Rapport historique : Le point d`appui allemand « Va011 » 1940

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© 2015 Valentin Schneider Patrimoine de guerre sur le territoire de la Communauté de Communes de la Côte d’Albâtre Rapport historique : Le point d’appui allemand « Va011 » 1940-­‐1944 Par Valentin Schneider, docteur en histoire diplômé de l’université de Caen Pour la Communauté de Communes de la Côte d’Albâtre Février 2015 1 © 2015 Valentin Schneider Résumé Ce rapport historique a pour objectif de présenter une analyse détaillée de la conception et du fonctionnement d’un point d’appui allemand datant de la Seconde Guerre mondiale, dont les vestiges se trouvent en bordure de mer sur la commune de Paluel, à l’est de Veulettes-­‐sur-­‐Mer et l’embouchure de la Durdent. Basée sur une recherche documentaire exhaustive, menée principalement dans les archives militaires allemandes de Fribourg-­‐en-­‐Brisgau et Berlin, cette analyse montre que l’histoire de ce point d’appui est profondément marquée par sa nature mixte, autant dans son occupation par les troupes allemandes que dans sa construction. Le point d’appui, qui a pu accueillir jusqu’à 380 hommes dans son ensemble, remplit un rôle double pendant la guerre : d’une part il sert de point défensif à l’armée de terre allemande en tant qu’élément du « mur de l’Atlantique », devant empêcher un débarquement ennemi sur la plage de Veulettes ; d’autre part, il constitue un important périmètre de sécurité autour d’une installation d’intérêt stratégique appartenant à l’armée de l’air allemande, à savoir un émetteur de radionavigation de haute technologie devant diriger les appareils allemands au-­‐dessus de l’Angleterre. Les activités principales sur le site sont la défense anti-­‐aérienne et les travaux de construction permanents. Mais le quotidien des soldats allemands est également marqué de très nombreux exercices et un niveau élevé de rotations, non seulement entre les différents points d’appui de la région, mais également avec le front russe. 2 © 2015 Valentin Schneider Sommaire Glossaire et abréviations ............................................................................................................................................ 4 Rappel de l’énoncé de la mission ............................................................................................................................ 5 Questions de recherche ............................................................................................................................................... 6 Méthodologie .................................................................................................................................... 7 Sources utilisées ............................................................................................................................................................. 7 Identifier les unités en présence ............................................................................................................................. 9 Évaluer les effectifs .................................................................................................................................................... 10 Quelques définitions .................................................................................................................................................. 13 Frise chronologique ................................................................................................................................................... 14 Les unités du point d’appui ........................................................................................................ 15 L’infanterie en charge de la défense côtière .................................................................................................... 15 L’artillerie côtière ....................................................................................................................................................... 27 La défense anti-­‐aérienne ......................................................................................................................................... 29 Les unités en rapport avec les préparatifs de l’opération Seelöwe ....................................................... 33 Construction du point d’appui .................................................................................................. 34 Unités de construction .............................................................................................................................................. 34 Ébauche chronologique des travaux ................................................................................................................... 45 Fonctionnement du site .............................................................................................................. 54 Aspects généraux ........................................................................................................................................................ 54 Le cas particulier du site « Wotan » .................................................................................................................... 