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Un sociologue dans la cité
Chroniques sur le Vif et propos Express
Questions Contemporaines
Collection dirigée par J.P. Chagnollaud B. Péquignot et
D. Rolland
Chômage, exclusion, globalisation... Jamais les « questions
contemporaines » n'ont été aussi nombreuses et aussi complexes à
appréhender. Le pari de la collection « Questions contemporaines »
est d'offrir un espace de réflexion et de débat à tous ceux, chercheurs,
militants ou praticiens, qui osent penser autrement, exprimer des idées
neuves et ouvrir de nouvelles pistes à la réflexion collective.
Dernières parutions
Manlio GRAZIANO (sous la direction de), L'Italie
aujourd'hui. Situation et perspectives après le séisme des
années quatre-vingt-dix, 2004.
Gilles MARIE, La disparition du travail manuel, 2004.
Stéphane VELUT, L'illusoire perfection du soin, 2004.
Hubert GESCHWIND, Dénicher la souffrance, 2004.
Gilles ANTONOWICZ, Euthanasie, l'alternative judiciaire, 2004
José COMBLLN, Vatican en panne d'évangile, 2003.
Pierre TURPIN, La déstabilisation des Etats modernes, 2003.
Philippe A. BOIRY, Des « Public-relations » aux relations
publiques : la doctrine européenne de Lucien Matrat, 2003
Patrick BRAIBANT, La raison démocratique aujourd'hui, 2003.
David COSANDEY, La faillite coupable des retraites, 2003.
Maxime FOERSTER, La différence des sexes à l'épreuve de la
République, 2003.
Elysée SARIN, Introduction conceptuelle à la science des
organisations, 2003.
Philippe ARQUÈS, Le harcèlement dans l'enseignement, 2003.
Roger BENJAMIN, Humanisme et classes sociales, 2003.
Ezzedine MESTIRI, Le nouveau consommateur, 2003.
Elie SADIGH, Plein emploi, chômage, 2003.
Bertrand MARTINOT, L'Euro, une monnaie sans politique ?, 2003.
Philippe RIVIALE, Sur la commune, 2003.
Antony GAUTIER, Affaire Paul Voise, 2003.
Pierre FREYBURGER, Les niqués de la république, illustrations Véesse,
2003.
Martine CORBIERE, Le bizutage dans les écoles d'ingénieurs, 2003.
Marcel Bolle De Bal
Un sociologue dans la cité
Chroniques sur le Vif et propos Express
L'Harmattan
5-7, rue de l'École-Polytechnique
75005 Paris
FRANCE
L'Harmattan Hongrie
Hargita u. 3
1026 Budapest
HONGRIE
L'Harmattan Italia
Via Bava, 37
10214 Torino
ITALIE
Du même auteur
Aux Editions l'Harmattan, Paris
- Voyages au Cœur des sciences humaines. De la Relance (Ed.), 2 tomes, 1996.
- Les adieux d'un sociologue heureux. Traces d'un passage, 1999.
- Le sportif et le sociologue. Sport, individu et société (en collaboration), 2000.
- La sociologie de langue française. Un enjeu, un combat. Souvenirs d'un acteur. 2001.
Aux Presses Interuniversitaires Européennes, Bruxelles
- Les doubles jeux de la participation. Rémunération, pe rformance et culture, 1990 (traduit en
anglais et en slovène).
- Wegimont ou le château des relations humaines. Une expérience de formation psychosociologique à
la gestion, 1998.
- Les survivants du Boyau de la Mort. Lettres de deux jeunes Wallons en 14-18 (Ed.), 1998.
Aux Editions de l'Institut de Sociologie, Bruxelles
- Relations humaines et relations industrielles, 1958 (traduit en espagnol).
- La structure des rémunérations en Belgique (en collaboration), 4 volumes, 1959-1963.
- Le salaire à la production. Formes nouvelles et fonctions sociologiques (en collaboration), 1965.
- La vie de l'entreprise. Suppléments de rémunération et participation ouvrière, 1967 (traduit en
portugais).
- Problèmes de sociologie du travail, 1969 (traduit en espagnol).
