AJDA
AJDA 2013 p. 2415
Les corridors écologiques à l'aune de la jurisprudence administrative
François Benchendikh, Maître de conférences à l'institut français d'urbanisme, université Paris-Est Marne-
la-Vallée
L'essentiel
Si la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement a formalisé la férence à la notion de corridor
écologique dans le code de l'environnement, les acteurs locaux n'ont pas pour autant attendu cette disposition gislative pour
s'intéresser à la perte de la biodiversité et à la probmatique du placement des esces vétales et animales. Les collectivités
centralisées n'ont pas éinsensibles à la prise en compte de ces enjeux dans leurs documents d'urbanisme avant même la
publication de cette loi. Différentes jurisprudences ont donc é rendues sur des documents d'urbanisme élabos avant l'entrée en
vigueur de la loi de 2010.
Si la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant e ngagement national pour l'environnement (art. 121) a intégré dans le
code de l'environne ment la rence à la notion de corrido r é cologique comme l'une des composantes de la trame ve rte
et bleue (TVB ; art. L. 371-1 I 2°, II 2° et IV C. envir.) et du schéma giona l de cohére nce écologique (art. L. 371-3 et R.
371-24 et s. C. envir.), il a fallu attendre la fin de l'anné e 2012 pour voir la publication du dé cret n° 2012-1492 du 27
décembre 2012 relatif à la trame ve rte et bleue ; v. A. Va n Lang, La protection des continuités écologiques : avan e s et
limites du droit. A propos du décret n° 2012-1492 du 27 déc. 2012 relatif à la trame verte et bleue, RDI 2013. 255 ) et
par làme la définition de la notion de corridor écologique.
Il faut cependant pcise r qu'e n 2011, dé, une définition à la notion de corridor écologique a été publiée au Journal
officiel (v. égal., M. Bonnin, Les corridors écologiques. Vers un troisième temps du droit de la conservation de la nature ?,
L'Harmatta n, coll. Droit du patrimoine culturel e t na turel, 2008, p. 33). Le bio-corridor y est défini comme un « espace
reliant des écosystèmes ou des habitats nature ls, qui permet le déplacement des espèces ainsi que le bra ssage
génétique de leurs populations » (JO 1ervr. 2011, p. 2057).
D'ailleurs avant le dé cret de 2012, le comité opérationne l de la TVB a dé fini le corridor é cologique comme une « voie de
déplacement e mpruntée par la faune e t la flore, qui re lie les réservoirs de biodive rsité. Cette liaison fonctionnelle entre
écosystèmes ou habitats d'une espèce permet sa dispe rsion et sa migration » (prise en compte des orientations
nationales pour la p servation et la remise en bon é tat de s continuités é co logiques par les grande s infrastructure s
linéaires de l'Etat et de ses établisse me nts publics - 3e document en appui à la mise en oeuvre de la TVB en France).
Toujours est-il que le décret de 2012 indique que les corridors écologiques assurent des connexions entre des se rvoirs
de biodiversité offrant aux e spè ce s de s conditions favorables à leur déplacement et à l'accomplissement de leur cycle de
vie (art. R. 371-19 III C. envir.). Il p cise é galement que les corridors écologiques, avec les servo irs de biodiversité,
font partie des continuités écologiques constitua nt la TVB (art. R. 371-19 I C. envir.) et sont ren s dans un
document-cadre (art. L. 371-2 et R. 371-24 al. 2 C. envir.).
Ainsi, les corridors écologique s corresponde nt à des espaces intermédiaires de liaisons e ntre les servoirs de
biodiversité appe s é galeme nt par la pratique des « coeurs de nature ». Les corridors peuve nt, se lon le texte
glementaire , prendre différentes formes : linéaire s, discontinus ou pa ysage rs. Il convient de remarque r ici que cette
typologie provient de celle identifiée en écologie du paysage (F. Burel et J. Baudry, Ecologie du paysage. Concepts,
méthodes et applications, TEC & DOC, 1999, 362 pages) selon laque lle trois sortes de corridors sont distingués : les
corridors linres (ce sont par e xemple les ha ies, les chemins et les bords de che mins, les ripisylves...), les corridors en
pas japonais (ponctuation d'espaces-relais ou d'îlots-refuge s comme des mares ou des bosquets...) e t les matrices
paysagè res (type de milieu paysager, artificialisé, agricole...).
