEVAGE ECLOSERIE FABRICATION D’ALIMENTS POUR ANIMAUX PRÉLÈVEMENT DANS LA NATURE PRODUITS CHIMIQUES INCIDENCES ENVIRONNEMENTALES CHAUX EXPLOITATION TRANSFORMATION AGRICULTURE TRAITEMENT DES DÉCHETS ENGRAIS MATÉRIAUX D’EMBALLAGE MARCHÉ INFRASTRUCTURES MAIN D’ŒUVRE LIMITE DU SYSTÈME CONSOMMATION Source: Henriksson et Troell, non daté aquatiques. Les ingrédients qui produisent le plus d’incidences sont la farine de soja, la farine de viande et d’os, la farine de blé et le maïs. L’étude a aussi démontré que les aliments coulants présentaient un potentiel de réchauffement mondial légèrement inférieur à celui des aliments flottants, et que les aliments faits maison avaient moins d’incidences dans toutes les catégories que les aliments industriels, qu’ils soient flottants ou coulants. Cependant, les indices de conversion (kilogrammes d’aliment fourni par kilogramme de gain de poids de poisson) sont beaucoup plus élevés pour les aliments faits maison que pour les aliments coulants/flottants (respectivement 3,5 et 2,0). En conséquence, du point de vue du potentiel de réchauffement mondial, la différence entre les deux types d’aliments est nulle ou considérablement réduite, dans la mesure où la quantité excédentaire d’aliments faits maison qui n’est pas consommée par les animaux d’élevage libère des gaz de serre supplémentaires lors de la décomposition (VGREEN 2012). Il convient de rappeler que la plupart des systèmes de production aquacole se caractérisent par des émissions de carbone inférieures à celles des autres secteurs de production de protéines en exploitation. Par exemple, en Suède, la production de viande entraîne l’émission de quelque 14 kilogrammes (kg) de CO2 par kg de viande bovine et quelque 4,8 kg de CO2 par kg de viande de porc. En Belgique, ces valeurs sont encore plus élevées, avec 34 kg et 11 kg de CO2 par kilogramme de viande bovine et kilogramme de viande de porc respectivement. Par comparaison, l’empreinte CO2 moyenne des 10 principales espèces de poisson (provenant à la fois de la pêche et de l’aquaculture) vendues dans le commerce au détail est égale à 6,1 kg de CO2 par kg de produit (Davies 2010). Dans le secteur de l’aquaculture, l’élevage de crevettes est l’activité dont l’empreinte carbone est la plus élevée (11,10 kg de CO2 par kg de crevettes), tandis que le tilapia, les carpes et les bivalves (huîtres et moules) peuvent être considérées comme 27 des espèces à faible impact, puisqu’elles génèrent respectivement 1,67 kg, 0,80 kg et 0,01 kg de CO2 par kg de produit (Davies 2010). Une autre activité intéressante à examiner dans le cadre du débat relatif à l’impact environnemental de l’aquaculture est la rizipisciculture. L’intégration de la riziculture et de l’élevage de petits poissons permet de produire des aliments et des revenus intéressants et constitue une bonne stratégie d’adaptation en milieu inondé. Cependant, des études ont montré que cette pratique accroissait la quantité de gaz à effet de serre émise par les rizières. Datta et al. ont étudié les quantités d’oxyde nitreux (N2O) et de méthane (CH4) produites par les systèmes de production intégrés riz‑poisson dans des conditions de culture pluviale en zones basses et les ont comparées aux émissions de rizières simples (Datta et al. 2008). Ils ont démontré que, par rapport à la riziculture simple, la rizipisciculture entraînait une augmentation de 74 à 112% de l’émission de méthane et une réduction de l’émission d’oxyde nitreux. Du point de vue du potentiel de réchauffement global (équivalent CO2), les émissions totales de gaz à effet de serre du système riz-poisson étaient beaucoup plus élevées parce que la proportion de méthane dans les gaz émis était, de loin, plus importante (Datta at al. 2008). Un programme Croissance verte dans le secteur de la pêche? Un programme de croissance verte dans les secteurs de la pêche et de l’aquaculture mettrait l’accent sur la réduction de l’empreinte carbone de la filière, tout en préservant ses contributions sociales et économiques et son caractère durable. La figure ci-dessous montre les divers éléments de la consommation totale d’énergie dans différents systèmes de production et pour différentes espèces, les losanges représentant l’énergie totale cumulée (Henriksson et Troell, non daté). L’ostréiculture ressort clairement comme le type d’aquaculture marine ayant le meilleur rendement énergétique, tandis que l’élevage de pangasius avec pompage de l’eau est le système qui utilise le plus d’énergie compte tenu de sa forte consommation de carburant. FIGURE 3 Éléments de la consommation totale d’énergie dans différents systèmes de production et pour différentes espèces 60.000 50.000 50% 40.000 60% 30.000 40% 20.000 20% 10.000 0 Source: Henriksson et Troell, non daté 28 Huître Pangasius, pompage Pangasius, marées Milkfish, intensif Milkfish, semi-extensif Milkfish, extensif 0% Apport total en énergie, MJ tonne -1 Pourcentage de l’apport total en énergie 100% Chaux Transport Carburant sur le site Aliments pour animaux Engrais Cylindres de béton Electricité sur le site Ecloserie ©FIDA/Susan Beccio 29 Mesures permettant d’intégrer l’adaptation au changement climatique et son atténuation dans les projets intéressant la pêche et l’aquaculture “Dans la mesure où le changement climatique a déjà des incidences sur les systèmes de pêche et d’aquaculture et les communautés qui en dépendent, il est impératif de prendre des mesures sans tarder pour améliorer la capacité d’adaptation et de récupération de ces systèmes vulnérables, en particulier dans les pays et les communautés jugés les plus fragiles face au changement” (FAO 2010c). Vulnérabilité, adaptation et résilience Selon le GIEC (2007), la vulnérabilité désigne le degré auquel un système est sensible au changement climatique et n’est pas en mesure de s’adapter à ses effets négatifs. La vulnérabilité d’un ménage ou d’une communauté de pêcheurs face aux incidences du changement climatique est fonction de trois grandes variables: i) l’exposition aux incidences – nature du changement climatique et degré auquel les activités de pêche, les exploitations d’aquaculture et les communautés sont exposées à ce changement; ii) la sensibilité - degré auquel un système répondra à un changement des paramètres climatiques; et iii) la capacité d’adaptation – aptitude à changer pour surmonter le stress climatique. S’agissant des communautés jugées fragiles face au changement climatique, les mesures favorisant l’adaptation doivent porter sur certaines de ces variables voire sur toutes: l’exposition, la sensibilité et la capacité d’adaptation (Allison et al. 2007; Daw et al. 2009). À la base, ces mesures doivent viser à assurer la résilience – c’est-à-dire, l’aptitude à absorber les perturbations induites par le changement climatique tout en conservant une qualité de vie acceptable. Idéalement, il convient de préférer les options gagnant-gagnant ou “sans regrets” qui, à la fois renforcent la résilience face au changement climatique et multiplient les possibilités de prospérer sur les plans économique et social, tout en préservant ou en améliorant la base de ressources naturelles et en contribuant à la réduction de la pauvreté, à la 30 sécurité alimentaire et à la réalisation des objectifs de développement durable. Ces options sont intéressantes même en l’absence de changement climatique et sont particulièrement précieuses dans les situations où une grande incertitude règne quant à la forme que prendra le changement climatique à l’avenir. Bien entendu, les stratégies d’adaptation sont propres au lieu et au contexte, donc difficiles à modéliser et à prévoir (FAO 2008e). Nicholls et al. (2007) classent les mesures d’adaptation dans deux catégories: l’adaptation autonome, qui consiste à continuer à exploiter les connaissances et les technologies existantes pour faire face à l’évolution du climat quand elle survient; et l’adaptation planifiée, qui consiste à renforcer la capacité d’adaptation en mobilisant les institutions et en élaborant des politiques, de manière à créer ou consolider les conditions favorables à une adaptation efficace et à l’investissement dans de nouvelles technologies et infrastructures. Il convient de souligner que le changement climatique n’est que l’un des nombreux stress interdépendants qui touchent la pêche et l’aquaculture, les autres étant notamment la dégradation de l’environnement, la gouvernance médiocre, la pauvreté et la pollution. En général, les mesures d’adaptation gagnantgagnant/sans regrets, qui réduisent l’exposition et la sensibilité et renforcent la capacité d’adaptation, s’attaquent aussi à ces stress non climatiques. Pour renforcer l’aptitude à surmonter des stress d’origines multiples, il est essentiel d’améliorer la situation socioéconomique des communautés, la gouvernance, et la gestion des ressources naturelles (Mangroves for the Future [MFF] 2010). Il convient de souligner que tous les effets du changement climatique ne sont pas négatifs; par conséquent, les stratégies d’adaptation doivent faire en sorte que les avantages apportés par le changement climatique soient accessibles aux communautés ciblées. FIDA Cycle de projet Pour élaborer ses projets et programmes, le FIDA s’appuie sur plusieurs outils et directives qui ont été conçus pour aider le personnel et les consultants du Fonds associés aux différentes étapes du processus à produire des projets de développement de qualité, qui soient en prise sur les réalités du terrain et répondent aux besoins et aux aspirations des partenaires du projet – notamment, les femmes rurales pauvres (FIDA 2007b). Dans le modèle opérationnel du FIDA, le cycle de projet est articulé autour de deux grandes composantes: l’élaboration du projet et l’exécution du projet. Le processus d’élaboration du projet comporte trois étapes: i) note conceptuelle du projet, ii) conception détaillée, et iii) achèvement de la conception. L’élaboration et l’exécution des projets sont généralement alignées sur des programmes d’options stratégiques pour les pays (COSOP), qui recensent les possibilités de financement par le FIDA et les partenariats connexes, facilitent la gestion des résultats et constituent ainsi un cadre permettant au FIDA de faire des choix stratégiques quant aux opérations à conduire dans un pays. Les présentes directives qui décrivent une série de mesures permettant de diagnostiquer et de contrecarrer les menaces d’origine climatique qui pèsent sur les communautés d’artisans pêcheurs et de petits aquaculteurs s’appliquent donc plus particulièrement aux étapes de l’élaboration des COSOP et de l’élaboration des projets. Objectif de l’ASAP: Les petits exploitants pauvres sont plus résilients face au changement climatique. Objectif spécifique: Les approches d’adaptation apportant des avantages multiples aux petits exploitants pauvres sont transposées à plus grande échelle. Principaux indicateurs de l’ASAP applicables aux secteurs de la pêche et de l’aquaculture: • Nombre de membres de ménages paysans pauvres dont la résilience face au changement climatique a été renforcée; • Nombre de personnes (en particulier les femmes), de groupements communautaires et d’institutions participant à la gestion du risque climatique, à la gestion de l’environnement et des ressources naturelles ou à la réduction du risque de catastrophe; • Valeur en USD des infrastructures rurales nouvelles ou déjà en place, rendues résilientes face au changement climatique; • Nombre de tonnes de gaz à effet de serre (CO2) dont l’émission a été évitée et/ou qui ont été fixées. aux marchés, la préservation de l’environnement et le renforcement des capacités institutionnelles. En ce qui concerne le FIDA, il s’agit de multiplier les activités qui donnent de bons résultats et de les faire mieux. Par conséquent, le premier principe de l’ASAP est la transposition à plus grande échelle d’approches La pêche et l’aquaculture dans la réponse donnée par le FIDA au changement climatique4 de développement rural éprouvées et fiables – qui ont Face au changement climatique, la stratégie du FIDA vise l’obtention d’un impact maximal sur la pauvreté rurale dans un contexte climatique en mutation. Selon l’ASAP, répondre au changement climatique ne veut pas dire qu’il faut mettre au rebut ou réinventer tout ce que l’on sait déjà du développement. Il convient plutôt de redoubler d’efforts en vue de relever les grands défis bien connus que soulève le développement et de placer une juste appréciation des risques au cœur du programme de développement. Pour que la réponse au changement climatique soit cohérente, il faut continuer à mettre l’accent sur: le développement piloté par les pays, la gestion communautaire des ressources naturelles, l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, la sécurité foncière, l’accès aux services financiers et à renforcer la résilience des petits exploitants. démontré qu’elles pouvaient effectivement contribuer Mais, dans le contexte du changement climatique, il faut aussi introduire dans les programmes de développement rural des approches novatrices qui améliorent l’efficacité et l’impact alors même que le contexte évolue et devient de plus en plus incertain. Les nouvelles approches consistent notamment à utiliser des modèles climatiques à échelle réduite pour planifier des scénarios à long terme, à promouvoir les analyses communautaires de la vulnérabilité et des capacités dans le domaine du changement climatique, et à doter les institutions locales des moyens de participer à l’élaboration des politiques nationales relatives au changement climatique. Il peut aussi s’agir d’améliorer la collecte, 4. Tiré de la brochure relative à l’ASAP 31 l’analyse et la diffusion de données météorologiques, d’établir des systèmes de suivi de l’adaptation au climat reposant sur des observations factuelles, de fournir un accès à des dispositifs de transfert des risques/d’assurance et de réévaluer les infrastructures et les plans d’occupation des sols et d’utilisation de l’eau, en tenant compte des risques nouveaux et d’apparition récente, notamment l’élévation du niveau de la mer. Dans cette optique, les mesures envisagées par le FIDA pour faire face au changement climatique mettent l’accent sur les aspects suivants: i) fonder les projets et les politiques sur une évaluation approfondie des risques et une meilleure connaissance des interconnections existant entre les artisans pêcheurs et les petits aquaculteurs, les écosystèmes dont ils dépendent et les demandes concurrentes des autres usagers; ii) transposer à beaucoup plus grande échelle les approches à avantages multiples