- Image de l'homme et sociologie contemporaine (Ed.), 1969.
Aux Editions de l'Université de Bruxelles
- Accroissement de la productivité etpgchosociologie du travail (Ed.), 1976.
- Formation, travail, travail de formation (Ed.), 1978.
- La tentation communautaire. Les paradoxes de la reliante et de la contre-culture, 1985.
Chez d'autres éditeurs
- Mode de rémunération et collaboration dans l'entreprise, Bruxelles, Fédération des Industries
Belges, 1967.
- Le salaire aux résultats dans les sociétés industrialisées : tendances évolutives et aspects
psychosociologiques, Genève, BIT, 1972.
- Les aspirations de re fiance sociale. Reliante sociale, recherche sociale, action sociale, Bruxelles,
Programmation de la Politique Scientifique, 1978.
- La participation. Revue des études sur la participation (en collaboration), Dublin,
Fondation pour l'Amélioration des Conditions de Travail, 1987 (traduit en anglais).
- La Franc-Maçonnerie, porte du devenir. Un laboratoire de reliantes, Paris, Detrad, 1998.
- La fraternité maçonnique, Paris, Edimaf, 2000.
CO L'Harmattan, 2004
ISBN : 2-7475-5979-3
EAN : 9782747559799
Présentation
LE SOCIOLOGUE ET LE CITOYEN
PAROLES DE SOCIOLOGUE-CITOYEN
Tout au long de près d'une cinquantaine d'années de vie
professionnelle de chercheur et d'enseignant en sociologie, il
m'est arrivé de produire maints livres scientifiques que j'avais la
faiblesse — du moins pour certains d'entre eux — de considérer
comme importants, non seulement par leur volume
relativement imposant, mais également par leur contenu : j'y
exposais la synthèse de mes réflexions et théories personnelles,
appuyées sur l'expérience de multiples recherches empiriques.
Appréciés par les spécialistes, ces ouvrages n'ont guère brillé
par le nombre de lecteurs qui ont pris la peine d'en déguster la
substantifique moelle.
En revanche, depuis que j'ai été « admis à faire valoir
mes droits à la retraite », selon la formule bureaucratique
consacrée, non dépourvue de sens social et d'ironie
inconsciente — retraite non souhaitée dans mon chef, mais
acceptée de bon cœur : place aux jeunes... — je ne me suis pas
mis en retrait de la vie intellectuelle et citoyenne, je me suis « redéployé », notamment dans l'écriture de brefs articles pour
journaux et magazines. J'ai alors éprouvé l'ambigu plaisir d'être
soudain lu par une multitude de lecteurs connus et inconnus
n'hésitant pas à me faire part de leurs réactions immédiates,
« sur le vif », nuancées, négatives (rarement) ou positives
(souvent).
Voilà qui m'a donné, rétrospectivement, l'envie de
réunir ces textes épars — et certains autres inédits — afin de
dégager les principaux thèmes grandes lignes de ces réflexions
9
de sociologue en phase avec la vie de sa cité. D'où le titre
résumant à la fois une expérience vécue, une expression
scientifique et un projet citoyen : sociologue dans la cité.
Paroles de sociologue-citoyen en quelque sorte, car telle est bien ma
double casquette en l'occurrence, reconnaissance implicite de
ma participation active au Comité Scientifique « Sciences et
Citoyens » du CNRS, présidé par Edgar Morin et organisateur,
depuis plus d'une décennie, de rencontres annuelles à Arc-etSenans et Poitiers, à l'intention de plusieurs centaines de jeunes
Européens : la vocation de ces rencontres, en effet, est de sortir
les chercheurs, français principalement, de leur tour d'ivoire et
de les impliquer dans le dialogue avec les citoyens, jeunes de
préférence. Dans le même sens, mes propos « express » de
sociologue engagé et de citoyen actif se veulent donc à la fois
objectifs et subjectifs. Dans chacun des écrits ici rassemblés, je
tente de relier ces deux dimensions de mon expérience
personnelle, ces deux volets de mon regard à la fois théorique et
pratique.