Le dé cret de 2012 (art. R. 371-19 III al. 3 C. envir.) qualifie les espace s mentionnéBiens aux 2° et 3° de l'article L. 371-1
II du code de l'environnement (issu de la loi n° 2010-788 du 12 juill. 2010, a rt. 121) de corridors écologiques. Il s'agit à la
fois de corrido rs écologiques constitués des espaces nature ls ou semi-na ture ls ainsi que des formationsgé tales
linéaires ou ponctuelles, permetta nt de relier tout ou partie des espaces protégés (espaces naturels : livre III et titre Ie r
du livre IV du code de l'environne me nt) ainsi que des espa ce s naturels importants pour la pserva tion de la biodive rsité.
Le texte glementaire précité qualifie éga lement comme corridor écologique certains cours d'eau, sections de cours d'e au
et plans d'eau de plus de dix hectares où l'exploitant ou, à défaut, l'occupant ou le propriétaire de la parce lle rive ra ine ,
est tenu de mettre en place et de maintenir une couverture gé tale permanente composé e d'espèces adaptées à
l'écosystème (art. L. 211-14 I C. envir.) alorsme que la loi est silencieuse à ce suje t.
Tel est éga lement le cas pour les cours d'e a u, parties de cours d'e a u et ca na ux mentionnés aux 1° et 3° de l'article L.
371-1 III du code de l'environnement, lesquels sont qualifiés, toujours d'après le texte régle mentaire (art. R. 371-19 IV al.
1er C. envir.), à la fois deservoirs de biodiversité e t de corrido rs écologiques.
Le me dé cret (art. R. 371-19 IV al. 2 C. envir.) pro de de manre ide ntique e n estimant que les zones humides
constituent des servoirs de biodive rsité ou de s corridors écologiques ou les de ux à la fois (art. L. 371-1 III 2° et 3° C.
envir.) alors que la loi reste silencieuse sur point.
Le texte glementaire de 2012 pcise que le sché ma gional de cohérence écologique comporte notamment un volet
p sentant les continuité s écologique s retenues pour constituer la TVB gionale et identifiant les servoirs de
biodiversité et les corridors (art. R. 371-25 C. envir.). Ce dernier doit pcise r les approche s et la thodologie retenues
pour l'identification et le choix de s servoirs et des corridors (art. R. 371-27 C. envir.).
Enfin, on notera que les schémas d'anagement régional des régions d'outre-mer vont pouvoir faire ré re nce aux
corridors écologiques (art. R. 4433-2-1 CGCT).
Néanmoins, avant l'in gration de la no tion de corridor écologique dans le droit positif et à l'instar du droit
communautaire, le juge administratif a été appe à vérifier l'existence de corridors biologiques. En effet, avant l'ente en
vigue ur des texte s de 2010 et de 2012, on retrouve à la fois dans le discours des acteurs e t da ns les documents
d'urba nisme les expressions de : « coues vertes », « corridors écologiques » ou bien encore de « bio-corridors ». Les
collectivité s décentralisées n'ont do nc pas atte ndu les lois Grenelle pour fairerence à cette notion dans leurs
documents d'urbanisme. A titre d'exemple, on peut citer la directive territoriale d'ana gement de l'aire tropolita ine
lyonnaise approuvée le 9 ja nvier 2007 qui fait re nce à des « liaisons entre les coeurs verts » traduite s par le juge
administratif de pre mière instance (TA Lyon, 24 avr. 2012, Commune de Châteauneuf, n° 1004759, v. infra) comme des
corridors écologiques. On pe ut également citer le plan local d'urbanisme (PLU) de la commune de Moirans où une pa rtie
d'un bois fait l'obje t d'un classe ment en secteur spé cifique NCo de corridor é cologique (CAA Lyon, 19 juin 2012, n°
10LY01232). Tel est le cas également du POS (plan d'occupation des sols) de la commune de Renne s où le juge
administratif a considé qu'une enclave verte pse rvé e et e nfe re au coeur de la ville joue lele de corridor
écologique (CAA Nantes, 29 no v. 2005, Société Compagnie industrielle d'applications frigorifiques et électro-mécaniques
[CIAFEM] et autres, n° 04NT01107).
