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08/04/2015 |
Banques cantonales
Les banques cantonales forment la composante la plus originale du système bancaire suisse (Banques). A
l'image de la diversité politique, elles regroupent des établissements d'origine, de taille, d'activités et de
caractère juridique différents. Le caractère étatique et la limitation géographique aux frontières cantonales
constituent cependant leurs deux particularités fondamentales. Diversement réglementée par les lois
cantonales, l'intervention de l'Etat se manifeste dans la définition d'objectifs socio-économiques d'intérêt
général, la constitution du capital, la garantie des engagements, la nomination des organes dirigeants, la
participation aux bénéfices et le contrôle.
La création des banques cantonales, en deux vagues successives au cours du XIXe s., répond à des facteurs
politiques et économiques étroitement liés. Le développement et la monétarisation de l'économie entraînent
la formation de nouveaux besoins en Crédit et en moyens de paiement non satisfaits par les banques
existantes, banques privées et caisses d'épargne. L'Etat est appelé à créer des instituts bancaires
concurrentiels afin d'améliorer la situation du marché du crédit et d'en permettre l'accès à l'ensemble de la
population, notamment aux classes moyennes et aux agriculteurs. Après la fondation précoce de la Banque
cantonale de Berne en 1834, la première vague des années 1840 et 1850 voit la création de huit banques
mixtes, sociétés anonymes avec participation de l'Etat (Vaud, 1845; Fribourg, 1850; Lucerne, 1850;
Neuchâtel, 1854; Argovie, 1855; Valais, 1856; Soleure, 1857; Tessin, 1858), et de caisses hypothécaires
d'Etat (dont Berne, 1846; Genève, 1847; Vaud, 1858). Dans le contexte de l'arrivée au pouvoir des libéraux,
puis des radicaux, la création d'un tel établissement répond à la volonté d'affirmer son pouvoir en se libérant
des aristocraties financières de l'Ancien Régime. A l'exception des deux établissements bernois, ces
premières banques sont établies sur le modèle mixte; la participation d'actionnaires privés apparaissait
nécessaire à la constitution du capital comme au développement de relations avec les milieux d'affaires. Le
partage des tâches entre banques cantonales et caisses hypothécaires a déterminé dès l'origine le caractère
essentiellement commercial des établissements vaudois et bernois.
La seconde vague de fondations s'étend du milieu des années 1860 aux années 1880 (Bâle-Campagne, 1864;
Saint-Gall, 1867; Zurich, Thurgovie, Grisons, 1870; Appenzell Rhodes-Extérieures, 1875; Nidwald, Schwytz,
1879; Schaffhouse, 1882; Glaris, 1884; Obwald, 1885). A la faveur de révisions constitutionnelles ou de
votations populaires, ces créations, toutes banques d'Etat pures, sont liées au mouvement démocratique de
réaction contre la nouvelle bourgeoisie d'affaires et à la redéfinition du rôle de l'Etat. Dès ces mêmes années,
conséquence des contradictions entre les objectifs de profit des actionnaires privés et l'intérêt général
défendu par l'Etat, les banques cantonales mixtes (à l'exception de celle du canton de Vaud) sont
transformées ou remplacées par de nouvelles banques d'Etat pures (Neuchâtel, 1883; Soleure, 1886;
Lucerne, Fribourg, 1892; Argovie, 1912; Tessin, 1915; Valais, 1916). Avec les dernières créations (Zoug, 1891;
Bâle-Ville, Appenzell Rhodes-Intérieures, 1899; Uri, 1915), tous les cantons sauf un disposent d'au moins un
institut bancaire d'Etat. Genève fait exception puisque la Caisse hypothécaire (1847) ne bénéficie pas de la
garantie de l'Etat.
Les tâches dévolues aux banques cantonales ont été essentiellement le soutien et la défense de l'économie
cantonale par des crédits bon marché, en particulier en faveur du petit commerce, de l'artisanat et de la
petite industrie; l'organisation du marché hypothécaire (Hypothèques); le renforcement de l'épargne par
l'offre de placements sûrs et l'augmentation des échanges monétaires par l'émission de billets. L'amélioration
du crédit foncier et la stabilisation des taux hypothécaires faisaient partie des principales revendications dans
la majorité des cantons. La deuxième vague de créations voit en outre se dégager un objectif supplémentaire:
procurer des revenus aux finances cantonales. Le développement des activités suivra la tendance générale
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du système bancaire suisse vers la banque universelle. Selon la structure économique et bancaire du canton,
l'épargne, le crédit hypothécaire ou les opérations commerciales prédomineront. Le drainage de l'épargne,
organisé par des réseaux d'agences établis dès le XIXe s., encouragé par la sécurité de dépôts garantis par
l'Etat, forme une part importante des activités. La proportion de l'épargne totale que contrôlent les banques
cantonales passe de 1/3 avant la Première Guerre mondiale à 1/2 dans les années 1940 et 1950, retombant à
45% en 1970 puis à 34% en 1999. Dans le crédit hypothécaire, elles forment le premier groupe: en 1938, par
exemple, avec 40% du total des bilans bancaires, elles contrôlent 56% des prêts hypothécaires bancaires.
