L’ACTIVITE PARODONTALE DANS LA PRATIQUE

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L’ACTIVITE PARODONTALE DANS LA PRATIQUE
QUOTIDIENNE : QUELLES REALITES EN COTE D’IVOIRE ?
COULIBALY N. T.; KONE D. ; KAMAGATE A.; AHNOUX A.; BROU E.
Service de Parodontologie, UFR d’Odonto-Stomatologie
Abidjan - Côte d’Ivoire
Correspondance : Dr COULIBALY N. Thérèse
UFR d’Odonto-Stomatologie, Université de Cocody, Abidjan
22 BP 612 Abidjan 22
RESUME
SUMMARY
Le but de cette étude était de préciser la nature
de la demande en soins parodontaux dans les cabinets dentaires et de décrire l’activité parodontale des
chirurgiens dentistes en Côte d’Ivoire . A cet effet,
une enquête épidémiologique par questionnaire a été
réalisée auprès de praticiens de la région d’Abidjan
en Côte d’Ivoire.
Les résultats de cette enquête, analysés d’après
104 réponses, révèlent que la population est sous
informée en ce qui concerne les maladies
parodontales car la plupart des patients ne consultent pas systématiquement, ou dès les premières
manifestations de la maladie que sont la plaque, le
tartre et l’inflammation (60%), mais pour des signes
fonctionnels, plus tardifs (94%). La plupart des praticiens (67%) affirment assurer au quotidien la prise
en charge parodontale des patients, en particulier
pour les actes courants tels que la motivation et le
détartrage aux ultrasons. Par contre, l’examen
parodontal systématique, le surfaçage radiculaire et
les actes chirurgicaux sont peu réalisés.
MOTS-CLÉS
:
The purpose of this study was to specify the nature
of periodontal treatment needs in the dentist’s surgeries
and to describe the periodontal activity of practitioners in
Côte d’Ivoire. To this end and epidemiologic investigation
was carried out.
The results of this investigation, analysed according
to 104 answers, reveal that the population is under
informed with regard to the periodontal diseases because
the majority of the patients do not consult systematically,
or as of the first manifestations of the disease (60%), but
for functional signs (94%). The majority of the practitioners
(67%) affirm to treat daily the patients, in particular for
the current acts such as the motivation and scaling with
the ultrasounds. On the over and, the systematic
periodontal examination, surfacing and the surgical acts
are carried out little.
KEY WORDS
:
PERIODONTAL DISEASES, PREVENTION, HYGIENE,
PERIODONTAL TREATMENT NEED, PERIODONTAL PRACTICE.
MALADIES PARODONTALES, PRÉVENTION, HYGIÈNE,
BESOINS EN TRAITEMENTS, SOINS PARODONTAUX.
Rev. Col. Odonto-Stomatol. Afr. Chir. Maxillo-fac., Vol. 13, n° 2, 2006, pp. 28-34
L’activité parodontale dans la pratique quotidienne : quelles réalités en Côte d’Ivoire?
INTRODUCTION
Les maladies parodontales sont des maladies
infectieuses multifactorielles, initiées et
entretenues par la plaque bactérienne dentaire
organisée en biofilm.
Elles sont caractérisées par des symptômes
et signes cliniques qui peuvent inclure une
inflammation visible ou non, des saignements
gingivaux spontanés ou provoqués, des poches
parodontales en rapport avec des pertes
d’attaches et des lyses osseuses alvéolaires, des
mobilités dentaires qui, en l’absence de tout
traitement, peuvent conduire à la perte des
organes dentaires (ANAES, 2002 ; MATTOUT et
coll., 2003)1,11.
Les résultats de nombreuses études
épidémiologiques indiquent clairement que la
prévalence des maladies parodontales est très
élevée; elles affectent à des degrés divers 80 à
90 % d’individus à travers le monde, les formes
sévères ne concernant cependant que 10 à 15%
de la population. Les besoins en traitements
parodontaux, simples ou complexes, sont donc
énormes (HUGOSON et coll ., 2000 ; SIXOU,
2003)8,17. La Côte d’Ivoire n’échappe pas à cette
situation (GUINAN, 1996 ; COULIBALY et coll.,
2001)6,4 qui est aggravée, comme dans la plupart
des pays en développement, par l’influence
négative du niveau socio-économique faible des
populations ainsi que le manque de praticiens
et d’infrastructures (KAMAGATE et coll., 2001)10.
