DIPLOMATIQUE Ameth NDIAYE Durée : 1 semestre Classe : L3A MODULE 1. INTRODUCTION : DE LA DIPLOMATIQUE MEDIEVALE A LA DIPLOMATIQUE CONTEMPORAINE I. Définition et objet de la diplomatique Pour le profane, le mot « diplomatique » peut évoquer des courtisans vêtus de brocart et portant perruque, concoctant de sombres intrigues dans des salons baroques. De fait, le terme vient du titre latin du premier ouvrage qui ait été écrit sur la science de l’authentification de documents, dont on sait l’importance lorsque des pièces doivent servir de preuve légale. La diplomatique est la science qui étudie la tradition, la forme et la genèse des actes écrits, en vue de faire leur critique, de juger de leur sincérité, de déterminer la qualité de leur texte, d'apprécier leur valeur exacte en les replaçant dans la filière dont ils sont issus, de dégager de la gangue des formules tous les éléments susceptibles d'être exploités par l'historien, de les dater s'ils ne le sont pas, enfin de les éditer. Science autonome, elle est aussi et avant tout, une des sciences auxiliaires de l'histoire et constitue en même temps un des supports de travail de l'archiviste. Pendant longtemps, on a vu en elle essentiellement une technique permettant d'étudier les documents du Moyen Age, et même plus spécialement les chartes ( actes écrits contenant sous une forme plus ou moins solennelle un acte juridique ), et d'en faire la critique de sincérité en portant sur celle -ci un jugement de valeur ( forgerie, falsification, interpolation ) Aujourd’hui, on insiste davantage sur le fait qu'elle donne connaissance des règles de forme qui président à l'élaboration et à la rédaction des documents, qu'elle que soit leur date. II. Evolution historique L'évolution de la diplomatique est étroitement liée à celle des techniques d'écriture de l'histoire. Parmi les moyens d'information dont disposent les historiens, il y a en effet les documents d'archives, qui occupent une place importante parmi les sources disponibles. Ils 1 témoignent du passé au même titre que les monuments figurés, que les inscriptions, que les écrits que des contemporains ont relaté les évènements auxquels ils avaient pris part ou assisté ou dont ils avaient simplement entendu parler. Si ces dernières sources sont des sources narratives, parce que nés de formules de récits, les documents d'archives apparaissent plutôt comme des sources documentaires. Elles n'appartiennent pas à la littérature historiographique, mais plutôt doivent être considérées comme des traces fidèles des activités des sociétés qui les ont créées ou vu naître. Comme sources documentaires, elles ont cependant été très peu utilisées par les premiers historiens. Ces derniers avaient en effet une certaine approche de l'écriture de l'histoire. Certains étaient préoccupés de la transcription littérale des événements de leur époque. D'autres plus avancés, voulaient puiser dans les documents pour étayer leur argumentation. Cependant à l'encontre de la conception actuelle, ils ne procédaient pas à une étude critique des documents qu'ils utilisaient. Leur démarche consistait plutôt à transcrire directement dans le texte l'intégralité du document, sans pour autant essayer d'en extraire toute la substance. Prenons un acte notarié, par exemple un inventaire après décès. Les historiens de cette époque n’y voyaient qu’un simple acte, intéressant un individu donné. Contrairement aux historiens actuels, ils ignoraient la richesse en renseignements d’une telle pièce, pour le domaine de l’archéologie sociale. La méthode de ces historiens les amenait donc à laisser de côté les enseignements indirects que toute pièce d'archives correctement interrogée apporte à un spécialiste averti. Quand les historiens sont devenus plus perspicaces et qu'ils ont entrevu les trésors d'information pratiquement inexploités que contenaient les chartriers, ils ont cherché la clef qui leur en ouvrirait l'accès. Cette clef, ils vont la trouver avec la diplomatique. La diplomatique est née donc d’une réaction de l'esprit critique au contact des documents d'archives représentés par les chartes médiévales. Ces chartes étaient désignées du nom de diplôme, d'où le terme diplomatique. Il faut dire que l'étude critique de ces chartes a beaucoup accéléré la précision de l'objet de la diplomatique. 