performantes du développement durable de la pêche artisanale et de la petite aquaculture. Non seulement ces approches renforcent la résilience face aux chocs climatiques, mais elles contribuent aussi à la réalisation d’autres objectifs stratégiques d’intérêt public, comme la réduction de la pauvreté, la conservation de la biodiversité, l’amélioration de la production et la diminution de l’émission de gaz à effet de serre; iii) permettre aux artisans pêcheurs et aux petits aquaculteurs de devenir des bénéficiaires à part entière des fonds liés au changement climatique et de générer des avantages multiples variés, qui vont au-delà de l’approche traditionnelle axée sur la pauvreté et les rendements. Les mesures décrites plus loin ont été sélectionnées en accord avec la logique qui vient d’être exposée. Elles ont été choisies à l’issue d’un examen des pratiques optimales en matière d’adaptation au changement climatique et d’atténuation du changement climatique, et sont – en général – des approches à avantages multiples, qui offrent des solutions combinées permettant, à la fois de faire face aux menaces climatiques, et de s’attaquer aux nombreux problèmes supplémentaires que rencontrent actuellement la pêche artisanale et la petite aquaculture ainsi que les communautés qui en dépendent. Ces mesures contribuent aussi à la réalisation de l’objectif général et de l’objectif spécifique du programme ASAP et réunissent habituellement les 32 critères ouvrant droit à des financements au titre d’un ou de plusieurs fonds pour le climat auxquels le FIDA a accès, notamment l’ASAP, ainsi que le FEM, le Fonds spécial pour les changements climatiques, le Fonds pour les pays les moins avancés et le Fonds d’adaptation, et d’autres sources majeures de ressources liées au climat. Par exemple, les activités suivantes peuvent être financées au titre de l’ASAP: i) régénération d’écosystèmes naturels, de forêts de mangrove, de zones humides côtières, de dunes de sable et de récifs coralliens pour protéger les moyens d’existence contre les risques d’origine climatique dans les zones côtières; ii) gestion intégrée des ressources en eau pour préserver et améliorer le bon fonctionnement des bassins versants; iii) accès des communautés à des informations sur les prévisions météorologiques et le climat; et iv) renforcement des compétences dans les services de recherche, de conseil et de vulgarisation, sur la gestion des risques d’origine climatique et l’adaptation. Généralités sur l’adaptation En matière de gestion des ressources naturelles, il existe deux approches à avantages multiples qui s’appliquent plus particulièrement à la pêche et à l’aquaculture et qui génèrent une vaste gamme d’avantages sociaux, environnementaux et économiques, et notamment favorisent l’adaptation au changement climatique. Ces approches – qui doivent être promues dans toutes les interventions du FIDA relatives aux secteurs de la pêche et de l’aquaculture, indépendamment du lieu et du contexte – sont l’approche écosystémique et les régimes de cogestion. Approche écosystémique Un grand nombre de facteurs qui rendent la pêche artisanale et la petite aquaculture vulnérables face au changement climatique, notamment la dégradation des habitats et la pollution, trouvent leur origine à l’extérieur du secteur. Par conséquent, il faut adopter une approche intégrée et globale de la résolution des problèmes, et s’appuyer en particulier sur une collaboration intersectorielle, pour renforcer la résilience des communautés de pêcheurs et d’aquaculteurs face au changement climatique. Dans cette optique, la mise en œuvre de l’“approche écosystémique” de la pêche et de l’aquaculture constitue une mesure essentielle. Comme l’indique la Convention sur la diversité biologique (CDB), l’approche écosystémique consiste en “une stratégie de gestion intégrée des terres, des eaux et des ressources vivantes, qui favorise la conservation et l’utilisation durable d’une manière équitable”5. Dans le cadre d’une approche écosystémique, la pêche, l’aquaculture et l’agriculture sont considérées comme des activités intégrées relevant des mêmes stratégies générales de gestion des terres et de l’eau et comme des éléments intégrés des moyens d’existence locaux. L’approche écosystémique de la pêche et l’approche écosystémique de l’aquaculture, telles qu’elles sont définies par la FAO, ont un champ d’application légèrement plus limité que celui de l’approche écosystémique décrite par la CDB, car elles concernent principalement les activités propres aux secteurs de la pêche et de l’aquaculture et n’établissent pas de liens étroits avec les activités et l’utilisation des ressources dans les autres secteurs. Quoi qu’il en soit, du point de vue du FIDA, une approche qui relie la pêche et l’aquaculture à l’agriculture est particulièrement intéressante. Les services écosystémiques – définis comme les avantages que les populations peuvent tirer des écosystèmes – constituent un concept clé de l’approche écosystémique. Les services écosystémiques consistent en: services d’approvisionnement, notamment en aliments, eau, bois et fibres; services de régulation, intéressant le climat, les inondations, les maladies, les déchets et la qualité de l’eau; services culturels, liés aux loisirs, à l’esthétique et à la spiritualité; et services d’appui tels que formation des sols, photosynthèse et cycles des éléments nutritifs. La valeur des services fournis par l’écosystème côtier a été estimée à plus de 25 mille milliards d’USD par an, ce qui en fait l’un des écosystèmes les plus précieux sur le plan économique (Nellemann et al. 2009). L’espèce humaine, quoique relativement à l’abri des changements environnementaux grâce à sa culture et ses technologies, est fondamentalement dépendante du flux de services écosystémiques (Évaluation des écosystèmes pour le millénaire 2005; Anthony et al. 2009). Par l’intermédiaire de leurs multiples services écosystémiques, les écosystèmes en bonne santé favorisent à la fois l’adaptation au changement climatique et son atténuation. En même temps, ils sont indispensables à la viabilité des opérations de pêche et d’aquaculture. C’est pourquoi, au moyen de la protection et/ou de la régénération des principaux écosystèmes d’eau douce, côtiers et marins, l’on peut générer, avec un bon rapport coût-efficacité, les multiples avantages que sont l’adaptation au changement climatique, l’atténuation du changement climatique et le soutien des activités de pêche et d’aquaculture. Les écosystèmes particulièrement importants pour la pêche artisanale et la petite aquaculture sont les récifs coralliens, la mangrove, les zones humides et les prairies sous-marines. Le concept d’“adaptation fondée sur les écosystèmes” face au changement climatique constitue une autre facette de l’approche écosystémique. Il s’agit d’un nouveau concept, qui met à profit l’aptitude des systèmes naturels à faciliter l’adaptation humaine au changement climatique. Souvent, compte tenu du fait qu’ils génèrent de multiples avantages favorisant l’adaptation, les systèmes naturels sont potentiellement plus intéressants sur le plan des coûts que des solutions hautement technologiques. La FAO (2009d) définit l’approche écosystémique comme “une stratégie d’intégration de l’activité dans le grand écosystème de manière à promouvoir le développement durable, l’équité et la résilience d’un système social et écologique étroitement imbriqué”. À titre d’illustration de l’approche écosystémique de l’aquaculture, il convient de citer l’aquaculture multi-trophique intégrée, qui consiste à produire conjointement des espèces que l’on nourrit et des espèces extractives qui utilisent les déchets organiques et inorganiques de l’aquaculture pour se développer (Barrington 2009). L’un des principaux avantages de ce type d’aquaculture est que les coûts environnementaux de la monoculture (c’est-à-dire, les effets externes) sont partiellement internalisés. L’aquaculture multi-trophique intégrée peut être mise en œuvre à diverses échelles: depuis de petites opérations convenant à des communautés pauvres jusqu’à des initiatives commerciales de grande ampleur à forte intensité de capital. En ce qui concerne les premières, de bons modèles de systèmes d’aquaculture marine intégrée en cages ont été expérimentés dans la baie de Nha Trang au Viet Nam, dans le cadre d’un projet bénéficiant d’un appui de DANIDA; les associations d’espèces étaient les suivantes: escargot, moule verte, algue, holothurie de sable et poisson (DANIDA 2005). On peut trouver dans la baie de Fundy, au Canada, un exemple de grande opération commerciale d’aquaculture multi‑trophique intégrée marine qui associe des rangées de cages de salmonidés, des radeaux de moules et des radeaux d’algues (Chopin 2006; Barrington 2009). Un autre exemple d’approche écosystémique de l’aquaculture est 5. www.cbd.int/ecosystem/default.shtml 33 donné par l’aquaculture intégrée qui est définie comme la culture d’espèces aquatiques dans le cadre de, ou parallèlement à, la conduite d’autres activités productives, notamment différents types d’aquaculture ou de pêche de capture (Angel et Freeman 2009). L’aquaculture intégrée peut être mise en œuvre dans la même exploitation ou dans des opérations situées à proximité l’une de l’autre, par exemple des élevages de moules et des piscicultures, ou peut résulter d’une amélioration des possibilités de production, comme lorsque l’aquaculture sur récifs artificiels favorise l’augmentation de la biomasse halieutique locale autour des exploitations (Angel et Freeman 2009). La valeur de la conservation des zones humides pour protéger des inondations la ville de Vientiane, en République démocratique populaire lao, a été estimée à un peu moins de 5 millions d’USD, sur la base de la valeur des dégâts évités. Le rôle joué par les écosystèmes de zones humides dans la protection contre les inondations va revêtir une importance croissante dans de nombreuses régions du monde. La protection des zones humides à Hail Haor, au Bangladesh, a contribué à faire augmenter les prises de pêche de plus de 80% (TEEB 2010), démontrant les multiples avantages associés à ce type de mesure. En ce qui concerne l’Afrique, Allison et al. (2007) soulignent que les zones humides et les parties profondes des lacs peu profonds, dont dépend la pêche continentale, doivent être protégées car elles tiennent lieu de refuge pour les populations de poissons pendant les périodes de sécheresse mais sont menacées par l’intensification de l’horticulture et de la riziculture. Une approche écosystémique garantirait la gestion coordonnée des activités agricoles (c’est-à-dire, l’horticulture et la riziculture), de la pêche pratiquée dans les lacs, et des ressources dont les deux familles d’activités dépendent, c’est-à-dire les zones humides et l’eau. Par exemple, à Samoa, un projet du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) aide une communauté de pêcheurs à surmonter sa vulnérabilité face à l’élévation du niveau de la mer et aux inondations, au moyen du renforcement de la résilience de l’écosystème local. Les zones humides fragiles entourant la communauté sont régénérées et replantées afin de devenir plus résilientes. L’amélioration de la circulation de l’eau dans les zones humides contribue à protéger les logements et les exploitations des inondations et permet aux habitats d’élevage de poisson d’être connectés avec la mer (PNUD 2010). 34 Le passage à des régimes de gestion plus durable des ressources naturelles ou des écosystèmes a habituellement un coût, en particulier à court terme, qui est parfois inégalement réparti, ce qui suscite des tensions, des conflits et une résistance à l’amélioration de la gestion. Les mécanismes de rémunération des services environnementaux constituent un moyen de dédommager les populations pour les revenus qu’elles perdent quand leurs pratiques de pêche, d’aquaculture ou d’exploitation de ressources naturelles sont soumises à des restrictions, et de les remercier de leur contribution au bien commun (Glover 2010). Le principe qui sous-tend ces mécanismes est que les écosystèmes, tels que la mangrove, rendent des services utiles aux populations, en particulier: lutte contre l’érosion, stabilisation du climat et protection de la biodiversité. Mais il s’agit de biens publics, ou d’effets externes positifs, dont les avantages sont largement répartis et profitent notamment à des personnes vivant en dehors de la zone de mangrove. Les populations qui résident dans la mangrove ou à proximité peuvent préférer l’exploiter pour se procurer du bois de chauffe et des matériaux de construction, ce qui aura pour résultats de compromettre le flux de biens publics. Si l’on veut les encourager à protéger la mangrove, les populations doivent recevoir une compensation pour la perte des revenus et autres avantages dont elles auraient bénéficié – cette rétribution constitue souvent un moyen plus efficace de protéger la mangrove que la simple interdiction d’en abattre les arbres. Fondamentalement, un mécanisme de rémunération des services environnementaux consiste donc en un marché conclu entre les individus qui bénéficient des services environnementaux et les responsables du maintien de ces services. La mise en place de tels arrangements peut s’avérer complexe – le grand public risque de rechigner à payer un service qui était gratuit dans le passé ou dont il ne pensait pas qu’il faudrait un jour le payer. On trouve des exemples intéressants de rémunération des services écosystémiques dans le domaine de la gestion des forêts, au Vietnam (Bui et Hong 2006; Hawkins et al. 2010) et au Costa Rica (Glover 2010); mais grâce à la popularité croissante de ces mécanismes, les exemples positifs se multiplient. Au Viet Nam, un projet de gestion d’une zone côtière exécuté par l’Agence allemande de coopération internationale (GIZ) expérimente des mécanismes permettant de financer durablement les services écosystémiques fournis par les zones humides côtières. L’objectif est d’établir un mécanisme de partage des avantages incitant les membres du groupe de cogestion de la mangrove (pauvres et très pauvres) à ne pas abattre des arbres dans cette zone. De cette manière, les services écosystémiques fournis par la mangrove continuent à profiter à la communauté et, plus spécialement, aux producteurs de palourdes opérant à proximité de la zone de mangrove. En échange, les membres du groupement de la mangrove sont invités à entrer dans la coopérative de producteurs de palourdes et reçoivent une part des bénéfices générés par la vente de palourdes. Les mesures