CANCÉROLOGIE 25 Les cancers cutanés Nécessité d’un diagnostic précoce O n ne répétera jamais assez la nécessité d’une prise en charge précoce des cancers cutanés. Prendre en charge précocement S’il convient d’éviter le diagnostic alarmiste par excès, il en va de même pour un attentisme dangereux devant des lésions cutanées qui sont évocatrices d’un cancer débutant ou qui sont suspectes. Car ce sont souvent des lésions non spécifiques récidivant sur le même site malgré un traitement approprié. Les premiers signes d’un cancer cutané traduisent la désorganisation du renouvellement épidermique, et dans un deuxième temps, l’extériorisation de la lésion tumorale possède des aspects cliniques qui sont d’autant moins spécifiques que le temps d’évolution est court. Analyse histologique La sélection des lésions cutanées nécessitant une biopsie exérèse (avec la section passant sur tous les plans en tissu sain) est primordiale puisque l’analyse histologique apporte le diagnostic de certitude. Il est acquis qu’un cancer non invasif reste intradermique ou bien s’il dépasse la membrane basale épidermique, il est limité au derme papillaire. Comme le rappelle le Dr M. Larrègue, « la définition clinique d’un cancer débutant est difficile, et plus une lésion est vue à un stade précoce, moins l’aspect clinique est caractéristique. À quelques exceptions près, lorsqu’on affirme cliniquement le cancer cutané et son type – basocellu- laire ou spinocellulaire – l’épithéliome comporte déjà des signes d’extension ». Une lésion minime cutanée suspecte peut être négligée par le malade qui s’habitue à sa lésion malgré sa lente croissance. Elle peut passer inaperçue par le médecin ou elle peut être enlevée incomplètement ; dans ce dernier cas, une reprise chirurgicale est nécessaire puisque dans cette situation il y a 20 % de récidive in situ. Entre le moment où les cellules mutées forment une lésion néoplasique et celui de l’apparition clinique du cancer, se passe un délai plus ou moins long, de l’ordre de quelques mois (épithélioma induit par les agents physiques) à plusieurs années pour la transformation d’une kératose solaire. Aspects cliniques précoces Quels sont les aspects cliniques précoces des cancers cutanés ? D’abord, l’aspect des lésions minimes, seulement larges de quelques millimètres, peut être évocateur des cancers cutanés débutants, à savoir : une papule perlée à surface lisse rosée pouvant être pigmentée par hémorragie intralésionnelle (plusieurs papules peuvent être groupées autour d’une plage centrale érosive croûteuse ou atrophique), ou une papule dont le sommet est centré par une kératose prenant parfois la morphologie d’une petite corne. Ensuite, il faut savoir qu’une lésion dermatologique non spécifique est susceptible d’être en rapport avec une lésion néoplasique ou un cancer à minima lorsqu’il s’agit d’une lésion croûteuse recouvrant une érosion sur une ulcération persistante. Les traitements réalisés sur une kératose solaire, une verrue ou une corne (cryothérapie, électrocoagulation, etc.) n’entraînent pas la guérison, ou si la lésion est effacée, elle récidive au même endroit. On comprend alors l’importance d’une surveillance médicale régulière, en particulier des sujets ayant un risque accru de développer des cancers cutanés. Il s’agit de sujets porteurs d’une dermatose précancéreuse, telle que la cicatrice de brûlure, la radiodermite, la cicatrice sur une zone insolée, la kératose solaire. À noter le nombre croissant des individus aux antécédents de photo-exposition répétitive qui ont un long espoir de vie. D’autres sujets sont à risque bien que sans dermatose particulière, comme ceux qui sont atteints d’un syndrome de Gorlin (transmis de façon autosomique dominante et caractérisé par l’apparition de cancers basocellulaires en peau saine principalement sur les zones ensoleillés), ceux qui ont été exposés aux hydrocarbures ou à des ingestions d’eau arsenicale ainsi que les malades greffés subissant un traitement immunodépresseur, et les patients ayant reçu une chimiothérapie antitumorale ou une photochimiothérapie (en fonction des doses reçues). Enfin, la peau pathologique des sujets atteints de Xéroderma pigmentosum ou d’épidermodysplasie verruciforme favorise l’apparition d’un cancer. Ludmila Couturier >> DOSSIER Le diagnostic des cancers cutanés au début de leur évolution, c’est-à-dire à un stade préinvasif est capital, vu que la guérison définitive avec des moyens simples est possible. S’il convient d’éviter le diagnostic par excès, il en va de même pour un attentisme dangereux devant des lésions cutanées. Entretiens de Bichat 2004 Professions Santé Infirmier Infirmière N° 64 • juin-juillet 2005