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DIPLOMATIQUE
Ameth NDIAYE
Durée : 1 semestre
Classe : L3A
MODULE 1.
INTRODUCTION : DE LA DIPLOMATIQUE MEDIEVALE A LA DIPLOMATIQUE
CONTEMPORAINE
I. Définition et objet de la diplomatique
Pour le profane, le mot « diplomatique » peut évoquer des courtisans vêtus de brocart et
portant perruque, concoctant de sombres intrigues dans des salons baroques. De fait, le terme
vient du titre latin du premier ouvrage qui ait été écrit sur la science de l’authentification de
documents, dont on sait l’importance lorsque des pièces doivent servir de preuve légale.
La diplomatique est la science qui étudie la tradition, la forme et la genèse des actes écrits, en
vue de faire leur critique, de juger de leur sincérité, de déterminer la qualité de leur texte,
d'apprécier leur valeur exacte en les replaçant dans la filière dont ils sont issus, de gager de
la gangue des formules tous les éléments susceptibles d'être exploités par l'historien, de les
dater s'ils ne le sont pas, enfin de les éditer.
Science autonome, elle est aussi et avant tout, une des sciences auxiliaires de l'histoire et
constitue en même temps un des supports de travail de l'archiviste. Pendant longtemps, on a
vu en elle essentiellement une technique permettant d'étudier les documents du Moyen Age, et
même plus spécialement les chartes ( actes écrits contenant sous une forme plus ou moins
solennelle un acte juridique ), et d'en faire la critique de sincérité en portant sur celle -ci un
jugement de valeur ( forgerie, falsification, interpolation ) Aujourd’hui, on insiste davantage
sur le fait qu'elle donne connaissance des règles de forme qui président à l'élaboration et à la
rédaction des documents, qu'elle que soit leur date.
II. Evolution historique
L'évolution de la diplomatique est étroitement liée à celle des techniques d'écriture de
l'histoire. Parmi les moyens d'information dont disposent les historiens, il y a en effet les
documents d'archives, qui occupent une place importante parmi les sources disponibles. Ils
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témoignent du passé au même titre que les monuments figurés, que les inscriptions, que les
écrits que des contemporains ont relaté les évènements auxquels ils avaient pris part ou assisté
ou dont ils avaient simplement entendu parler.
Si ces dernières sources sont des sources narratives, parce que nés de formules de récits, les
documents d'archives apparaissent plutôt comme des sources documentaires. Elles
n'appartiennent pas à la littérature historiographique, mais plutôt doivent être considérées
comme des traces fidèles des activités des sociétés qui les ont créées ou vu naître. Comme
sources documentaires, elles ont cependant été très peu utilisées par les premiers historiens.
Ces derniers avaient en effet une certaine approche de l'écriture de l'histoire. Certains étaient
préoccupés de la transcription littérale des événements de leur époque. D'autres plus avancés,
voulaient puiser dans les documents pour étayer leur argumentation. Cependant à l'encontre
de la conception actuelle, ils ne procédaient pas à une étude critique des documents qu'ils
utilisaient. Leur démarche consistait plutôt à transcrire directement dans le texte l'intégralité
du document, sans pour autant essayer d'en extraire toute la substance.
Prenons un acte notarié, par exemple un inventaire après décès. Les historiens de cette époque
n’y voyaient qu’un simple acte, intéressant un individu donné. Contrairement aux historiens
actuels, ils ignoraient la richesse en renseignements d’une telle pièce, pour le domaine de
l’archéologie sociale.
La méthode de ces historiens les amenait donc à laisser de côté les enseignements indirects
que toute pièce d'archives correctement interrogée apporte à un spécialiste averti.
Quand les historiens sont devenus plus perspicaces et qu'ils ont entrevu les trésors
d'information pratiquement inexploités que contenaient les chartriers, ils ont cherché la clef
qui leur en ouvrirait l'accès. Cette clef, ils vont la trouver avec la diplomatique.
La diplomatique est née donc d’une réaction de l'esprit critique au contact des documents
d'archives représentés par les chartes médiévales.
Ces chartes étaient désignées du nom de diplôme, d'où le terme diplomatique.
Il faut dire que l'étude critique de ces chartes a beaucoup accéléré la précision de l'objet de la
diplomatique.
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Toute charte est en soi et originairement un titre placé et conservé dans ses archives par une
personne physique ou morale pour servir éventuellement à la défense ou à la revendication de
ses privilèges ou de ses droits patrimoniaux. On a assisté au Moyen Age à une production
exagérée de fausses chartes pour faire passer des droits.
Les juges auxquels étaient soumis les litiges étaient tout aussi désarmés pour trancher de
façon objective. Il est arrivé bien souvent qu'ils se contentent du serment de la partie qui
produisait le document pour prendre une décision, laissant de côte tout l'aspect expertise.
C'est dans ce contexte de turbulence que la critique diplomatique va justement faire son
apparition, dans les prétoires ou sur le forum à l'occasion des débats judiciaires ou des
controverses politiques.
Ces controverses ont d'ailleurs pris une ampleur telle en Europe du XVIIIè siècle, qu'on a
parlé de bella diplomatica.
La recherche en matière de diplomatique va émerger de ce contexte, l'objectif étant de définir
un arsenal scientifique à mettre à la disposition de l’expertise judiciaire.