Malheureusement, à la différence de beaucoup
de pathologies buccales, les parodontopathies
sont la plupart du temps indolores ; par conséquent
la découverte de la maladie est le plus souvent le
fait du praticien et un bon nombre de parodontites
sont interceptées trop tardivement. En terme de
morbidité, elles représentent la deuxième cause
de perte des organes dentaires après la pathologie
carieuse. De plus, aujourd’hui, les maladies
parodontales sont considérées, au même titre que
d’autres infections chroniques, comme des
facteurs de risque pour la santé générale (GROSSI
et coll .,1998 ; OFFENBACHER et coll., 1999 ;
MICHEAU et coll., 2001)5,16,14.
De ce fait, et du fait de la prévalence des
maladies parodontales et de leur potentielle
gravité, il est recommandé de rechercher
systématiquement les signes d’une pathologie
parodontale à l’occasion de toute consultation
bucco-dentaire, car plus tôt ces pathologies sont
diagnostiquées et prises en charge, meilleur est
le pronostic (ANAES, 2002)1. La recherche de ces
signes passe par un examen clinique parodontal
minutieux incluant la mesure de la profondeur
© EDUCI 2006
de poche et du niveau d’attache clinique au
sondage, associé à un examen radiographique
qui permet de préciser et confirmer le diagnostic
(A.A.P., 2003)2. Selon HUGOSON et LAURELL
(2000)8 , d’un point de vue éthique, tout être
humain devrait avoir le droit d’être en bonne
santé, ou du moins, de recevoir l’information
nécessaire à cela ; ce qui signifie qu’un
programme de prévention, un diagnostic et un
traitement corrects et adaptés devraient être
proposés à l’ensemble de la population ou à
chaque patient qui consulte. Les stratégies de
prise en charge des maladies parodontales, aussi
bien préventives que curatives, devraient donc
être abordées par la promotion de la sensibilisation, du dépistage et de la prise en charge
précoce et efficace de ces pathologies, incluant
les professionnels de la santé et les populations
e l l e s - m ê m e s ( B A RMES, 1999 ; HESCOT et
BOURGEOIS, 1999)3,7. De telles stratégies doivent
être fondées sur des étude s épidémiologiques
évaluant l’adéquation, aussi bien quantitative
que qualitative, entre la demande de soins et
l’offre de soins parodontaux.
En Côte d’Ivoire nous ne disposons pas de
telles études épidémiologiques. Il nous a donc
paru intéressant de faire un sondage au sein de
la profession pour connaître la nature de la
demande en soins parodontaux dans les cabinets
dentaires, et décrire «l’activité parodontale» des
praticiens en Côte d’Ivoire ; afin de faire des
propositions pour une meilleure santé parodontale
des populations.
I – MATERIEL ET METHODE
I-1 – MATERIEL
a – La population d’étude
La population d’étude est constituée de
chirurgiens dentistes exerçant dans la ville
d’Abidjan et sa banlieue proche. Ces localités ont
été choisies parce qu’elles connaissent une forte
concentration de praticiens, représentatifs de
l’ensemble des chirurgiens-dentistes exerçant
sur toute l’étendue du territoire ivoirien.
Ont été inclus dans cette étude tous les
chirurgiens-dentistes, tant du secteur privé que
du secteur public, en exercice dans ces localités
au moment de l’enquête et ayant accepté de
participer à l’enquête en répondant au
questionnaire.
b – La fiche d’enquête
Une fiche d’enquête, inspirée d’une enquête
similaire réalisée en France par ITIC et OUHAYOUN
(1994) 9, a été conçue pour les besoins de l’étude.
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COULIBALY N. T.; KONE D. ; KAMAGATE A.; AHNOUX A.; BROU E.
Celle-ci comporte plusieurs parties :
- les renseignements d’ordre général : descriptif
du praticien et de son activité ;
- la demande des patients : en conseils d’hygiène
et en soins parodontaux ;
- l’activité du praticien en parodontologie : prise
en charge de la pathologie parodontale et des
actes parodontaux par les chirurgiens-dentistes.
II-2 – METHODE
Nous avons procédé à une enquête par
questionnaire : le questionnaire a été déposé au
cabinet dentaire et rempli par le praticien en
l’absence de l’enquêteur.
