Schwob donna au Journal, de février à avril 1895,
l’ensemble des récits constituant son livre, édité au
Mercure de France, en 1896, à 500 exemplaires. Il en
tira certainement l’argument de ses lectures, qui
l’avaient familiarisé avec les légendes hagiographiques
et les « historiettes miraculeuses ». Cette croisade serait
issue d’une curieuse narration, de quelques phrases
latines d’une chronique du temps de Saint Louis
racontant de façon sibylline le passage de pèlerins
ignorants, armés de leur seule naïveté. Ils voulurent
gagner Jérusalem et disparurent mystérieusement dans
une tempête. Mais le fait historique de cette désastreuse
entreprise s’est révélé authentique. Vers 1212, des
milliers d’enfants partirent pour la Terre sainte et furent
pour la plupart massacrés avant même de pouvoir
embarquer. Cela se passait peu avant l’appel, par le
pape Innocent III, de la cinquième croisade.
Le livre se compose de huit versions, par huit
personnages différents, du même événement. Dans la
préface qu’il écrivit en 1949 pour une traduction
espagnole de la Croisade, Borges note : « Il rêva qu’il
était le pape, l’étudiant libertin, les trois enfants, le
clerc. Il appliqua, dans son travail, la méthode
analytique de Robert Browning, dont le long poème
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