La Lettre du Neurologue - n° 5 - vol. VII - mai 2003 167
REVUE DE PRESSE
Syndrome cérébelleux :
penser aux anticorps
antigliadine
■
L’intolérance au gluten est une cause
rare de syndrome cérébelleux. Les
auteurs ont étudié sa prévalence sur une
large cohorte de patients atteints de syn-
drome cérébelleux sporadique ou familial à
la recherche de facteurs de prédisposition
génétique et d’une caractérisation clinique.
Les anticorps antigliadine ont été recher-
chés chez une cohorte du North Trent de
234 patients atteints de syndrome cérébel-
leux d’étiologie déterminée et sporadique
idiopathique, et chez une cohorte londo-
nienne de 44 patients atteints de syndrome
cérébelleux sporadique idiopathique. Mille
deux cents sujets sains ont été pris comme
contrôles. La prévalence des anticorps anti-
gliadine (IgG et/ou IgA) était de 14 % dans
le groupe de syndromes cérébelleux héré-
ditaires (SCA 1, 2, 3, 6, 7 et maladie de
Friedreich) (8/59), de 41 % dans le groupe
de syndromes cérébelleux sporadiques
(54/132), de 15 % dans le groupe de MSA
cliniquement probable (5/33) et de 12 %
dans le groupe contrôle (149/1 200). La pré-
valence dans la cohorte londonienne était
de 32 % (14/44). La différence de préva-
lence entre les groupes de syndromes céré-
belleux sporadiques et les autres groupes
était hautement significative (p< 0,0001 et
p<0,003 respectivement). Les caractéris-
tiques cliniques du syndrome cérébelleux
chez 68 patients avec intolérance au gluten
n’étaient pas discriminatives ; seuls 13 %
des patients avaient des signes digestifs et
24 % une maladie cœliaque prouvée histo-
logiquement. L’IRM a montré une atrophie
cérébelleuse chez 79 % des patients et des
hypersignaux de la substance blanche chez
19 %. Cinquante-quatre pour cent des
patients avaient une neuropathie axonale
sensitivo-motrice à l’EMG. Soixante-douze
pour cent des patients étaient HLA DQ2+
versus 35 % dans les autres groupes.
Commentaire. Dans cette étude, le syn-
drome cérébelleux “idiopathique” repré-
sentait 74 % des patients, dont 20 % avec un
diagnostic de MSA et 41 % d’intolérance
au gluten, 13 % restant sans cause. L’into-
lérance au gluten semble dépasser le cadre
de la maladie cœliaque (1 % de la popu-
lation). Les auteurs recommandent la
recherche d’anticorps antigliadine dans le
bilan diagnostique de tout syndrome céré-
belleux sporadique ; les IgG seraient un
meilleur marqueur de l’intolérance au
gluten que les IgA, les anticorps antiendo-
mysium ou les anticorps antiglutamase, quel
que soit l’organe atteint. Le choix du type
d’anticorps et du seuil de positivité reste
hautement problématique avec le risque de
diagnostic par excès. Une étude est néces-
saire pour définir et valider les outils dia-
gnostiques permettant de poser le diagnostic
d’intolérance au gluten dans le cadre d’un
syndrome cérébelleux sporadique.
D. Dimitri,
hôpital de la Salpêtrière, Paris.