Les praticiens ont été identifiés à partir des
listes des chirurgiens-dentistes inscrits au
Conseil National de l’Ordre des Chirurgiensdentistes ; ainsi que des listes des cabinets
dentaires publics et privés, et des praticiens y
exerçant, fournies par le Ministère de la Santé
Publique. Parmi les réponses reçues, au total
cent quatre (104) questionnaires dûment
remplis ont été retenus pour l’analyse
statistique. Les donnés recueillies ont été
traitées par ordinateur à l’aide du logiciel EPI
INFO version 6.
II – RESULTATS
II-1- CARACTERISTIQUES DE LA
POPULATION DE DENTISTES ENQUETEE
Tableau I : Caractéristiques de l’échantillon
Age
< 35 ans
35 - 50 ans
> 50 ans
28
74
2
27 %
71 %
2%
Mode d'exercice
privé
public
34
70
33 %
67 %
Type d'exercice
omnipratique
spécialité
72
32
69 %
31 %
II-2- LA DEMANDE EN SOINS PARODONTAUX
DES PATIENTS
Tableau II : Répartition selon le mode
de recrutement
Quel est le mode de recrutement de ces patients ?
Patient lui-même
82
78 %
Famille / voisinage
24
23 %
Praticien (examen
parodontal)
100
96%
Médecin
14
13 %
Médias / publicité
6
5%
L’essentiel du recrutement des patients est
assuré par l’examen clinique du praticien
(96 %) et par la démarche personnelle du patient
(78 %). L’influence de la famille, du médecin traitant et des médias est beaucoup plus faible.
Tableau III : Les motifs de consultation
Quels sont les signes qui motivent
la demande de soins parodontaux ?
Plaque / tartre
63
60 %
Saignements
70
67 %
Douleur / sensibilité
98
94 %
Récessions gingivales
30
28 %
Mobilités
73
70 %
Halitose
63
60 %
Abcès parodontal
52
50 %
Les signes cliniques qui motivent la demande
de soins parodontaux sont avant tout les douleurs
(94 %), les mobilités (70 %) et les saignements
(67 %).
La majorité des praticiens se situe dans la
tranche 35-50 ans (71 %) ; la plupart sont des
omnipraticiens (69%) exerçant dans le secteur
public (67%).
Rev. Col. Odonto-Stomatol. Afr. Chir. Maxillo-fac., Vol. 13, n° 2, 2006, pp. 28-34
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L’activité parodontale dans la pratique quotidienne : quelles réalités en Côte d’Ivoire ?
Tableau IV : La demande en conseil d’hygiène
par les patients
Vos patients sont-ils demandeurs en conseils d'hygiène ?
OUI : 90 (87 %) - NON : 14 (13 %)
Si oui, de quel type ?
OUI
NON
Brosse à dent
77 (85 %)
13(15 %)
Dentifrice
85 (94 %)
5 (5 %)
Bain de bouche
45 (50 %)
45 (50 %)
Fils/ brossette
interdentaire
17 (19 %)
73 (81 %)
Autres
11 (12 %)
79 (88 %)
Les patients reçus en consultation sont
demandeurs en conseils d’hygiène. Les demandes
concernent essentiellement les dentifrices (94%)
et les brosses à dents (85%).
II-3- LA PARODONTOLOGIE AU QUOTIDIEN
AU CABINET DENTAIRE
Tableau V : Prise en charge de
la pathologie parodontale
La pathologie parodontale est selon vous ?
A traiter au quotidien
au cabinet
70
67 %
A "préparer" et à adresser
au parodontiste
62
59 %
A adresser d'emblée
au parodontiste
11
10 %
La plupart des praticiens (67 %) estiment que
la pathologie parodontale est à traiter au quotidien
au cabinet dentaire. 59 % estime que les patients
sont à « préparer » puis à adresser au parodontiste.
Seulement 10 % des dentistes interrogés
considèrent que la pathologie parodontale est du
ressort exclusif du spécialiste.
Tableau VI : Fréquence de la pratique
des actes parodontaux
Pratiquez-vous des actes parodontaux ?
Jamais
La majorité des praticiens sondés affirme
pratiquer des actes parodontaux de quelquefois
par jour (31%) à plusieurs fois par semaine (40%).