Le juge administratif a donc eu, à plusieurs reprises, l'occasion devéler l'existence de corridors écologiques en
s'appuya nt sur les différentes qualifications de ce s espaces dé psentes dans les documents d'urba nisme. Ainsi, à
partir de 2008, plusieurs arts so nt rendus dans lesque ls le juge a dministratif fait re nce à cette notion. C'e st ainsi
que dans l'art du 26 novembre 2009, Communauté d'agglomération du Lac du Bourget (n° 07LY01589), la cour
administrative d'appel de Lyon a considé que le maintien de la biodive rsité e st une composante de l'in t public.
Les corridors écologiques n'ont donc pas exclusivement des objectifs environnementaux, comme d'ailleurs jadis les
greenways. s lors, le juge administratif est amené à a ppcier les différents enjeux qui pe uvent figure r au sein de ces
espaces.
I - Le juge administratif, arbitre entre les différents enjeux des corridors écologiques
La jurisprude nce illustre asse z nette me nt la façon dont le juge a dministratif prode à la hrarchisation des différents
enjeux présents au sein des corridors éco logiques malg une conna issance scientifique souvent absente. L'identification
de corridors écologiques au sein d'une directive territoriale d'anagement ou d'un sché ma de cohérence territoriale
(SCOT) conduit inévitablement le juge administratif à a pp cier le principe de compatibilité à l'égard des documents
d'urba nisme immédiatement inrieurs.
A. La délicate hrarchisation de s enje ux eu é gard à la difficile objectivation scientifique de s corridors
Si le corridor é cologique semble être un moyen de plus e n plus soule par les requé rants pour faire échec à une
opération d'urbanisme, sa psence n'est pas forment un é ment suffisa nt pour porter atte inte à la réalisation d'un
projet éolien. Le juge a reconnu le caractère suffisant d'une é tude d'impact réalisée dans le cadre d'une demande de
permis de cons truire re lative à la alisation d'un parc éolien composé de 9 aérogénéra teurs de 125 tres de haut e t
d'un poste de livra ison au motif de l'absence d'atteinte au « corridor biologique situé à proximité et constitué par la zone
de passage de Sacy-le-Grand pour les ce rfs, les sangliers, les chevreuils, les blaire aux et le s lièvre s » (CAA Douai, 27
se pt. 2012, Société Anemos-Plaine d'Estrées, n° 11DA01459).
Le juge, pour justifier sa position, indique que : « [...] les impacts temporaires, sulta nt des travaux de construction, et
permanents du proje t sont envisagés et é valués comme faibles e n raison, notamment, de la alisa tion de s travaux le
jour, du nombre restreint d'animaux concernés ou du nagement d'une vaste zone centrale dépourvue d'obstacle
permettant les é ventuels passage s migratoire s justifiant ainsi l'absence de me sure de duction de s impacts permanents,
certaine s mesures de duction des impacts temporaires étant par ailleurs p vues ; qu'ainsi, c'est à tort que le pfet a
estimé que l'étude d'impact était insuffisa nte en ce qui conce rne le volet écologique ».
On pe ut de meure r pe rplexe concerna nt les éments avan s visant à démontrer l'existence d'impacts temporaires e t
d'impacts faibles. La rence à la notion de « pa ssages migratoires » cités par le juge n'est pas du tout appropriée aux
mammifères énon s dans l'arrê t. En effet, ce ux-ci ne sont pas des animaux migrateurs. De plus, l'importance du
déplacement pour les espèces animales n'e st nulleme nt s e re aux animaux migrateurs. Le juge oublie ainsi les
nombreuses autres fonctions des corridors pour les animaux, notamment pour se nourrir ou pour se re produire. Enfin, le
juge faitrence a ux « éventuels passages ». Il paraît pour le moins curieux de se baser sur des suppositions alors qu'il
aurait fallu identifier les passage s à faune, ce que la partie requé rante n'a peuttre pas fait.
Ainsi, l'obje ctivation de la connaissance scientifique (A. Debray, La notion de réseau é cologique e n France : construction
scientifique, appropriation pa r les politiques publiques e t traduction territoriale , VertigO, 2011,
http://vertigo.revues.org/10687) permettrait d'app he nder les conséquences de ce proje t sur la faune sylvicole. Le bruit
géné par ces aérogé né rateurs peut, dès lors qu'ils sont situés à proximité de s lieux de passage de s animaux, pe rturber
considé rablement la vie de s animaux et notamment leur dé place ment.
