LA CITOYENNETE ROMAINE SOUS L`EMPIRE

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 LA CITOYENNETE ROMAINE SOUS L’EMPIRE Les nouveaux programmes d'histoire de Seconde, mis en application depuis la rentrée 2010, mettent en perspective la notion de citoyenneté dans l'Antiquité à travers deux expériences historiques : la citoyenneté e
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athénienne aux V et IV siècles avant J.C. et la er
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citoyenneté romaine sous l'Empire du I au III siècle. Virginie Lette, professeur d’histoire-­‐géographie au lycée de Guebwiller, profite de ce renouvellement des programmes pour faire le point sur la citoyenneté romaine sous l'Empire. progressivement l’intégration des cités en les faisant accéder à la citoyenneté romaine (dont les prémices ont été instituées sous César). Celle-­‐ci confère normalement, non seulement le prestige, mais aussi garantit la libertas et la pleine capacité juridique. Etre citoyen romain se remarquait, tout C’est par ces mots que Paul de Tarse interpelle d’abord, grâce à l’onomastique, puisque le le centurion venu le torturer d’après les Actes citoyen romain portait trois noms, un prénom, des Apôtres, 22-­‐25. En invoquant sa un nom, un surnom (les tria nomina) et citoyenneté romaine, il échappe aux l’inscription dans l’une des 35 tribus se lisaient traitements dégradants et demande à être sur les monuments funéraires ; les femmes ne jugé par l’empereur directement (c’est ce que disposaient que d’un nom et d’un surnom. Ce l’on appelle en droit romain la provocatio). La statut impliquait des avantages, mais c’est sur citoyenneté romaine apparaît ainsi, de prime ce point qu’il faut être très attentif à la abord, comme une garantie chronologie et aux offrant des privilèges et des La citoyenneté romaine, un différences avec la immunités. Cependant, à y citoyenneté g
recque. instrument d’intégration regarder de plus près et à Sous la République, les au sein de l’Empire des l’aune de trois documents hommes étaient enregistrés cités vaincues incontournables, les Tables sur les listes des tribus, claudiennes de Lyon1 (48), la Table de Banasa2 révisées lors des cens quinquennaux. À partir (169-­‐177) et la constitution antonine3 (212), la du Ier siècle avant J.-­‐C., les cités italiennes se citoyenneté romaine se révèle beaucoup plus devaient de tenir leurs propres registres. complexe. L’importance de la citoyenneté et sa large diffusion au Ier siècle après J.-­‐C. hors des cités En effet, l’Empire est une fédération de cités romaines ou latines justifient le qui ont des statuts différents mais dépendent développement d’archives, qui permettent toutes de Rome. A la fin de la République, tout l’enregistrement des Romains et les homme libre habitant sur le sol italien garantissaient contre une contestation de leur possède la citoyenneté romaine, en dehors de statut tout en visant à éviter les usurpations. l’Italie, les cités pérégrines ont, elles, des Malgré ces recensements, les usurpations de statuts différents. Depuis Auguste, la vision de la citoyenneté romaine étaient somme toute Rome n’est plus d’être une cité victorieuse qui possibles, de même que l’achat de cette exploite les cités vaincues, mais la capitale citoyenneté comme l’avoue le tribun à Paul d’un Etat réunissant un ensemble de cités dans les Actes des Apôtres 22-­‐284. L’inscription autonomes sous son hégémonie et pour cela dans une tribu tomba en désuétude au IIème les empereurs vont mettre en place siècle. " Vous est-­‐il permis de battre de verges un citoyen romain, qui n'est pas même condamné? " La citoyenneté romaine sous l’Empire … 1/7 www.rhenanes.com, N°2 / Hiver 2011 romaine de Philippes (Macédoine) sont très Les privilèges liés à la citoyenneté romaine ennuyés quand ils apprennent que le trublion qu’ils ont fait battre et jeter en prison –