Le sous-titre du livre, non plus, n'est point le fait du
hasard, n'est pas neutre • il fait clairement allusion à l'intitulé du
magazine — le Vif-l'Express, frère belge de l'Express parisien —
qui le premier m'a officiellement invité à lui soumettre quelques
articles pour sa page « Idées » et qui a publié la majorité des
textes repris ci-après. J'ai estimé pertinent de joindre à ceux-ci
quelques autres brèves contributions accueillies dans divers
médias belges et étrangers (journaux, magazines, revues, etc.).
L'ensemble de ces réflexions recouvre quelques grands
champs du savoir humain. Elles ont été regroupées en fonction
de ceux-ci : du scientifique au philosophique en passant par le
politique et le sociologique. Je me suis toujours donné comme
règle de conduite de ne parler que de ce que je croyais connaître
sérieusement et que je souhaitais faire partager à mes éventuels
lecteurs.
La plupart des articles sont présentés ici dans leur
formulation originale, et avec le titre imaginé par leur auteur.
10
Quelquefois, en effet, ils ont été, avant publication, réduits ou
modifiés selon les voeux et/ou les normes de l'organe de presse.
N'ont dès lors été conservées que les transformations
considérées comme apportant une plus-value au texte initial.
Pour couronner le tout, j'ai estimé pouvoir, en guise de
conclusion-ouverture, reproduire la lettre que j'ai adressée à
Edgar Morin, à la demande des organisateurs de la
manifestation d'hommage à ce grand sociologue-citoyen à
l'occasion de son quatre-vingtième anniversaire : une façon,
pour moi, de reconnaître, sous forme amicale et intellectuelle,
tout ce que je dois à cet éminent penseur, l'un de mes maîtres
ès-sociologie, ès-politique et ès-philosophie. Une façon, aussi,
de témoigner de cette proximité et de cette reliante qui depuis
tant et tant d'années nourrissent le tourbillon de ma vie
spirituelle.
Qu'il me soit également permis, ici, de remercier les
divers journaux, magazines et revues qui ont bien voulu
accepter ma prose de sociologue-citoyen, ainsi que Jocelyne
Brahy qui a suppléé à mon incompétence ordinatoresque pour
présenter ces textes selon les normes imposées par un éditeur à
la sympathique hospitalité.
M.B.D.B.
11
DU CÔTE DES SCIENCES
UN SOCIOLOGUE PEUT-IL ÊTRE
HEUREUX ET UTILE ?I
A cette question ma réponse sera : oui, deux fois mu;
sans hésitation.
Pourtant rien n'est moins évident. L'image courante du
sociologue, aux yeux de l'opinion publique, est celle d'un être
malheureux et inutile, sans cesse critique et bien éloigné des
réalités pratiques. Maints sociologues, faut-il le dire, manifestent
quelque masochiste propension à nourrir une telle vision
stéréotypée de leur corporation : d'une part, ils sont enclins à
souligner les faces noires de la réalité sociale, à exprimer leurs
frustrations de citoyens et de chercheurs ; d'autre part, ils
répugnent à se salir les mains, à s'engager dans l'action ou
l'intervention sociologique, à prendre le risque d'être « utiles » et
donc d'être « récupérés » par certaines catégories d'acteurs
sociaux.
Figurez-vous que, malgré cela, il m'est arrivé de
rencontrer au moins un sociologue heureux, et de plus mû par
l'illusion lucide qu'il lui arrivait de pouvoir être utile. Est-ce
possible, me direz-vous, plutôt sceptiques ? Certes oui Laissezmoi donc vous conter, à ce propos, une anecdote. C'était à
Louvain-la-Neuve, au cours d'un colloque de sociologues
belges, dans les années 60... en ces temps de forte croissance
économique, à une époque plus tard qualifiée de « Golden
Sixfies » ou des « Trente Glorieuses ». Nous ne connaissions
1 Article paru le 22 septembre 2000 dans Le Vif-l'Express sous le titre —
choisi par le magazine — de « Parole de sociologue ».
