Les lésions oculaires en Médecine Légale Clinique T. GAY A. BAUD SERVICE DE ML – Séance bibliographique du 3 décembre 2012 INTRODUCTION Devant un traumatisme oculaire récent, il faut distinguer 3 situations : Les contusions oculaires, Les traumatismes orbitaires, Les corps étrangers. Il faut toujours vérifier que le traumatisme est strictement oculaire, et qu’il n’y a pas de lésion associée (traumatisme crânien, traumatisme facial, etc…). LES LÉSIONS OCULAIRES : PLAN En segment antérieur Cornée Conjonctive Chambre antérieure Iris Cristallin Tonus oculaire En segment postérieur Rétine Vitrée Choroïde Rupture du globe, et traumatismes perforants CONTUSIONS DU SEGMENT ANTÉRIEUR (I) a) cornée : La contusion légère entraîne une simple érosion superficielle (visible après instillation de fluorescéine). La douleur est très vive, avec une sensation de corps étranger associée à une photophobie et à un larmoiement clair intense. Elle cicatrise sans laisser de trace. Attention : Il faut se méfier si le choc a été violent, et notamment il faut s’assurer qu’il n’y ait pas une perforation du globe sous-jacente (signe de Seidel, qui se traduit par un écoulement d ’ humeur aqueuse, avec aplatissement de la chambre antérieure, et souvent avec un iris déformé voire hernié). une érosion de la cornée en coup d’ongle peut donner une kératite névralgique récidivante tardive. Elle se caractérise par des crises aigue de larmoiement et par un blépharospasme prédominant le matin au réveil. Les gaz lacrymogènes provoquent des lésions bénignes, avec inflammation conjonctivale et larmoiement. Cependant, des opacifications cornéennes définitives voire la perte fonctionnelle de l’œil sont possibles en cas de projection du liquide. Les lésions profondes laissent toujours persister une opacité cicatricielle, et elles peuvent entraîner un certain degré d’astigmatisme. CONTUSIONS DU SEGMENT ANTÉRIEUR (II) b) conjonctive : Une hémorragie sous-conjonctivale peut être certes isolée, mais il faut toujours d’abord penser à rechercher des signes évoquant un traumatisme orbitaire, une plaie sclérale sous-jacente ou un corps étranger intraoculaire. CONTUSIONS DU SEGMENT ANTÉRIEUR (III) c) chambre antérieure : Un hyphéma se fait en général spontanément vers la résorption, mais le risque est la récidive hémorragique. Un hyphéma récidivant massif peut être responsable d’une « infiltration hématique de la cornée » (hématocornée) irréversible. CONTUSIONS DU SEGMENT ANTÉRIEUR (IV) d) iris : on peut observer : une iridodialyse = désinsertion à la base de l’iris, une rupture du sphincter de l’iris (au bord de la pupille), une mydriase post-traumatique (avec diminution du réflexe photomoteur). CONTUSIONS DU SEGMENT ANTÉRIEUR (V) e) cristallin : Une subluxation du cristallin = luxation incomplète par rupture partielle de la zonule, Une luxation complète du cristallin dans la chambre antérieure ou dans la cavité vitréenne par rupture totale de la zonule, ou en 2 temps après une subluxation initiale. Une myopie post-traumatique souvent transitoire. Si elle est accompagnée d’un myosis, elle est due à un spasme accommodatif. Une cataracte contusive : Elle apparaît plusieurs mois ou années après le traumatisme, suite à une perforation de la capsule, ou après une contusion par mécanisme direct ou indirect. CONTUSIONS DU SEGMENT ANTÉRIEUR (VI) f) une hypertonie oculaire peut être provoquée par des lésions traumatiques de l’angle iridocornéen, bien visibles en gonioscopie, ou par des corps étrangers méconnus. On peut observer lors d’une hypertonie oculaire post-traumatique, une élévation de la pression de l’œil controlatéral purement fonctionnelle. CONTUSIONS DU SEGMENT POSTÉRIEUR (I) a) œdème rétinien du pôle postérieur ou ≪ œdème de Berlin ≫ : œdème rétinien blanc laiteux occupant la région du pole postérieur, responsable d’une baisse l’acuité