Filière Ovine et Caprine n° 10, octobre 2004 La fièvre catarrhale. Un article de Ph. Vandiest – F.I.C.O.W. La fièvre catarrhale est une maladie virale non contagieuse transmise aux ruminants par un insecte piqueur. Elle affecte principalement les moutons, et tout particulièrement les agneaux pour qui elle est souvent mortelle. Longtemps cantonnée dans les pays à climat chaud et humide du sud du bassin méditerranéen, la maladie est apparue en Europe du sud-est (Grèce, Bulgarie, Turquie) en 2001 et en Corse, en Italie et en Espagne durant l’été 2003. Le réchauffement climatique et les périodes de forte chaleur observés en Europe du nord depuis quelques années peuvent laisser craindre une extension future de la zone d’activité du moustique, et donc de la maladie, à nos régions. Crainte injustifiée disent certains. Réalisme disent d’autres, qui se souviennent qu’il y a à peine plus de 20 ans on présentait la mouche Lucilia Seratica, responsable des myases ovines, comme typique des pays chauds du bassin méditerranéen. Agent Le virus responsable de la maladie, le virus BT, a été identifié sous 24 sérotypes différents, qui se distinguent notamment par leur virulence qui peut engendrer des taux de mortalité variant de 0 à 20 %. Il affecte les ruminants domestiques (bovins, ovins et caprins) ainsi que certains ruminants sauvages, mais généralement seuls les moutons présentent des symptômes de maladie, les autres espèces restant des porteurs sains. La viande, le lait, les secrétions animales et le milieu ne jouent aucun rôle dans la transmission du virus de la fièvre catarrhale. En présence de protéines, ce virus est très résistant et peut survivre plusieurs années. C’est notamment le cas dans le sang des animaux contaminés, qui de la sorte peuvent le transmettre, dans de très rares cas, par le sperme, qui est le seul mode de contagion du virus. Transmission La transmission du virus de la fièvre catarrhale est faite par un insecte piqueur du type moustique, d’une longueur de 1 à 3 mm, en l’occurrence un diptère hématophage du genre Culicoide. Celui-ci inocule les animaux lorsqu’il se nourrit de leur sang après qu’il ait été lui-même inoculé en se nourrissant du sang de ruminants contaminés. Le culicoide a une durée de vie d’une vingtaine de jour, pouvant cependant atteindre 70 jours, et se nourrit de sang tout les 3 à 4 jours. Il en existe de par le monde plus de 1400 espèces, mais seules une vingtaine environ sont reconnues être des vecteurs de transmission du virus de la fièvre catarrhale. La propagation de la maladie dépend des espèces de culicoides, qui ont des préférences diverses quant aux ruminants qu’elles piquent, des facultés variables de transmission du virus et des exigences différentes en matières de climat. Pour se développer les culicoides ont besoin de longues périodes de chaleur. Ils sont surtout actifs entre le crépuscule et l’aube et piquent plus particulièrement les animaux se trouvant à l’extérieur. La plupart des espèces de culicoides ont besoin d’un milieu humide pour se 1 Filière Ovine et Caprine n° 10, octobre 2004 reproduire. Pour pondre leurs œufs, les femelles des culicoides choisissent de la boue ou d’autres endroits humides enrichis de substances organiques, favorables au développement des larves. Les températures inférieures à 12°C réduisent considérablement leur activité. Symptômes Dans la plupart des cas, les symptômes de cette épizootie sont communs à d’autres maladies (fièvre aphteuse, dermatose ulcérative, ecthyma contagieux, variole ovine ou clavelée etc.), ce qui peut conduire à des diagnostics erronés. Les symptômes de la fièvre catarrhale du mouton sont: une forte fièvre, des tuméfactions et ulcérations au niveau de la bouche et des narines, une salivation écumeuse, des boiteries due à des douleurs au niveau de la couronne, une faiblesse générale avec apathie et isolement du troupeau. Dans de rares cas, on observe aussi une ligne bleutée juste au-dessus des onglons ainsi qu’un gonflement et une coloration bleue de la langue, qui dans certains cas pend hors de la bouche. Cette coloration est à l’origine des désignations anglaise et allemande de la maladie : Blue Tongue Disease et Blauzungenkrankheit. Parfois, la maladie peut aussi être la cause d’avortements. Chez les moutons et tout particulièrement chez les agneaux, la maladie est souvent mortelle, la mort intervenant 8 à 10 jours après l’infection. Ceux qui survivent sont amaigris ou ont un retard de croissance. Ils deviennent stériles et présentent dans la plupart des cas une perte de poils. Répartition de la fièvre catarrhale du mouton La fièvre catarrhale du mouton apparaît surtout dans les pays chauds entre le 35e parallèle sud et le 44e parallèle nord, région qui apporte les conditions de température et d’humidité propices au développement et à l’activité des culicoides. La maladie s’est déjà propagée dans plusieurs pays du sud de l’Europe. Bien qu’il soit vrai que le climat en Europe du nord n’est pas à priori favorable aux culicoides, certains craignent cependant que la maladie n’y apparaisse, ne fusse qu’épisodiquement, le vent apportant des moustiques contaminés du sud de l’Europe qui profiteraient d’une période de forte chaleur pour répandre la maladie. D’autres craignent même un risque futur de la maladie dans nos régions plus permanent, le climat se réchauffant, les conditions d’humidité étant habituellement présentes et les culicoides pouvant aussi présenter des facultés d’adaptation. Prévention du risque d’extension de la maladie Aux termes de la classification des maladies établie par l’Office International des Epizooties (O.I.E.), la fièvre catarrhale du mouton fait partie de la liste A, à savoir des maladies transmissibles qui ont un grand pouvoir de diffusion et une gravité particulière, susceptible de s’étendre au-delà des frontières nationales, avec des conséquences sanitaires et économiques graves. Bien que le virus soit non contagieux, exception faite par le sperme mais dans de très rares cas, il survit dans le sang des animaux contaminés et peut donc se propager par le biais de piqûres de moustiques culicoides, pour autant que le milieu soit favorable à la présence de ces moustiques. C’est la raison pour laquelle l’O.I.E. a décrété l’interdiction d’importer des animaux vivants en provenance des régions touchées et d’interdir le commerce international d’animaux qui ont eu un contact avec le virus et qui sont porteurs d’anticorps contre celui-ci (animaux séropositifs). 2