théories de l`évolution et controverses

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THÉORIES DE L’ÉVOLUTION ET CONTROVERSES
Compte rendu des livres suivants :
QUOI DE NEUF DEPUIS DARWIN ?
La Théorie de l’évolution des espèces dans tous ses états
de Jean Chaline
Préface de Jean Gayon
Ellipses, 2006, 480 p., 26,50 euros
DE L’ŒUF À L’ÉTERNITÉ
Le Sens de l’évolution
de Vincent Fleury
Flammarion, 2006, 274 p., 22 euros
LA STRUCTURE DE LA THÉORIE DE L’ÉVOLUTION
de Stephen Jay Gould
Traduit de l’américain par Marcel Blanc
Gallimard, 2006, 2048 p., 95 euros
Faut-il en finir avec le darwinisme ? Pour ceux qui croient que la vie
sur Terre n’a pu apparaître sans une intervention divine, la réponse ne fait
pas de doute. Mais pour tous les autres, pour tous ceux qui croient que le
vivant dans sa diversité descend de façon naturelle des premières formes
de vie apparues sur Terre il y a plusieurs milliards d’années, la question
appelle deux autres questions. D’abord, existe-t-il une ou plusieurs théories
alternatives au darwinisme
qui expliqueraient
mieux la diversité
du
vivant ? Ensuite, ces alternatives sont-elles de véritables ruptures avec le
darwinisme ou simplement des variantes ? Le darwinisme a beau être
devenu la théorie orthodoxe sur l’évolution des espèces dans les années
1950, ces questions ne cessent de se poser. Dernier exemple en date : la
publication, fin 2006, en France, de trois livres qui prennent, à des degrés
divers, leur distance vis-à-vis de l’orthodoxie darwinienne.
Des trois
auteurs, le plus connu est sans hésitation le paléontologue Stephen Jay
Gould. Décédé en 2002, ce dernier a porté pendant plus de trente ans un
regard critique sur le
darwinisme,
en
particulier
sur trois
points.
Premièrement, il avançait que l’évolution n’est pas graduelle mais connaît
des sauts et de longues périodes de stabilité. Deuxièmement, il estimait que
la sélection naturelle n’agit pas uniquement au niveau des gènes et des
organismes mais également au niveau des populations et des espèces.
Troisièmement,
il
considérait
qu’il ne fallait pas interpréter
chaque
changement évolutif en termes d’adaptation mais éventuellement en termes
de contrainte interne, de transformation fortuite ou d’exaptation1. Chacune
de ces alternatives a donné lieu à de vives controverses. Dans La Structure
de la théorie de l’évolution, Gould revient sur chacune d’entre elles et répond
aux critiques, tout en offrant une perspective historique sur chaque débat.
Cela donne un livre gigantesque qui peut être lu comme son testament
scientifique. Est-ce encore du darwinisme ? Gould le pensait. Tous les
darwiniens n’en sont pas convaincus.
En tout cas, pour le paléontologue Jean Chaline, les idées de Gould
constituent bien une contribution fondamentale à la théorie darwinienne.
Il est vrai que Chaline n’adopte pas une interprétation rigide de cette
dernière. En 1999, avec quelques collègues, il avait suscité une polémique
pour avoir prétendument mis à jour une loi mathématique décrivant
l’histoire de l’évolution. Dans Quoi de neuf depuis Darwin ?, qui retrace
l’histoire des théories de l’évolution jusqu’à nos jours, Chaline reprend
cette loi et affirme qu’elle permet de prolonger le darwinisme. L’idée mérite
discussion. Mais pourquoi passer sous silence son aspect controversé ? Ce
n’est certainement pas un reproche que l’on peut faire au physicien
Vincent Fleury tant ce dernier est conscient de la dimension provocatrice
de sa toute récente thèse. Dans De l’œuf à l’éternité, il essaye en effet de
montrer de façon simple que c’est la mécanique même du développement
embryonnaire qui conditionne les possibles évolutions d’un organisme. Les
évolutionnistes se seraient ainsi égarés quant au mécanisme de l’évolution
pour ne pas s’être assez tournés du côté de la physique. Ici, pas de doute
que le darwinien aura du mal à s’y retrouver. Quant à savoir si cette
approche explique mieux l’évolution du vivant que le darwinisme, il faut
attendre qu’un véritable débat contradictoire se mette en place.
Dans tous les cas, soulignons le caractère stimulant de ces trois
opinions dissidentes et cela quel que soit le jugement que la postérité
portera sur elles.
Thomas Lepeltier,
Sciences Humaines, 182, mai 2007.
1
L’exaptation est le processus par lequel un organe est sélectionné pour une autre
fonction que celle qui l’a vu naître.
2
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