- Avant-propos -
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AVANT-PROPOS
Contribuer à la création d’un véritable dialogue entre Français et Allemands, orienté sur les
questions de long terme : tel est l’objectif que s’est fixé ce travail.
LE PARADOXE FRANCO-ALLEMAND
La France et l’Allemagne, les ennemis d’hier, travaillent, depuis cinquante ans, sans relâche,
à la construction européenne : celle-ci a connu, depuis, un succès considérable, de la guerre
à la paix. Entre ces deux pays, les frontières économiques ont quasiment disparu : les
échanges commerciaux font de chacun d’eux le premier partenaire de l’autre ; les
investissements croisés se multiplient ; de nombreuses entreprises sont fortement intégrées,
par le biais de leurs filiales, dans l’autre pays ; les projets industriels communs, envisagés et
soutenus par la volonté des gouvernements, constituent, depuis le début des années 1970,
les grands succès technologiques et commerciaux de l’industrie européenne, comme Airbus,
Arianespace ou Eurocopter.
Plus récemment, une nouvelle génération de coopérations franco-allemandes est en cours
d’avènement, avec, par exemple, la constitution d’Aventis, dans les sciences de la vie,
d’EADS dans l’aéronautique et la défense, d’une filiale commune de Framatome et de
Siemens pour le nucléaire.
Et pourtant, méfiances réciproques, nombreux préjugés, idées fausses perdurent entre ces
deux pays. Côté allemand : « la France reste un pays étatisé, aux pratiques économiques et
monétaires peu rigoureuses ». Côté français : « l’Allemagne demeure un pays à la volonté
hégémonique ».
Alors que, dans le double processus de mondialisation et d’intégration européenne, les
économies allemande et française ont vu s’accroître, ces dernières décennies, leur
interdépendance économique dans une solidarité politique de fait, les acteurs, de part et
d’autre du Rhin, privilégient encore trop des raisonnements en termes de culture nationale.
Ce paradoxe trouve, bien entendu, ses racines dans l’histoire des deux pays, mais aussi
dans les différences fortes dans des domaines aussi importants que l’architecture de leurs
systèmes nationaux de gestion contractuelle et de régulation sociale, les relations de travail,
ou encore le rôle de l’État et l’organisation institutionnelle. Ainsi, les polémiques récurrentes,
encore sur la période récente à l’occasion de la réunification de l’Allemagne, ou encore lors
du lancement de l’Union économique et monétaire européenne, les frictions et mésententes,
traduisent la persistance de différences entre des conceptions et des représentations sous-
jacentes, et aussi, bien entendu, de leurs problèmes spécifiques : l’Allemagne a retrouvé son
unité (avec la réunification), mais n’a pas encore trouvé le ciment de cette communauté. La
France, quant à elle, ne mène guère de réflexion collective de fond sur l’Europe qu’elle
souhaite, laissant ainsi « flotter » sa conception de la souveraineté nationale. Les
malentendus qui en résultent rendent plus difficile la résolution des problèmes communs qui
se posent aux deux pays dans la voie de l’intégration européenne et, en particulier, dans
l’évolution du modèle socio-économique européen.