2 Toute charte est en soi et originairement un titre placé et conservé dans ses archives par une personne physique ou morale pour servir éventuellement à la défense ou à la revendication de ses privilèges ou de ses droits patrimoniaux. On a assisté au Moyen Age à une production exagérée de fausses chartes pour faire passer des droits. Les juges auxquels étaient soumis les litiges étaient tout aussi désarmés pour trancher de façon objective. Il est arrivé bien souvent qu'ils se contentent du serment de la partie qui produisait le document pour prendre une décision, laissant de côte tout l'aspect expertise. C'est dans ce contexte de turbulence que la critique diplomatique va justement faire son apparition, dans les prétoires ou sur le forum à l'occasion des débats judiciaires ou des controverses politiques. Ces controverses ont d'ailleurs pris une ampleur telle en Europe du XVIIIè siècle, qu'on a parlé de bella diplomatica. La recherche en matière de diplomatique va émerger de ce contexte, l'objectif étant de définir un arsenal scientifique à mettre à la disposition de l’expertise judiciaire. Les premiers résultats significatifs en la matière sont l’œuvre de deux hommes d'église, PAPENBROECK ( Père Daniel van) et MABILLON Jean. Les deux hommes ont effet entretenu une vive polémique sur la sincérité des documents conservés dans leur abbaye respective. Papenbroeck en particulier en bon jésuite jetait un regard suspect sur l'authenticité des chartriers des monastères bénédictins. En 1675, il publie dans le recueil Acta sanctorum une assez copieuse dissertation sur le discernement du vrai et du faux dans les vieux parchemins. En 1681, Mabillon en réaction à cette production, publie le De re diplomatica , un recueil de quelques 200 diplômes et chartes. Il constitue du coup une science nouvelle en créant une méthode fondée sur l’examen des caractères externes et internes des actes. Quel est l'esprit du De re diplomatica? Mabillon après avoir rassemblé un matériel assez consistant, applique aux chartes une méthode d'analyse conforme aux grands principes formulés par Descartes 40 ans plutôt. 3 Il répartit les documents en grandes catégories et passe en revue les différents aspects sous lesquels ils peuvent être examinés : la matière qui leur sert de support, l'encre, l'écriture, la ponctuation, la langue, les formules, les sceaux, les suscriptions, les notations chronologiques, mettant ainsi à la disposition de l'enquêteur un interrogatoire applicable à tous les cas particuliers, réserve faite des adaptations nécessaires, ouvrant des voies d’accès à la démarche du critique... (p641) Après Mabillon, dom TASSIN et dom TOUSTAIN, posent de nouveaux jalons dans la conception diplomatique, en publiant entre 1750 et 1765 le Nouveau Traité de Diplomatique. Tout en restant fidèle à la ligne définie par Mabillon, ils font la distinction entre les caractères externes ou extrinsèques ( matière subjective, mise en page, éléments figurés, écriture, sceau) et les caractères internes ou intrinsèques ( langue et formules ) des documents : « nous entendons par caractères internes ceux qui sont inhérents, à chaque acte, qui en sont inséparables, qui s’y retrouvent toujours sous quelque forme qu'il se reproduise et qui par conséquent ne sont pas moins propres aux copies qu'aux originaux. Au contraire les caractères externes sont tellement attachés à ces derniers qu'ils ne passent jamais aux copies Si quelques uns d'entre eux semblent s’y montrer, c’est toujours d'une façon imparfaite et qui le met beaucoup au-dessous des autographes ». Après ces auteurs qui ont mis en place l’essentiel des contours de la diplomatique, on verra naître de nouveaux centres de réflexion, après la pause observée à la fin du 18è. La reprise sera marquée en France par la création de l'Ecole des Chartes à la Renaissance. L'Allemagne s'est aussi révélée avec les auteurs tels que Sickel, Brislau... . III. La diplomatique contemporaine 1. Caractéristiques Aujourd’hui, le public concerné par la diplomatique s’est beaucoup élargi, par rapport au siècle dernier. Il s’agit : - Les chercheurs dont la palette s’est beaucoup élargie dans les domaines des sciences humaines, sociales, juridiques et économiques, dans les sciences exactes et naturelles, mais aussi les experts, ingénieurs et techniciens divers. Ces chercheurs ne s’intéressent pas à l’information pour l’information, mais plutôt une réponse à une question d’une extrême importance. Face à ces questions, ils ont une exigence de vérité que seule peut satisfaire les documents 4 institutionnels. Celle-ci constitue l’information organisée, contrôlée, validée par la diplomatique. - Les bureaucrates, créateurs des documents. Ce sont eux qui produisent l’information organisée. « ils ont besoin de méthodes et de savoir, face à l’instabilité des supports, des machines, règles et procédures, personnes et structures, quels sont les dispositifs et les éléments indispensables à la récupération des données qu’ils créent » - Les archivistes qui conservent et traitent l’information organique pour la diffuser. Ils doivent savoir comment évaluer cette information, comment la préserver pour constituer la mémoire qu’ils ont pour tâche de former et de garder pour les autres. La diplomatique peut aider l’archiviste à déterminer les critères de sélection et de description des informations. Elle lui permet d’évaluer l’information consignée (typologie, valeur de témoignage, valeur d’information) de façon scientifique. 