Au IIème siècle, la citoyenneté ne signifie pas décisions légales à l’encontre d’un pérégrin-­‐ droit de vote dans les assemblées (ou est citoyen romain. Excipant de sa qualité comices) de Rome, qui ne se réunissaient plus. devant le gouverneur de Judée, Paul évita la Il ne s’agit pas non plus torture, refusa d’être jugé par d’immunités fiscales, sauf Plus que donner le droit les autorités juives et obtint pour les Italiens et ceux qui de vote, “la citoyenneté d’être renvoyé devant le avaient reçu le ius italicum, tribunal impérial. Dans Le romaine é
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ystème privilège très rare. Le Métier de citoyen, Claude territoire provincial, conquis de garantie judiciaire” Nicolet a mis en valeur par Rome, payait en effet un l’histoire de Paul de Tarse, un tribut ; quand une cité obtenait cette faveur juif de Cilicie, citoyen romain. Arrêté, (Leptis Magna sous Septime Sévère), son sol emprisonné à Jérusalem, il arrête le centurion était assimilé à une portion de l’Italie. Certains qui veut le faire fouetter en invoquant sa impôts ne frappaient d’ailleurs que des citoyenneté romaine ; emprisonné il est citoyens romains. Certes le service militaire au transféré dans la capitale provinciale, Césarée, sein des légions, plus court et mieux rémunéré et comparaît devant deux gouverneurs que dans les corps auxiliaires, leur était successifs : il fait appel à César (l’empereur) en réservé, mais il ne faut pas oublier que cet tant que citoyen romain (=provocatio). Amené avantage ne concernait que 150 000 individus à Rome et condamné à mort, il est décapité et environ. Bien entendu aussi, seuls des non pas étranglé, crucifié ou livré aux bêtes de citoyens romains faisaient partie des deux l’amphithéâtre. A plusieurs reprises, en ordres privilégiés, l’ordre sénatorial et l’ordre particulier dans des affaires concernant les équestre, qui permettaient d’accéder au groupe très étroit des administrateurs de Quelles différences avec la citoyenneté l’Empire (200 procurateurs ou préfets athénienne ? équestres, à peu près autant de sénateurs La citoyenneté romaine est de fait très sont retenus, en même temps, par une tâche différente de la citoyenneté athénienne. A spécifique au service de l’Empire). Ce qui Rome, on peut gagner la citoyenneté après justifiait donc la recherche de la citoyenneté avoir accompli toutes les charges d’un romaine au IIème siècle, c’était l’avantage de Romain dont le service militaire, sans être jouir d’un droit très élaboré, supérieur aux né à Rome, alors qu’à Athènes Lysias, né à droits locaux : le conubium, qui permettait de Athènes et y ayant toujours vécu se l’ait vu donner aux enfants la citoyenneté romaine, le refuser car il était fils de Syracusain (donc commercium, qui garantissait tous les actes métèque). De la même façon, il était ayant trait à l’acquisition ou la transmission inconcevable à Athènes qu’une personne des biens (ventes, achats, legs seule puisse octroyer en son nom la testamentaires...), et la dignitas, découlant de citoyenneté et non le corps civique. l’appartenance au peuple qui dominait le Philippe Gauthier a bien montré que pour monde civilisé. des Grecs la citoyenneté ne pouvait être donnée par un individu, mais par la Outre l’immense prestige qu’elle confère, la communauté toute entière, qui seule a le citoyenneté romaine est la seule qui pouvoir d’agréger un nouveau membre, à garantisse la libertas et donne la pleine la suite d’un décret. Dans le monde grec, capacité juridique. La citoyenneté romaine une citoyenneté par affranchissement est était un système de garantie judiciaire. Deux proprement inconcevable. La cité romaine épisodes de la vie de Paul montrent que dans n’est pas généreuse, dit