Ce rtains arrê ts montrent que le juge administratif est parfois silencieux concernant les raisons pour lesque lles un projet
ne peut avoir lieu e u é gard à sa proximité avec un corridor écologique. Ainsi, l'autorisa tion d'exploiter une installation de
production éle ctrique fonctionna nt au gaz naturel dé livrée pa r le ministre chargé de l'éne rgie a pu ê tre annue pa r le
juge administratif de première instance a u motif que cette installation devait être a lisé e sur des terre s agricoles, sur un
terrain situé à proximité d'une zone Natura 2000 e t à environ 300tres d'un co rridor écologique co nstitua nt un corrido r
de circulation de la faune majeur à l'échellegionale et nationale (TA Amiens, 15 nov. 2011, Association Pas de centrale en
Basse-Automne c/ Regroupement des organismes de sauvegarde de l'Oise [ROSO], n° 0901151, AJDA 2012. 615 ). Si trois
éments concoure nt à l'annulation de cette autorisation d'e xploiter, le juge administratif, sans en expliquer les raisons,
considè re que la proximité du co rridor é cologique contribue à faire échec à l'installation de cet équipement.
Ma is avant de vérifier si la alisation d'un projet d'urbanisme peut avoir des effets sur un co rridor écologique, le juge e st
tenu da ns un premier temps d'a ppcier la psence sur le territoire concerné d'un corridor. Da ns un arrê t de 2010, le
juge administratif d'appel refuse d'annuler un permis de construire re latif à l'édification de deux éolienne s eu é gard à
l'absence d'existence de corridors biologiques (CAA Douai, 1er juill. 2010, Association Picardie nature, n° 09DA01079).
L'intégration des corridors é cologiques dans les documents d'urbanisme n'e st pa s pour autant justifiée par l'existence
d'informations scientifiques. Il n'est pas ra re, e n e ffe t, de constater que lors de l'élaboration de documents d'urbanisme
les collectivités territoriales ne prodent pas systématiquement à la alisation d tude s permetta nt d'ide ntifier de s
espaces susceptibles de jouer le rôle de corridors écologiques. Souve nt les collectivités prére nt recourir aux
connaissances scientifiques e xistantes sur leur territoire.
Afin de pe rmettre au juge administratif d'apphende r l'existence du classement d'une zone e n corridors écologiques,
encore faut-il pouvoir objectiver la pertinence du classement. En l'absence de connaissance scientifique, il est ts difficile
pour le juge administratif d'analyser cette nouve lle forme de zonage . En d'autres termes, il s'avère que le juge éprouve
certaine s difficultés pour constater l'atte inte ou non à la fonctionnalité d'un corridor écologique au vu de la faiblesse d'une
information scientifique obje ctivé e .
Il e st tout autant difficile pour les scientifiques dva luer l'utilité écologique des TVB po ur l'ense mble de s espèces prises
individuellement. Des choix devront donc être réalisés. Sans éva luation il sera difficile de tirer de s conclusions sur les
bienfaits da ns le domaine de la biodiversité de la TVB.
Aussi, il est important d'indiquer que les notions de corridors et de seaux demeurent controversées dans le monde de
l'écologie scientifique (1) du fait notamment de la propagation des e spè ce s inva sive s qu'ils peuve nt engendre r.
Outre ce tte a bse nce de maîtrise du savoir expert, le juge est parfois conduit à apprécier la notion de compa tibilité e u
égard à lare nce aux corridors dans les do cume nts d'urba nisme.
B. L'appciation de s corridors écologiques au moye n de la notion de compatibilité
La p sence de la notion de corridor écologique dans un document d'urbanisme produit des effets juridique s à l'égard du
document immédiatement inrie ur en application du principe de compa tibilité limitée.
C'est ainsi que la rence à des « liaisons entre les coeurs verts » da ns la directive te rritoriale d'anage me nt (DTA) de
l'aire tropolita ine lyonnaise approuvée par décre t le 9 janvier 2007 impose au SCOT Sud Loire (art. 13 III de la loi n°
2010-788 du 12 juill. 2010 et a rt. L. 111-1-1 al. 4 anc. C. urb.) d tre compa tible avec ladite DTA. C'est donc gitimement
que le SCOT Sud Loire a dé fini de s « liaisons ve rtes à préserver pour la biodiversité ». Cepe ndant, la partie requérante, la
commune de Châtea uneuf, a fait état, pour obtenir l'annulation de la délibération par laquelle le syndicat mixte a
approuvé le SCOT, de l'incompatibilité de la liaison ve rte du SCOT Sud Loire ave c le tra retenu par la DTA de l'aire
tropolita ine lyonnaise . Le tribunal administratif de Lyon (24 avr. 2012, p c.) a estimé que la différence d che lle entre
ces deux documents, à savoir le schéma du seau des espaces nature ls e t agricoles majeurs de la DTA, d'une part, et le
plan des orientations de p servation du SCOT, d'autre part, ntait pas un motif suffisant pour obtenir l'annulation du
SCOT. En effet, le syndicat mixte, a uteur du schéma de cohérence te rritoriale, a vait pris la pe ine d'identifier la liaison da ns
unme secteur.