2. Champ d’étude de la diplomatique contemporaine La diplomatique classique avait pour objet les actes dont elle s’attelait à déterminer l’authenticité. Elle faisait une distinction dans l’étude des actes entre les caractères internes (supports et contexte), et les caractères externes (contenu même). Le champ d’étude de la diplomatique contemporaine reste inchangé. Cependant, les 3 objets fondamentaux doivent être repensés. Il s’agit du : - recensement de toutes les formes que les textes et les données peuvent prendre - dresser une typologie systématique des documents - l’identification, i.e définir les documents suivant leur nature institutionnelle et leur fonction organique - noter leur apparition, leurs caractéristiques, leur évolution, leur transformation et leur disparition - les classer par rapport aux documents de même nature dans la chaîne de la genèse et de la tradition La diplomatique contemporaine dans son approche doit comme par le passé, étudier les documents en tenant compte de la forme, de la tradition, et de la genèse. 5 La forme des actes, c’est l'ordonnance interne de l'écrit, le moule dans lequel est coulé le cas concret, caractères matériels, et caractères internes inhérents à l'acte et que l'on peut étudier quelle que soit la tradition, y compris les formules propres à toute chancellerie et à tout bureau. La tradition des actes désigne la relation qui existe entre le texte tel qu'il a été voulu par son auteur et mis par écrit pour la première fois sous sa forme définitive, et le texte tel qu'il nous est parvenu. L'étude de la tradition permet de déterminer la valeur du texte et d'en faire la critique. La genèse des actes est tout ce qui concerne l'élaboration de l'acte depuis la mise en branle de l'appareil administratif, jusqu'à l'achèvement des formalités qui lui donnent authenticité, publicité, force exécutoire. L'étude de la chancellerie et du bureau la complète nécessairement: qui commande, rédige, contrôle, authentifie l'acte? 6 MODULE 2 LA FORME DES DOCUMENTS La forme est l'ensemble des caractères que revêtent les actes, tant en ce qui concerne leur présentation matérielle que leur teneur. Elle obéit à des règles plus ou moins fixes, dont les unes sont propres à la chancellerie de l'auteur de l'acte écrit et les autres dépendent de la nature juridique de la pièce. Les documents ont une forme et une structure. Cette forme est souvent le résultat d’une exigence légale spécifique pour l’élaboration des documents. Dans la forme des documents, on distingue : • les caractères externes, c'est-à-dire les caractéristiques matérielles de fabrication du document et son aspect externe. Ce sont le moyen, l’écriture, la langue, les signes particuliers, les sceaux et les annotations. • Les caractères internes, c'est-à-dire : le vocabulaire et l’apprêt rhétorique, le style et l’allure de la rédaction ; les parties du discours. Comme le note L Duranti, les caractères internes d’un document « doivent être considérés comme des composantes à part entière de son articulation intellectuelle : la manière de présenter le contenu du document ou les parties déterminant la teneur du tout ». Ces éléments comprennent le protocole, ou identification du contexte administratif, le texte de l’action (ou dispositif), et à la fin « l’eschatocole » ou indication de la responsabilité finale du texte. Dans les caractères internes, on a des termes tels que « suscription », « préambule », « clauses finales », « attestation », « étude de la signature ». Rapportés à la grille d’analyse de Mabillon, les caractères internes comprennent donc : • Le protocole (initial et final), qui ne varie pas nécessairement selon la nature juridique des actes, mais selon les usages de l'auteur de l'acte écrit. • Le texte 1. Le protocole initial Il comprend plusieurs éléments : - l’invocation - la suscription : nom, titulature, parfois précédés de « Nous » 7 La suscription peut se présenter sous différents aspects, en fonction du type de document. Ainsi on peut trouver : • suscription imprimée, vignette. • suscription en vedette • suscription dans les actes en forme de procès verbal • formule de comparution des actes notariés ou incipit et des actes judiciaires. - Adresse universelle, collective, personnelle. Cette mention est souvent absente dans certains types d'actes. Elle a une grande importance protocolaire. Dans les lettres, elle est souvent remplacée par l'apostrophe (interpellation). - Le salut. cf. les formules de salutation et de souhait de fin de lettre. Elle a aussi une certaine importance protocolaire. 