Résumé
L’objet de ce mémoire est d’étendre le crible spécial de corps de nombres, qui ne portait,
jusqu’ici, que sur des corps de cardinal premier. Notre nouvel algorithme s’étend sur tout
le domaine d’exécution du crible de corps de nombres général, et, en améliore la complexité
asymptotique. Il permet le calcul de logarithmes discrets dans des corps finis dont la carac-
téristique admet une représentation creuse adéquate, ce qui autorise son application sur des
corps finis issus de procédés de couplage.
Introduction
Depuis son introduction, la cryptographie à base de couplage a permis le développement de
nombresux protocoles cryptographiques, des primitives basées sur l’identité [BF03, SK03, CC03,
Pat02], aux schémas de signature courte [BLS04], en passant par l’échange de clef entre trois
individus en un seul tour [Jou04]. Certains de ces protocoles ont d’hors et déjà été déployés
sur le marché, comme l’illustre l’utilisation de la primitive de D. Boneh et M. Franklin par
l’entreprise Voltage [vol].
En pratique, l’un des défis principaux de la cryptographie basée sur les couplages réside
à la fois en la construction de courbes bien couplées qui soient efficaces pour des protocoles
asymétriques à haut niveau de sécurité, et, conjointement, en l’estimation précise de la sécu-
rité de ces courbes. Il s’agit là d’un défi compliqué, puisque sa résolution nécessite la mise en
place de courbes elliptiques particulières : non contentes d’être adaptées aux procédés de cou-
plage, il faut veiller à équilibrer les différents algorithmes de calcul de logarithmes discrets qui
apparaissent dans différentes types de groupes. De nombreux articles se sont attelés à cette
tâche, comme [BLS03] ou [KM05]. Pour évaluer la sécurité d’une construction donnée, l’ap-
proche classique consiste à équilibrer, d’une part, la complexité d’algorithmes en racine carrée
pour résoudre le logarithme discret dans le sous-groupe approprié de la courbe elliptique en
question, avec, d’autre part, la complexité du crible de corps de nombres (NFS1) sur le corps
fini d’arrivée du couplage. La complexité du problème du logarithme discret sur des corps finis
dans ce contexte est habituellement estimée à l’aide de tables de taille de clef telles que [Nat03]
ou [LV01]. Cette approche fait cependant une hypothèse implicite, celle de considérer que la
complexité du NFS dans les corps finis est sensiblement la même que la complexité de la facto-
risation d’un entier de même taille que le corps. Pour autant que nous puissions le dire, cette
hypothèse implicite n’a été vérifiée dans la littérature associée ni à l’un, ni à l’autre de ces deux
problèmes.
La but de ce mémoire est de présenter les outils et le cheminement qui nous ont permis
d’aboutir à l’article The Special Number Field Sieve in Fpn, Application to Pairing-Friendly
Constructions [JP13]. Dans celui-ci, notre visée est double. Tout d’abord, nous montrons que
pour les paramètres actuels utilisés en cryptographie basée sur les couplages, l’hypothèse im-
plicite est incorrecte : l’algorithme le plus performant pour résoudre le logarithme discret dans
cette configuration est la variante de haut degré du crible sur corps de nombres introduit dans
l’article [JLSV06], dont la complexité est plus grande que celle de la factorisation. Nous réexa-
minons ensuite les algorithmes de calcul de logarithme discret pour montrer que, en s’appuyant
sur la forme spéciale de la caractéristique du corps de définition des courbes bien couplées qui
apparait dans les constructions les plus classiques, comme celle de Barreto-Naehrig [BN05], il
est possible de concevoir des algorithmes plus efficaces en généralisant le crible spécial de corps
de nombres (SNFS2) [Gor93, Sch08]. Pour être plus précis, nous allons au-delà de cet objec-
tif et nous présentons des variations du SNFS qui s’appliquent à toute l’étendue du domaine
1De l’anglais, Number Field Sieve.
2De l’anglais, Special Number Field Sieve.