d’adaptation décrites dans les parties suivantes sont toutes compatibles avec l’approche écosystémique, mais il faut veiller à les mettre en œuvre de manière coordonnée et à faire participer l’ensemble des parties prenantes pour promouvoir véritablement une approche écosystémique. On trouvera des informations détaillées sur l’approche écosystémique de la pêche et de l’aquaculture sur le site web de la FAO6. Cogestion La cogestion est un processus de gestion participative dans lequel les communautés locales, des entités publiques de différents niveaux et d’autres parties prenantes conviennent de se partager les avantages et les responsabilités de l’utilisation durable de ressources naturelles renouvelables. Les approches de cogestion sont intéressantes à de nombreux égards. La cogestion et l’établissement de groupements d’agriculteurs sont susceptibles de constituer des mécanismes efficaces pour faire entendre la voix des aquaculteurs et des pêcheurs et promouvoir leur autonomisation dans un contexte de changement climatique. Ces mécanismes peuvent faciliter l’adaptation des parties prenantes au changement climatique grâce à une gouvernance plus réactive et à une communication fructueuse avec les autorités locales et nationales (Fezzardi 2001). La constitution de groupements de producteurs constitue une première étape du processus permettant la certification de la durabilité et la traçabilité des opérations d’aquaculture et de pêche. La création d’organisations paysannes ou leur renforcement sont susceptibles d’améliorer le dialogue et les échanges entre producteurs et permettre à ceux-ci de mettre en place des systèmes d’alerte précoce pour les maladies et de s’informer mutuellement sur les réussites, les échecs, les techniques et les innovations en ce qui concerne des questions telles que le choix des espèces, l’alimentation et la nutrition, et la gestion des exploitations (Fondation ETC 2010). Les organisations paysannes peuvent aussi faire en sorte que la voix des agriculteurs soit mieux prise en compte dans la définition des programmes de recherche et dans l’élaboration des politiques nationales. En Afrique, Allison et al. (2007) font valoir que la cogestion constitue un moyen d’améliorer la résilience des systèmes de pêche et d’aquaculture continentales face au changement climatique. Les initiatives de cogestion peuvent être étroitement liées à l’attribution de droits de pêche au niveau communautaire et à la gouvernance communautaire de la pêche. La conception de ce type d’initiative doit faire l’objet d’un examen très sérieux dans tout projet. Partout dans le monde, les gouvernements encouragent de plus en plus la cogestion, et les régimes de gestion communautaire de ressources naturelles par des groupements et des associations sont considérés comme des conditions préalables essentielles à toute autre action. Au Viet Nam, de manière croissante, la cogestion est regardée comme le meilleur moyen d’améliorer la gouvernance de la pêche et des ressources naturelles; plusieurs initiatives exécutées dans le cadre de projets et plusieurs plans publics nationaux promeuvent la cogestion et la participation des communautés (Akester et al. 2004). On sait par expérience que les initiatives exécutées dans le cadre de projets, en particulier en Afrique subsaharienne, rencontrent des problèmes de pérennité après la clôture des projets, mais le renforcement des associations de producteurs n’en reste pas moins une stratégie importante dans le cadre du développement de la pêche et de l’aquaculture (Fondation ETC 2010). Les groupements de pêcheurs et d’aquaculteurs sont particulièrement durables quand ils offrent des bénéfices financiers évidents à leurs membres, même si ceux-ci doivent aussi participer à des activités de cogestion. En Ouganda, la coopérative d’aquaculteurs Walimi est un bon exemple d’association d’aquaculteurs durable. Grâce à la coopérative, les liens des producteurs avec le secteur privé ont été renforcés, ce qui a stimulé le développement de l’aquaculture; l’établissement d’écloseries privées a résolu le problème de la disponibilité d’œufs/larves/ alevins; des marchés ont été créés pour écouler les produits de l’aquaculture; et les membres de la 6. www.fao.org/fishery/topic/13261/en 35 ÉTUDE DE CAS Réduction de la pauvreté dans les zones rurales et amélioration de la participation des pauvres aux marchés, Viet Nam Portée géographique: Durée: Organismes de financement: Organismes d’exécution: Références: Liens: Provinces de Ha Tinh et TraVinh, Viet Nam 2007-2013 Agence allemande de coopération internationale (GIZ) et FIDA GIZ et Gouvernement du Viet Nam Institut DRAGON (Delta Research and Global Observation Network) de l’Université de Can Tho www.giz.de, www.ifad.org Description succincte Le programme du FIDA a pour objectif d’améliorer les revenus des populations rurales pauvres des provinces de Ha Tinh et Tra Vinh, en facilitant leur accès aux marchés de l’emploi, de la finance, des produits et des services. Dans ces communes, les taux de pauvreté sont élevés et la majeure partie de la population réside en milieu rural et vit d’une agriculture de subsistance. Le programme vise à éliminer systématiquement les barrières qui empêchent les ruraux pauvres de s’intégrer au marché. À cette fin, le projet: i) appuie la planification locale du développement; ii) promeut l’agriculture à vocation commerciale dans les filières; iii) contribue à améliorer la formation professionnelle dans des domaines pertinents et à encourager l’investissement local; iv) favorise la création d’emplois non agricoles; et v) relie des initiatives axées sur le marché aux besoins et priorités de communes pauvres. Le projet est exécuté en coopération avec GIZ, qui assure l’assistance technique. Adaptation au changement climatique La question du changement climatique n’est pas au cœur du programme, mais celui-ci la prend en compte en introduisant un outil permettant de l’intégrer afin de renforcer la capacité de planification locale du développement. Les conséquences probables du changement climatique ne sont pas encore contrecarrées ni pleinement prises en compte dans la planification locale et l’outil permettrait ainsi: 1) de recenser les activités et les filières qui sont menacées d’une manière ou d’une autre ou sont exposées à des risques particuliers du fait du changement climatique; et 2) d’analyser les mesures supplémentaires qu’il convient éventuellement de prendre pour garantir un bon fonctionnement de ces filières. En particulier, le programme a une composante d’aquaculture concernant les filières du pangasius et de la palourde, qui sont des espèces situées aux échelons inférieurs de la chaîne trophique et dont les habitats peuvent servir de puits de carbone. Avec l’appui du projet, les producteurs de pangasius s’efforcent d’obtenir dans le cadre d’une initiative de partenariat public-privé la certification de Bonnes pratiques agricoles mondiales. La composante du projet relative à l’aquaculture et la pêche est menée en étroite collaboration avec le département provincial d’agriculture et de développement rural et l’Alliance coopérative provinciale. Le projet collabore aussi avec l’institut DRAGON (Delta Research and Global Observation Network) de l’Université de Can Tho pour réaliser une étude consistant à recueillir les impressions des producteurs et d’autres informateurs clés sur les modifications et les incidences liées au changement climatique et aux phénomènes météorologiques extrêmes qu’ils ont observées au fil du temps. Approches du renforcement de la capacité d’adaptation • • • • 36 Recourir systématiquement à l’emploi de l’outil permettant d’intégrer le changement climatique pour accroître les chances de succès des filières dont le développement est planifié ou en cours. Aider les groupements, les coopératives et les unions de producteurs à renforcer leur capacité d’adaptation au niveau local, grâce à l’amélioration de l’accès à l’information sur les marchés, aux connaissances techniques et aux intrants d’aquaculture. Promouvoir la production de palourdes comme nouveau moyen d’existence qui pourrait permettre la reconversion des ménages de pêcheurs/d’agriculteurs touchés par le changement climatique. Établir un régime de cogestion de la pêche entre les coopératives de producteurs de palourdes et le département provincial d’agriculture et de développement rural en vue de la création progressive d’un secteur de production de palourdes lucratif, susceptible d’obtenir une certification de pêche durable, reconnue à l’échelle internationale. coopérative accèdent directement à des services de conseil, à des technologies adaptées, aux intrants, au marché et à des services de crédit (Walakira et al. 2010). Au Malawi, l’association des aquaculteurs de Zomba, créée en 2003 dans six zones traditionnelles du district de Zomba, bénéficie d’un appui technique et de services de vulgarisation assurés, avec l’aide du Centre national d’aquaculture, par le bureau des pêches du district (Fondation ETC 2010). vue soient pris en compte par l’intermédiaire d’une approche participative. Cette participation est indispensable si l’on veut déterminer les problèmes, les possibilités et les priorités du point de vue des communautés et elle est essentielle pour garantir la responsabilisation des bénéficiaires et la pérennité des interventions. Pendant les discussions, il faudra améliorer les connaissances des parties prenantes en ce qui concerne la nature du changement climatique et la distinction à établir entre variabilité climatique et changement climatique. Résidant souvent dans des zones exposées aux phénomènes météorologiques extrêmes et à la variabilité climatique, les communautés d’artisans pêcheurs et de petits aquaculteurs sont habitués de longue date à faire face aux aléas climatiques. Ces connaissances locales sont susceptibles de faciliter le recensement des changements climatiques et la détermination des mesures d’adaptation qui conviennent; il faut aussi tenir compte du fait qu’une adaptation autonome peut avoir commencé. La communauté doit également participer à l’exécution du projet, au suivi de ses résultats et à l’évaluation de son impact. Un cadre de suivi et évaluation (S&E) participatif applicable à l’adaptation locale et communautaire au changement climatique – le Participatory, Monitoring, Evaluation, Reflection and Learning Tool (PMERL – Outil participatif de suivi, évaluation, réflexion et apprentissage) – a été mis au point par CARE et l’Institut international pour l’environnement et le développement (CARE et IIED 2012). Un cadre de S&E identique a été élaboré par Action Research for Community Adaptation au Bangladesh (ARCAB 2012). Les principales mesures qui pourraient être prises dans les projets financés par le FIDA pour promouvoir la cogestion sont les suivantes: • Promouvoir la constitution de groupements de producteurs, de coopératives et d’associations de pêcheurs comme première étape de la mise en place d’un régime de cogestion et condition préalable essentielle à l’établissement de partenariats durables entre les pouvoirs publics et les pêcheurs et aquaculteurs. • Promouvoir l’établissement et l’application d’un cadre juridique robuste en ce qui concerne les régimes de cogestion et de gestion communautaire de la pêche, de l’aquaculture, des zones humides côtières et de la mangrove, afin de donner à ces régimes l’assise juridique dont ils ont besoin pour se développer. • Élaborer un manuel pratique sur la constitution de groupements de producteurs et l’établissement de régimes de cogestion, qui soit destiné aux usagers du niveau communautaire et fondé sur des exemples de réussites dans des projets financés par le FIDA ou ses partenaires. Toutes les mesures décrites plus haut doivent intégrer la problématique hommes-femmes – c’est-à-dire, qu’il faut que les priorités des femmes soient prises en compte au même titre que celles des hommes dans les organisations de pêcheurs et les cadres réglementaires et juridiques pertinents, et que les directives pratiques soient élaborées sur la base d’une connaissance précise des rôles joués par les femmes et par les hommes dans les secteurs de la pêche et de l’aquaculture. Description des mesures d’adaptation Programmation et conception des projets • Veiller à l’implication et la participation des parties prenantes. Faire en sorte que les bénéficiaires ciblés et les parties prenantes soient associés à toutes les étapes de l’élaboration de projet et que leurs besoins et leurs points de • Évaluer la vulnérabilité. Mener des évaluations participatives de la vulnérabilité des communautés cibles exposées au changement climatique et aux catastrophes, au moyen de la cartographie de la vulnérabilité et de l’élaboration de scénarios. L’évaluation de la vulnérabilité face au changement climatique est un processus essentiel dans la détermination des zones et des communautés cibles où les besoins d’adaptation sont les plus pressants et les plus graves. Ces dernières années, un grand nombre d’outils d’évaluation de la vulnérabilité applicables aux secteurs de la pêche artisanale 37 ÉTUDE DE CAS Programme d’appui à la réduction de la vulnérabilité dans les zones de pêche côtière, Djibouti Portée géographique: Durée: Organismes de financement: Organisme d’exécution: Partenaires d’exécution: Référence: Localités d’Arta, Loyada et Damerjog dans les régions de Tadjourah et Obock, Djibouti 2014-2019 FIDA (prêt et don alloué au titre de l’ASAP), Gouvernement de Djibouti, Programme alimentaire mondial (PAM), FAO, Caisses populaires d’épargne et de crédit (CPEC), Centre d’études et de recherche djiboutien (CERD) Gouvernement de Djibouti PAM, FAO, CPEC, CERD www.ifad.org Description succincte Ce programme du FIDA récemment conçu vise à mettre en œuvre et à transposer à plus grande échelle des approches d’adaptation au changement climatique afin de renforcer la résilience des populations côtières, d’améliorer les revenus et de promouvoir la cogestion des ressources marines. Les objectifs spécifiques sont les suivants: i) permettre aux populations côtières d’acquérir la maîtrise d’activités résilientes face au changement climatique; ii) renforcer les coopératives et les associations au profit d’une importante proportion des groupes cibles touchés par le changement climatique; iii) accroître les revenus des bénéficiaires du programme; et iv) accroître la valeur des prises débarquées sans altérer l’état des ressources. Les objectifs ci-dessus seront atteints dans le cadre de trois composantes techniques: • Composante 1- Appui en