28% reconnaissent qu’ils ne pratiquent que
rarement et 0,9% jamais.
Tableau VII : Pratique des actes courants
Parmi ces actes, lesquels exercez-vous ?
Examen parodontal
systématique
64
61 %
Motivation / instruction à
l'hygiène
92
88 %
Détartrage manuel
42
40 %
Détartrage aux ultrasons
81
78 %
Curetage / surfaçage
radiculaire
54
52 %
La motivation (88 %) et le détartrage aux
ultrasons (78 %) sont fréquemment pratiqués.
En revanche, l’examen parodontal systématique
et le curetage/surfaçage radiculaire sont un peu
moins réalisés.
Tableau VIII : Pratique des actes chirurgicaux
Parmi ces actes lesquels exercez-vous ?
Gingivectomie / gingivoplastie
52
50 %
Elongation coronaire
42
40 %
Lambeaux
15
14 %
Frenectomie
52
50 %
Greffe gingivale
1
0,9 %
Comblement / RTG
3
2,8 %
Implants
0
0%
Les interventions de chirurgie parodontale,
telles que la frenectomie (50%), la gingivectomie
et/ou élongation coronaire (50%) sont les plus
réalisées. Les greffes, les comblements et la pose
d’implants sont très peu ou pas pratiqués.
Tableau IX : Prise en charge des actes
parodontaux
1
0,9 %
Rarement (quelquefois par
mois)
29
28 %
Occasionnellement
(quelquefois par semaine)
42
40 %
Vous prenez en charge
l'intégralité du traitement
46
44 %
Fréquemment (quelquefois par
jour)
32
31 %
Vous prenez en charge une
partie des actes
45
43 %
Vous adressez vos patients à un
parodontiste
42
40 %
© EDUCI 2006
Quelle est votre attitude ?
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COULIBALY N. T.; KONE D. ; KAMAGATE A.; AHNOUX A.; BROU E.
Près de la moitié des praticiens (44%) déclarent
prendre en charge intégralement les actes
parodontaux de leurs patients.
III- DISCUSSION
CARACTERISTIQUES DE L’ECHANTILLON
Les jeunes praticiens (< 35 ans) sont peu
représentés dans l’échantillon. Onpourrait
s’étonner qu’ils ne soient pas plus «paro-actifs».
Ceci pourrait être dû à un manque d’effectif et de
moyens pour l’enseignement de la parodontologie
par rapport aux autres disciplines odontologiques,
les étudiants au sortir de l’UFR, n’ayant sans doute
réalisé que peu ou pas de chirurgie parodontale
(ITIC et coll. 1994)9. 71 % des praticiens sondés se
situent dans la tranche 35-50 ans. L’expérience
de ces praticiens et leur prise de conscience des
réalités parodontales permet sans doute de combler
certaines lacunes au fil des années.
La plupart des praticiens de l’échantillon sont
des omnipraticiens (69%) exerçant dans le secteur
public (67%). Les cabinets dentaires de spécialité
ne sont pas nombreux en Côte d’Ivoire. Même
quand les praticiens sont des spécialistes, ils
préfèrent exercer en omnipratique à cause du
niveau socio-économique faible des populations qui
ne peuvent pas s’offrir des traitements spécialisés
aux coûts trop élevés.
DEMANDE DES PATIENTS EN SOINS
PARODONTAUX
La découverte de la maladie parodontale est
souvent le fait du praticien, lors de l’examen
clinique. Les patients sont vraisemblablement peu
informés de l’intérêt des consultations
systématiques chez le chirurgien-dentiste et ne
sembles pas sensibilisés à l’atteinte parodontale.
Même quand la démarche est personnelle, elle est
le plus souvent guidée par des motifs fonctionnels
ou esthétiques. En effet, les patients ne réagissent
pas dès les premières manifestations de la maladie
parodontale : la présence de plaque et de tartre,
signes primaires, ne vient qu’en quatrième position
(60%), au même titre que la mauvaise haleine qu’ils
provoquent. Les gingivorragies, qui sont l’expression
clinique locale de l’inflammation, n’inquiètent pas
d’avantage les patients (67%). La douleur (94%) et
les mobilités (70%), signes d’une atteinte plus
profonde et plus tardive du parodonte, constituent
les signes d’alarmes des patients.