Philippe Gauthier, l’Orient du Ier siècle la qualité de citoyen a elle est perméable. A Athènes, il fallait un conservé toute sa valeur (Actes 16, 19 et 22, quorum de 6000 citoyens pour en 24 et 25,6). Les magistrats de la colonie débattre ! La citoyenneté romaine sous l’Empire … 2/7 www.rhenanes.com, N°2 / Hiver 2011 chrétiens, en Bithynie avec Pline, à Lyon en 177, on voit que la citoyenneté romaine protège de la torture destinée à obtenir des aveux et des châtiments les plus odieux. Il faut noter néanmoins que, dès avant 212, les empereurs se déchargeaient de cette tâche sur les gouverneurs. On peut toutefois remarquer que ces privilèges pénaux ne s’exerçaient pas quotidiennement, et que plus il y eut de citoyens romains, moins l’appel aux tribunaux romains fut envisageable sous peine d’engorgement. Au IIème siècle enfin, les châtiments corporels se banalisèrent pour les petites gens (=humiliores), même citoyens romains, tandis que des pérégrins riches bénéficiaient d’un privilège, jadis réservé aux seuls citoyens romains. Les modes d’acquisition de la citoyenneté romaine avant 212. Plusieurs moyens existent pour obtenir la citoyenneté romaine : -­‐ L’hérédité, puisque la citoyenneté romaine était transmissible dans le cadre d’un mariage légitime. Les enfants, dont les parents étaient citoyens romains (ou dont le père, pérégrin entré dans les corps auxiliaires et devenu citoyen romain après vingt-­‐cinq ans de service jouissait du conubium) étaient citoyens romains ; en revanche l’enfant issu d’un mariage, où le père était pérégrin, suivait la condition paternelle, alors qu’un "enfant naturel", dont la mère avait la citoyenneté romaine, recevait cette dignité. -­‐ Plus étonnante était la situation de l’affranchi. Cet ancien esclave, dénué de tout droit, affranchi par un maître qui devenait son patron, prenait la condition juridique de ce dernier, de sorte qu’un citoyen romain donnant la liberté à un esclave, à condition qu’il suive les formes solennelles (testament...), le faisait passer dans la catégorie enviée de citoyen romain même si la macule servile subsistait. Dans le cadre de sa cité, il fut impossible à Trimalcion5, le héros du Satyricon de Pétrone, en dépit de son immense fortune, d’accéder aux magistratures, réservées aux ingénus. -­‐ Le service militaire dans les corps auxiliaires pour ceux qui avaient obtenu le diplôme militaire. A partir de Claude, les auxiliaires pérégrins et latins se voyaient concéder la citoyenneté après 25 ans de service ou à leur congé. Ce moyen concernait 5 à 7000 pérégrins chaque année qui servaient comme auxiliaires ou marins, plus ceux qui étaient faits citoyens pour leur permettre d’intégrer une légion. Ce type de promotion n’avait d’effets que dans des zones d’intense recrutement comme la Thrace. -­‐ Alors que la citoyenneté était accordée aux seuls soldats et à leurs enfants, le droit latin permettait la promotion de tout un groupe familial. Ainsi, l’exercice d’une magistrature, comme l’a montré la loi d’IRNI6 (2ème moitié du Ier siècle) ou la seule entrée dans le conseil municipal des cités assurait aussi la naturalisation des parents du notable, de sa femme, de ses enfants et petits enfants par les fils. Des milliers de notables sont ainsi intégrés. Les commerçants qui participent à l’approvisionnement de Rome bénéficient du même privilège. -­‐ A côté de cette concession automatique existaient d’autres formes, qui permettent d’insister sur le rôle de l’empereur, seul autorisé à concéder le droit de cité romaine à un individu ou à une collectivité. Un membre d’une communauté pérégrine, sur recommandation d’un familier de l’empereur, d’un haut fonctionnaire, pouvait recevoir la citoyenneté à titre personnel (concession individuelle ou viritane), comme l’a mis en lumière l’étude des tables de