faveur de la résilience des habitats et du profil côtiers. Réduction des risques d’origine climatique pesant sur l’écosystème côtier et réinstauration de l’équilibre des habitats marins grâce à une gestion participative des ressources naturelles, qui associe les bénéficiaires aux travaux de conservation, tels que nettoyage et plantation, et à une utilisation durable des ressources côtières. La composante intéressera aussi le suivi des incidences du changement climatique sur les écosystèmes côtiers et la régénération des habitats côtiers. • Composante 2- Promotion des filières halieutiques. Relèvement des filières touchées par le changement climatique en amont et en aval de la production et fourniture de matériel et d’infrastructures adaptés qui réduiront la vulnérabilité face aux incidences du changement climatique. • Composante 3- Renforcement des capacités. Promotion d’une concertation sur les politiques au plus haut niveau pour faire en sorte que la question de l’adaptation au changement climatique soit intégrée durablement dans les stratégies nationales, et mise en place d’un système de formation professionnelle pour favoriser la diversification des moyens d’existence. Adaptation au changement climatique Sous les effets combinés du changement climatique et de la surexploitation des ressources naturelles (déforestation et surpâturage), la dégradation des terres s’intensifie et la diversité biologique s’appauvrit rapidement – à la fois sur terre (avec un recul des forêts de 3% par an) et dans la mer. La hausse des températures et l’élévation du niveau de la mer imputables au changement climatique pourraient exacerber ce processus et avoir des conséquences dramatiques pour le pays. La dernière sécheresse qui a frappé la corne de l’Afrique a durement touché les moyens d’existence des populations rurales tributaires de l’agriculture et de l’élevage; en conséquence, la majorité d’entre elles ont migré vers le littoral en quête de travail dans la filière halieutique. Compte tenu des incidences du changement climatique sur les zones côtières de Djibouti, le secteur de la pêche est devenu extrêmement fragile, avec: i) une détérioration des écosystèmes et des habitats des ressources halieutiques; ii) des infrastructures et des profils côtiers vulnérables; et iii) une capacité d’adaptation au changement climatique insuffisante, résultant du faible développement socioéconomique du pays et de la survenue récurrente de catastrophes naturelles dans la corne de l’Afrique. L’approche du programme qui est adaptée à la situation de pauvreté des populations vivant dans les zones côtières touchées par le changement climatique jette les bases d’un développement durable fondé sur la gestion participative des ressources naturelles. 38 Le programme facilitera la mise en place de mécanismes qui améliorent les moyens d’existence aux niveaux national et local et tiennent compte des priorités des artisans pêcheurs et des petits agriculteurs en matière d’adaptation au changement climatique. Face à ce changement, les réponses qui seront données seront fondées sur le renforcement de la capacité d’adaptation et le renforcement de la résilience, à la fois des communautés et des écosystèmes dont elles dépendent. L’aide complémentaire financée par le FIDA au titre de l’ASAP permettra aux populations touchées d’acquérir les connaissances dont elles ont besoin pour se prémunir contre les risques associés au changement climatique et pour accéder à des moyens d’y faire face qui soient plus résilients. Les activités relatives au changement climatique seront, par exemple, les suivantes: régénération de 50% de la surface de mangrove choisie pour être remise en état (200 hectares) et protection de 100 kilomètres de récifs coralliens, des écosystèmes indispensables à la survie des stocks de poissons; investissement dans des infrastructures et du matériel plus résilients face au changement climatique dans le secteur de la pêche (notamment du matériel utilisant une énergie renouvelable); microprojets novateurs encourageant la diversification fondée sur une utilisation durable des ressources côtières; et mise en place d’un système de cogestion des ressources halieutiques susceptible de contribuer aussi à la lutte contre la pêche illicite. De plus, le FIDA financera deux études majeures qui visent l’établissement d’un système durable de S&E des ressources halieutiques (notamment avec la détermination du rendement durable maximal) et d’un système de surveillance à long terme des écosystèmes côtiers. Approches du renforcement de la capacité d’adaptation Le projet constitue une réponse d’ensemble aux problèmes du changement climatique et de la pauvreté dans les zones côtières rurales. Globalement, il vise à renforcer la résilience des populations côtières rurales face au changement climatique et à promouvoir l’adoption d’approches novatrices de l’utilisation durable des ressources naturelles et le recours à l’énergie renouvelable, tout en améliorant les infrastructures et le matériel afin que les filières du secteur de la pêche deviennent plus résilientes dans le contexte du changement climatique. Le projet renforce la capacité d’adaptation par les moyens suivants: • Sur la base des résultats de l’évaluation de la vulnérabilité menée par le Centre Risoe du PNUE, recensement des zones que le changement climatique expose à des risques multiples afin qu’elles soient ciblées par le programme; • Adoption d’activités diversifiées novatrices – par exemple, promotion de la culture et de la vente d’algue rouge en tant qu’activité génératrice de revenus pour les femmes, et séchage et salage du poisson non vendu, etc. en tant que nouvelles stratégies de survie potentielles; • Fourniture de l’appui technique et financier requis pour transposer les innovations à plus grande échelle et permettre la reproduction et l’adoption des pratiques optimales; • Intégration de la question du changement climatique dans la filière halieutique et renforcement de la capacité de gestion et d’utilisation durables des ressources; • Établissement, avec les pays de la sous-région et des organisations des Nations Unies, d’un solide réseau national de gestion des savoirs sur les innovations en matière d’adaptation au changement climatique et sur la gestion des ressources naturelles; • Utilisation des résultats de l’évaluation de la vulnérabilité pour mettre en place un système de S&E et un système de partage des connaissances complets et efficaces. et de la petite aquaculture ont été mis au point, notamment: le Community Vulnerability Assessment Tool (CVAT – Outil d’évaluation de la vulnérabilité communautaire), qui peut être téléchargé sur le site web de la CCNUCC7; le Climate Vulnerability and Capacity Analysis (CVCA) Handbook de CARE (manuel sur l’analyse de la vulnérabilité et des capacités dans le domaine du changement climatique)8; le Guide de formation: recherche sur le genre et les changements climatiques dans 7. www.unfccc.int/adaptation/ 8. www.careclimatechange.org/cvca/CARE_CVCAHandbook.pdf 9. www.fao.org/docrep/018/i3385e/i3385e.pdf l’agriculture et la sécurité alimentaire pour le développement rural, publié par la FAO; et le Programme sur le changement climatique, l’agriculture et la sécurité alimentaire9 du Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (GCRAI). Les évaluations de la vulnérabilité consistent notamment à se poser les questions suivantes: Dans quelle mesure le changement climatique aura-t-il des effets sur les communautés cibles et leurs moyens d’existence? Quelle est la situation économique 39 de ces communautés? Les ressources halieutiques sont-elles épuisées? La zone est-elle fréquemment touchée par des catastrophes ou des phénomènes météorologiques extrêmes? Existe-t-il une stratégie d’adaptation viable et autonome de laquelle s’inspirer? Les exploitants agricoles comprennent-ils le concept de changement climatique? Sont-ils informés des risques qui s’y rattachent? Les évaluations ont pour objet la collecte d’informations spécifiques sur les faits passés et récents qui sont liés au changement climatique et ont eu des conséquences drastiques sur l’économie et les moyens d’existence locaux et qui pourraient se produire de nouveau à l’avenir et compromettre l’exécution et/ou les résultats du projet. L’un des outils à utiliser consiste à élaborer des scénarios de changement climatique et de catastrophes permettant d’analyser les risques climatiques actuels et futurs et de rassembler des informations sur les stratégies d’adaptation actuellement mises en œuvre pour en surmonter les incidences, aux fins de l’élaboration participative de stratégies d’adaptation répondant aux besoins. Les profils de pays dans le contexte du changement climatique relatifs à 52 des pays les plus pauvres, qui sont disponibles en ligne sur le site web du PNUD10 et le portail de données de la Banque mondiale sur le changement climatique11 peuvent fournir des informations préliminaires à cet effet. Les évaluations détaillées antérieures, telles que celle qui vient d’être achevée pour le Programme d’appui à la réduction de la vulnérabilité dans les zones de pêche côtière12 à Djibouti, financé par le FIDA, peuvent aussi servir d’exemples. • 40 Promouvoir le suivi et évaluation participatifs. Établir un système de suivi et évaluation pour évaluer la réussite de l’adaptation au changement climatique. Sélectionner des indicateurs qui soient adaptés au site, axés sur l’impact et aisément vérifiables pour mesurer les progrès et les réalisations, notamment les produits, les effets à long terme et les incidences; l’ASAP constitue une référence utile en la matière. Vérifier que votre système mesure effectivement les incidences réelles du projet sur la communauté et ne se limite pas à mesurer les réalisations prévues dans les résultats et indicateurs initiaux du cadre logique. Le cadre de suivi et évaluation participatifs d’ARCAB pour l’adaptation à assise communautaire et le PMERL de CARE mentionnés plus haut sont des outils récemment mis au point dans ce but précis. La stratégie de S&E participatifs doit être conçue dès les premières étapes du projet avec la participation active des communautés ciblées. Les systèmes de S&E sont censés générer des enseignements tirés de l’expérience et éclairer les décisions des responsables. Politiques, stratégies et renforcement des capacités • Sensibiliser les autorités locales, les communautés et les autres groupes d’utilisateurs de ressources à la question du changement climatique et à la nature irréversible de certaines de ses incidences. Cette première mesure est indispensable pour faire en sorte que le problème soit compris de tous et que l’engagement à agir soit général. L’information sur les risques, la vulnérabilité et les menaces associés au changement climatique ainsi que sur les enseignements et les observations en la matière tirés des analyses mondiales, nationales et sectorielles, permet aux parties prenantes d’établir des priorités dans les mesures à prendre et de concevoir une approche robuste et intégrée pour renforcer la résilience face aux risques climatiques (Daw et al. 2009; Banque mondiale 2010b). • Appuyer l’intégration de l’adaptation au changement climatique et de son atténuation dans la planification du développement du secteur de la pêche et de l’aquaculture. Les risques liés au changement climatique doivent être systématiquement pris en considération dans la planification du développement à tous les niveaux. En particulier, quand on estime le retour sur investissement, il convient d’intégrer les coûts des mesures d’adaptation et d’atténuation et les pertes et gains potentiels dus aux incidences du changement climatique (Kam et al. 2010). Les processus de planification doivent tenir compte, au-delà de la perspective sectorielle, des plans et des processus décisionnels du niveau du district administratif et du niveau de l’unité écosystémique, par exemple la baie, le bassin fluvial, le lac ou l’estuaire. Dès le stade de l’analyse des politiques, lors de l’élaboration du COSOP ou de la note conceptuelle, il convient d’examiner la mesure dans laquelle les processus de planification adoptent déjà ce type d’approche. 10. http://country-profiles.geog.ox.ac.uk 11. http://sdwebx.worldbank.org/climateportal 12. http://operations.ifad.org/web/ifad/operations/country/project/tags/djibouti/1671/project_overview sectorielles améliorées, en particulier s’agissant de l’aquaculture, de la pêche, des autres ressources naturelles et des secteurs d’activité côtiers. Par conséquent, la gestion intégrée des zones côtières pourrait être l’approche qui permet de répondre le mieux au changement climatique, à l’élévation du niveau de la mer et aux divers problèmes rencontrés sur le littoral, actuellement et à l’avenir. L’amélioration de la capacité d’adaptation constitue un élément important de cette approche (Nicholls et al. 2007). En outre, dans chaque secteur, les recommandations relatives à l’adaptation et à l’atténuation doivent être cohérentes avec les projets et programmes nationaux et tenir compte des conflits ou synergies potentiels avec les mesures d’adaptation prises dans les autres secteurs. L’analyse doit comporter également un examen des plans, des budgets et des investissements existants, dans la perspective du changement climatique. • Renforcer les capacités et promouvoir l’utilisation de scénarios par les décideurs, en tant que cadre solide et processus itératif permettant de recenser les principales caractéristiques de la production de la pêche et de l’aquaculture et les facteurs de changement et de comprendre la vulnérabilité face au changement climatique et à la variabilité climatique. Cette méthode permet d’élaborer des scénarios aux fins d’une planification réactive et de concevoir des politiques d’adaptation cohérentes et fondées sur des données factuelles, à la fois au niveau national et au niveau régional. • Intégrer la réduction des risques de catastrophe et la préparation aux catastrophes. Inclure dans la planification du développement des mesures de réduction des risques de catastrophes et de préparation aux catastrophes. De telles mesures sont indispensables pour réduire la vulnérabilité des communautés de pêcheurs et d’aquaculteurs face aux catastrophes naturelles et aux phénomènes météorologiques extrêmes. Étant donné que les moyens d’existence, les risques et le changement climatique sont étroitement interconnectés, il est proposé que les mesures de gestion du risque de catastrophes, d’adaptation au changement climatique et d’atténuation du changement climatique