58 La vie quotidienne des soldats ................................................................................................. 61 Exercices ......................................................................................................................................................................... 61 Combats ........................................................................................................................................................................... 66 Loisirs ............................................................................................................................................................................... 68 Guerre totale ................................................................................................................................................................. 70 Tentative de quantification ....................................................................................................... 72 3 © 2015 Valentin Schneider Glossaire et abréviations AK Armeekorps, corps d’armée AOK Armeeoberkommando, commandement supérieur d’armée Atlantikwall « Mur de l’Atlantique » BA-­‐MA Bundesarchiv-­‐Militärarchiv, archives fédérales militaires Bau-­‐Brigade Brigade de construction Flak Flugabwehrkanone, canon anti-­‐aérien, par extension : défense contre avions Heer Armée de terre Kriegsmarine Marine de guerre Kriegstagebuch Journal de marche KStN Kriegsstärkenachweisung, tableau d’effectifs de guerre KVA Küstenverteidigungsabschnitt, secteur de défense côtière Luftwaffe Armée de l’air OT Organisation Todt, entreprise de construction d’Etat RAD Reichsarbeitsdienst, service du travail allemand Stützpunkt Point d’appui Stützpunktgruppe Groupe de points d’appui Unterkunftsübersicht Aperçu cantonnement WASt Deutsche Dienststelle, archives allemandes des états de service Wehrmacht Forces armées allemandes Widerstandsnest Nid de résistance 4 © 2015 Valentin Schneider Rappel de l’énoncé de la mission La Communauté de Communes de la Côte d’Albâtre souhaite valoriser un ancien point d’appui militaire de l’armée allemande d’occupation (1940-­‐1944) ayant fait partie de ce qui est communément appelé le « mur de l’Atlantique » (« Atlantikwall » en allemand). Localisation des parcelles abritant les vestiges du point d’appui « Va011 » Le point d’appui étudié se situe en partie dans le périmètre des parcelles encadrées en couleur turquoise. Source : Communauté de Communes de la Côte d’Albâtre L’expertise historique doit permettre une mise en valeur optimale du site et offrir au public une information claire et basée sur des sources historiques fiables. La mission d’expertise historique avait pour objectif de connaître l’histoire du point d’appui « Va011 » (nomenclature militaire allemande, point d’appui n° 11 (« Stützpunkt Nr. 11 ») dans le groupe de points d’appui (« Stützpunktgruppe ») « Veulettes-­‐sur-­‐
Mer/Falaise Est », situé sur la commune de Paluel, à l’est de Veulettes-­‐sur-­‐Mer. Cet objectif a été atteint grâce à une recherche documentaire exhaustive dans les archives allemandes. 5 © 2015 Valentin Schneider Questions de recherche La recherche a été menée notamment pour répondre aux questions ci-­‐dessous : •
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Comment cette position était-­‐elle organisée pour résister à un éventuel assaut ennemi ? Qui sont les militaires qui ont occupé ce lieu ? Combien étaient-­‐ils ? Quelles nationalités ? Quels âges ? Quels commandements ? Quelle était la vie quotidienne pour ces hommes (mission militaire, entrainement, nourriture, corvées, relations avec les autochtones, etc.) ? N.B. : Les suggestions de reproduction de cartes sont surlignées en gris dans le texte. 6 © 2015 Valentin Schneider Méthodologie Un certain nombre de questions concernant le point d’appui peut être résolu en amont des recherches à mener dans les archives allemandes, notamment les problèmes relatifs au fonctionnement interne de l’occupation allemande, aux hiérarchies en place, ainsi qu’aux domaines de compétence des différents types d’unités et de formations potentiellement en présence. Sources utilisées Les recherches principales pour cette étude ont été menées aux archives militaires allemandes à Fribourg-­‐en-­‐Brisgau et à Berlin, en octobre 2014. La source principale de documents militaires allemands est le Bundesarchiv-­‐Militärarchiv de Fribourg-­‐en-­‐Brisgau (BA-­‐MA), où sont conservés dans les séries RH (Heer) et RL (Luftwaffe) deux types de documents d’un intérêt particulier pour l’histoire du site étudié : -­‐
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les journaux de marche (Kriegstagebücher) des unités militaires qui contiennent jour par jour les événements et les ordres qui concernent une unité donnée et qui sont souvent garnis d’annexes très riches, notamment des cartes ; les aperçus de cantonnements (Unterkunftsübersichten) qui constituent des listes, unité par unité, généralement établies par les divisions d’infanterie, et qui concernent à une date donnée tous les emplacements d’unités dans une aire donnée. Les archives de la Deutsche Dienststelle (WASt) à Berlin conservent quant à eux les registres des numéros matricule de toutes les unités des forces armées allemandes, ainsi que les listes de pertes, ce qui constitue la base d’une analyse sociologique. -­‐