Si le juge n'est pas insensible à la différence dchelle e ntre les différents documents d'urba nisme, force est de constater
que c'e st sur un autre point que la confrontation entre la DTA et le SCOT a urait pu se produire . Ains i, la DTA a pvu des «
liaisons e ntre les coe urs verts » destinées à favoriser les é changes écologiques « qui n'accueilleront ni développe ment
sidentiel, ni dé veloppe ment économique ». En p voyant des corridors écologiques monofonctionnels e ntre les coeurs
de nature, la DTA ne risque -t-elle pas d'imposer des usages pouvant être inada ptés aux e njeux du SCOT ? En d'autres
termes, c'est davantage les prob matiques liées aux contraintes d'usage s qu propre ment pa rler les que stions dchelle
qui sont susce ptibles de porter atteinte a u principe de compatibilité complexifié par l'état du droit.
Outre la relation entre une DTA et un SCOT, la p sence de corridors écologiques au se in des SCOT impose aux PLU dtre
compa tibles. C'est ainsi que la commune de Pont-Sainte-Maxe nce a identifié dans son gleme nt de P LU une zone Nce
dans le but d tre compatible ave c le SCOT de la communauté de communes des Pays d'Oise et d'Ha latte . La re nce
aux corridors écologiques appa raît ts clairement a u se in du SCOT : à la fois dans le ra pport de psentation, da ns le
plan d'anagement et de dé veloppe me nt durable, mais éga lement dans le document d'orientation généra le. L'espace
du territoire identifié comme corridor écologique a é té parti en deux zones : des espaces naturels prioritaires
(protection forte) repsentant 5 435 ha et des espaces na ture ls maje urs (protection modé e ) représentant 2 068 ha.
Pour ce faire, la daction du glement du PLU communal relatif au se cteur concerné pa r un corridor écologique est pour
le moins ambiguë . Da ns le PLU, on peut lire que le se cteur Nce fait rére nce aux :
« - anagements et ouvrages liés à la ge stion e t au fonctionnement d'un passage à faune ;
- clôtures à condition qu'elles puisse nt être franchies par la petite faune ou grande faune sauvage (type 2 ou 3 fils) ».
La ré re nce aux corridors é cologiques au sein de s SCOT conduit à s'inte rroge r sur la précision a vec laquelle il convient de
prode r. Que lle échelle faut-il a dopter pour ca rtographier les corridors écologiques au sein de ce sché ma ? Si les
corridors écologiques tro uvent, da ns le schéma de cohére nce territoriale, un outil pcieux pour sa formalisation, il
appara ît que dans certains territoires, le SCOT appa raît détourné de la philosophie originelle. Tel e st le cas du SCOT de
l'Artois qui contient une carte de corridors au 1/15 000e.
Nous savons aussi que la loi a acco mpa gné cette tendance au renforcement de la p cision de ces sché mas, ce qui n'est
pas sans rappe ler le reproche fait aux anciens sché mas directeurs d'ana gement et d'urbanisme. Ainsi, le SCOT
détermine les espaces et sites naturels, agricoles, forestiers ou urba ins à protéger. Il pe ut en dé finir la localisation ou la
délimitation (art. L. 122-1-5 I et II C. urb.). Il est, par ailleurs, pvu que les SCOT puissent dé finir de s zone s
d'anagement commercial (art. L. 122-1-9 C. urb.).
Ce tte extme pcision (TA Orans, 16 juin 2009, Société Sodichar SAS c/ Commune de Barjouville, n° 0602577, AJDA
2009. 1958 , concl. J. Francfort ) de l'identification de s corridors écologiques au sein des SCOT risque d'entraîner des
contentieux futurs.
Si le juge administratif exe rce une place privilége en tant qu'arbitre e ntre les différents enje ux présents au sein des
corridors écologiques, il est tenu de retir la fonction de gardien afin de maintenir la fonctionnalité des corridors
écologique s mobilisés parfois à d'autres fins.