soit intégrées dans une stratégie unique, de manière à améliorer l’efficience, à réduire les coûts et à accroître l’efficacité et la pérennité des mesures (FAO 2010c). Dans le souci de garantir la durabilité à long terme, une stratégie de ce type, concernant les incidences à la fois actuelles et futures, doit être systématiquement intégrée dans les projets de développement. • Promouvoir la gestion intégrée des zones côtières et la gestion intégrée des bassins versants en tant qu’outils facilitant la planification transversale entre secteurs relatifs aux ressources en terre et aux ressources en eau et entre unités administratives. La gestion intégrée des zones côtières a souvent été proposée comme une approche plus globale de la gestion des zones côtières, qui permet de contourner les limites et les problèmes associés aux approches sectorielles et aux approches • Renforcer la coopération régionale et les partenariats entre organismes compétents et appliquer les accords bilatéraux et multilatéraux relatifs aux fleuves, lacs, mers et stocks de poissons partagés. Il faut établir une coopération solide pour améliorer la gestion des ressources partagées et la mise en commun des connaissances et des expériences relatives aux incidences du changement climatique et aux mesures d’adaptation/d’atténuation, ainsi que pour se faire entendre et présenter un front uni dans les forums internationaux consacrés à la question du changement climatique. • Renforcer les connaissances des agents de vulgarisation des secteurs de la pêche et de l’aquaculture et leur aptitude à conseiller, dans le domaine du changement climatique. Les services de vulgarisation jouent un rôle crucial dans la diffusion des connaissances et des pratiques optimales, y compris dans les communautés isolées de pêcheurs et d’aquaculteurs. L’adaptation au changement climatique doit reposer sur une approche du développement différente, qui prévoit notamment la création de marchés pour les nouveaux produits, le renforcement de la résilience des installations d’aquaculture et de pêche face aux risques d’origine climatique et la prise en compte de l’incertitude inhérente aux futures projections climatiques. Pour relever le défi du changement climatique, il faut impérativement que les agents de vulgarisation soient bien formés et que le matériel de vulgarisation intègre la question du changement climatique. 41 ENCADRÉ climatique et le développement), qui propose un portail web relatif au Bangladesh (http:// ccresearchbangladesh.org/); ces portails peuvent aussi servir de sources d’information sur les pratiques optimales. Le Consensus de Phuket préconise l’autonomisation des femmes Recommandation 5 du Consensus de Phuket de la Conférence mondiale sur l’aquaculture 2010: Appuyer les politiques tenant compte des questions de parité hommes-femmes et mettre en œuvre des programmes qui favorisent l’autonomisation économique, sociale et politique des femmes par l’intermédiaire de leur participation active au développement de l’aquaculture, conformément aux principes mondialement acceptés de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes. 42 • Mettre en place des formations sur le changement climatique et l’adaptation à ses effets à l’intention des communautés de pêcheurs et d’aquaculteurs vulnérables. Ces formations doivent porter sur les concepts de base du changement climatique, l’adaptation dans les secteurs de la pêche et de l’aquaculture, la vulnérabilité des moyens d’existence, la planification d’activités à visée commerciale et la commercialisation, et l’amélioration de la sécurité et la sûreté en mer. • Encourager le partage des connaissances. Plusieurs plateformes régionales et internationales facilitent la mise en commun des connaissances et donnent notamment des informations sur les projets et sur les recherches pertinentes. Par exemple, Africa Adapt (www. africa-adapt.net/themes/4/) comporte un volet spécifique sur l’agriculture, la pêche et la sécurité alimentaire et leur interconnexion avec le changement climatique. Weadapt (http:// weadapt.org/subject/aquaculture) propose un outil de recherche dans des domaines spécifiques, parmi lesquels figure Aquaculture et pêche ou encore Outils d’évaluation de la vulnérabilité. Le mécanisme d’apprentissage relatif à l’adaptation: “Adaptation Learning Mechanism” (www. adaptationlearning.net) parrainé par l’ONU, donne accès à un moteur de recherche qui permet d’extraire des informations par mot-clé, par thème ou par type de document. Certaines organisations mettent en ligne des portails web nationaux pour partager l’information sur les initiatives conduites au niveau du pays – par exemple, l’International Centre for Climate Change and Development (ICCCAD – Centre international sur le changement 13. www.iucn.org/dbtw-wpd/edocs/2012-086.pdf • Parrainer des activités de recherche-action pour combler les principales lacunes de connaissances en ce qui concerne l’adaptation aux effets du changement climatique, les évaluations communautaires et nationales de la vulnérabilité des secteurs de la pêche et de l’aquaculture et la mise au point de modèles de prédiction dans différents scénarios. La recherche peut aussi porter sur des thèmes tels que: le rapport coût-efficacité des différentes interventions de projet, ou encore la façon dont, dans un ménage, les rôles spécifiques des femmes et des hommes influencent les décisions en matière d’adaptation. Les recherches menées par WorldFish et le GCRAI (dans le cadre de son Programme sur le changement climatique, l’agriculture et la sécurité alimentaire) qui ont été mentionnées précédemment constituent un exemple de bonne pratique. • Intégrer les questions de parité dans toutes les actions ci-dessus, en s’appuyant sur la connaissance des capacités et fragilités différentes des hommes et des femmes dans les zones de projet. Les actions prioritaires permettant de donner une voix aux femmes sont notamment les suivantes: veiller à ce que les femmes accèdent à des postes de responsabilité dans les organisations de producteurs halieutiques et faire en sorte que les lois et budgets sectoriels nouvellement élaborés tiennent compte des priorités à la fois des hommes et des femmes, conformément aux dispositions des “Directives volontaires pour une gouvernance responsable des régimes fonciers applicables aux terres, aux pêches et aux forêts dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale” (FAO 2012) et du document intitulé “Good Practice Policies to Eliminate Gender Inequalities in Fish Value Chains” (FAO 2013, Bonnes pratiques pour éliminer les inégalités entre hommes et femmes dans les filières du poisson). L’UICN présente des études de cas intéressantes sur la façon dont les questions de parité hommes-femmes ont été traitées dans les politiques nationales relatives au changement climatique; l’étude de cas relative à la Tanzanie porte précisément sur le secteur de la pêche13. Mesures relatives à la gestion • régénération des récifs coralliens, des prairies sousmarines et de la mangrove, et de la remise en état des zones humides, des marécages et des zones de reproduction et de frai connues. Il peut également s’agir d’intervenir pour réduire l’érosion côtière et favoriser la sédimentation, notamment avec l’aménagement de brise‑lames. Appliquer une approche écosystémique à la gestion. L’approche écosystémique est une méthode globale, intégrée et participative qui permet d’améliorer la gestion de la pêche et de rendre les pratiques de pêche plus durables et équitables, à la différence de l’approche risquée consistant à rechercher la production maximale • Introduire un financement durable des services écosystémiques grâce à la mise en place de mécanismes de rémunération des services environnementaux. Il convient d’examiner les possibilités de promouvoir la compensation des émissions de carbone sur les marchés volontaires internationaux de crédits carbone. • Appuyer l’établissement d’aires marines protégées et d’aires de protection dans les eaux continentales. Les aires marines protégées peuvent être, soit des zones où la pêche est interdite, soit des zones réservées à la pêche de loisir, soit des zones où seuls les artisans pêcheurs sont autorisés à exploiter les ressources en utilisant des engins sélectifs non destructifs. Des mesures de gestion de la pêche doivent être prises à l’extérieur des aires protégées pour compléter la protection offerte par celles-ci (Salayo et al. 2008). Les zones protégées dans les plans d’eau continentaux constituent également des outils de gestion de la pêche efficaces, notamment quand les communautés de pêcheurs sont associées précocement à leur établissement et leur mise en œuvre. Le changement climatique peut entraîner des variations de l’aire de répartition des écosystèmes et des espèces, ce qui peut obliger à modifier et déplacer certaines zones protégées. Encore une fois, il est important que ces modifications tiennent compte des connaissances locales. Partout où elles ont été créées, les aires marines protégées ont été largement acceptées à partir du moment où les pêcheurs ont compris leur contribution à la conservation des habitats et à la régénération des ressources halieutiques – par exemple, aux Philippines et en Thaïlande. Il y a longtemps que les Philippines ont créé des aires marines protégées, dont les effets positifs sur la pêche sont démontrés, ne serait-ce que par l’abondante documentation relative à la situation dans les aires marines adjacentes non protégées. Au Laos, des “zones de conservation du poisson” ont été établies dans le Mékong, en grande partie sur la base des connaissances des pêcheurs locaux (Baird et Flaherty 2005). Au Cambodge aussi, les pêcheurs accueillent favorablement la création soutenable (Daw et al. 2009). La cogestion des ressources halieutiques et leur utilisation communautaire constituent aussi des moyens très efficaces d’améliorer la gouvernance de la pêche et la gestion locale des stocks de poissons ainsi que de renforcer la résilience des communautés de pêcheurs. • Réduire la surpêche et l’excédent de capacité de pêche. À cet effet, il faut ajuster la composition de la flottille de manière à favoriser la pêche artisanale et à rendre la pêche industrielle moins intéressante, en particulier dans les pays où certains stocks sont pleinement exploités ou surexploités. Quand les données relatives aux stocks de poissons sont limitées ou de mauvaise qualité, il convient de partir du principe que les stocks sont pleinement exploités ou surexploités. Aucune activité de projet susceptible d’accroître la pression de pêche ne doit être entreprise sans qu’il existe des éléments démontrant sans ambiguïté que l’activité est durable. Il est vrai que la pêche artisanale peut aussi contribuer à la surexploitation des stocks et à la dégradation de l’environnement tout en ne générant que des bénéfices marginaux, mais elle est souvent plus avantageuse que la pêche industrielle du point de vue de l’efficience (moindre consommation de carburant, meilleur ciblage entraînant moins de déchets et de rejets) et des incidences sur l’environnement (emploi d’engins moins destructifs, délai plus long pour épuiser un stock, ce qui laisse aux décideurs le temps de réagir). En outre, la pêche artisanale est susceptible de créer plus d’emplois et de contribuer à la réduction de la pauvreté et de l’insécurité alimentaire (FAO 2008g). Services écosystémiques • Restaurer/protéger les écosystèmes d’eau douce, marins et côtiers essentiels et les services qu’ils fournissent, au moyen de la conservation et de la 43 regrets”, fondée sur des actions qui génèrent des avantages sociaux nets, quel que soit le futur scénario de changement climatique et quelles qu’en soient les incidences. En concertation avec les autorités nationales et les communautés, étudier les possibilités d’investissement dans des infrastructures novatrices susceptibles de contrecarrer les incidences du changement climatique, notamment l’aménagement de digues côtières ou la mise en place de systèmes d’approvisionnement en eau douce dans les installations d’aquaculture. Examiner les plans et projets de développement des infrastructures existants ainsi que la situation de leur financement. Ces interventions doivent comporter des investissements dans l’adaptation fondée sur les écosystèmes – par exemple, la régénération d’écosystèmes en vue d’accroître la fourniture de services écosystémiques, tels que la protection contre les intempéries, la prévention de l’érosion et la rétention de l’eau. Dans cet esprit, un projet bénéficiant de l’appui de GIZ au Viet Nam expérimente actuellement l’emploi de brise-lames en bambou pour favoriser la sédimentation côtière et, à partir de là, la régénération de la mangrove. Les barrières en bambou qui sont à la fois flexibles et perméables peuvent être installées de manière à former des T et à créer des polders dans lesquels il est ensuite possible de planter des arbres de mangrove. Une méthode identique a déjà été utilisée en Thaïlande, ce qui illustre l’utilité de l’apprentissage régional. de certaines formes de zones protégées – par exemple, avec la conversion de certains lieux de pêche en aires de conservation (Salayo et al. 2008). L’Afrique de l’Ouest a établi un réseau régional d’aires marines protégées (RAMPAO)14. • • 44 Promouvoir la pêche fondée sur l’élevage et les pratiques de repeuplement dans les plans d’eau qui s’y prêtent, notamment les réservoirs et les infrastructures d’irrigation, les plaines alluviales et les lagons côtiers. La pêche fondée sur l’élevage peut être établie comme une activité à assise communautaire qui utilise une ressource en eau commune dans des plans d’eau pérennes ou saisonniers. La pêche fondée sur l’élevage recourt aux techniques de l’aquaculture pour accroître la production en milieu naturel en contrôlant les premiers stades de vie des organismes aquatiques. Les œufs/larves/alevins qui peuvent avoir été prélevés dans la nature et/ou provenir d’écloseries, sont élevés jusqu’à une taille garantissant une plus grande chance de survie en milieu naturel puis sont transplantés ou relâchés en eau libre. Grâce à une utilisation rationnelle de l’eau, la pêche fondée sur l’élevage améliore l’efficacité de l’utilisation de l’eau et en favorise la conservation, ce qui permet d’équilibrer la consommation d’eau entre l’irrigation, les usages domestiques et l’aquaculture. Plusieurs exemples montrent que le développement de systèmes de pêche fondée sur l’élevage dans des réservoirs de retenue récemment aménagés et de grands plans d’eau au profit de