2. Le texte Il comprend 5 éléments : - La notification : elle introduit le texte des actes (cf. formule de promulgation) ou des lettres ( cf. j'ai l'honneur de vous faire connaître, de porter à votre connaissance, de vous rendre compte. ..). - Le préambule: considérations d'ordre général ou théorique (qui ne se maintient que dans les textes les plus solennels: certains traités, ordonnances, les constitutions, etc. ) - L’exposé : rappel des conditions propres au cas particulier et qui justifient ou expliquent la décision. Rappel de la requête (dans les actes rendus sur requête), de la production de pièces (dans les actes sur pièces), des prétentions réciproques (dans les actes judiciaires). Ex: cf. exposé des motifs des projets de loi, considérant des décisions; attendu des jugements. Rappel des textes antérieurs « visés » (vu le décret.. ..) - Le dispositif : il s'agit de la partie essentielle, dont dépend la nature juridique de l’acte et sa forme diplomatique. Il est formulé généralement autour d’un verbe (décrète, 8 décide, ordonnons, vend, donne, baille, etc..). C'est autour de ce verbe qu’il convient de construire l'analyse d'un document. Le verbe est souvent complété d'un membre de phrase soulignant le caractère spontané ou gracieux de la mesure, sa valeur perpétuelle, son irrévocabilité, la cession des droits qui en découlent, etc..., la durée du contrat. La mesure peut s'articuler autour d'un certain nombre d'articles ou de paragraphes - Les clauses annexes du dispositif (parfois dites « clauses finales ») : elles peuvent être intentionnelles (renforce la manifestation de volonté) • prohibitives (interdit d'aller à l'encontre) • injonctives (ordonne à tous agents d'obéir) • de réserve des droits des intéressés ou des tiers • renonciation à tous empêchements, • appels, causes de nullité • clauses de garantie, engagement, obligations, cautions • toutes précautions juridiques ou de fait pour donner à l'acte sa pleine valeur exécutoire. Clauses comportant dommages et intérêts éventuels • clause de soumission à une juridiction donnée en cas de litige ou manquement aux clauses du contrat. • clause chargeant une personne ou une autorité donnée d'assurer l'exécution de la mesure ou fixant les conditions de l'exécution • clause prévoyant l'enregistrement de l'acte • etc. ... 3. Le protocole final Il comprend : - La clause de corroboration : annonce des signes de validation (signatures, nombre d'exemplaires faisant foi, certification de conformité, liste et qualités des témoins...) Les signes de validation sont assez divers: signatures de l'auteur de l'acte juridique, de l'auteur de l'acte écrit ou de son représentant, des responsables de l'acte, du notaire ou du scribe. 9 Signatures des témoins éventuels. On peut aussi citer les contre-seings de ministres. Sceaux, cachets ou tampons. - La date (placée en tête dans les actes en forme de procès -verbal ou en fin). Cette date peut être celle du commandement de l'acte (cette étape fera l’objet de développement lors de l’étude de la genèse), ou bien celle de sa signature, ou bien celle de l'expédition (apposée lors de l'enregistrement de l’acte).. - Les mentions hors teneur C’est l’indication du service d'origine, du numéro d'ordre au départ, l’indication des personnes ou des services destinataires, les mentions d'enregistrement (avec renvoi au n° du registre, de l'acte). - Les mentions apposées après l'expédition Il peut s’agir de : • la communication à d'autres autorités ; • de notes de celles -ci; mention d'enregistrement dans ces bureaux; avis, réserves. Ces mentions sont généralement faites sous forme d'apostilles, c'est-à-dire d’annotations faites sur le document. Il faut distinguer ces mentions des notes apposées par le destinataire et qui peuvent être : - l'enregistrement à l'arrivée (date d'arrivée, n° d’enregistrement). - une procédure à suivre et notes éventuelles sur le contenu. Remarque : On peut encore être guidé dans l'interprétation d'un acte par les mentions marginales portées dès l'expédition: « Objet :.. », « Analyse.. . ». Comment appliquer la grille de critique de Mabillon aux documents électroniques ? Pour les documents électroniques, des travaux menés ces dernières années essaient de circonscrire la forme, en adaptant la grille de critique de Mabillon. Parmi les travaux les plus pertinents, on retient ceux faits par Luciana Duranti, qui inscrit sa démarche dans le sens de la méthodologie diplomatique, en se fondant sur le concept traditionnel de document. Elle 10 présente un modèle qui s’organise autour de quatre pôles : la forme documentaire, les additions, le contexte, le support. La forme documentaire comprend parmi les caractères internes, les noms des personnes qui interviennent dans la création du document, la date de temps, l’indication et la description de l’action ou de l’objet, l’attestation et la corroboration et, parmi les caractères externes, la présentation d’ensemble du document (texte, graphique, image, son, mixte), les traits de présentation de détail (configurations, hyperliens