Banasa. On constate ici que la citoyenneté n’est accordée que grâce à l’intercession du gouverneur et parce que le demandeur est issu des primores (premiers de son peuple), qu’il a fait preuve de « soumission » et « loyauté » et a rendu des services importants. Ce texte montre bien que cette procédure de naturalisation est rare et accordée uniquement aux élites, sans d’ailleurs qu’elle soit héréditaire puisque la deuxième lettre fait mention de la demande du fils d’obtenir la citoyenneté romaine pour sa famille. Les décisions sont prises au conseil impérial et dûment enregistrées comme le montre le dernier document comportant les signatures. De fait, « les civils membres d’une communauté pérégrine ne pouvaient obtenir la citoyenneté qu’à titre personnel, cette La citoyenneté romaine sous l’Empire … 3/7 www.rhenanes.com, N°2 / Hiver 2011 concession viritane relevant désormais du seul empereur » 7. Ainsi, à titre de bienfait personnel, l’empereur peut octroyer la citoyenneté pour récompenser n’importe quel individu pour son action civile, militaire, politique. Normalement, on ne pouvait devenir citoyen qu’en présentant toutes les garanties d’honorabilité et d’adhésion au système impérial. Cette concession viritane supposait donc l’entremise d’un homme influent qui a ses entrées au Palatin, et la procédure était lourde et coûteuse. Il existe aussi les promotions collectives, qui jouent d’ailleurs un rôle essentiel dans la création d’un vaste corps civique. Lors de la création d’une colonie romaine (expl. Timgad créée ex nihilo par Trajan en 100 ap. J.-­‐C. pour ses vétérans) ou quand Septime Sévère accorda ce statut à plusieurs cités d’Afrique proconsulaire, c’était tout un groupe qui était concerné. Dans le cas d’une promotion, c’est à travers leur cité que les citoyens locaux appartenaient à la commune patrie ; les cités devenaient les canaux, à travers lesquels des habitants de l’Empire accédaient à la citoyenneté romaine. Quelle qu’ait été son ampleur, la concession de la citoyenneté romaine aux notables orientaux n’avait jamais été générale. La commune devait devenir colonie romaine pour que les humiliores accèdent aussi à la citoyenneté. Or la promotion coloniale ne se multiplie qu’à partir d’Hadrien et elle ne fut jamais systématique. Inscrite dans la politique de municipalisation des provinces, liée à leur romanisation, elle est le fait de l’empereur qui décide d’accorder la citoyenneté à tous les hommes d’une cité ou d’une communauté. L’originalité de la citoyenneté romaine réside dans le fait qu’elle peut avoir un contenu différent selon que le citoyen romain réside à Rome ou hors de cette ville et de son territoire. C’est que souligne Aelius Aristide dans son Honneur de Rome (144) : « Ni mer ni distance terrestre n’excluent de la citoyenneté, et entre l’Asie et l’Europe il n’y a pas de différence sur ce point. Tout est mis à la portée de tous ; nul n’est étranger s’il mérite une charge et la confiance...Tous convergent ici, comme vers une commune agora, pour obtenir chacun ce qu’il mérite. » Ou bien on était citoyen romain et on ne jouissait que du seul droit de cité romaine, mais sans cesser toutefois d’appartenir à sa petite patrie, ce que montre bien l’exemple des Tables de Banasa. Les textes mentionnent le fait que cette citoyenneté est accordée sans faire disparaître le droit de tribu, sans diminution des impôts et redevances. Finalement, ils gardaient leurs obligations et la possibilité de vivre selon le droit berbère. Le rôle de l’empereur Claude dans l’extension de la citoyenneté romaine en Gaule. La Romanisation des Gaulois débute en 14 après J.C. quand Auguste puis Tibère ont accordé le ius honorum aux citoyens romains des cités gauloises complètement ou partiellement romanisées. L’empereur Claude va poursuivre cette politique après avoir accédé au pouvoir en 41 à la mort de Caligula alors que le sénat proclame le rétablissement de la liberté. Né à Lyon en 10 av. J.