II - Le juge administratif, gardien de la fonctionnalité des corridors écologiques
Le juge administratif a eu, à plusieurs reprises, l'occa sion de véler l'existence de corridors écologiques en se basant
notamment sur leur fonctionnalité ava nt l'ente en vigueur de s dispositions gislatives et glementaires, mais dans un
cadre normatif où les e njeux de la pserva tion de la biodive rsité apparaissent ne ttement depuis plusieurs année s. Si les
corridors pe uvent être app hendés comme de s espace s multifonctionnels fondé s sur une vision utilitariste de la nature,
ils peuvent parfois ê tre utilisés pour atteindre de s obje ctifs po ur le moins discutables.
A. A la recherche de la fonctionnalité des corridors écologiques
Deux ans avant l'anné e de la biodiversité, le juge administratif a été particulièrement prolixe à l'égard des corridors
écologique s. Ainsi, dans un art de 2008, et sous l'empire de l'ancien article R. 123-8 du code de l'urbanisme , la cour
administrative d'appe l de Lyon (18 nov. 2008, Association Roch'nature, n° 07LY00802, Le bon ; RDI 2009. 338, étude P.
Soler-Couteaux ) indique que la création de 8 polygones d'implantation de construction dans une zone N (jadis ND au
se in des POS) « [...] n'est pas en contradiction avec l'obje ctif de protection du site énon dans le projet d'anage ment
et de dé veloppement durable [PADD], qui rece nse le secteur au nombre des e spa ce s à protége r en tant qu'ils constituent
la trame verte de l'aggloration ». Le juge d'appel tient compte, pour gitimer le principe du micro-zonage sulta nt de
la création de ces polygones a u rega rd de s dispositions de l'article R. 123-8 du code de l'urbanisme, de la situation
existante ca ractérisé e pa r un habitat diffus. Mais c'est sur un autre point que la dé libération de la communauté urbaine
de Lyon, approuva nt le PLU, a été annue.
L'urbanisation d'une zone classée AU2 remet en cause la fonctionnalité de la TVB : « [...] s'il est vra i é galement que la
continuité de la coue verte ne se rait pas rompue, e lle se trouve rait privée de consistance utile, ré duite à l'étroit corridor
du thalw eg du ruisse a u de Rochecardon ». Le juge considère que la géné ralisation de l'urbanisa tion da ns cette zone est
en contradiction avec le PADD en ce qui concerne la TVB. Il vé rifie la fonctionnalité de la TVB en la traduisant sous la forme
euphémisé e de « consistance utile » vée pa r le juge administratif dans sa jurisprudence .
Dans cet arrêt, le juge d'appe l lyonnais fonde l'illégalité de la délibération du conseil communautaire sur la géné ralisation
de l'urbanisation de la zone e t l'abse nce de prise en compte de la spé cificité de s terra ins enge ndrant ainsi une
contradiction entre les orientations précises du PADD en ce qui conce rne la trame verte mais é galement du rapport de
p sentation pour ce qui est du maintien de la pé rennité des deux dernre s exploitations agricoles. En d'autres termes,
l'urbanisa tion d'un secteur n'est pa s, pa r principe, incompatible a vec la TVB, mais c'est bien l'abse nce de différenciation
des compa rtiments au se in de ce tte zone de 54 ha pe rmetta nt de préserver la consistance nécessaire à sa fonction que
le juge administratif a rele .
Dans un a rrêt du 15 dé ce mbre 2009, la cour administrative d'appel de Lyon (Société VMO, n° 06LY01866) (2) a re connu
que l'autorisation d'exploiter une carrière située dans une zone naturelle d'inté t écologique, faunistique et floristique de
type 2 ne pouvait être délivrée ca r elle portait a tteinte à la p servation de la biodiversité et en particulier à sa fonction
de corridor.
Le corridor écologique peut avoir pour fonction de permettre la protection de paysage . Se lon un arrê t ce nt de la cour
administrative d'appe l de Nancy, il est re connu pa r le projet d'anage ment et de dé veloppe ment durable e t le rapport
de présentation du PLU, au titre des o rie ntations d'anagement, la volonté d'assurer la protection des paysage s de la
commune de Levoncourt dans des zones A et N qui jouent un le de corridor é co logique. Ce s de rnre s sont ainsi
qualifiées implicitement pa r le juge de zones Ace et Nce dans le PLU (CAA Nancy, 25 oct. 2012, M. Dominique, n°
11NC01164).