visuelle initiale, il évolue en général spontanément vers la guérison, mais il peut parfois évoluer vers la constitution d’un trou maculaire avec une baisse d’acuité visuelle sévère et définitive. CONTUSIONS DU SEGMENT POSTÉRIEUR (II) b) déchirures rétiniennes périphériques : Elles peuvent aboutir à la constitution d’un décollement de la rétine. Celui-ci peut survenir à distance du traumatisme, parfois plusieurs mois après, posant un problème d’imputabilité, surtout chez les sujets prédisposés comme les myopes forts. CONTUSIONS DU SEGMENT POSTÉRIEUR (III) c) L’hémorragie intravitréenne par rupture vasculaire rétinienne traumatique évolue en général favorablement, vers la résorption spontanée. Lorsqu’elle empêche la visualisation de la rétine, elle doit faire pratiquer une échographie B à la recherche d’un décollement de rétine associé. d) ruptures de la choroïde : Elles peuvent laisser une baisse d’acuité visuelle définitive lorsqu’elles siègent en regard de la macula. RUPTURE DU GLOBE ET TRAUMATISMES PERFORANTS Les traumatismes très violents peuvent provoquer une ou plusieurs ruptures du globe oculaire sur des zones de moindre résistance, révélées par une hypotonie, une hémorragie sous conjonctivale, et une hémorragie intra-vitréenne. Le pronostic, même après suture de la plaie, est de très mauvais pronostic, et peut conduire à une infirmité. Dans les traumatismes perforants, les plaies, sont parfois évidentes, larges, de mauvais pronostic, se compliquant très fréquemment de décollement de rétine ou d’atrophie du globe oculaire avec une cécité complète définitive. RUPTURE DU GLOBE ET TRAUMATISMES PERFORANTS (II) En cas d’infirmité ou de mutilation, comme dans de telles lésions, les faits sont alors passibles de la Cour d’Assises, et les auteurs peuvent être punis de dix ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende, selon l’article 222-9 du code pénal,. FRACTURES DE L’ORBITE À propos d’un cas clinique GAY Tiffany, BAUD Antoine 03/12/2012 CAS CLINIQUE Matis, 11 ans, est amené aux urgences par sa mère, un mercredi après midi. Lors d’une dispute pendant un match de foot avec ses amis, il aurait reçu un coup de poing au visage. Il présente une tuméfaction ecchymotique périorbitaire gauche. La palpation sous orbitaire est douloureuse. Lors de l’examen ophtalmologique, Matis se plaint de voir double lors de la fermeture de l’œil droit. L’élévation du globe oculaire droit est normal, contrairement au globe oculaire gauche restant immobile. L’examen neurologique met en évidence une hypoesthésie dans la région sous orbitaire et de l’aile du nez à gauche. Fracture du plancher de l’orbite : Fracture de l’os maxillaire Choc direct sur le cadre orbitaire, de type coup de poing Fracture du toit de l’orbite : Fracture de l’os frontal Choc violent en regard du rebord supra-orbitaire Fracture du plancher de l’orbite : Signes cliniques Elle résulte d’un traumatisme direct sur le cadre orbitaire (coup de poing, coup de coude…) Signes indirects de la fracture sous jacente : • Hématome périorbitaire • Enophtalmie • Diplopie verticale due à l’incarcération du droit inférieur (« trap door fracture ») • Emphysème sous-cutané • Troubles de la sensibilité dans le territoire du nerf sous-orbitaire : joue, aile du nez, lèvre supérieure et arcade dentaire supérieure du côté de la fracture Fracture du plancher de l’orbite : Signes cliniques Signes cliniques à rechercher : • Limitation de l’élévation du globe oculaire par incarcération du muscle droit inférieur • Hypo / anesthésie sous orbitaire • Déviation du globe : Enophtalmie > prolapsus de la graisse périorbitaire dans le sinus maxillaire Exophtalmie > hématome rétro-orbitaire Ptose du GO lors de fractures importantes avec effondrement du plancher • Lésion des paupières et des voies lacrymales • Atteintes ophtalmologiques : diminution de