couleurs, débit des fichiers son, résolution des fichiers image, échelle des plans…), les signatures et sceaux électroniques (p.ex. signature numérique), les certifications de date numériques apposées par un organisme extérieur habilité. Dans la catégorie des additions apparaissent trois types fondamentaux : les additions faites au document après sa création, au cours de son exécution et comme résultat de son exécution (p.ex. les mentions de priorité de transmission, de date et de date de transmission, de date et de date de transmission dans un courrier électronique, l’indication de fichiers attachés….) ; les additions faites au document dans le cours de la gestion de l’affaire à laquelle il participe (p.ex. les dossiers de transmission à d’autres bureaux, la date et l’heure de réception, les mentions de suivi, le nom du bureau traitant….) ; les additions faites au document dans le cours de son archivage (p.ex. la date d’archivage, les cotes et classifications, un numéro d’enregistrement….). Conclusion Les documents d’archives de l’époque contemporaine se caractérisent par une extrême variété et diversité. Les eux faits conjugués ont un important impact sur l’étude de la forme des documents, qui avec l’apparition de l’environnement numérique, est devenue aujourd’hui un objet de recherche. Le problème n’est plus d’identifier le document, mais de dégager déjà dans la forme, les éléments déterminant son authenticité. 11 MODULE 3 LA TRADITION DES ACTES La tradition est l'état de rédaction dans lequel l'acte écrit est parvenu jusqu'à nous. Elle conditionne le degré de confiance que nous pouvons lui accorder. Nous pouvons connaître un acte dans sa teneur intégrale, par des extraits, par une simple mention (par exemple par une référence dans un acte postérieur, par la citation d'un auteur, par une entrée dans un inventaire). La teneur intégrale d'un acte est donnée soit par un original, par une expédition ou une réexpédition, soit par un stade préparatoire (lui -même établi ne varietur: minute, ou informe, brouillon), soit par une copie, soit encore par une reproduction (photographie, facsimilé). 1. L'original Notion essentielle de la diplomatique. L'original est le document primitif où sous sa forme définitive est consignée la volonté de l'auteur et qui est revêtue des signes de validation destinés à faire foi. C'est donc l'acte parfait, comportant tous les signes de validation ( signatures, sceau, cachets ) ou tout au moins, dressé dans des conditions d'authenticité qui lui permette de faire foi par lui -même. : son insertion dans un registre authentique. L'original s'oppose aux états préparatoires, aussi bien qu'aux copies et même à l'époque contemporaine aux expéditions et aux ampliations par lesquelles son texte est communiqué aux intéressés. Caractéristiques Il est supposé sincère (sous réserve de falsification dont il conviendrait de faire la preuve, et qui serait en principe décelable à première vue). C'est le texte qui fait preuve en justice, celui dont la qualité du texte exige qu'il soit pris comme base pour une publication. 12 Cela ne veut toutefois pas dire que l'original soit nécessairement vrai historiquement dans chacune de ses parties: il fait foi, mais a pu être obtenu sur fausse déclaration, peut comporter des éléments inexacts. La critique historique (mais non la critique diplomatique) peut s'exercer à son endroit. L'original n'est pas nécessairement unique. En cas d'actes bilatéraux ou multilatéraux, on peut établir autant d'originaux que de parties (cf. contrats, traités) dont chacun fait également foi. Il peut y avoir des destinataires multiples (circulaires) .On peut dresser des exemplaires multiples pour en assurer la conservation (cf. les duplicata, triplicata jadis établis pour la correspondance et les actes des colonies et notamment en cas de guerre). Ces différents exemplaires d'un original peuvent présenter des variantes de texte: dans l'adresse, dans certaines formules (salutation), dans certaines règles de forme (acte solennel et autre moins solennel: on peut alors distinguer un " premier original «), dans les signes de validation (tous les exemplaires n'étant pas nécessairement signés par toutes les mains, etc. ... Avec l'usage de la dactylographie, puis de la bureautique on peut avoir des doubles de l'original, qui présentent un texte identique, mais qui n'ont pas reçu les marques de validation de l'original ; toutefois, certaines peuvent être également signées, mais la première frappe est tenue pour privilégiée. On a généralement remis l'original au destinataire, c'est le cas de la correspondance, et l'on peut tenir l'expédition pour le véritable original. Toutefois une évolution s'est produite dans les habitudes de l'Administration: c'est la minute des actes qui a normalement reçu les signatures et autres marques de validation, afin de conserver ce texte authentique dans les archives. On a alors remis aux intéressés une expédition dressée d'après la minute, cette expédition recevant de son côté signature d'une autorité (signature par délégation, signature de greffier, de notaire, etc...). Cette expédition devient ainsi une sorte de copie privilégiée, intermédiaire entre original et copie. - C'est la grosse judiciaire ou notariale, qui est la première expédition (ou expédition originale), qui est l'exemplaire remis au destinataire comme titre exécutoire, puisque l'original lui -même, demeurant aux archives, ne peut servir à obtenir l'exécution. 