Si l'atte inte aux corridors écologique s appa raît dès l'instant où le projet envisa gé remet e n ca use la fonctionnalité de cet
espace, le tablissement de corridors peut servir à compenser des atte intes qu'un projet engendre à l'égard d'une zone
Natura 2000. En effet, il a é té jugé que le « rétablissement de corridors de dé place ment po ur la fa une » est au nombre
des mesures compensatoires spécifiques prises pour maintenir la cohérence globa le du se au Natura 2000 (art. L. 414-4
VII C. envir.). Dans un a rt ce nt, eu é gard à l'importance de différe ntes mesures compensatoires, dont le
tablisse me nt de corridors, le juge conclut à l'abs e nce d'atteinte à l'état de conserva tion du site par le projet (CAA
Nantes, 25 janv. 2013, n° 12NT02289).
On rappellera ici que l'autorité compétente pe ut donner son accord pour de s ra isons impératives d'inté t public maje ur,
lorsqu'une évaluation démontre une a tteinte a ux objectifs de conservation d'un site Natura 2000 et en l'abs e nce de
solutions alternative s (art. L. 414-4 VII C. e nvir.). Dans ce cas, des mesures compensatoires sont imposées visant à
maintenir la co hé rence globa le du seau Natura 2000 et le juge administratif pe ut a pp cier le cara ctère suffisant de ces
mesure s (CAA Nantes, 5 mai 2009, Association Bretagne vivante et autres, n° 06NT01954, Envir. août-sept. 2009, n° 95,
note Le Corre ). Tel est le cas lorsque les « mesures compensatoires [...] visent essentiellement à p se rver la
fonctionnalité du bio-corridor vis-vis des cervidés [...] » (TA Amiens, 15 nov. 2011, Préfet de l'Oise et autres, nos 1000290-
0903306-0903307-0903308), c'est-dire dont l'objectif est de compe nse r les externalités négatives d'un ouvrage.
Comme l'évoque ce jugement de 2011, les mesure s compe nsatoire s peuvent être ts dive rsifiée s. Il pe ut s'agir du
déplacement d'une usine, de la limita tion des éclairages ou bien encore de la ouverture et de l'anagement du
passage au de ssus de la voie d'un train à grande vitesse. Le juge administratif e st donc a mené à app cier si les
mesure s compensatoires sont appropriées.
Dans ce juge ment, c'est bien au rega rd des ts forts risques d'atte inte à la pére nnité du bio-corridor, au motif à la fois de
l'implantation d'une ce ntrale thermique à cycle combiné ga z mais éga lement du fait de son fonctionnement, que la
commune a commis une erreur manifestement d'app ciation e n proda nt à la révision de son PLU a yant pour but de
permettre laalisation de cette installation classé e .
Le juge appcie classique ment l'importance du proje t pa r rapport aux atteintes du projet sur l'environne ment en fonction
des mesures compensatoires envisagées dont le coût pe ut représenter près de 10 % de celui de l'opération, comme pour
la RN 5, principale liaison routre entre Genè ve, Anne masse et Evian (CE 26 juill. 2007, Association de concertation et de
proposition pour l'aménagement et les transports et autres, n° 297537).
Si le juge administratif est amené, dans sa jurisprudence, à rifier la fonctionnalité de s corridors écologique s, il s'a re
que ceux-ci peuvent être mobilisé s à d'autres fins.
B. Les corridors écologique s au service d'obje ctifs non avouables
Si le corridor é cologique peut être mobilisé dans l'espoir de faire échec à de s projets d'urbanisme susce ptibles de porter
atteinte à sa fonctionna lité, il a pu être observé que le corridor écologique peut être un formidable ptexte destiné à
se rvir d'autres obje ctifs, comme l'illustre l'arrêt ci-dessous.
L'association SAFHEC (Socié té des amis des forêts d'Ha latte , Ermenonville e t Chantilly), cha rgée de protéger les forêts
d'Halatte , d'Ermenonville e t de Chantilly, a introduit un recours deva nt le juge administratif destiné à obtenir l'annulation
de la délibération du conse il municipal de Senlis du 19 décembre 2005 ayant approuvé la vision simplifiée du POS de la
commune de Senlis pour permettre la réalisation d'une aire d'accueil des ge ns du voyage (CAA Douai, 6 mai 2010, n°
09DA00795, RJ envir. 2011. 456, chron. Pere z).
