ou tolérés. Les Français, en particulier, qu'il conviendrait d'attirer en nom-
bre dans le pays pour le coloniser et l'exploiter sont exposés sans défense
«au despotisme de comuniers à demi-sauvages et à demi-civilisés». Le
moyen le plus radical de remédier à tant d'inconvénients serait une annexion
pure et simple, et l'installation d'une sous-préfecture à Sion.
Le Ier juin 1807, Derville-Maléchard expose cette thèse au ministre
Talleyrand. Il l'appuie encore l'année suivante du rapport accablant du
Conseil d'Etat à la Diète, dans lequel s'étale l'anarchie qui règne dans le
pays.
La solution préconisée paraît d'autant plus urgente qu'en 1809, lorsque
de fausses nouvelles, démenties bientôt par les victoires d'Essling et de
Wagram, répandent des bruits de défaites (celles de 1808 en Espagne avaient
déjà suscité de grands espoirs), le pays est agité d'étranges remuements,
surtout dans le Haut-Valais, où l'espionnage impérial signale même des
accointances traîtresses avec les Tyroliens, ennemis de l'empereur.
Dans une lettre du 26 septembre 1809, Derville-Maléchard suggère à
Champagny, nouveau ministre des relations extérieures, de profiter de la
récente paix pour s'emparer du Valais et l'incorporer définivement à la
France. Par esprit de réaction, sans doute, la diète valaisanne ne se prépare-t-
elle pas à élire comme grand-baillif, à la place de de Sépibus qui vient d'accom-
plir son mandat après Augustini, Gaspard-Eugène de Stockalper, « l'homme
le plus considérable du Haut-Valais par sa fortune, et le plus considéré par
son attachement aux anciens usages et aux anciens privilèges ? »
Ce que Derville-Maléchard ne dit pas, c'est qu'il spécule sur ce change-
ment de régime pour être déplacé, car il s'ennuie mortellement dans ce pays
qu'il appelle insolemment sa « Sibérie » ou « le triste séjour des crétins » !
Il ne se doute guère alors qu'il y restera trois ans en qualité de préfet, juste
châtiment de son mépris et de son zèle exagéré.
Bref ! Nous voici au début de cette année 1810, au moment où l'empereur
tout puissant tient à établir solidement le système continental, dirigé contre
son ennemie implacable, l'Angleterre, et à le faire respecter par l'Europe
entière. Or, l'Italie du nord se laisse traverser vers la Suisse par un impor-
tant trafic de cotonnades du Levant. Il
s'agit,
et rapidement, de mieux isoler
l'Italie de la Suisse.
Les suggestions de Derville-Maléchard sont à ce moment soumises à
Napoléon qui ne demande pas mieux que d'être soutenu dans une idée qui
l'obsède depuis longtemps. Abondamment renseigné par Derville-Maléchard,
le ministre Champagny fournit à son maître, le 15 mars 1810, un rapport dé-
taillé « sur les traités de la France avec le Valais, et sur la situation du
pays » qui, paraît-il, est fort mal gouverné et marche très mal. Une notice
sur les personnages les plus marquants
:
de Stockalper, Isaac de Rivaz, Lang,
Tousard d'Olbec, de Sépibus, Charles-Emmanuel de Rivaz, sur le clergé et
son évêque, dépeint comme « tremblant devant un clergé séditieux et imbu
des plus pernicieuses doctrines » et « d'une avarice sordide », une liste de
27 noms suspects, parmi lesquels celui du major Eugène de Courten, retiré