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les registres des numéros matricule contiennent le numéro matricule, le nom, prénom, la date et le lieu de naissance, ainsi que l’adresse de résidence des soldats engagés ; les listes de pertes renseignent sur les soldats blessés ou tués au combat, les hommes capturés par l’ennemi, les portés disparus, les soldats ayant commis un suicide, une automutilation, ou qui sont indisponibles au service militaire suite à une maladie ou un accident. 7 © 2015 Valentin Schneider En plus du caractère souvent lacunaire des archives conservées, les documents les plus problématiques sont les aperçus de cantonnements, édités par les divisions à intervalles réguliers, une ou deux fois par mois, et transmis au corps d’armée de rattachement. En effet, en fonction de la personne qui établi cet aperçu, nous pouvons trouver soit 1) les unités directement subordonnées à la division, soit 2) les unités non « endivisionnées » mais qui se trouvent dans l’aire d’autorité de la division. En pratique, les unités qui dépendent directement de la division y figurent toujours, les autres davantage par intermittence. Il est alors difficile de dire si des unités qui apparaissent puis disparaissent, avant de réapparaître dans ces aperçus ont effectivement bougé dans les intervalles ou si elles ont simplement été ignorées ou oubliées par l’auteur de l’aperçu. Pour notre étude, les aperçus les plus complets sont bien-­‐sûrs les plus intéressants puisqu’ils donnent une image instantanée de ce à quoi une occupation plus dense d’un secteur pouvait ressembler. Ces informations peuvent être croisées et complétées grâce à un document majeur qui s’intitule « l’ordre de bataille de l’ex-­‐Wehrmacht », établi après la Seconde Guerre mondiale par l’armée française à Berlin sur la base des listes de pertes et des registres de plaques matricules des unités allemandes, conservés par la Wehrmachtauskunftstelle (WASt). Ce document est consultable aux archives de la Deutsche Dienststelle de Berlin (ex-­‐WASt), ainsi qu’au Bundesarchiv-­‐Militärarchiv de Fribourg-­‐en-­‐Brisgau (BA-­‐MA). La série de publications de Georg Tessin regroupées sous le nom de Truppen und Verbände der Wehrmacht und Waffen-­‐SS, recense, sur la base des registres du personnel (Stammrollen), une très grande partie des unités terrestres de l’armée de terre, de la marine de guerre, de l’armée de l’air et de la Waffen-­‐SS1. Pour évaluer les effectifs allemands en présence, on peut également avoir recours aux tableaux d’effectifs de guerre (Kriegsstärkenachweisungen, KStN) de la Wehrmacht et de la Waffen-­‐SS. Enfin, ce corpus documentaire doit être complété par une recherche intensive sur les sites internet spécialisés en histoire militaire, dont les plus importants sont : •
Lexikon der Wehrmacht, un site encyclopédique en allemand sur la Wehrmacht et la Waffen-­‐SS comportant des fiches détaillées sur un très grand nombre d’unités ainsi qu’un recueil important de notes biographiques de hauts gradés allemands2 ; •
Axis History Factbook, un site encyclopédique en anglais sur l’histoire des armées de l’« Axe », renseignant sur les chaînes de commandements, les 1 Cf. Georg Tessin, Verbände und Truppen der deutschen Wehrmacht und Waffen-­‐SS im Zweiten Weltkrieg, 1939-­‐1945, Osnabrück, Bissendorf : Biblio Verlag, 1977-­‐2002, 17 vol. 2 Cf. www.lexikon-­‐der-­‐wehrmacht.de 8 © 2015 Valentin Schneider lieux d’engagement et le commandement de la plupart des unités allemandes de la Wehrmacht et de la Waffen-­‐SS3 ; •
Feldgrau, un site encyclopédique en anglais sur l’histoire et l’organisation des forces armées allemandes, comptant également des fiches sur le fonctionnement et les structures d’organisations paramilitaires, telles que le Reichsarbeitsdienst, par exemple4 ; •
The Luftwaffe 1933-­‐45, un site encyclopédique en anglais sur l’histoire et l’organisation de l’armée de l’air allemande, tant au niveau de ses structures au sol que de ses unités aériennes5. Identifier les unités en présence Le problème majeur lié à l’identification des unités militaires et paramilitaires6 allemandes présentes en France, réside dans le fait que le découpage administratif du pays (régions, départements, cantons, communes) en tant que tel, n’a pas d’équivalent dans le découpage territorial réalisé par l’armée allemande dans la France occupée, à quelque niveau que ce soit : administration, armée de terre, armée de l’air ou marine de guerre. Le recensement des unités en présence doit donc se faire de deux façons distinctes : une identification par le haut, et une identification par le bas. L’identification par le haut permet, par l’analyse des chaînes de commandement et des listes de diffusion des ordres depuis les échelons les plus élevés, de déterminer l’existence puis l’emplacement des unités subordonnées jusqu’aux niveaux les moins élevés. De cette manière, on est à même d’identifier des unités allemandes jusqu’au niveau des