13 - C'est l'ampliation, extrait d'un original (dont la minute signée est gardée par l’administration) remis au destinataire comme preuve de la mesure administrative le concernant. La réexpédition est un nouveau document établi par l'auteur même de l'acte en cas de perte du premier document, à partir de l'original conservé dans les archives ou d'un registre de chancellerie. On doit le distinguer d'une confirmation qui constitue en soi un acte nouveau, établi à la suite d'une nouvelle mesure. 2. La minute La minute est un état préparatoire de l'acte, dressé dans des conditions de forme telles qu'on peut en tirer à tout moment une expédition destinée à être gardée par l'expéditeur à la fois comme preuve de l'acte et comme matrice de cet acte. La minute suppose la volonté de son auteur, arrêtée de façon définitive dans son objet et dans sa forme. Toutefois, elle se présente souvent de façon abrégée, les formules étant écourtées ainsi que tout ce qui est de pure forme. Elle est donc à cette réserve prés établie ne varietur et comporte un visa de son auteur ou du responsable du service, parfois même sa signature. Dans le cas des minutes notariées, c'est le document qui comporte les signatures des parties et des notaires, alors que la grosse ne comportera que la seule signature notariale. Dans les administrations, elle peut ne pas comprendre la marque d'approbation expresse, mais les marques indiquent qu'elle a fait l'objet d'une expédition, une référence aux divers destinataires à qui le texte a été transmis, une mention de l'enregistrement: elle se trouve le plus souvent insérée dans une série (registre ou dossier) et par-là même présente des conditions suffisantes d'authenticité. Toutefois, on ne doit pas oublier que le texte définitif peut se présenter avec des corrections ou des modifications dont on n'a pas toujours tenu compte en les reportant à la minute. 3. Le brouillon Un brouillon est un état préparatoire sans valeur authentique, qui peut être révisé, corrigé, transformé et qui peut même ne pas correspondre au texte qui en définitive sera expédié; un texte connu par un brouillon peut même ne pas avoir donné lieu à une expédition. Mais son intérêt est de montrer un stade dans la préparation d'un texte, dans l'évolution d'une 14 pensée. (cf. la procédure de l’élimination lors du traitement des archives. Il est souvent autant intéressant de conserver le brouillon que l’original). 4. La copie Une copie est une reproduction d'un document. Le but de l'établissement d'une copie peut être fort varié : disposer au même moment de plusieurs exemplaires en plusieurs lieux, de produire en justice une pièce tout en conservant l'original, de donner pleine valeur à une pièce en y annexant la copie de pièces autorisant à l'établir (procuration, pouvoirs, titres antérieurs etc.). Une pièce peut simplement être copiée à titre d'information. pour en donner connaissance à un tiers, pour en garder mémoire, pour l'utiliser dans un ouvrage historique ou juridique. Une copie peut être «informe», c'est à dire ne comporter aucune marque de validation ou d'authenticité, ou au contraire être une copie authentique, si une autorité publique (judiciaire. Notariale, administrative) a entendu par l'apposition d'une formule. d'une signature et de cachets, lui conférer une valeur probatoire analogue à celle qui s'attache à l'original. Une copie insérée ou annexée à une pièce authentique participe à l'authenticité de cette pièce elle -même: ainsi un acte sous seing privé acquiert date et valeur certaine quand elle est déposée au rang des minutes d'un notaire. La mention de conformité à l'original et l'apposition des marques d'authentification par l'autorité publique se font conformément aux lois et règlements en vigueur. Mais l'authenticité juridique d'une copie n'est pas nécessairement une garantie de la qualité du texte ni même d'une totale sincérité : une autorité a pu être abusée par la production d'une pièce douteuse, et un greffier a pu transcrire sans beaucoup de soin la pièce qu'il copiait et qu'il savait plus ou moins lire (Se méfier notamment des noms propres, de même de nos jours des sigles et abréviations). Une copie informe, pour dépourvue de valeur juridique qu'elle soit, peut être plus soigneuse, pour peu qu'elle ait été transcrite par une personne consciencieuse ou bien informée (copie d'historien par exemple). Se méfier toutefois qu'elle a été bien transcrite intégralement, sans modification de texte et sans retranchement, coupure, abréviations. 