-­‐C., frère de Germanicus, neveu de Tibère, il est le successeur potentiel à avoir du sang d’Auguste. Il met en place des réformes administratives, comme les premiers bureaux palatins ou des caisses spécialisées, le tribunal impérial renforce ses institutions et ses mesures prises dans la politique d’intégration des provinciaux (dons de citoyenneté aux généraux romains), sont importantes. Il étend la citoyenneté hors de Narbonnaise et après 48 le ius honorum est incorporé à la cité romaine et tous les Gaulois qui l’ont acquise sont habilités à entrer au sénat. C’est un simple élargissement du cercle des cives optimo iure venant après celui des Italiens de Transpadane, de Cispadane. Le but étant d’assimiler les ennemis mais aussi de multiplier les structures civiques, municipales et coloniales et de diffuser la citoyenneté romaine sans pour autant la vulgariser. Par la fondation ou promotion de cités, Claude voulait favoriser l’acculturation et l’assimilation de zones récemment annexées ou encore peu développées, alors que par sa politique à l’égard des personnes, il désirait ouvrir aux élites des régions les plus avancées la citoyenneté ainsi que l’ordre équestre et sénatorial. Il fixa de fait les modalités de l’intégration des provinciaux jusqu’à la fin du IIème siècle. La citoyenneté romaine sous l’Empire … 4/7 www.rhenanes.com, N°2 / Hiver 2011 L’acquisition de la cité romaine créait un lien Aurelius Antoninus) se généralisa et le nom abstrait, non territorial, avec Rome ; elle romain devient la règle en particulier dans des donnait un statut, mais était préservée la régions où la citoyenneté avait été jusqu’alors participation à la vie de la communauté exceptionnelle, comme en Egypte ou dans les d’origine. Un citoyen romain demeurait zones rurales d’Asie. Cette diffusion citoyen romain, quel que soit son domicile ; un s’accompagne du développement du latin pérégrin demeurait pérégrin, même s’il comme langue administrative dans la partie résidait dans une communauté de type orientale de l’empire, y compris dans romain. l’onomastique. Sous l’empire, c’est l’indulgence impériale qui Attention ce texte n’est qu’une manifestation fait le citoyen romain, en l’enregistrant, sa spectaculaire d’une nouvelle attitude chancellerie rédige les lois municipales. Sous impériale visant à réduire les nombreuses Marc Aurèle, les naturalisations individuelles inégalités institutionnelles. Cette constitution ou collectives ont été très nombreuses et la ne concernait que les personnes et non les municipalisation des cités cités. Les cités pérégrines “ Une seule citoyenneté s’est généralisée. Dans le (étrangères qui ne sont ni de romaine e
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a même temps, la droit latin, ni de droit citoyenneté est perçue romain) ne devinrent dont conception en est si souple comme une faveur pas automatiquement des qu’elle a toujours admis réservée à une élite dont municipes ! La capitation la doctrine de l’origo fait autant de lois et de droits qu’il n’est pas pour autant abolie y a de communautés une sorte de noblesse de après 212, il n’y a pas sang. Le domicile se d’application généralisée du politiques, cités de tous confond alors avec droit privé romain mais une peuples et coutumes” l’origo, l’origine, qui fait le citoyen, est nécessaire et obligatoire adaptation de droits transmissible et indisponible pour reprendre locaux aux principes juridiques romains. Les la définition d’Y. Thomas. Seule la constitution droits locaux se maintiennent même si les antonine rompt avec cette politique. Il n’est sénatus-­‐consultes et les constitutions pas certain que la proportion des citoyens impériales leur sont supérieurs. romains ait excédé 30% de la population Peut-­‐on pour autant, après 212, parler de la er
