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Introduction : Une Stratégie européenne centrale mais peu connue
Voilà plus de sept ans que l’Union européenne s’est fixée à Lisbonne un « nouvel objectif stratégique
pour la décennie à venir : devenir l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus
dynamique du monde, capable d’une croissance économique durable accompagnée d’une
amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale »1.
Pour atteindre cet objectif, elle a adopté une Stratégie globale qui couvre la plupart des politiques
économiques et sociales conduites par les gouvernements européens, et qui entend permettre à l’UE
de s’adapter au « formidable bouleversement induit par la mondialisation et par les défis inhérents à
une nouvelle économie fondée sur la connaissance ».
Depuis mars 2000, les chefs d’État et de gouvernement de l’UE dressent au printemps de chaque
année le bilan et les perspectives de la mise en œuvre de cette Stratégie au regard des objectifs fixés
à l’horizon 2010. Ils en profitent pour insister sur les enjeux et défis dont le traitement leur paraît
déterminant pour la croissance et les emplois européens : ainsi le dernier Conseil européen des 8 et
9 mars 2007 a-t-il plus particulièrement mis l’accent sur l’approvisionnement énergétique de l’Europe
et la lutte contre le changement climatique. Ils en reviennent cependant chaque fois aux orientations
fondamentales établies en mars 2000, et qui confèrent un intérêt particulier à la Stratégie de
Lisbonne : celui de fournir un horizon politique clair à l’UE et à ses États membres dans la
compétition économique mondiale.
La Stratégie de Lisbonne peut de fait être considérée comme une bonne synthèse des orientations
privilégiées par les pays de l’UE au regard de leurs principaux concurrents économiques.
Dès l’an 2000, les chefs d’État et de gouvernement indiquent que l’UE doit aborder les changements
économiques en cours « d’une manière conforme à ses valeurs et à sa conception de la société ». Ils
insistent sur la fait que la Stratégie de Lisbonne doit s’efforcer de concilier les dimensions
économique, sociale et environnementale de la croissance, conciliation qui n’apparaît pas
nécessairement comme une priorité aussi stratégique aux États-Unis ou dans les pays émergents.
Fortement déterminée par la nécessité d’améliorer la croissance et la compétitivité de l’UE, la
Stratégie de Lisbonne n’en insiste aussi pas moins sur la nécessité « d’entreprendre des réformes
économiques et sociales dans le cadre d’une stratégie positive combinant compétitivité et cohésion
sociale ». La Stratégie de Lisbonne participe également de la recherche européenne d’un
« développement durable », qui fait par ailleurs l’objet d’une stratégie spécifique adoptée par le
Conseil européen de Göteborg en juin 2001.
Dans ce contexte, la Stratégie de Lisbonne ouvre des perspectives opérationnelles qui reflètent elles
aussi les spécificités européennes :
– en premier lieu parce qu’elle se base sur une évaluation des atouts et des faiblesses
économiques des pays de l’UE au regard de leurs principaux concurrents, notamment les
États-Unis ;
– en deuxième lieu parce qu’elle est mise en œuvre sur la base d’une « méthode ouverte de
coordination » qui tient compte de la légitimité prééminente des gouvernements de l’UE sur
les enjeux économiques et sociaux ;
– en troisième lieu parce que ses perspectives opérationnelles doivent par nature
s’accommoder des divergences de situations et de résultats des différents pays de l’UE au
regard des objectifs énoncés.
La Stratégie de Lisbonne nourrit depuis son lancement un débat abondant et approfondi parmi les
spécialistes et praticiens de l’économie et des affaires européennes. Sur ce registre, elle suscite
nombre de critiques plus ou moins voilées, et qui portent à la fois sur les orientations économiques et
sociales qu’elle privilégie, sur la pertinence et la hiérarchie de tel ou tel de ses objectifs, sur les limites
de la méthode retenue pour la mettre en œuvre ou encore sur les résultats parfois insuffisants
auxquels elle aurait donné lieu. Précisons d’emblée que la présente note n’a pas pour objet de
1 Conseil européen de Lisbonne, mars 2000, conclusions de la Présidence (comme pour les autres passages entre guillemets
non référencés).