communautés déplacées ayant besoin de nouveaux moyens d’existence donnent de bons résultats (De Silva et Soto 2009). La pêche fondée sur l’élevage est susceptible de jouer un rôle clé dans les régions d’Asie et d’Afrique où il est prévu que les périodes de sécheresse s’allongent et où les taux de survie naturelle pourraient baisser (De Silva et Soto 2009). Une autre stratégie permettant de protéger les populations de poisson consiste à aménager des sanctuaires dans les plans d’eau pour y accueillir les organismes aquatiques lors des périodes de basses eaux. Ces sanctuaires constituent aussi un abri contre les prédateurs, notamment les oiseaux, et contre les pêcheurs. Les sanctuaires saisonniers servent de refuge en début et en fin de saison des pluies, afin d’améliorer la survie saisonnière des organismes aquatiques. Recenser et financer les infrastructures clés et les projets de régénération d’écosystèmes essentiels, en favorisant une approche “sans 14. www.rampao.org Mesures relatives aux moyens d’existence • Diversifier les moyens d’existence. La diversification des revenus afin que les pêcheurs puissent continuer à exercer leur métier constitue une mesure d’adaptation essentielle, en particulier lorsqu’il est question d’artisans pêcheurs qui opèrent dans des zones où les stocks sont surexploités. À des fins de diversification, il est courant que les pêcheurs pratiquent une forme ou une autre d’aquaculture et/ou assurent une transformation artisanale des produits, mais ce n’est pas to ujours faisable. Le Secrétariat général de la Communauté du Pacifique (CPS) promeut l’aquaculture dans de petits étangs afin que les pêcheurs des îles du Pacifique puissent s’appuyer sur leur résilience naturelle pour faire face aux incertitudes du changement climatique (CPS 2008). Les autres pistes sont notamment le tourisme, l’emploi salarié ou la création de nouvelles micro-entreprises. Ces activités sont souvent rapidement prises en main par les femmes. Les interventions doivent mettre l’accent sur la mise en place d’un environnement favorable aux activités commerciales et à la création d’emplois. Dans les zones où les terres agricoles sont menacées par la salinisation et l’élévation du niveau de la mer, l’aquaculture et l’agriculture intégrées pourraient constituer des activités de remplacement valides. • Améliorer les systèmes d’alerte précoce et la sécurité en mer. Introduire des systèmes d’alerte météorologique précoce et/ou améliorer ceux qui existent pour informer les pêcheurs en temps voulu des prévisions d’intempéries. Améliorer la sécurité en mer au moyen de navires mieux construits, de systèmes de communication améliorés et de mécanismes d’assurance médicale/ assurance sur la vie et assurance sur le matériel. • Recourir à la migration temporaire ou permanente. Dans les cas extrêmes, lorsqu’il n’existe pas d’autres options ou que celles-ci sont limitées – par exemple, en raison de l’élévation du niveau de la mer, de la salinisation des nappes phréatiques ou de la multiplication des tempêtes – la seule solution peut consister à déplacer les communautés vulnérables (FIDA 2010b). Certaines formes de migration temporaire liée à la fluctuation et au déplacement des espèces pêchées sont des stratégies d’adaptation bien connues d’un grand nombre de pêcheurs partout dans le monde – par exemple, les pêcheurs de pectens au Pérou (Daw et al. 2009), ou encore les pêcheurs des côtes d’Afrique de l’Ouest et du golfe de Guinée. La migration en quête d’un emploi peut aussi constituer un mode de diversification des moyens d’existence. • Offrir des services financiers. La petite aquaculture et la pêche artisanale sont considérées comme des activités à risque pour lesquelles les produits de crédit financier et d’assurance sont rares. Dans le secteur de l’aquaculture, la disponibilité de crédit auprès d’institutions de prêt est étroitement liée à la perception du risque associé à cette activité. Or, la fourniture de services financiers constitue un moyen efficace de renforcer considérablement la résilience des communautés pauvres et marginalisées face au changement climatique. Il peut s’agir de mettre en place des mécanismes de microcrédit, tels qu’un fond renouvelable communautaire, ou des mécanismes de prêt simplifiés au sein de caisses 15. www.globalgap.org/uk_en/ de crédit formelles et semi-formelles rassemblant des pêcheurs et des aquaculteurs. Dans le secteur de l’aquaculture, l’adoption des Pratiques de gestion améliorées accroît la solvabilité en rendant la production plus sûre et plus prévisible (Secretan et al. 2007). • Promouvoir le mécanisme de certification du Marine Stewardship Council (MSC – Conseil d’intendance des mers) pour reconnaître les activités de pêche durables et bien gérées – d’une manière concrète, en récompensant financièrement les efforts d’adaptation et les services environnementaux. Le mécanisme de certification du MSC, qui est probablement le meilleur en son genre pour ce qui est de la pêche de capture durable dans le monde entier, contribue à générer une demande sur le marché et encourage ainsi une amélioration continue de la gestion de la pêche. Cette réussite est illustrée par la certification MSC de la pêche à la palourde pratiquée à Ben Tre au Viet Nam: à la suite de la certification, le prix à la production des palourdes produites à Ben Tre a augmenté de 156 pour cent entre 2007 et 2010; les palourdes d’origine contrôlée sont connues dans le monde entier et la production actuelle ne suffit pas à satisfaire la demande du marché (International Collaborating Centre for Aquaculture and Fisheries Sustainability (ICAFIS) 2010b – voir l’étude de cas dans la partie 3.3.4). • Mettre en place des systèmes d’assurance. L’offre aux artisans pêcheurs et aux petits aquaculteurs de produits d’assurance traditionnels ou indexés, qui soient adaptés à leurs besoins et compensent les pertes dues aux calamités naturelles – destruction de digues, inondations, tempêtes, etc. – améliorerait sensiblement la résilience. Il serait utile de mettre au point des systèmes d’assurance indexée sur les conditions météorologiques, qui couvrent les risques associés aux intempéries et entraînent le versement d’une indemnisation dès lors qu’un indice convenu au préalable est dépassé, indépendamment du degré de gravité des dégâts. La conception de tels systèmes peut faire l’objet d’un partenariat entre gouvernements, assureurs et organisations du secteur public et du secteur privé et être rattachée à l’adoption des Pratiques de gestion améliorées et aux mécanismes de certification de GlobalGAP15, de l’ASC (Aquaculture Stewardship Council) et du MSC. 45 ENCADRÉ 1 Pêche continentale en Afrique Ovie et Belel (2010) ont récemment examiné les mesures d’adaptation actuelles et potentielles adoptées par les communautés vivant le long de cours d’eau autour du bassin du lac Tchad, où de graves sécheresses entraînent le rétrécissement de la surface du lac et – en conséquence – la réduction des prises et où, à l’avenir, le changement climatique contribuera à réduire un peu plus les captures et rendra les communautés tributaires de la pêche extrêmement vulnérables. Les stratégies de survie/d’adaptation actuelles sont les suivantes: i) multiples/autres sources de revenus; ii) stockage en grandes quantités et conservation locale de produits agricoles pour tenir pendant les périodes de soudure; iii) migration et mobilité en fonction des variations annuelles et pluriannuelles de la surface du lac, de la répartition des poissons et des prises; iv) adoption de diverses stratégies de pêche, notamment en ce qui concerne les espèces exploitées, les lieux de pêche et les types d’engins utilisés; v) dispositifs de cogestion mis en place et vi) petite aquaculture comme stratégie d’adaptation viable face aux incidences du changement climatique. Les réservoirs créés par l’aménagement de barrages sur les cours d’eau offrent des possibilités supplémentaires; leurs incidences négatives – telles que la disparition d’habitats, l’appauvrissement de la biodiversité et la diminution de la production halieutique – sont contrebalancées par une augmentation de la population d’espèces commerciales importantes et la création de lieux qui se prêtent à l’aquaculture en cages. L’examen préconise une série de mesures phares pour appuyer les stratégies d’adaptation existantes, notamment: conduire une évaluation et élaborer des scénarios décrivant les incidences potentielles futures du changement climatique; renforcer la gestion du bassin du lac Tchad au niveau régional; encourager les régimes de cogestion et conduire des campagnes d’information sur le changement climatique; créer des organisations communautaires ou appuyer celles qui existent pour renforcer la résilience des communautés de pêcheurs et améliorer leurs moyens d’existence. 46 Mesures techniques – Pêche • Introduire de nouveaux engins de pêche et recenser et promouvoir les activités de pêche qui ciblent des espèces sous‑exploitées. En général, les artisans pêcheurs ne disposent pas des ressources ni du matériel nécessaires pour pêcher loin de chez eux, ce qui les oblige à pêcher les espèces locales. Les pêcheurs pourraient être contraints d’adapter leurs habitudes – par exemple les engins et les méthodes utilisés ou les espèces capturées – pour pouvoir continuer à pêcher même si la composition des espèces présentes sur leurs lieux de pêche est modifiée en conséquence du changement climatique (Roessig et al. 2004). Il faudrait alors fournir un appui adéquat en matière de vulgarisation et d’intrants, notamment en vue de faciliter l’acquisition de nouveaux engins de pêche. Cependant, toute assistance devra tenir compte des connaissances locales existantes et de la capacité effective d’adaptation au changement – écologique, saisonnier, environnemental, etc. Une assistance ne doit être fournie que dans les cas où il est clairement démontré que les stocks peuvent supporter une pression de pêche supplémentaire. • Installer et entretenir des dispositifs de concentration du poisson (DCP) à faible coût au service de la pêche de subsistance. Les États insulaires du Pacifique qui sont fortement tributaires de la pêche de capture ont tiré profit du déploiement généralisé de DCP à faible coût dans les eaux littorales (CPS 2008). L’emploi de DCP est également une caractéristique de la pêche au thon pratiqué aux Maldives. À Maurice, un projet du FIDA a aussi introduit avec succès l’emploi de DCP et, en Indonésie, un autre projet du FIDA prévoit le financement de DCP. Cette technique contribue à réduire les coûts et les jours passés en mer, car les pêcheurs n’ont pas besoin d’errer à la recherche du poisson mais peuvent se rendre directement aux emplacements des DCP. • Améliorer les techniques de pêche et les techniques après-capture, notamment en ce qui concerne l’entreposage, la manipulation et la transformation du poisson, de manière à optimiser la valeur des prises et à faire en sorte que le poisson atteigne les marchés en bonne condition et soit vendu au meilleur prix possible. La réduction des déchets peut contribuer à de recherche-action qui s’appuient à la fois sur les connaissances scientifiques et sur les savoirs des communautés locales et mettent à contribution les principales parties prenantes du secteur de l’aquaculture. atténuer les effets des lois qui limitent l’effort de pêche pour lutter contre la surpêche. Mesures techniques – Aquaculture • Renforcer l’aptitude des autorités et organismes pertinents et compétents à surveiller et informer, s’agissant de la survenue de maladies dans les exploitations aquacoles et d’épisodes de prolifération d’algues nuisibles, y compris les marées rouges et la ciguatera, dont la fréquence pourrait augmenter en raison du changement climatique – en particulier dans les zones connues pour être sujettes à l’eutrophisation (De Silva et Soto 2009). Dans le secteur de l’aquaculture, les systèmes de prévention doivent s’appuyer sur une surveillance efficace des plans d’eau et des organismes produits, et mettre en œuvre de bonnes stratégies de communication sur les risques et des mécanismes d’alerte précoce performants. • Promouvoir les Pratiques de gestion améliorées, la biosécurité et les modèles de production aquacole à l’épreuve du climat. Il est prévu que la sensibilité aux maladies soit aggravée en conséquence du changement climatique. La diffusion des Pratiques de gestion améliorées et des mesures de biosécurité en aquaculture et leur adoption par ceux qui le souhaitent constituent un moyen très efficace de réduire les risques de maladies, en particulier quand les producteurs sont organisés en groupements (Secretan et al. 2007). En outre, les Pratiques de gestion améliorées jouent un rôle essentiel car, en rendant la production plus prévisible et sûre, elles contribuent à accroître la solvabilité des producteurs et à faciliter leur accès aux systèmes d’assurance (Secretan et al., 2007). Lors de la conception des installations d’aquaculture, il convient d’étudier les solutions techniques permettant de limiter les fuites massives d’organismes, et de prévoir des dispositifs d’adaptation face à des phénomènes météorologiques plus irréguliers et plus extrêmes, en particulier dans les zones exposées aux catastrophes – par exemple, consolider les digues des étangs avec des filets en nylon (ou par d’autres moyens, tels que des saris bon marché en Asie du Sud) et surélever les digues. Le matériel de vulgarisation doit être révisé pour prendre en compte les effets du changement climatique, et les agents de vulgarisation doivent être formés sur le sujet. Pour définir les pratiques optimales en matière d’adaptation, il faut mener des activités • Promouvoir le mécanisme de certification de l’Aquaculture Stewardship Council (ASC – Conseil d’intendance de l’aquaculture) pour certifier les opérations d’aquaculture et gratifier d’une récompense financière la production durable. L’ASC s’efforce d’utiliser les forces du marché pour transformer le secteur de l’aquaculture. À cet effet, il certifie que la production d’opérations d’aquaculture est durable si elle est conforme à des normes spécifiques au niveau de l’exploitation et si elle remplit certains critères sociaux et environnementaux. La stratégie de l’ASC consiste à: i) établir une entité normative (l’ASC) et créer un label à l’intention des consommateurs; ii) élaborer et exécuter un programme d’information et de commercialisation qui stimule la demande de produits certifiés par l’ASC sur le marché; et iii) mettre en place un processus de certification dans lequel ce sont des entités tierces indépendantes qui certifient les exploitations. Les normes initiales – en cours d’élaboration dans le cadre d’un processus associant plusieurs parties prenantes – concernent douze produits de l’aquaculture16, et ont déjà été établies pour des produits tels que le tilapia et le pangasius. • Investir dans la recherche pour mettre au point/identifier de nouvelles souches d’espèces d’élevage viables sur le plan commercial, en particulier des espèces plus tolérantes à la mauvaise qualité de l’eau, à une forte salinité et à une gamme plus large de températures et de maladies. Partout dans le monde, on observe déjà des exemples d’opérations aquacoles qui sont passées à l’élevage de ce type d’espèces, comme mesure d’adaptation autonome face à l’évolution du milieu aquatique. Cependant, la diversification de l’aquaculture suppose, à la fois l’information des consommateurs sur les nouvelles espèces et les nouveaux produits et la réussite du transfert de technologies aux producteurs (De Silva et Soto 2009). Dans la zone deltaïque du Mékong, où les épisodes d’invasion d’eau salée se multiplient, les producteurs diversifient désormais leur production en se tournant vers des espèces plus 16. Les douze espèces sont les suivantes: ormeau, clams (palourde), moule, pecten, huître, mafou, truite, pangasius, saumon, sériole, crevette et tilapia. 