provinciale à la fin du I siècle et 50 à 60% à la fin de l’autonomie des cités ? Le monnayage veille de 212. local disparaît vers 270-­‐280 et un rhéteur grec Une seule citoyenneté romaine existe mais la Ménandre de Laodicée constate que l’éloge conception en est si souple qu’elle a toujours des cités est devenu « hors de saison depuis admis autant de lois et de droits qu’il y a de qu’il n’y avait plus que des cités romaines » et communautés politiques, cités de tous selon saint Augustin dans La Cité de Dieu, 5, peuples et coutumes. On dit parfois que Rome 77 : « le privilège réservé d’abord à quelque incapable d’avoir chez elle les cadres uns fut étendu à tous ». nécessaires à sa puissance a choisi d’être Pour conclure, il faut bien comprendre qu’en souple dans la conception de sa citoyenneté 212 la décision de Caracalla achevait une offerte à ceux qu’elle faisait entrer dans son évolution commencée depuis longtemps empire. (depuis la guerre des alliés, au début du Ier Après les efforts menés par l’empereur siècle avant J.-­‐C. pour l’Italie), mais était aussi Claude, le mouvement de promotion civique une mesure révolutionnaire, puisqu’elle se tarit comme le montrent les Flavii, les Ulpii, rompait avec une politique, qui avait duré des Aeli moins nombreux en Orient que les siècles et réservait cette citoyenneté romaine Claudii. à une élite -­‐ avec des périodes où les empereurs se montrèrent tantôt généreux, Depuis l’édit de Caracalla … tantôt avares. Que tous les habitants libres soient, en 212, citoyens romains n’empêche A partir de 212 et la constitution antonine, le pas d’ailleurs la société romaine d’être très gentilice Aurelius, celui de Caracalla (Marcus hiérarchisée et inégalitaire. Dans un Etat La citoyenneté romaine sous l’Empire … 5/7 www.rhenanes.com, N°2 / Hiver 2011 moderne, il y a adéquation entre nationalité et citoyenneté, les citoyens sont soumis au même droit civil et possèdent les mêmes droits politiques ; on aura noté que ce n’était pas le cas dans l’Empire romain. L’Empire romain a manifesté une extraordinaire faculté d’intégration : le droit de cité fut extensible, l’implantation de cités, organisées et gérées sur le modèle romain, a diffusé partout le droit romain, qui se substitua peu à peu aux droits locaux, les élites provinciales entrèrent dans les deux ordres supérieurs et au sein de l’armée, en une vie commune et sous un unique commandement, citoyens romains et pérégrins ont défendu l’Empire. Partout, une même culture s’est répandue et, en Occident, le latin est devenu la lingua franca. V. L. Pour aller plus loin … Recueil de textes : Les cités de l’Occident romain. Documents traduits et commentés par F. JACQUES, coll. Roue à Livres, Belles Lettres, Paris, 1990. Ouvrages généraux : CARRIE J.-­‐M., ROUSSELLE A., L’empire romain en mutation des Sévères à Constantin (192-­‐
337), Nouvelle histoire de l’antiquité t. 10, Points Seuil, Paris, 1999. CHRISTOL M. et NONY D., Rome et son empire, Hachette, Paris, 2003. JACQUES F., SCHEID J., Rome et l’intégration de l’Empire (44 av. J.-­‐C.-­‐ 260 ap. J.-­‐C.). Tome 1 : Les structures de l’Empire romain. PUF, Paris, 1990. LE ROUX P., Le Haut-­‐Empire romain en Occident d’Auguste aux Sévères, Nouvelle Histoire de l’Antiquité n°8, Points Seuils, Paris, 1998, p. 302-­‐305. Ouvrages et/ou articles spécialisés : - Sur les Tables claudiennes : CARCOPINO J., « La table claudienne de Lyon. » in Journal des savants, 1930, pp. 69-­‐81 et 116-­‐128. Voir http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5
47404.image.r=journal+des+savants+1930.f
72.langFR
1
FABIA Ph., « A propos de la table claudienne », Revue des études anciennes, 1931, pp. 118-­‐138, pp. 225-­‐
260.