VIH : traitement antirétroviral
et événements cardio-
et cérébro-vasculaires
■
L’augmentation de la prévalence
des anomalies métaboliques chez les
patients infectés par le VIH fait craindre une
augmentation de l’incidence des maladies
vasculaires. Une étude rétrospective, portant
sur 36 766 patients VIH+ de la base de
données du département des Veterans
Affairs entre janvier 1993 et juin 2001, a
évalué le risque de maladies cardio- et
cérébro-vasculaires. Pour le traitement anti-
rétroviral: 1. inhibiteurs nucléosidiques de
la transcriptase inverse (INTI): 70,2% des
patients pour une durée médiane de 17 mois ;
2. inhibiteurs de la protéase (IP) : 41,6 %,
16 mois ; 3. inhibiteurs non nucléosidiques
(INNTI) : 25,6 %, 9mois; 4. 1 000 patients
traités par association avec un IP pendant au
moins 48 mois et 1 000 par association avec
un INNTI pendant au moins 24 mois. Entre
1995 et 2001, le taux d’admission pour une
maladie cardio- ou cérébro-vasculaire est
passé de 1,7 à 0,9 par 100 patients/année, et
le taux de décès, quelle qu’en soit la cause, de
21,3 à 5 par 100 patients/année. L’analyse
par régression n’a pas montré de relation
entre le traitement par INTI, IP ou INNTI
et le risque de maladie cardio- ou cérébro-
vasculaire; en revanche, le risque de décès
a diminué. Les auteurs en concluent que le
traitement antirétroviral est fortement associé
à la diminution de mortalité sans augmen-
tation du risque d’événements vasculaires.
Commentaire. La diminution spectaculaire
de la mortalité depuis l’introduction de la tri-
thérapie, de 75% dans cette étude, est incon-
testable. La stabilité du taux d’admission ou
de décès liés aux maladies vasculaires est,
en revanche, d’interprétation difficile : étude
rétrospective, 98 % d’hommes versus 80%
dans la population VIH+, mais surtout durée
médiane de traitement de 15 mois. Si l’aug-
mentation du risque vasculaire liée à la tri-
thérapie n’a jamais été prouvée, en revanche,
les anomalies métaboliques qui lui sont
associées sont bien documentées : hypertri-
glycéridémie, augmentation du LDL, dimi-
nution du HLDL, résistance à l’insuline,
lipodystrophie, augmentation de l’épaisseur
intimale des carotides… Les effets sur le
risque vasculaire ne peuvent donc être éva-
lués que sur des études de long terme. Ces
anomalies doivent être surveillées et traitées
et ne pas empêcher la mise sous trithérapie,
surtout pour les patients à haut risque de
développer le stade sida.
DD
Maladie de Creutzfeldt-Jakob
sporadique : vers un nouveau
test diagnostique ?
■
Le cortex et les voies olfactives sont
atteints dans la maladie de Creutzfeldt-
Jakob sporadique (MCJs). L’épithélium
olfactif, l’épithélium respiratoire de la
muqueuse nasale et le système olfactif intra-
crânien ont été analysés par microscopie
optique, immunohistochimie et Western-
Blot à la recherche de dépôts de PrPsc chez
neuf patients atteints de MCJs confirmée
histologiquement. La PrPsc était exprimée
dans l’épithélium olfactif (au niveau du
cytoplasme et des cils des neurones olfactifs)
de la muqueuse nasale, les voies olfactives
intracrâniennes, mais pas dans l’épithélium
respiratoire de la muqueuse nasale des neuf
patients. Les tissus de onze sujets contrôles
ne contenaient pas de PrPsc. La protéine
normale (PrPc) était exprimée de façon
constitutive dans les cellules de l’épithé-
lium olfactif et respiratoire chez les patients
MCJs et les contrôles. Les auteurs proposent
la biopsie de l’épithélium olfactif comme
test diagnostique in vivo et émettent l’hypo-
thèse que cet épithélium pourrait être une
voie d’infection et de dissémination du
prion.
✔
Hadjivassiliou M et al. Gluten ataxia in pers-
pective : epidemiology, genetic susceptibility and
clinical characteristics. Brain 2003 ; 126 : 685-91.
✔
Bozette S et al. Cardiovascular and cerebro-
vascular events in patients treated for Human
Immunodeficiency Virus Infection. N Engl J Med
2003 ; 348 : 702-10.
✔
Kuritzkes D et al. Cardiovascular risk factors
and retroviral therapy. N Engl J Med 2003 ; 348 :
679-80.
Dirigée par le Pr P. Amarenco