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point alors notre (relative) chance. Durant une longue journée
d'échanges, le choeur des sociologues présents, jeunes pour la
plupart, n'a cessé d'exprimer de lancinantes lamentations sur le
triste sort que leur réservait une société peu compréhensive,
par ailleurs injuste, inégalitaire, répressive et aliénante.
Finalement, irrité par le narcissique déballage de ces
consciences malheureuses, j'ai éprouvé l'irrésistible besoin de
prendre le contre-pied de ces chercheurs en mal de
reconnaissance, d'exprimer haut et fort la chance que nous
avions, selon moi, de pouvoir faire de la sociologie, d'y goûter
chaque matin un plaisir renouvelé, même si cela ne
m'empêchait nullement — tout au contraire — de compatir aux
réelles souffrances et misères de nos concitoyens. Cette
profession de foi, en ce temps-là, m'avait paru avoir été
accueillie par quelques sourires condescendants... Quelle
sympathique surprise, dès lors, de rencontrer, à l'occasion d'un
congrès à Mexico, vingt ans plus tard, ce jeune collègue qui
m'accoste en me remerciant de l'avoir, par cet ancien propos,
convaincu de s'engager dans la voie de la sociologie, champ de
son actuel épanouissement. Ce qui m'a incité, par la suite, en
m'inspirant du titre d'un film yougoslave célèbre en son temps,
à intituler diverses interventions « j'ai même rencontré un
sociologue heureux »... et de commettre un livre récent centré
sur ce thèmes.
Etre heureux parce que l'on exerce un métier
passionnant, c'est bien. Vouloir s'engager dans un travail de
sociologue visant à diminuer le malheur des autres, c'est mieux.
C'est ce que j'ai tenté de faire, car j'ai toujours été convaincu
que le sociologue pouvait être utile, non seulement en disant sa
vérité à la société comme l'a un jour exprimé Georges
Balandier, mais surtout en aidant les systèmes sociaux à
produire leur vérité et à construire leur futur. Ceci implique un
travail d'accompagnement des acteurs sociaux afin de
développer leur prise dE conscience des enjeux, contradictions
et potentialités des sociétés dans lesquelles ils vivent, de les
I Marcel Bolle De Bal, Les adieux d'un sociologue heureux. Traces d'un passage,
Paris, L'Harmattan, 1999.
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inciter à prendre en mains le devenir de celles-ci, de les armer à
cette fin, de faire d'eux des agents de changement social. En
d'autres termes, mettre en chantier, à côté de la sociologie
classique à orientation critique, une sociologie clinique (laquelle
n'exclut nullement toute démarche critique) à base de
recherches-actions et d'interventions sociologiques... de même
que la médecine clinique s'est développée à côté et à partir de la
recherche médicale, comme l'a fait un peu plus tard la
psychologie clinique à côté et à partir de la psychologie
expérimentale. Plus qu'une simple « sociologie appliquée »
(vouée à l'application d'aléatoires recettes sociologiques) une
sociologie traitant, en profondeur et avec les acteurs
directement concernés, les problèmes de systèmes particuliers
(groupes, associations, entreprises, syndicats, administrations,
etc.), tout en contribuant sur cette base à l'élaboration d'un
savoir sociologique ancré dans les réalités concrètes.
A l'université, les places de chercheurs en sociologie se
font rares. De plus en plus de collègues comprennent dès lors
qu'eux-mêmes et leurs étudiants ont tout intérêt à investir cette
nouvelle voie — de mieux en mieux reconnue
internationalement — de leur discipline. Dans cette perspective,
ils ont à choisir entre trois types d'engagement idéologique et
pratique : soit ils optent pour une posture de consultant social
(proposer des solutions aux décideurs), soit ils se définissent
comme des militants sociaux (provoquer des changements
radicaux), soit ils préfèrent une relation de type maïeutique
(favoriser les prises de conscience, aider aux prises de
décisions, sans décréter à la place des acteurs les « bonnes
solutions »). Quel que soit leur choix — personnellement je
m'inscris clairement dans la troisième orientation — ils peuvent
trouver, dans cette pratique renouvelée de la sociologie, à la fois
le sentiment d'avoir l'opportunité d'être utile... et donc
heureux. Ce faisant le sociologue n'illustrera-t-il pas à merveille
la formule si souvent citée de Gramsci : allier le pessimisme de
l'intelligence (l'analyse critique) à l'optimisme du coeur et de la
volonté (l'action engagée) ?