l’acuité visuelle, plaie de cornée, décollement de rétine, hémorragie intravitréenne À l’examen ophtalmologique, Matis se plaint de douleurs à l’œil gauche et dit avoir « l’impression d’avoir du sable dans l’œil ». L’examen ophtalmologique est difficile car Matis a du mal à ouvrir ses paupières et supporte mal la lumière. L’œil apparait rouge et larmoyant. Après examen au biomicroscope, l’ophtalmologue décide d’effectuer un examen de la cornée à la lumière bleue après instillation de fluorescéine La fluorescéine se fixe sur les zones d’irrégularité, d’érosion du globe oculaire. Ici, on peut observer une ulcération en coup d’ongle du globe oculaire Fracture du plancher de l’orbite : Bilan radiologique Devant les signes cliniques évoquant une fracture du plancher de l’orbite G, un scanner du massif facial a été réalisé : Scanner SYSTÉMATIQUE : but diagnostique par visualisation du trait de fracture Mise en évidence des complications : > Emphysème sous cutané : hyper clarté > Incarcération graisseuse et / ou musculaire : image en goutte appendue au plancher > Hémosinus > Autres fractures de la face Le scanner révèle la présence d’une fracture du plancher de l’orbite gauche avec incarcération musculo-graisseuse > fracture en trappe avec risque de nécrose du muscle droit inférieur > URGENCE CHIRURGICALE Fracture du toit de l’orbite : Signes cliniques Elle résulte d’un choc frontal violent, entrainant une fracture du plancher de l’os frontal Signes indirects de la fracture sous jacente : • Un hématome périorbitaire • Une incarcération du muscle releveur de la paupière et du muscle droit supérieur > diplopie verticale, ptosis • Une compression des éléments vasculo-nerveux lorsque les fractures atteignent l’apex orbitaire (zone de passage des éléments vasculonerveux) • Une hypo/anesthésie dans le territoire du nerf ophtalmique Signes cliniques à rechercher : • Une imitation de l’abaissement du globe oculaire par incarcération du muscle droit supérieur • Un ptosis par incarcération du muscle releveur de la paupière • Des troubles oculomoteurs Complication spécifique : sinusite frontale post-traumatique entraînant une infection méningée, cérébro-méningée Fractures de l’orbite : Complications Fracture non traitée : • Vision double (diplopie) verticale • Énophtalmie • Enfoncement inesthétique éventuel du rebord orbitaire inférieur ou supérieur • Troubles permanents de la sensibilité de la joue, de la partie latérale du nez, de la lèvre supérieure et des dents supérieures pour les fractures du plancher (nerf sous-orbitaire) / du globe oculaire, de la paupière supérieure, de la racine du nez et du front (nerf ophtalmique) Post-opératoire : • Infection des plaies opératoires (abcès et/ou sinusite) • Complications ophtalmologiques (ulcération, kératites…) • Compression du nerf optique liée à un hématome intra-orbitaire post-opératoire ou à un syndrome de l’apex orbitaire (fractures du toit) qui peut être responsable d'une cécité monoculaire • Persistance de la diplopie • Enophtalmie par persistance de l’enfoncement du GO ou exophtalmie par correction excessive de cet enfoncement • Insensibilité souvent temporaire d'une partie de l'hémiface • Troubles de la statique des paupières (entropion, ectropion) • Séquelles morphologiques / esthétiques Lésions oculaires : détermination de l’ITT Érosion simple isolée : de l’ordre de 2-3 jours Conjonctivite par gaz lacrymogènes : de l’ordre de 3-4 jours Traumatisme péri-orbitaire sans fracture : de l’ordre de 5 jours Fracture du cadre orbitaire traitée en ambulatoire : de l’ordre de 5 jours Fracture du cadre orbitaire traitée chirurgicalement : de 15 à 21 jours Perte d’un globe oculaire : infirmité passible de la Cour d’Assises. Prudence sur une évaluation trop précoce de l’ITT, car de nombreuses lésions apparaissent à distance nécessitant parfois une réévaluation.