Leur part diminue après la Deuxième Guerre mondiale, 50% en 1960, 45% en 1975, 36% en 1999. Les crédits
sur habitations, installations artisanales et biens-fonds ruraux forment la majeure partie des prêts, mais des
crédits hypothécaires sur constructions industrielles ou hôtelières ont aussi été accordés. Une des
contributions essentielles des banques cantonales à l'économie a été (et reste) leur action stabilisatrice sur
les taux hypothécaires. Dans les affaires commerciales et industrielles, elles n'ont en général occupé qu'une
position secondaire, les banques de Berne et Vaud exceptées et, dans une moindre mesure, celles de
Neuchâtel, Saint-Gall, Bâle et Zurich. Bien que bénéficiant d'une connaissance approfondie des entreprises
régionales, elles ont parfois outrepassé les règles de la prudence. Les influences politiques et la nécessité, en
période de crise, de soutenir à la fois l'économie régionale et les finances de l'Etat se sont soldées par de
douloureux assainissements dans les années 1930 (Neuchâtel, Berne) et 1940 (Grisons). Les instituts
cantonaux ont été les grands pourvoyeurs de crédits et émetteurs d'emprunts publics pour les villes, les
communes, les cantons et la Confédération. Jusqu'à la création de la Banque nationale suisse (BNS) en 1907,
la majorité des banques cantonales ont fonctionné comme Banques d'émission, occupant une position
dominante à partir de la loi fédérale de 1881. La perte des revenus tirés de cette activité a été compensée,
pour les cantons, par la participation au capital-actions et aux bénéfices de la BNS. A la suite de la dissolution
du concordat des banques d'émissions, l'Union des Banques cantonales suisses est fondée en 1907. Elle signe
un accord avec le Cartel des banques suisses pour le partage du marché des emprunts de la Confédération et
des corporations de droit public en 1911.
Les banques cantonales se sont développées sans connaître de modification structurelle notable de 1945 à la
fin des années 1980. La Banque cantonale du Jura est créée en 1978 par le nouveau canton. La crise
économique et l'écroulement de l'immobilier au début des années 1990 les frappent sérieusement ou même
les mettent en danger (Berne 1992, Genève 2000). Le processus général de restructuration et de
concentration bancaire se manifeste par la fusion (Banque cantonale vaudoise et Crédit foncier vaudois;
Banque cantonale de Berne et Caisse hypothécaire du canton de Berne; Caisse d'épargne et Caisse
hypothécaire de Genève), la privatisation partielle, voire la disparition (Soleure, Appenzell Rhodes-
Extérieures) d'instituts cantonaux. Leur nombre passe de vingt-neuf en 1990 à vingt-quatre en 1999, soit
seize banques d'Etat pures (Argovie, Appenzell Rhodes-Intérieures, Bâle-Campagne, Bâle-Ville, Fribourg,
Glaris, Grisons, Neuchâtel, Nidwald, Obwald, Schaffhouse, Schwytz, Thurgovie, Tessin, Uri, Zurich) et huit
banques mixtes (Vaud, Zoug, Valais, Jura, Genève, Berne, Lucerne, Saint-Gall). Représentant encore 20% de
l'ensemble des bilans bancaires en 1990, la part des banques cantonales n'est plus que de 13% en 1999.
L'hétérogénéité du groupe apparaît principalement dans la taille des établissements. La Banque cantonale de
Zurich, la plus importante avec une somme de bilan de 86 milliards en 2005, est environ cinquante fois plus
grande que les petites banques cantonales, assimilables à des banques locales. Au début du XXIe s., quelques
banques cantonales commencent à accorder des crédits hypothécaires dans les cantons voisins. En 2007, la
Banque Cantonale Bernoise possède presque vingt filiales "money-net" dans d'autres cantons qui offrent non
seulement des hypothèques, mais aussi des produits d'épargne et de placement.
Bibliographie
– W. Egger, La Banque cantonale de Berne, 1934 (all. 1934)
– R. Oertli, Les banques cantonales suisses, 1941
– D. Hiler, CEG Genève, Caisse d'Epargne de la République et Canton de Genève, 1816-1991, 1991
125 Jahre Zürcher Kantonalbank, 1995
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Union des banques cantonales suisses 1907-2007, 2007
Auteur(e): Yves Froidevaux
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