Dossier
du
CNHIM,
2011,
XXXII, 2
Membranes greffées dans la prise en charge de l’insuffisance rénale chronique terminale
Membranes greffées : une évolution technologique majeure
dont l’impact clinique reste à évaluer
Au cours de ces dix dernières années, la
technologie de fabrication des dialyseurs et des
membranes de dialyse a considérablement évolué,
leur conférant des performances nettement
accrues et permettant d’apporter une réponse plus
adaptée et mieux ciblée aux besoins métaboliques
des malades urémiques.
Les membranes de dialyse sont devenues
progressivement plus perméables à l’eau et aux
solutés, facilitant ainsi l’élimination de toxines
urémiques de bas et de haut poids moléculaire
(membrane de haute perméabilité).
Le recours aux polymères synthétiques
(polysulphone, polyacrylonitrile,
polyéthersulphone, polyamide…) a amélioré
notablement la biocompatibilité des membranes.
L’extrusion raffinée des fibres capillaires a permis
de réduire considérablement le volume des
dialyseurs.
Les membranes bioactives
Les modifications géométriques internes des
dialyseurs ont également permis d’accroître les
performances et les échanges de solutés par
diffusion et convection. Dans ce contexte, il ne
restait plus qu’à apporter de nouvelles
fonctionnalités aux membranes de dialyse, non
couvertes par les propriétés d’échange classiques
diffusives et convectives, ce qui a été fait avec les
membranes bioactives.
Sous ce terme sont en fait regroupées les
membranes de dialyse qui offrent, en plus de leur
perméabilité habituelle, une propriété
supplémentaire :
- soit une capacité d’adsorption accrue du fait de
charges électriques ou d’affinités particulières pour
certaines molécules : tel est le cas du
Polyméthylmétacrylate ou du Polyacrilonitrile 69 ;
- soit une capacité d’échange spécifique ou de
prévention ciblée, tels sont les cas des membranes
greffées avec de l’héparine (H
EPR
AN
®
) réduisant le
risque thrombotique, ou avec de la vitamine E
(VI
TABRAN
E
®
) réduisant le stress oxydatif des
malades hémodialysés.
Cet article de Dossier du CNHIM fait de façon très
intéressante le point sur ces nouvelles membranes
greffées avec des composants biologiquement
actifs, en analysant leurs caractéristiques
fonctionnelles et les études qui supportent leur
utilisation clinique.
Impact chez les malades dialysés
De façon évidente, les études cliniques sont
encore largement insuffisantes pour indiquer ces
membranes en première intention dans le
traitement de l’insuffisance rénale chronique. Les
travaux rapportés sont pour la plupart de courte
durée, sur des effectifs limités, avec des objectifs
intermédiaires ciblés et n’abordent en aucun cas
les effets au long cours sur la morbi-mortalité des
malades dialysés.
Des études complémentaires ayant pour objectif
principal d’analyser l’impact sur la morbi-mortalité
des malades dialysés sont donc nécessaires.
Néanmoins, les propriétés rapportées dans les
différentes études tendant à prouver la réduction
du risque thrombotique et des besoins
hépariniques avec l’H
EPR
AN
®
ou la baisse des
marqueurs du stress oxydatif et de l’inflammation
avec VIE
®
et sont de nature à faire recommander
ce type de membranes dans des populations
sélectionnées et à risques particuliers, ou en
seconde intention.
Ces membranes greffées s’inscrivent bien dans
l’évolution de la compréhension de la physio-
pathologie complexe de l’insuffisance rénale
chronique et augure de nouveaux développements
dans la technologie des membranes et des
dialyseurs.
Pr Bernard Canaud
Néphrologie, Dialyse et Soins Intensifs – Hôpital Lapeyronie – CHRU Montpellier
Membranes greffées :
place dans la prise en charge de
l’insuffisance rénale chronique terminale
Editorial