Proliférations de micro-algues filamenteuses
dans la Réserve Naturelle Marine de Cerbère-Banyuls, par Couté A.*, Perrette C. ** et Payrot J.**
Depuis plus d’une vingtaine d’années, les plongeurs intervenant dans la région de Banyuls/mer, mais aussi ailleurs en
Méditerranée, voient se développer sur les fonds, au cours des saisons printanière et estivale et en liaison avec les événements
météorologiques, des touffes filamenteuses cotonneuses d’une extrême finesse et une couleur jaune pâle (fig.1).
Ces formations apparaissent accrochées en paquets sur toutes sortes de supports
vivants (alcyonaires, bryozoaires, corail rouge, gorgones…) ou inertes (chaines de
mouillage, coralligène, corps morts…) ou encore sous l’aspect d’un revêtement
continu semblable à une moquette très fine et dense dont la durée d’existence est
très variable.
fig.1: touffes cotonneuses (-10m, cap l’Abeille; photo A. Couté)
Le Département des Pyrénées Orientales, gestionnaire de la Réserve Naturelle Marine de Cerbère-Banyuls (= RNMCB), inquiet
devant la récurrence de ces phénomènes et leur ampleur de plus en plus marquée, a diligenté une étude visant à identifier
le ou les micro-organismes responsables pour ensuite tenter de connaître les causes de leur développement excessif et d’en
réduire, si possible, l’expansion. L’inventaire a été réalisé au cours de l’année 2014, sur une période étalée entre les mois de
mai et octobre. Une vingtaine de prélèvements a été opérée sur différents sites de la RNMCB (zone de protection partielle et
zone à protection renforcée) et à l’extérieur de celle-ci au nord (anse de Paulille, Sainte Catherine…) et au sud (cap Cerbère…).
Les échantillons ont d’abord été examinés à l’aide d’une loupe binoculaire, triés puis observés, dessinés et photographiés au
microscope photonique.
Les résultats de ces investigations montrent, en premier lieu, que ces masses nébuleuses ne sont pas le fait d’une
unique espèce mais de près d’une trentaine. Vingt genres ont été identifiés pour 26 espèces qui se répartissent en
cinq classes, à savoir: les Cyanophyceae ou cyanobactéries, les Dinophyceae, les Pelagophyceae, les Phaeophyceae
et les Rhodophyceae.
On peut ranger les membres de cet ensemble très hétérogène en trois catégories selon l’importance de leur intervention dans
le phénomène:
(1) individus prédominants par leur quantité et dans le temps, (2) individus moins présents par leur nombre réduit ou leurs
apparitions sporadiques, (3) individus très rarement observés n’intervenant que pour une faible proportion dans la formation
des touffes cotonneuses et dont la présence est due au hasard (fragments de macroalgues décrochés ou arrachés…).
Seul le premier groupe est détaillé et illustré ici compte tenu du rôle fondamental que jouent ses membres (au nombre de trois)
dans cette manifestation colorée. Pour les autres taxons, on peut consulter le rapport intitulé «Inventaire des micro-algues
contaminant les fonds marins de la RNMCB» élaboré par Eau-Céans avec le concours d’un
spécialiste du Muséum National d’Histoire Naturelle.
Acinetospora crinita (Carmichael) Sauvageau 1899 (Phaeophyceae) est une micro-algue brune
(diamètre cellulaire max. 35µm), filamenteuse unisériée (faite d’une seule série de cellules de
forme cylindrique) et ramifiée, de couleur jaune brun (fig.2).
Les rameaux se terminent en poil avec des cellules très allongées
et peu colorées voire même incolores. À maturité, ils portent
des sporocystes pluriloculaires (produisant plusieurs spores ;
fig.3). Présent pendant presque toute la durée de l’étude, c’est
l’élément prédominant aussi par sa biomasse. Il disparaît à partir
de septembre.
fig.3 : sporocyste pluriloculaire d’A. crinita
fig.2: fragments de thalles d’A. crinita