ipsilatérale, à subluxer le cartilage thyroïde en tractant la petite
corne thyroïdienne vers l’arc antérieur du cartilage thyroïde. Ce
geste, réalisé sous anesthésie locale et associé à une thyroplas-
tie de type I (figure 7), permettrait de pallier le défaut de fonc-
tionnement du muscle cricothyroïdien ipsilatéral, qui génère
une flacidité et un raccourcissement de la corde vocale paraly-
sée limitant l’étendue du timbre vocal.
La réinnervation laryngée
La réinnervation laryngée a fait l’objet, ces dernières années,
de nombreux travaux tant expérimentaux que cliniques (9, 10).
Les techniques de réinnervation laryngée se divisent schémati-
quement en deux groupes : les techniques “neuronales” et les
techniques “neuromusculaires”. Les techniques neuronales ont
pour substratum la réalisation d’une suture nerveuse entre un
nerf afférent soit moteur pour le larynx paralysé (portion proxi-
male du nerf récurrent lésé), soit mis en jeu lors de la phona-
tion (branche cervicale ansa cervicalis, le tronc du pneumo-
gastrique) ou de l’inspiration (nerf phrénique), et la portion
distale du nerf récurrent lésé ou la branche de division adduc-
trice de celui-ci. Les techniques neuromusculaires visent à trans-
férer directement au sein du muscle thyroaryténoïdien paralysé
une greffe neuromusculaire (fragment du muscle omohyoïdien
pédiculé sur sa branche nerveuse) ou une branche nerveuse (nerf
de l’omohyoïdien). L’hétérogénéité des populations (âge, étio-
logies, degré de régénération, symptomatologie, etc.), le faible
nombre de patients étudiés, la multiplicité des techniques chi-
rurgicales de réinnervation décrites, l’absence de codification
des méthodes d’analyse et des durées de suivi (en général moins
d’un an) font que les résultats obtenus avec ces diverses tech-
niques de réinnervation laryngée sont très difficiles à apprécier.
L’ensemble des auteurs s’accorde pour reconnaître qu’aucune
de ces techniques ne permet d’obtenir une récupération de la
mobilité cordale et que la preuve formelle de l’utilité de la réin-
nervation laryngée en pratique clinique reste à démontrer. Les
partisans de ces techniques soutiennent cependant que la réin-
nervation laryngée favorise le maintien de la masse musculaire,
évite la dégradation des résultats, favorise un positionnement
paramédian de la corde vocale paralysée, évite la malposition
du cartilage aryténoïde paralysé, et qu’aucune de ces techniques,
surtout lorsqu’elles sont associées à un repositionnement méca-
nique de la corde vocale et/ou de l’aryténoïde paralysé (thyro-
plastie, adduction aryténoïdienne), n’a aggravé la situation pho-
natoire ou respiratoire des patients traités.
INDICATIONS CHIRURGICALES
La multiplicité des techniques chirurgicales disponibles à
l’heure actuelle et la très grande variété des situations cliniques
rencontrées rendent difficile la systématisation de la stratégie
thérapeutique chirurgicale à adopter pour pallier les consé-
quences d’une paralysie laryngée unilatérale. De nombreux fac-
teurs (profession, âge, comorbidité, troubles de la déglutition,
position des structures laryngées paralysées, présence de syn-
cinésies, lésions associées, état cutané cervical, état neurolo-
gique, évolutivité de l’affection responsable de la paralysie
laryngée, possibilités de récupération, état psychologique et exi-
gences fonctionnelles du patient, expérience et moyens des
équipes) doivent être pris en compte lors du choix de l’option
thérapeutique. La prise en charge sera cependant d’autant plus
optimale que le laryngologiste possède la pratique des diverses
techniques chirurgicales décrites pour médialiser la corde vocale
paralysée.
Quelle que soit la méthode employée, le praticien doit :
–souligner que la rééducation orthophonique est la seule op-
tion non invasive dénuée de risques, tout en sachant que cette
option thérapeutique non invasive est d’autant plus efficace
(comparativement aux techniques chirurgicales de médialisa-
tion de la corde vocale paralysée) que la paralysie est pauci-
symptomatique (15) ;
–préciser que l’amélioration symptomatique postopératoire
portera avant tout sur la réduction de l’essoufflement, de la
fatigue vocale et des troubles de la déglutition ;
–préciser les risques inhérents à toute approche chirurgicale
(hématome, abcès, trachéotomie) et à la réalisation d’une anes-
thésie, qu’elle soit locale ou générale.
Schématiquement, la réalisation d’une injection intracordale d’un
produit autologue (graisse, fascia, collagène) sous anesthésie
générale semble tout à fait licite chez l’enfant et l’adulte si une
récupération de la mobilité cordale est envisageable, et ce d’autant
qu’il existe des troubles de la déglutition, qu’il n’existe pas de
contre-indications ou de risque majeur à la réalisation d’une anes-
thésie générale, et qu’une rééducation orthophonique bien
conduite n’a pas apporté d’amélioration. À l’opposé, lorsque la
paralysie est secondaire à une section-résection ou à une com-
pression tumorale maligne, lorsque la dysphonie est sévère et/ou
que la profession nécessite la meilleure qualité vocale possible,
la réalisation d’une thyroplastie (avec ou sans adduction aryté-
noïdienne et subluxation thyroïdienne) ou d’une injection intra-
cordale d’un matériau non autologue et synthétique (téflon, sili-
cone) semble être la meilleure option thérapeutique. Pour notre
part, lorsque le patient désire bénéficier de la meilleure qualité
vocale possible, lorsque l’anesthésie générale est contre-indiquée
13
La Lettre d’Oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - no276 - octobre 2002
Figure 7. Schéma de la subluxation cricothyroïdienne (associée à une
thyroplastie avec implant de silastic).