Ces consultations tardives seraient non
seulement liées à l’ignorance, mais aussi et
surtout au niveau socio-économique faible de la
majorité de nos populations (KOUAME et coll.,
1998 ; MENDOMO et coll., 2001)11,13, et aux coûts
élevés des soins bucco-dentaires en général et
des traitements parodontaux en particulier.
Il y a là une grande nécessité d’une meilleure
information des patients par les médias, les
campagnes bucco-dentaires de sensibilisation et
de dépistage ; et d’une meilleure prise de
conscience de la part des autres professionnels
de la santé (médecins, infirmiers, etc.) pour
orienter leurs patients, si nécessaire, chez le
chirurgien dentiste.
La demande des patients en conseils
d’hygiène est importante concernant les brosses
à dents et les dentifrices. Mais, cette demande
n’est souvent pas correctement motivée car
plusieurs patients croient en du matériel
«miracle» pour combattre leurs affections
parodontales, s’attachant plus à l’aspect
esthétique : demande de brosses à dents ou de
pâtes dentifrice pour nettoyer et blanchir les
dents jaunies par la plaque et le tartre, demande
de «produits» pour avoir une bonne haleine.
L’attitude de nombreux patients face à l’hygiène
bucco-dentaire montre donc qu’ils sont peu
conscients de l’importance des méthodes de
brossage dans la préservation du parodonte. Le
matériel plus spécialisé (fil de soie, bâtonnets
et brossettes interdentaires) est peu demandé,
le plus souvent par manque d’informations mais
aussi par manque de moyens financiers.
LA PARODONTOLOGIE AU QUOTIDIEN AU
CABINET DENTAIRE
Le nombre de praticiens qui traite les
pathologies parodontales au quotidien (67%) et qui
pratiquent des actes parodontaux de quelques fois
par jour à plusieurs fois par semaine (71%) semble
surévalué par rapport à la réalité observée par
les parodontistes qui remarquent que plutôt que
de réaliser des actes complexes dus aux
consultations souvent tardives, les praticiens
préfèrent extraire les dents atteintes et réaliser
des prothèses. Néanmoins, il faut remarquer que
les praticiens ayant répondu spontanément à ce
questionnaire sans aucune contrepartie, sont à
priori très «paro- conscients» et «paro-actifs». De
plus, si l’on tient compte du fait que les extractions
font partie du plan de traitement parodontal, ce
nombre pourrait se justifier.
Rev. Col. Odonto-Stomatol. Afr. Chir. Maxillo-fac., Vol. 13, n° 2, 2006, pp. 28-34
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L’activité parodontale dans la pratique quotidienne : quelles réalités en Côte d’Ivoire ?
Plus de la moitié des praticiens déclarent
«préparer» leurs patients et les adresser ensuite à
un parodontiste, certainement pour des actes plus
complexes. Le taux de 10% de praticiens qui
adressent d’emblée leurs patients à un parodontiste
semble assez réaliste dans la mesure où les
parodontistes observent souvent que ce sont les
praticiens les plus spécialisés et les plus
compétents, en orthodontie et en prothèse par
exemple, qui leur adressent des patients.
Au fur et à mesure de la progression dans le
questionnaire nous remarquons une évolution
dans les réponses qui sont de plus en plus
proches de la réalité. En ce qui concerne la prise
en charge des actes parodontaux (tableau IX),
40% des praticiens disent adresser d’emblée leur
patients à un parodontiste alors que seulement
10% des praticiens estimaient que la pathologie
parodontale était à adresser d’emblée au
parodontiste. De même, ils étaient 67% à traiter
la pathologie parodontale au quotidien au cabinet
dentaire alors qu’ils sont maintenant 44% à
assurer une prise en charge intégrale.
Il semble que la grande majorité des praticiens
incluent dans l’acte parodontal la motivation et
le détartrage qu’ils disent réaliser couramment.