15 REM : Ne pas confondre " copies libres " (sur papier non timbré) et copies informes. Quand on utilise des copies pour une édition de document, à défaut d'un original, il faut bien vérifier la valeur de ces copies, déterminer leur date, identifier si possible leur auteur ; classer ces copies selon leur crédibilité, pour adopter le texte de la meilleure, et donner les variantes des autres. La copie comme tradition pose aujourd’hui un nouveau problème pour la diplomatique. La reproduction des documents électroniques est très facile. Dans une même administration, peuvent se trouver de très nombreuses copies d’un même document. Le plus souvent, ces copies sont légèrement différentes les unes des autres, parce qu’installées sur un autre disque ou sur un autre ordinateur, ou encore parce que quelqu’un y a délibérément introduit quelque modification. Dans l’environnement électronique, chaque état du même document a la qualité de copie, et non d’original. Le seul véritable original dans les systèmes électroniques est le premier document effectif et complet à avoir été soit reçu ou stocké sur un fichier du système. L’état d’original cesse après que le document a été stocké la première fois. Dès qu’on la rappelle, l’entité stockée prend l’état de copie. 5. Traduction Il en est des traductions comme des copies .Une traduction authentique fait foi en cas de litige; mais elle n'est pas nécessairement fidèle. Une traduction informe par un meilleur interprète peut être préférable à une traduction officielle. Groupements d'originaux et de copies Originaux et copies peuvent être isolés ; mais ils nous sont souvent parvenus groupés. Il y a des groupements matériels de pièces : - pièces annexes ou pièces justificatives, réunies matériellement à une pièce : comptes annexes, quittances, pièces de procédures.... - dossiers (cf. plus loin) 16 - bordereaux de transmission (utiles pour connaître la provenance et la filière suivie par telle pièce ou tel dossier) - union de documents sur une même pièce : apostille : décision ou avis notés au pied d'une requête ou en marge d'un rapport, et qui parfois peut prendre la forme d'une note jointe. 7. Les documents nous sont cependant souvent parvenus groupés en registres ou en recueils ou sous forme de dossiers Un registre au sens diplomatique du terme est un recueil d'actes tenu au fur et à mesure par une autorité ayant capacité pour le faire, et qui confère aux actes enregistrés validité, publicité, date certaine et présomption de sincérité diplomatique. Le caractère d'authenticité peut être conféré par la nature même de l'autorité qui le tient. ou bien par l'apposition de marques extérieures (signatures, paraphes, mentions d'ouverture et de clôture par une autorité : registres d'état civil, registres de délibérations, registres de commerce). Il y a deux grandes catégories de registres : 1 .registres contenant la première rédaction des actes ou la première constatation des faits. Il s'agit de registres originaux ou de registres de minutes: journaux des cours, registres des sentences judiciaires, registres de délibérations, registres notariés, registres d'état civil, de comptes, de commerce, matricules..... L'authenticité est conférée par la signature des personnes habilitées à les tenir (secrétaires, présidents, officiers, comptables etc...) 2. transcription ou analyses d'actes expédiés ou reçus au fur et à mesure de cette expédition ou réception. Il s'agit alors de copies (ou d’extraits). Les uns sont tenus par l'auteur des actes : registres de chancellerie. copies de lettres au départ, registres d'ordre (enregistrement par simple mention). Les autres sont tenus par les destinataires ou les exécuteurs : c'est l'enregistrement à l'arrivée. Certains registres sont mixtes (départ et arrivée). 17 Tous ces registres sont d'un grand intérêt, tant archivistique qu'historique, pour autant qu'ils aient été tenus avec soin. Car ils nous font connaître, dans l'ordre même de l'expédition ou de la réception, toute la série des actes, dont beaucoup autrement nous échapperaient. Mais, grâce aux mentions de services destinataires, aux cotes d'archives etc. .., ils nous permettent de connaître la destination suivie par les documents et souvent de les retrouver dans les dossiers où ils ont fini par aboutir. D'autres registres sont encore tenus par une administration adéquate, spécialement instituée pour donner aux actes publics ou privés validité et force exécutoire. C'est surtout le cas, à l'époque moderne, des administrations de l'Enregistrement, des Hypothèques. , etc... Le