Les premiers résultats significatifs en la matière sont l’œuvre de deux hommes d'église,
PAPENBROECK ( Père Daniel van) et MABILLON Jean.
Les deux hommes ont effet entretenu une vive polémique sur la sincérité des documents
conservés dans leur abbaye respective.
Papenbroeck en particulier en bon jésuite jetait un regard suspect sur l'authenticité des
chartriers des monastères bénédictins. En 1675, il publie dans le recueil Acta sanctorum une
assez copieuse dissertation sur le discernement du vrai et du faux dans les vieux parchemins.
En 1681, Mabillon en réaction à cette production, publie le De re diplomatica , un recueil de
quelques 200 diplômes et chartes. Il constitue du coup une science nouvelle en créant une
méthode fondée sur l’examen des caractères externes et internes des actes.
Quel est l'esprit du De re diplomatica?
Mabillon après avoir rassemblé un matériel assez consistant, applique aux chartes une
méthode d'analyse conforme aux grands principes formulés par Descartes 40 ans plutôt.
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Il répartit les documents en grandes catégories et passe en revue les différents aspects sous
lesquels ils peuvent être examinés : la matière qui leur sert de support, l'encre, l'écriture, la
ponctuation, la langue, les formules, les sceaux, les suscriptions, les notations chronologiques,
mettant ainsi à la disposition de l'enquêteur un interrogatoire applicable à tous les cas
particuliers, réserve faite des adaptations nécessaires, ouvrant des voies d’accès à la démarche
du critique... (p641)
Après Mabillon, dom TASSIN et dom TOUSTAIN, posent de nouveaux jalons dans la
conception diplomatique, en publiant entre 1750 et 1765 le Nouveau Traité de
Diplomatique. Tout en restant fidèle à la ligne définie par Mabillon, ils font la distinction
entre les caractères externes ou extrinsèques ( matière subjective, mise en page, éléments
figurés, écriture, sceau) et les caractères internes ou intrinsèques ( langue et formules ) des
documents : « nous entendons par caractères internes ceux qui sont inhérents, à chaque acte,
qui en sont inséparables, qui s’y retrouvent toujours sous quelque forme qu'il se reproduise et
qui par conséquent ne sont pas moins propres aux copies qu'aux originaux. Au contraire les
caractères externes sont tellement attachés à ces derniers qu'ils ne passent jamais aux copies
Si quelques uns d'entre eux semblent s’y montrer, c’est toujours d'une façon imparfaite et qui
le met beaucoup au-dessous des autographes ».
Après ces auteurs qui ont mis en place l’essentiel des contours de la diplomatique, on verra
naître de nouveaux centres de réflexion, après la pause observée à la fin du 18è. La reprise
sera marquée en France par la création de l'Ecole des Chartes à la Renaissance. L'Allemagne
s'est aussi révélée avec les auteurs tels que Sickel, Brislau... .
III. La diplomatique contemporaine
1. Caractéristiques
Aujourd’hui, le public concerné par la diplomatique s’est beaucoup élargi, par rapport au
siècle dernier. Il s’agit :
- Les chercheurs dont la palette s’est beaucoup élargie dans les domaines des
sciences humaines, sociales, juridiques et économiques, dans les sciences
exactes et naturelles, mais aussi les experts, ingénieurs et techniciens divers.
Ces chercheurs ne s’intéressent pas à l’information pour l’information, mais
plutôt une réponse à une question d’une extrême importance. Face à ces
questions, ils ont une exigence de vérité que seule peut satisfaire les documents
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institutionnels. Celle-ci constitue l’information organisée, contrôlée, validée
par la diplomatique.
- Les bureaucrates, créateurs des documents. Ce sont eux qui produisent
l’information organisée. « ils ont besoin de méthodes et de savoir, face à
l’instabilité des supports, des machines, règles et procédures, personnes et
structures, quels sont les dispositifs et les éléments indispensables à la
récupération des données qu’ils créent »
- Les archivistes qui conservent et traitent l’information organique pour la
diffuser. Ils doivent savoir comment évaluer cette information, comment la
préserver pour constituer la mémoire qu’ils ont pour tâche de former et de
garder pour les autres. La diplomatique peut aider l’archiviste à déterminer les
critères de sélection et de description des informations. Elle lui permet
d’évaluer l’information consignée (typologie, valeur de témoignage, valeur
d’information) de façon scientifique.
2. Champ d’étude de la diplomatique contemporaine
La diplomatique classique avait pour objet les actes dont elle s’attelait à déterminer
l’authenticité.
Elle faisait une distinction dans l’étude des actes entre les caractères internes (supports et
contexte), et les caractères externes (contenu même).
Le champ d’étude de la diplomatique contemporaine reste inchangé. Cependant, les 3 objets
fondamentaux doivent être repensés.
Il s’agit du :
- recensement de toutes les formes que les textes et les données peuvent prendre
- dresser une typologie systématique des documents
- l’identification, i.e définir les documents suivant leur nature institutionnelle et leur
fonction organique
- noter leur apparition, leurs caractéristiques, leur évolution, leur transformation et leur
disparition
- les classer par rapport aux documents de même nature dans la chaîne de la genèse et de la
tradition
La diplomatique contemporaine dans son approche doit comme par le passé, étudier les
documents en tenant compte de la forme, de la tradition, et de la genèse.
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