Ces actes correspondent effectivement au
traitement parodontal mais l’absence de
nomenclature, e t donc le non remboursement des
soins parodontaux considérés comme des actes de
confort et d’esthétique, constitue un cadre restrictif
pour le développement de la qualité de ce type
d’actes. Selon MILLER et coll. (1989)15, la notion
de temps passé pour un acte donné constitue un
critère très important pour déterminer la qualité
de l’acte réalisé. La plupart des praticiens qui
déclarent réaliser la motivation de leurs patients
ainsi que le détartrage aux ultrasons le font
vraisemblablement de façon trop rapide pour être
réellement efficace. Une courte majorité de
praticiens considèrent l’examen parodontal
systématique et le curetage/surfaçage comme
des actes courants. Là aussi, la notion de
définition des actes parodontaux est importante
(ITIC et coll., 1994)9.
Concernant l’examen parodontal systématique,
il peut y avoir une différence d’appréciation : pour
le parodontiste, en dehors de l’appréciation de
l’aspect gingival, le sondage parodontal demeure
un examen indispensable permettant d’évaluer la
profondeur des poches et la perte d’attache,
complété par un examen radiographique long cône.
Cet examen n’est peut être pas aussi complet pour
l’omnipraticien. Pour le curetage/surfaçage
radiculaire, l’acte reste éventuellement identique,
mais le concept thérapeutique change : si pour le
© EDUCI 2006
parodontiste le curetage/surfaçage concerne des
quadrants, pour l’omnipraticien il peut intéresser
la seule dent sur laquelle il effectue des soins
conservateurs par exemple.
Les interventions de chirurgie parodontale, telles
que la frenectomie, la gingivectomie et/ou
élongation coronaire sont le plus souvent réalisés
en vue d’autres thérapeutiques, prothétiques ou
orthodontiques. Peu de praticiens réalisent des
lambeaux d’assainis-sement, acte pourtant
réalisable par l’omnipraticien. Les greffes gingivales,
les comblements et la pose d’implants sont très peu
ou pas du tout pratiqués par manque de compétence
et de plateau technique. De plus l’absence de
nomenclature et le coût de ce type de soins
constituent un frein au développement de la
pratique parodontale, compte tenu des ressources
économiques faibles de nos populations en général.
CONCLUSION
L’impact des maladies parodontales en terme
de santé publique n’est plus à démontrer. Le suivi
bucco-dentaire des sujets atteints de maladies
parodontales est d’autant plus important que son
absence peut avoir des répercutions sur leur état
général (dénutrition, infections focales) ou leur
socialisation (incidence sur l’esthétique ou la
phonation) et donc un impact sur la qualité de vie.
Une prise en charge efficace de ces sujets, aussi
bien préventive que curative, s’avère nécessaire
sinon urgente ; cette prise en charge passe par
une meilleure information des populations et la
sensibilisation des chirurgiens dentistes et des
autres professionnels de la santé pour répondre
de manière efficiente aux besoins des populations.
L’information et l’éducation des populations par
les médias, la publicité grand public, et les campagnes de sensibilisation et de dépistage d’une
part, et une politique nationale de sécurité sociale d’autre part, seraient essentielles dans
l’évolution de l’hygiène bucco-dentaire en Côte
d’Ivoire et susciteraient chez les patients une
demande précoce de consultation et de traitements auprès des praticiens.
L’information et la sensibilisation des autres
professionnels de la santé tel que les médecins, les
infirmiers et les sages femmes, sont nécessaires
afin que ces derniers puissent orienter leurs
patients vers les chirurgiens dentistes quand cela
est nécessaire. L’omnipraticien demeure l’acteur
principal du dépistage et du traitement des maladies
parodontales. Par conséquent, l’examen parodontal
systématique et consciencieux devrait faire partie
intégrante de tout examen bucco-dentaire afin de
détecter les signes précoces d’une destruction
-33-
COULIBALY N. T.; KONE D. ; KAMAGATE A.; AHNOUX A.; BROU E.
parodontale et de mettre en place une thérapeutique
adaptée incluant l’éducation à l’hygiène buccodentaire. Néanmoins, si l’omnipraticien est bien
formé pour prendre en charge les actes courants de
parodontologie, un plus grand nombre de spécialistes
serait souhaitable pour absorber les actes
chirurgicaux plus complexes.
Pour parfaire cette étude, elle sera complétée
par deux enquêtes directes : l’une auprès des
praticiens, pour savoir comment sont perçues les
différentes questions ; et l’autre auprès de patients,
afin de prendre en compte les besoins ressentis
par les patients, c’est-à-dire leurs propre
perception sur leurs problèmes parodontaux ou ce
qu’ils désirent comme service de santé.
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