registre a plusieurs fonctions : La première fonction est l’enregistrement des pièces. En plus de l’enregistrement des pièces, le registre documente aussi la procédure d’instruction de deux manières : - D’abord, le registre d’entrée donne toujours le procès verbal d’une prise de décision, et il le fait après coup. On le voit par le dispositif, le verbe étant toujours au passé composé. Le registre présente dans une suite bien ordonnée, l’analyse de la demande et les mesures prises par l’administration pour son instruction. - Ensuite, le registre fournit des indications sur la suite de l’instruction, qui se font écho d’un enregistrement à l’autre. Il établit donc la logique de l’instruction, intègre l’instruction d’affaires isolées dans le cours discursif de la politique de l’administration et lie l’instruction de l’affaire en question à d’autres cas, qui peuvent servir de parallèle ou de modèle. Ces renvois mettent en évidence la logique de l’affaire, mais aussi celle de ’administration. Et c’est cela qui constitue la richesse de cette documentation. On peut en déduire que le registre de transcription de la correspondance reflètent fidèlement le travail de l’administration. Il apporte à la fois la transparence, et assure en même temps le secret des papiers administratifs. En effet, la demande du citoyen est enregistrée et analysée. La réponse ou la décision est clairement élaborée et la légalité de l’action administrative est garantie. Donc plus qu’une simple documentation de sécurité ou de substitution, le registre offre un traitement fonctionnel des informations sur le système des renvois et par les répertoires des noms et des matières qui les complètent souvent. 18 Comment faire la critique d'un registre ? Quand on a un registre, il faut déterminer la compétence et le ressort territorial de l'institution qui l'a tenu. Il faut ensuite se poser les questions suivantes : - est -ce un registre original ou a-t-on affaire à la copie après coup d'un registre provisoire ? - les actes sont-ils reproduits intégralement, ou seulement partiellement (suppression de certains é1éments, clauses, formules, dates...) ? - l'enregistrement a-t-il été fait d'après la minute ou d'après l'original ? - quel ordre a été suivi (chronologique, méthodique, par transcription quotidienne ou par fournées) - tous les actes ont-ils été enregistrés. Sinon quel a été le critère de l'enregistrement ? - quelle est la qualité du texte (celle -ci est souvent mauvaise, car la tenue des registres a rarement été confiée aux agents les meilleurs .Se méfier des noms propres). Recueils A côte des registres, on possède aussi des recueils de pièces. Déterminer en ce cas le but poursuivi. Quel a été le choix des pièces, leur nature, l'ordre suivi ? D'après quelles sources ? Les pièces sont-elles reproduites intégralement ou partiellement ? Se demander aussi quelle est la qualité du texte (en procédant, quand c'est possible, par comparaison avec les originaux: coupes, graphies). L'intérêt est surtout grand quand il s'agit de recueils faits par l'administration elle même de documents l'intéressant ou reproduisant plus ou moins complètement des ensembles de documents. 19 Le dossier Il est constitué par un ensemble de pièces réunies pour le traitement d'une action; il s'inscrit toujours dans le déroulement d'une procédure. A l'origine, exception faite de la Justice, le dossier a été très peu utilisé dans l'Administration. L'utilisation du dossier s'est cependant développée progressivement avec l'introduction dans la pratique administrative des techniques de gestion avec un corollaire: la croissance des pièces (cf. phénomène de l'explosion documentaire). Caractères du dossier: 3 -il a un caractère actif par rapport au registre -son volume: il peut se composer de 2 pièces (une lettre ou sa réponse par exemple) ; il peut aussi avoir des dimensions considérables (cf. les dossiers des affaires judiciaires). -le dossier cependant se caractérise surtout par l'absolue nécessité qui réunit les pièces qui le composent. Toutes les pièces composant le dossier ont été introduites par le déroulement d'une procédure administrative (exemple d'un dossier de candidature) Du point de vue de la typologie on trouve différentes catégories de dossiers : - les dossiers de principe, contenant dans une Administration les documents de base de l'Administration : statut, textes réglementaires. .. - les dossiers techniques, toujours en rapport avec les missions techniques de l'Administration. Exemple: dans un Service du personnel, ces dossiers seront constitués des dossiers de personnel; dans un service financier, par le budget..... - les dossiers de documentation communément appelés documentation LIRE :SABINE MAS_ Pour un approfondissement de la « notion »de dossier dans la gestion de l’information organique et consignée d’une organisation 20