47 ENCADRÉ 2 mesure d’adaptation possible consiste à déplacer les opérations d’aquaculture vers l’amont afin d’échapper aux invasions salines – mais ce n’est pas toujours faisable en raison du coût, de questions de disponibilité de terres/de sites et d’éventuels problèmes environnementaux associés aux étangs abandonnés. Dans un environnement salin, l’élevage de crevettes constitue une solution d’adaptation lucrative à condition d’être réglementé et conduit selon les principes du développement durable. Par exemple, au Bangladesh, où les producteurs qui pratiquent l’élevage intensif de crevettes font entrer l’eau salée dans les polders (des terres cultivables entourées de hautes digues), celle-ci contamine les terres environnantes et reste dans le sol, rendant toute activité agricole quasiment impossible. Face à des pratiques aussi nocives, il faut promouvoir la production saisonnière de crevettes/riz comme l’option la plus durable, bien que certaines parties prenantes soulignent aussi la viabilité de regroupements bien circonscrits, qui concentrent l’élevage intensif de crevettes en un seul lieu et protègent ainsi les autres zones des invasions salines. Projet post-tsunami de redressement de la pêche et de l’aquaculture dans la province d’Aceh, en Indonésie Au lendemain du tsunami qui a frappé l’Indonésie en décembre 2004, la FAO a pris la tête de l’intervention visant à redresser les secteurs de l’aquaculture et de la pêche dans les zones sinistrées, en coopération avec un large éventail de partenaires. Le projet a appuyé le développement durable des secteurs de la pêche et de l’aquaculture à Aceh dans le cadre de quatre grandes composantes: i) coordination et planification, ii) cogestion de la pêche, iii) aquaculture, et iv) manutention et commercialisation après la production. Au titre de la composante de planification et en coordination avec les principaux partenaires, le projet a renforcé l’aptitude du gouvernement à coordonner, promouvoir et planifier des pratiques durables dans les secteurs de la pêche et de l’aquaculture. L’objectif de la composante relative à la cogestion était d’appuyer un partenariat entre pêcheurs locaux, communautés et administration publique, afin qu’ils se répartissent les responsabilités et les pouvoirs en matière de gestion de la pêche. Les principaux éléments de la composante relative à l’aquaculture étaient les suivants: diffusion et promotion des Pratiques de gestion améliorées applicables à l’élevage de crevettes et à la pisciculture en cages, au moyen d’un service de vulgarisation efficace; promotion de systèmes d’aquaculture intégrée tels que la polyculture crevette-milkfish (Chanos chano)-algue marine; et appui particulier en faveur des ménages dépendant de l’aquaculture et dirigés par une femme. La composante relative à la post-production et à la commercialisation portait sur les aspects suivants: renforcement de l’élaboration des politiques et de la planification; amélioration des méthodes de manutention et de transformation du poisson employées par les pêcheurs, les commerçants et les opérateurs du secteur de la transformation; amélioration de l’accès au marché pour les produits existants et les nouveaux produits; et renforcement des compétences commerciales (FAO 2010g). résistantes à la salinité mais qui demeurent intéressantes sur le plan commercial. Cependant, cette évolution doit être accompagnée de recherches approfondies et d’études de marché visant à évaluer l’efficience économique et technique de ces conversions, notamment quand elles se font en faveur d’espèces dont la croissance est plus lente ou le coût de production plus élevé. Dans de telles situations, une autre 48 • Inciter les exploitants à produire des alevins pour se procurer des revenus supplémentaires/ de remplacement et pour faciliter le réempoissonnement après une catastrophe. Un nombre élevé et croissant de petits producteurs abandonne l’élevage de longue durée produisant du poisson de taille marchande pour adopter un modèle d’élevage plus court allant du petit alevin jusqu’à l’alevin/juvénile – par exemple, en Indonésie et au Vietnam. Ce modèle d’activité pourrait mieux convenir aux petits producteurs que le grossissement traditionnel faiblement rentable, et ce pour deux raisons: i) il demande moins de compétences que la conduite d’écloseries; et ii) un cycle de production court suppose moins de risques et moins d’investissements et garantit un meilleur flux de trésorerie (Peter Edwards, Asian Institute of Technology, communication personnelle). L’élevage d’alevins constitue donc une activité économique de remplacement intéressante pour certains petits producteurs, en particulier dans les zones où apparaissent des plans d’eau saisonniers et dans les zones exposées au stress hydrique et aux catastrophes. Reste qu’il faut investir dans les écloseries afin d’améliorer la qualité des géniteurs et des œufs/larves ainsi que celle des petits alevins qui sont fournis. • • Empoissonner avec de grands alevins et des post-larves et produire des espèces à croissance rapide dans les zones exposées aux catastrophes. L’empoissonnement avec des juvéniles avancés et des espèces à croissance rapide contribue à raccourcir la période d’élevage, donc à réduire le risque de perdre la production. Cette stratégie a été introduite avec succès par WorldFish au Bangladesh, après le passage du cyclone Sidr qui a frappé le pays en novembre 2007. Le cyclone a fait des victimes, entraîné la perte de moyens d’existence et détruit un grand nombre d’installations d’aquaculture. Le programme de redressement a contribué au rétablissement des moyens d’existence des communautés sinistrées et au renforcement de leur résilience, grâce à diverses activités, et notamment l’introduction de mesures novatrices dans le secteur de l’aquaculture. Promouvoir les systèmes d’aquaculture et agriculture intégrés – par exemple, dans les installations d’irrigation, notamment les réservoirs et les canaux. Les systèmes d’aquaculture tels que la production mixte riz-poisson ou volaille-poisson sont communs et traditionnels en Asie et en Asie du Sud-Est. En général, les espèces aquatiques élevées dans ces systèmes se nourrissent d’organismes situés aux échelons inférieurs de la chaîne trophique (phytoplancton, zooplancton et benthos) et n’ont pas besoin d’alimentation d’appoint. Au Bangladesh, deux stratégies populaires permettent de combiner agriculture et aquaculture dans les basses plaines inondées ou gorgées d’eau. La première est le système des “ghers”, qui consiste en terrains carrés, plats et saisonnièrement innondés, bordés des quatre côtés par des canaux et des digues. Du riz est cultivé sur la surface plane centrale, des poissons et des crevettes sont élevés dans les canaux et des légumes sont plantés sur les digues (WorldFish 2010b). La production combinée riz-crevette d’eau douce et tilapia du Nil, suivie par le ramassage de crevettes marines, peut être très lucrative; les bénéfices nets tirés du système riz-aquaculture intégrée sont de 330 à 422% plus élevés que ceux qui sont tirés de la monoculture de riz pratiquée localement (Joffre et al. 2010). La deuxième stratégie mise en œuvre au Bangladesh est appelée Sorjan. Elle consiste à aménager plusieurs rangées de plates‑bandes surélevées, sur lesquelles les agriculteurs plantent des légumes ou des arbres pour bois de construction/arbres fruitiers. Les plates-bandes sont cernées par un réseau de canaux où il est possible de produire des organismes aquatiques. Cependant, ce système demande une bonne régulation du niveau de l’eau, ce qui n’est pas toujours possible (WorldFish 2010b). Dans le delta du Mékong, en particulier dans les zones où la présence d’eau douce est assurée sur plus de six mois, la production alternée riz-crevette donne des résultats d’une manière plus durable que la monoculture de crevette, avec un plus faible pourcentage d’épidémies de maladies. • Promouvoir la valorisation des terres inondées et/ou salinisées et des plans d’eau par les communautés d’agriculteurs confrontés à la perte de leurs terres, afin de mettre en place des systèmes d’aquaculture en eau saumâtre, notamment la culture de plantes aquatiques destinées à la consommation ainsi qu’à la fabrication de produits intéressants, tels que biocarburants, protéines végétales et alcool. Sur le long terme, ces systèmes peuvent même régénérer les sols. Des résultats prometteurs ont été obtenus dans des zones salinisées du delta du Mékong, où plus d’une centaine d’espèces d’algues ont fait l’objet d’essais (Algen Sustainables 2009). Cependant, compte tenu de l’importance des coûts d’investissement et des économies d’échelle, il peut être nécessaire d’opérer à très grande échelle pour que la production soit viable sur le plan commercial. Les gouvernements se doivent d’encourager cette reconversion par les moyens suivants: mesures d’incitation économiques, infrastructures, installations de production (par exemple, écloseries, etc.), et services de vulgarisation efficaces (De Silva et Soto 2009). Comme indiqué dans la partie 2.2.2, il convient de prendre des précautions pour éviter les éventuels dégâts collatéraux et l’éclatement de conflits de pouvoir locaux, tels que ceux qui opposent les riziculteurs et les éleveurs de crevettes dans le sudouest du Bangladesh. • Promouvoir le développement de l’aquacultureculture hydroponique, qui combine la culture hydroponique (maraîchage hors-sol) à la production de poisson. Après que les organismes aquatiques aient été nourris, leurs déchets sont transformés par des bactéries en éléments nutritifs assimilables par les végétaux (l’ammonium est d’abord converti en nitrites, puis en nitrates), ce qui nettoie l’eau dans laquelle vivent les organismes aquatiques. Le système de production mixte aquaculture-culture hydroponique présente de nombreux avantages par rapport à la culture hydroponique simple ou à l’agriculture 49 traditionnelle, car il ne requiert pas l’emploi de pesticides, contribue à la conservation de l’eau, permet d’obtenir des revenus plus élevés pour un investissement limité et réduit les risques en diversifiant les sources de revenus. Les espèces et les variétés utilisées doivent être choisies avec soin. La présence de la bactérie qui convient est fondamentale pour le bon fonctionnement du système. Les variétés végétales doivent être sélectionnées en fonction du type de système. Les plantes dont les exigences nutritionnelles sont faibles à moyennes, notamment les légumes feuillus verts, sont particulièrement adaptées. Les espèces aquatiques qui tolèrent la fluctuation de la qualité de l’eau, comme le pangasius et le tilapia, sont préférables. Au Bangladesh, l’université d’agriculture nationale a mis au point un modèle simple qui repose sur l’installation de claies et de radeaux dans des étangs. Un autre exemple édifiant qui provient du Bangladesh est celui des jardins flottants, que l’on peut observer dans certaines zones inondées et qui consiste en platesbandes flottantes constituées de jacinthes d’eau, sur lesquelles les agriculteurs cultivent des légumes sans rien ajouter d’autre (Salam et al. 2013). Sur la base de ce modèle, des essais ont aussi été conduits en Thaïlande dans des étangs d’élevage de poisson-chat et de tilapia ainsi que dans des cours d’eau, où du fumier, des cendres de balles de riz et des plantes aquatiques compostées ont été utilisés comme milieu de croissance. Les essais ont donné des résultats prometteurs, en particulier dans les étangs d’élevage de poisson-chat, où les végétaux ont prospéré grâce à la teneur en azote très élevée de l’eau (Pantanella 2008). • 50 Améliorer la planification du développement de l’aquaculture et le zonage. L’aquaculture en eau douce, en eau saumâtre et en milieu marin ouvert offre aux communautés vulnérables des perspectives extrêmement intéressantes de développement durable, mais il faut la planifier soigneusement et intégrer la question du changement climatique si l’on veut optimiser la productivité et éviter les effets nocifs sur l’environnement. Une planification irraisonnée et non coordonnée peut avoir les résultats suivants: sélection malencontreuse des sites, choix inapproprié des espèces ou des technologies, effets négatifs sur l’environnement, absence de perspectives à long terme, augmentation des risques et des probabilités de maladies, et objectifs régionaux sur le long terme incohérents. Tous ces facteurs sont susceptibles de faire baisser la productivité et de compromettre la viabilité financière des projets d’aquaculture et les moyens d’existence de ceux qui en dépendent. Idéalement, un processus amélioré de planification nationale de l’aquaculture comporte un élément de renforcement des capacités fondé sur une analyse, solide et étayée par des données, des sites se prêtant au développement de l’aquaculture. En outre, la mise en œuvre de l’approche écosystémique suppose de s’intéresser à différentes échelles spatiales et de ne plus planifier dans les limites institutionnelles et administratives mais dans des limites naturelles ou écosystémiques, telles que celles d’un bassin versant ou d’un plan d’eau, sans tenir compte des limites institutionnelles. La mise en œuvre de ce type d’approche demande une