Article consultable sur : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6925
3h.image.langFR - Sur la citoyenneté romaine, même si c’est l’ouvrage porte sur la période républicaine, la référence reste : NICOLET Cl., Le métier de citoyen dans la Rome ème
républicaine, Gallimard, P, 1989 (2 édition revue et corrigée). Texte des Tables claudiennes dans la traduction donnée par Ph. FABIA, La table Claudienne de Lyon, Lyon, 1929, pp. 64-­‐65 : « Certes, ce fut une initiative hardie que prirent mon grand-­‐oncle maternel, le divin Auguste, et mon oncle Tibère César, lorsqu'ils voulurent que toute la fleur des colonies et des municipes, de n'importe quelle région, s'agissant bien entendu de personnalités honorables et riches, puisse entrer dans cette curie. Eh quoi ? Un sénateur italien ne doit donc pas être préféré à un provincial ? J'aurai bientôt, quand j'en viendrai à vous faire approuver cette partie de ma censure, à vous exprimer sur ce point mon avis. Mais je ne crois pas qu'il faille repousser les provinciaux, pourvu qu'ils puissent faire honneur à la curie. Voyez cette très distinguée et très puissante colonie des Viennois, qui depuis longtemps déjà fournit des sénateurs à cette curie ! C'est de cette colonie que sort Lucius Vestinus, qui honore plus que beaucoup l'ordre équestre, que j'aime d'une très proche affection et que je retiens actuellement dans mes services. Puissent, je vous prie, ses enfants accéder au premier degré des sacerdoces, afin de parvenir plus tard, avec les années, à l'élévation de leur dignité ... C'est maintenant, Tibère César Germanicus, de révéler aux Pères conscrits le but de ton discours, car tu es déjà parvenu aux limites extrêmes de la Gaule narbonnaise. Voyez tous ces brillants jeunes gens, qui sont devant mes yeux ! Il n'y a pas plus de raison de regretter de les voir sénateurs, que de regretter de voir Persicus, de très grande noblesse et mon ami, lire parmi les portraits de ses ancêtres le nom d'Allobrogique. Et si vous approuvez qu'il en soit ainsi, que désirez-­‐vous d'autre, sinon que je vous montre du doigt que le sol même qui se trouve au-­‐delà de la Narbonnaise vous envoie déjà des sénateurs, puisque nous avons dès maintenant dans notre ordre des personnalités de Lyon, dont nous n'avons pas à regretter la présence ? Timidement, certes, Pères conscrits, j'ai dépassé les bornes provinciales qui vous sont accoutumées et familières, mais c'est ouvertement que doit être plaidée maintenant la cause de la Gaule chevelue. Et si on considère que ses habitants ont fait pendant dix ans la guerre au divin Jules, il faut aussi mettre en regard les cent années d'immuable fidélité et d'obéissance plus qu'éprouvée, en de nombreuses circonstances critiques pour nous. Lorsque mon père Drusus soumettait la Germanie, ils lui ont assuré une paix garantie par leur calme et leur sécurité sur ses La citoyenneté romaine sous l’Empire … 6/7 www.rhenanes.com, N°2 / Hiver 2011 arrières, et cela au moment même où la guerre le détournait du recensement, opération alors nouvelle et insolite pour les Gaulois ... » 2
Texte des Tables de BANASA comportant trois lettres. ère
La 1 lettre est de Marc Aurèle et de Lucius Verus en 168-­‐169 adressée au procurateur de Maurétanie en réponse à la requête de ce berbère en faveur de sa femme et de ses quatre enfants : Lettre de Marc-­‐Aurèle à Coiedius Maximus, gouverneur de la province de Maurétanie : « Nous avons pris connaissance de la requête de Julianus, du peuple des Zegrenses, jointe à ta lettre, et, bien qu'il ne soit pas habituel d'octroyer la citoyenneté romaine à des membres de ces tribus, si ce n'est pour des mérites indiscutables appelant la faveur impériale, puisque tu affirmes qu'il appartient aux premiers de son peuple et qu'il a fait preuve d'une très grande loyauté en manifestant sa soumission à nos intérêts, considérant d'autre part que nous pouvons penser qu'il n'y a guère chez les Zegrenses de familles capables de se prévaloir de services comparables aux siens, (...) nous n'hésitons pas à donner la citoyenneté romaine, tout en sauvegardant le droit local, à Julianus lui-­‐même, à son épouse Ziddina et à leurs enfants, ème