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SCIENCES « DURES » ET SCIENCES
TENDRES »1
Le 18e siècle, « Siècle des Lumières », nous a fait rêver. Il
nous a délivré un message d'espoir. La religion, alors,
s'acharnait, semblait-il, à tuer les illusions dont elle avait nourri
des peuples crédules et angoissés face au problème de la mort.
L'Inquisition et les guerres de religion en avaient —
définitivement, croyait-on — terni l'image.. Elle n'apportait point
le bonheur ici-bas et ne promettait qu'une bien aléatoire
récompense dans l'au-delà.
Au milieu de ce siècle pré-révolutionnaire, la Science,
soudain, a émergé et est apparue comme une alternative
stimulante On lui confiait la mission de créer une société
épanouie, de générer le bonheur individuel et collectif. Le
progrès scientifique, source de progrès technique, économique
et social : cette idéologie — car c'en était une — s'est déployée au
fil des ans, et ce jusqu'au dernier quart du 20e siècle. Hiroshima,
Tchernobyl, la crise du pétrole, le Goulag : autant de coups
symboliques et réels portés à cet optimisme par trop
triomphant.
Mais, en fait, de quelle « Science » s'agissait-il ?
Interrogeons nos voisins... ou même les spécialistes.
Implicitement tous font, ont fait ou feront référence aux
sciences dites « exactes », à ces sciences de base que sont les
sciences de la nature (physique, chimie, etc.). Les premières
En voie d'être publié par le journal Le Soir (septembre 2003).
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entités universitaires « scientifiques » n'ont-elles pas été — à
l'ULB notamment — la Faculté des Sciences et celle des Sciences
Appliquées (Polytechnique) ? Et ce durant plus d'un demisiècle. Ce n'est que bien plus tard qu'y sont nées la Faculté des
Sciences Sociales, Politiques et Economiques d'abord, la
Faculté des Sciences Psychologiques et Pédagogiques ensuite.
Ainsi s'est affirmée progressivement l'existence d'autres types
de « sciences » qui, sous l'appellation générique de « sciences
humaines », regrouperont ces disciplines émergentes que sont la
sociologie, l'anthropologie, la psychologie, la psychosociologie,
la communication, la science politique, l'économie, la gestion,
le travail social, etc.
Cette explosion « scientifique » n'a pas eu l'heur de
plaire à tout le monde, notamment aux spécialistes des sciences
installées, au monopole jusque là non contesté. Leur réaction,
face à cette invasion perçue comme barbare, a été marquée —
dans le chef de certains — par une attitude de rejet et de mépris.
Rejet de leur qualité de « science ». Mépris pour ces sciences
« molles » (par eux ainsi définies) supposées non rigoureuses
dans leurs méthodes et leurs conceptualisations, par opposition
aux sciences « dures » — les leurs — bâties dans le roc
d'expérimentations sévèrement contrôlées et d'analyses
quantitatives inattaquables, animées par un constant souci
d'objectivation des phénomènes étudiés.
Passons sur la symbolisation psychanalytique
inconsciente de cette distinction dévalorisante, selon les
stéréotypes machistes ambiants (le « dur », c'est l'apanage du
viril, le « mou », la faiblesse du féminin) Contentons-nous, en
tant qu'artisan de l'une de ces sciences « humaines », de réfuter
ce qualificatif de sciences « molles » et de lui préférer — en nous
plaçant sur la même sémantique existentielle — celui de sciences
« tendres ». Ce faisant, j'entends que soient revalorisées ces
sciences humaines qui, tout en se voulant sérieuses et
objectives, ont pour vocation de décrire de façon
« scientifique » des réalités souvent subjectives, irrationnelles,
affectives. Elles refusent d'être traitées de « molles », car elles se
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