volonté politique et une intégration intersectorielle, au moyen – par exemple – de l’adoption d’un cadre de Gestion intégrée des zones côtières, mis en œuvre en collaboration avec les autorités du bassin fluvial et les producteurs d’hydroélectricité. Mesures d’atténuation spécifiques Mesures d’atténuation dans le secteur de la pêche Un grand nombre de mesures d’adaptation contribuent aussi à l’atténuation – par exemple, la régénération des écosystèmes de zones humides et de mangrove – et, à ce titre, doivent être appliquées en priorité. Les mesures d’atténuation susceptibles d’être adoptées pour réduire les incidences des opérations de pêche sur le changement climatique sont les suivantes (FAO 2008e; CPS 2008; Daw et al. 2009; Multi-Agency Brief (MAB, note rédigée par plusieurs organismes) 2009): • Régénérer/protéger les écosystèmes, tels que les forêts de mangrove, les zones humides, les prairies sous-marines et les marais littoraux, en y limitant la pêche et en y interdisant l’emploi de techniques de pêche nocives. Ces écosystèmes couverts de végétation, outre le rôle qu’ils jouent en tant que barrières naturelles contre les cyclones, habitats et lieux de reproduction d’organismes aquatiques et mécanismes d’absorption de la salinité, sont aussi des puits de carbone capables d’absorber le CO2 de l’atmosphère deux à quatre fois plus vite que des forêts tropicales matures et de le stocker dans le sol en quantités trois à cinq fois supérieures (Murray et al. 2011). Une gestion améliorée des bassins versants et des terres pour réduire le ruissellement, qui lessive le sol, les éléments nutritifs et les produits chimiques, contribuerait aussi à protéger ces écosystèmes. • Utiliser des navires plus économes en carburant, caractérisés par des matériaux de construction et un profil de coque novateurs et équipés de moteurs plus efficients et de capacités de stockage pour réduire la consommation de carburant. • Réduire la surpêche et l’excédent de capacité de pêche, notamment en ajustant la composition de la flottille, en favorisant la pêche artisanale et en rendant la pêche industrielle moins intéressante, en particulier dans les pays où certains stocks sont pleinement ou partiellement surexploités. Ces mesures contribueraient aussi à réduire l’utilisation de carburant, compte tenu de la réduction du nombre de navires en mer et de l’augmentation de la capture par unité d’effort (CPUE). • Introduire de nouveaux engins de pêche pour favoriser une augmentation de la CPUE et une réduction des prises accidentelles, la préférence étant donnée aux engins passifs plus sélectifs et moins nocifs, tels que des pièges/filets maillants bien conçus. • Installer et entretenir des DCP dans les eaux littorales au service de la pêche de subsistance (voir aussi la partie 3.4.6). Des accords adaptés doivent être établis entre les pêcheurs et les gestionnaires de la pêche, en ce qui concerne l’installation, l’utilisation et l’entretien des DCP. L’établissement de lieux précis où les pêcheurs savent qu’ils pourront trouver du poisson en permanence, contribue aussi à une réduction considérable de la consommation de carburant. Carbone bleu Il s’agit du carbone stocké, fixé ou libéré par les écosystèmes côtiers des marais littoraux, de la mangrove et des prairies sous-marines (Herr et al. 2012, dans Murray et al. 2012). Le carbone bleu doit encore être intégré dans le processus de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Examinée pour la première fois en juin 2011 au sein de l’Organe subsidiaire de conseil scientifique et technologique (SBSTA) à la suite d’une demande formulée par la Papouasie-Nouvelle-Guinée, la question a été jugée insuffisamment avancée et a été transmise à des fins d’examen dans le cadre du Programme pour la réduction des émissions résultant du déboisement et de la dégradation des forêts (REDD+). Pour l’heure, le carbone bleu n’apparaît pas encore comme une question autonome à part entière dans les négociations. Cependant, à sa trente-septième session, le SBSTA a prié le secrétariat d’organiser en marge de la trente-neuvième session un atelier sur l’examen des aspects techniques et scientifiques des écosystèmes représentant d’importants réservoirs de carbone, qui ne sont couverts par aucun autre programme de la Convention (Murray et al. 2012). n’entraîne l’émission que de 1,67 kilogramme de CO2. Les mollusques et les bivalves d’élevage, tels que les palourdes, les moules et les huîtres, peuvent prélever des quantités importantes de carbone dans les eaux marines côtières et n’ont pas non plus besoin d’huile ou de farine de poisson. L’empreinte carbone des moules et des huîtres est de 0,01 kilogramme de CO2 par kilogramme de produit; de plus, il a été estimé que les moules étaient capables d’assimiler et de prélever jusqu’à 80 tonnes de carbone par hectare et par an. Cependant, le rôle des crustacés et mollusques en tant que puits de carbone fait encore débat dans le monde scientifique, en particulier en ce qui concerne le devenir et la fixation du carbone prélevé. Mesures d’atténuation dans le secteur de l’aquaculture Dans le secteur de l’aquaculture, les mesures d’atténuation sont notamment les interventions qui permettent de réduire l’empreinte carbone de la production: utilisation de certaines espèces et de certaines méthodes de production et activités qui favorisent la fixation du carbone (Bunting et Pretty 2007; De Silva et Soto 2009; MAB 2009; Davies 2010), par exemple: • Élever des espèces situées aux échelons inférieurs de l’échelle trophique, notamment les espèces herbivores ou planctonivores, comme les principales carpes indiennes (catla, rohu, mrigal), les carpes chinoises (carpe de roseau, carpe argentée, carpe à grosse tête, carpe commune), le tilapia et l’holothurie (échinoderme nécrophage se nourrissant de débris). Ces espèces n’ont pas besoin d’huile de poisson ni de farine de poisson et ont une faible empreinte carbone – par exemple, la production de 1 kilogramme de tilapia • Cultiver des plantes aquatiques, notamment les algues (par exemple, les genres Eucheuma et Kappaphycus), de manière à favoriser la fixation de carbone. Compte tenu de la relative brièveté du cycle de culture – environ 3 mois – et de rendements qui dépassent 2 500 tonnes par hectare, la capacité d’extraction de carbone des plantes aquatiques est largement supérieure à celle de n’importe quelle autre activité agricole réalisée sur une surface comparable. La culture d’algues est courante le long des côtes des 51 Philippines, d’Indonésie, de Chine et d’autres pays asiatiques, ainsi qu’en Tanzanie, à Madagascar et au Mozambique. • • 52 Promouvoir l’aquaculture multi-trophique intégréee. Celle-ci a été définie précédemment comme la production conjointe d’espèces que l’on nourrit et d’espèces extractives qui utilisent les déchets organiques et inorganiques de l’aquaculture pour se développer. Ainsi, l’aquaculture intégrée tend à favoriser la bioatténuation et l’absorption des éléments nutritifs en excès encore présents dans l’environnement, ce qui revient à assurer un important service environnemental de traitement des déchets (Angel et Freeman 2009; Barrington et al. 2009; Troell 2009). L’aquaculture multi-trophique intégrée constitue aussi un bon exemple d’approche écosystémique. Des pourparlers sont en cours sur la possibilité de mettre en place un mécanisme de “crédits éléments nutritifs” négociables concernant essentiellement l’azote, le carbone et le phosphore – à l’image du mécanisme de crédits carbone applicable aux forêts – pour tirer parti de la capacité d’extraction de l’aquaculture multi‑trophique intégrée. L’aquaculture multi‑trophique traditionnelle peu intensive comprend aussi: les systèmes de polyculture en eau douce, qui sont très courants en Asie – en particulier en Asie du Sud-Est – où la carpe fait partie des principales espèces élevées et occupe de multiples niches écologiques à l’intérieur d’un même étang; et les systèmes agriculture aquaculture intégrés – par exemple, les systèmes de production mixte riz-poisson et riz‑crevette au Viet Nam. Améliorer l’efficience de l’énergie. Appuyer les technologies à la fois économes en énergie et viables et faciliter le remplacement du matériel et des techniques peu efficientes dans ce domaine. La consommation de carburants fossiles et, en conséquence, les émissions de carbone pourraient être considérablement réduites si l’on substituait les sources d’énergie et si l’on améliorait l’efficience de celle-ci – par exemple, en introduisant des dispositifs d’acheminement de l’eau par gravité dans les étangs, en investissant dans la microgénération d’énergie, d’électricité ou de chaleur sur le site à partir de sources renouvelables, en se procurant les intrants (aliments, juvéniles, engrais, etc.) localement et en employant des systèmes d’éclairage, du matériel et des véhicules économes en énergie ainsi que des machines consommant des biocarburants renouvelables (Bunting et Pretty 2007). En Tunisie, dans le cadre d’initiatives promouvant une aquaculture économe en énergie, des exploitations pilotes fonctionnent à l’énergie solaire (Luigi Negroni, ALVEO S.c.r.l., communication personnelle). En Thaïlande, des activités financées par GIZ sont en cours pour promouvoir les économies d’énergie et l’éco-efficience dans les élevages de crevette, ce qui suppose le remplacement des moteurs peu performants et l’adoption de bonnes pratiques de gestion de l’énergie. Les résultats préliminaires montrent qu’il est possible d’améliorer l’efficience de l’énergie de 30 à 40%, ce qui se traduirait par une réduction des coûts extrêmement appréciable. • Recenser les possibilités d’accéder aux mécanismes de financement carbone. Les mécanismes financiers liés à l’atténuation fondée sur les écosystèmes sont notamment la vente de crédits carbone, qui s’inscrit dans le Programme pour la réduction des émissions résultant du déboisement et de la dégradation des forêts (REDD). L’initiative REDD est un mécanisme de financement international, dont l’objectif est de donner une valeur financière au carbone fixé dans les forêts et de générer ainsi des revenus substantiels à l’intention des communautés rurales qui contribuent à la conservation des forêts (TEEB 2010). L’initiative REDD+, une extension de REDD, met l’accent sur la conservation, la gestion durable des forêts et l’amélioration du stockage de carbone dans les forêts. Dans le projet: “Réduction de la pauvreté, conservation de la mangrove et changement climatique: compensation des émissions de carbone pour rétribuer les services écosystémiques de la mangrove dans les îles Salomon”, exécuté par WorldFish, la possibilité de faire enregistrer de petites zones de mangroves sur les marchés volontaires internationaux de crédits carbone a été étudiée. La rétribution des services écosystémiques de la mangrove dans le cadre de mécanismes tels que REDD+ pourrait donner aux communautés rurales un intérêt économique direct à contribuer à la protection et l’utilisation durable des forêts de mangrove et permettre à ces communautés de réduire leur vulnérabilité, à certaines conditions. Un projet identique a été lancé à Trinidad par le Fonds biocarbone. Le carbone est également stocké, ou fixé, et parfois libéré par d’autres écosystèmes côtiers tels que les marais littoraux et les prairies sous-marines (Murray et al. 2012). Conclusions Le changement climatique est un problème mondial d’importance croissante qui a des implications non seulement pour tous les aspects de la vie humaine mais aussi pour tous les organismes vivants. Les évolutions déjà observées sont le réchauffement de l’atmosphère et des océans, la modification des régimes de précipitations et l’accroissement de la fréquence des phénomènes météorologiques extrêmes. On assiste aussi à une augmentation de la salinité et de l’acidité des océans, ce qui a des répercussions sur la physiologie et le comportement de nombreuses espèces aquatiques et altère la productivité, les habitats et les modèles de migration. L’élévation du niveau de la mer, conjuguée à l’augmentation de la violence des intempéries, menace gravement les communautés et les écosystèmes côtiers. Partout dans le monde, les récifs coralliens pourraient être détruits au cours du siècle prochain. Certains lacs et plans d’eau continentaux sont en cours d’asséchement tandis que, ailleurs, les inondations destructrices deviennent habituelles. Souvent, ce sont les communautés démunies des pays pauvres qui ont le plus à souffrir de ces changements. de la pêche et de l’aquaculture, et d’une analyse des activités conduites par d’autres organisations internationales dans ces domaines. En accord avec le principe directeur de l’ASAP, transposer à plus grande échelle des approches éprouvées et fiables, la plupart des mesures proposées ne sont pas de nouvelles idées ni des concepts inédits, mais des mesures qui ont démontré à maintes reprises dans la pratique qu’elles généraient une série d’avantages au profit des artisans pêcheurs et des petits aquaculteurs et renforçaient leur résilience ainsi que celle des écosystèmes dont ils dépendent. Le tableau suivant présente un résumé des principales interventions proposées, regroupées en fonction du problème d’origine climatique auquel elles visent à répondre au premier chef. Le choix des interventions doit toujours être orienté par les communautés ciblées et reposer sur une évaluation rigoureuse des risques et de la vulnérabilité. Depuis longtemps, le FIDA est conscient qu’il est à la fois nécessaire, urgent et faisable de tenir compte du changement climatique et de ses incidences dans les opérations de pays. Il a pris des mesures concrètes à cet égard avec la formulation de la Stratégie du FIDA concernant le changement climatique en 2010 et de la Politique de gestion des ressources naturelles et de l’environnement en 2011, et le lancement de l’ASAP en 2012. Dernières en date, les présentes directives vont plus loin en proposant une série de mesures à avantages multiples et de pratiques optimales qui permettent d’intégrer la question de l’adaptation au changement climatique et de son atténuation dans les interventions du FIDA relatives aux secteurs de la pêche et de l’aquaculture. Les mesures proposées ont été déterminées au moyen d’une étude approfondie de la documentation pertinente ayant trait au changement climatique et aux secteurs 53 ©FIDA/R. Ramasomanana 54 References Abery, N.W., H.M. Truong, T.P. Nguyen, S. Jumnongsong, U.S. Nagothu, B.V.T. Pham, V.H. Nguyen, et S.S. De Silva. 2011. 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