Julianus, Maximus, Maximinus et Diogenianus. » La 2 lettre est de Marc Aurèle et de Commode au début de 177 au procurateur Vallius Maximianus répondant à la ère
requête d’Aurelius Julianus, le fils du Julianus de la 1 lettre et lui accordant la citoyenneté ainsi qu’à sa famille : Lettre de nos empereurs Antonin et Commode Augustes à Vallius Maximianus : « Nous avons lu la requête du prince des tribus Zegrenses et pris bonne note du fait qu’elle était très favorablement appuyée par ton prédécesseur Epidius Quadratus ; par conséquent, sensibles à son témoignage, et aux mérites du candidat, et aux justificatifs qu’il a produits, nous donnons la citoyenneté romaine à sa femme, ses fils sous réserve du maintien du droit de leur tribu. Pour que cela puisse être reporté sur nos registres, informes-­‐toi de l’âge de ème
chacun et écris-­‐le nous. » Le 3 document est un extrait des registres impériaux daté du 6 juillet 177 et suivi par la signature de 12 hauts personnages de l’Empire, membres du conseil du prince, jurisconsulte, consuls : Extrait transcrit et collationné du registre des personnes ayant reçu la citoyenneté romaine. « Sous le consulat de l’empereur César Aurelius Commode Auguste (…) Faggura, épouse de Julianus, le chef de la tribu des Zegrenses, âgée de 22 ans, Juliana âgée de 8 ans, Maxima âgée de 4 ans, Julianus âgé de 3 ans, Diogenianus âgé de 2 ans, enfants du susnommé Julianus. Sur la demande d’Aurelius Julianus, chef des tribus Zegrenses, transmise par une requête, sur la recommandation de Vallius Maximianus transmise par une lettre, nous leur donnons la citoyenneté romaine, étant sauvegardé le droit de leur tribu sans que soient diminués les impôts et les taxes dus au peuple romain et au fisc impérial. » D’après M. EUZENNAT, J. MARION, J. GASCOU, Inscriptions antiques du Maroc, 2, inscriptions latines n° 94, P, 1982. 3
Extraits du papyrus GIESSEN 40 dont l’interprétation fait toujours débat (texte lacunaire) : « L’empereur César Marc Aurèle Sévère Antonin Auguste déclare : […] je peux manifester ma gratitude envers les dieux immortels qui me gardent […] je considère donc que je peux […] rendre service à leur majesté […] en faisant participer avec moi au culte des dieux tous ceux qui appartiennent à mon peuple. C’est pourquoi je donne la citoyenneté à tous les [pérégrins] de la terre [en sauvegardant les droits des cités] à l’exclusion des déditices. Car il est légitime que le plus grand nombre ne soit pas seulement astreint aux charges toutes entières, mais soit aussi associé à ma victoire. Cet édit sera […] la majesté du peuple romain […]. ULPIEN, Digeste I, 5,17 : « Ceux qui vivent dans le monde romain ont été faits citoyens romains par une constitution de l’empereur Antonin. » 4
Ac 22:28 -­‐ Le tribun reprit : " Moi, il m'a fallu une forte somme pour acheter ce droit de cité. " -­‐ " Et moi, dit Paul, je l'ai de naissance. " 5
Voir article de P. VEYNE, « Vie de Trimalcion »in Annales, Economie, Sociétés, Civilisation, 1961, vol 16, p. 213-­‐247. Consultable à l’adresse suivante : http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/artic
le/ahess_0395-­‐2649_1961_num_16_2_420704 6
ème
Loi municipale d’IRNI en Bétique (Andalousie), 2 er
moitié du I siècle après J.-­‐C., traduction de F. Jacques in M. CHRISTOL et D. NONY, Rome et son empire, Hachette, 2003 : « Comment on obtient la citoyenneté romaine dans ce municipe : ceux qui […] seront créés magistrat du municipe flavien d’Irni selon les modalités de cette loi, quand ils auront quitté cet honneur, qu’ils soient citoyens romains ainsi que leurs parents, leurs femmes et leurs enfants nés d’un mariage légitime et demeurés sous la puissance paternelle, ainsi que leurs petits-­‐enfants des deux sexes nés d’un fils et demeurés sous la puissance paternelle, à condition qu’il n’y ait pas plus de citoyens romains que de magistrats qu’on doit nommer d’après cette loi. » 7
Jacques et Scheid, op. cit, p. 217. La citoyenneté romaine sous l’Empire … 7/7 www.rhenanes.com, N°2 / Hiver 2011 
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