Un de s motifs de la structure associative fut de considére r que la création d'un tel équipe ment a pour e ffet de violer les
dispositions de la charte du parc nature l giona l Oise-Pays de France pvoyant la prise en compte des corridors
écologique s dans les documents d'urbanisme. En effet, selon ce tte cha rte, les corridors écologiques doivent permettre le
passage de gra nds mammifère s e ntre les espaces boisés. L'association à but non lucratif convoque ainsi l'atteinte au
corridor dans l'espoir d'obtenir l'annulation de la dé libéra tion e t du projet conce rné.
Selon le juge administratif doua isien, lors de la vision de son POS, la commune de Se nlis n'a pa s connu les objectifs
de la charte du parc naturel gional Oise-Pa ys de France. L'arrê t fait état sur la parcelle, objet de la contestation
parcourue par un corridor é cologique, de la présence de nombre ux remblaiements alisé s pour cré e r un circuit de moto-
cross qui en ont retiré le caractère nature l bien que le terrain ne soit plus utilisé pour ce sport ca nique. Le juge
administratif précise d'a illeurs, alors me que ce motif aura it été suffisant, que « la pa rtie de la zone comprise dans le
corridor é cologique ne se ra pa s affectée par le projet d'urbanisation future ».
La zone choisie pour l'établisse ment d'un terrain d'accueil des ge ns du voyage sur le te rritoire de la commune e s t
conforme aux dispositions du schéma départemental de s ge ns du voyage , ce qui n'a pas, pour autant, dissua dé
l'association d'intenter un recours. En outre, celle-ci n'hésite pas à faire figure r sur son site inte rnet de s photogra phies
rep sentant des dépôts sauvage s d'ordures nagère s dont les responsable s sera ient, selon cette association, les
gens du voya ge (3).
Faut-il pense r que le re cours au co rridor écologique puisse être utilisé comme un outil « nimbyiste » destiné à s'opposer à
certains projets considé s comme gê na nts pour le s auteurs du recours pour exs de pouvoir ? Cette é cologie du
p texte illustre asse z netteme nt une forme d'instrumentalisation de la protection de la nature détournée de son objectif
initial, même si elle e st peu politisée.
initial, même si elle e st peu politisée.
L'ente en vigueur prochaine de s sché mas gionaux de cohérence écologique conduira inévitablement le juge
administratif à devo ir apprécier par l'intermé diaire de la notion de prise en compte les effets de ces nouveaux schémas à
l'éga rd des SCOT (art. L. 111-1-1 C. urb.). Le juge a ura, à de nombreuses reprises , l'occa sion d'affiner sa jurisprudence en
matre de corridors écologiques. Il sera également ts sollicité pour apprécier les enjeux relatifs à la pserva tion ou à
la re mise en bon état de s continuités écologiques a insi que notamment lors de l'instauration de me sure s de
compe nsation proportionnées aux a tteintes pores aux continuités écologique s .
Mots cs :
NATURE ET ENVIRONNEMENT * Développe ment dura ble * Corridor écologique
URBANISME * Schéma de cohérence territoriale * Contenu * Ra pport a vec le plan local d'urbanisme * Compatibilité *
Corridor écologique
(1) H. J. Van Der W indt et J. A. A. Swart, Ecological corridors, connecting science and politics : the case of the Green River in
the Netherlands, Journal of Applied Ecology, 45, 2008, p. 124 et V. Ruppert, Des aires protégées aux réseaux écologiques :
science, technique et participation pour penser collectivement la durabilité des territoires, thèse e n biologie des populations et
écologie, Université Montpellier II, déc. 2010, p. 178 (http://w w w .biu-montpellier.fr/florabium/jsp/nnt.jsp?
nnt=2010MON20246).
(2) « [...] le projet est pla au se in d'un vaste e nsemble naturel recensé comme zone d'inté t écologique, faunististique
et floristique de type 2, dont il serait de nature , me s'il n'affecterait dire ctement que 8 ha , à rompre l'unité et ainsi une
large partie de son inté t pour la p se rvation de la biodiversité, en particulier comme corridor biologique entre les
Préalpes et le Jura ».
(3) http://w w w .safhec.fr/images/stories/gensvoyage /enve rs%20decor.pdf.
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