communes où elles cantonnent. Afin de pouvoir suivre ce cheminement à travers les chaînes hiérarchiques de l’armée allemande, il est indispensable de faire référence, à chaque fois, non seulement aux unités physiquement présentes dans la région qui nous intéresse, mais également aux échelons supérieurs dont les aires de commandement incluent la région en question et qui sont généralement implantées en dehors de celle-­‐ci. L’identification par le bas consiste en la vérification des résultats obtenus par l’identification par le haut, au moyen des aperçus de cantonnement. Ces listes indiquent idéalement, par exemple pour la zone occupée par une division d’infanterie, à une date donnée, l’ensemble des unités en cantonnement. Malgré les lacunes importantes dans la 3 Cf. www.axishistory.com 4 Cf. www.feldgrau.com 5 Cf. www.ww2.dk 6 Au cours de l’Occupation, de nombreuses unités allemandes séjournant en France ne peuvent être rattachées strictu sensu aux forces armées, notamment celles appartenant aux services de sécurité du parti nazi, aux services économiques du Reich, aux douanes, à la Reichsbahn, au Reichsarbeitsdienst, à l’Organisation Todt et aux SS-­‐Baubrigaden. 9 © 2015 Valentin Schneider documentation, il est possible de déterminer la présence d’un grand nombre d’unités qui ne pourraient être identifiées au moyen des seules chaînes de commandement, généralement en raison de leur appartenance aux services auxiliaires de l’armée et aux organisations paramilitaires allemandes. Pour un certain nombre d’unités recensées, le temps de présence a pu être établi avec plus ou moins de précision, ce qui nous permet de formuler une estimation quantitative de la présence allemande sur le point d’appui à l’est de Veulettes. Évaluer les effectifs Pour évaluer les effectifs allemands des unités identifiées, nous disposons des tableaux d’effectifs de guerre (Kriegsstärkenachweisungen, KStN) de la Wehrmacht. Un tableau d’effectifs de guerre indique la composition précise en hommes et en équipements d’une unité militaire donnée. Au fil de la guerre, les tableaux d’effectifs de guerre subissent de nombreux changements, en fonction des besoins du moment, de la disponibilité d’hommes mobilisables et de l’apparition de nouvelles armes, par exemple. Lors de l’édition d’un nouveau tableau d’effectifs de guerre pour une unité donnée, l’ordre est émis de détruire l’édition précédente afin d’éviter toute confusion dans la composition des unités. Il en résulte que, majoritairement, seules les dernières éditions des tableaux d’effectifs de guerre aient pu être préservés7. Il est à noter que les tableaux d’effectifs de guerre indiquent la composition théorique d’une unité. Or, ces effectifs théoriques sont de plus en plus rarement atteints au fil de la guerre et la différence entre l’effectif théorique (Soll-­‐Stärke) et l’effectif réalisé (Ist-­‐Stärke) d’une unité donnée tend à s’accroître au cours de la période. De plus, certains documents allemands différencient l’effectif combattant (Gefechtsstärke) de l’effectif ravitaillé (Verpflegungsstärke), auquel cas l’effectif ravitaillé est équivalent à l’effectif réalisé. Le but de l’analyse quantitative étant de comptabiliser l’ensemble des soldats allemands présents sur le site étudié, nous devons nous interroger sur l’écart entre l’effectif réalisé ou, le cas échéant, l’effectif ravitaillé, et l’effectif théorique. L’effectif combattant, quant à lui, n’a d’importance que d’un point de vue militaire puisqu’il n’inclut pas les éléments non combattants, tels que l’intendance, les hôpitaux, les transmissions, etc. Or, pour cette analyse, ces unités auxiliaires pèsent autant que les 7 Un certain nombre de tableaux d’effectifs demeurent inaccessibles, soit à cause de leur destruction définitive au sortir de la guerre, soit en raison d’une trop grande dispersion géographique qui en rend impossible la consultation dans un laps de temps raisonnable. Il s’agit principalement des tableaux relatifs à certains états-­‐majors de commandement locaux ou régionaux de la Luftwaffe et de la Kriegsmarine. Autant que possible, il sera fait appel, dans ces cas, à des estimations argumentées, en procédant à une comparaison des échelons hiérarchiques d’emploi d’une unité, puis en tenant compte des effectifs d’unités équivalentes dont les tableaux d’effectifs sont connus. 10 © 2015 Valentin Schneider unités combattantes puisqu’elles créent, elles-­‐aussi, par leur présence, un impact sur la vie quotidienne de la région étudiée. Il est à noter que toute information sur les effectifs n’est qu’une image instantanée de la situation personnelle d’une unité donnée. En effet, au fil de son existence, chaque unité subit des pertes, des gains ou des remodelages affectant son effectif global réel. L’exemple de la 6ème division d’infanterie, dont l’effectif réalisé oscille entre 77,4 % et près de 110 % de son effectif théorique au cours d’une période de neuf mois, est caractéristique. Evolution des effectifs de la 6ème division d’infanterie Date Effectif ravitaillé Pourcentage de l’effectif théorique (17 734 hommes) 1er juillet 1940 13 723 77,4 % 1er août 1940 16 414 92,5 % 31 août 1940 16 207 91,4 % 1er octobre 1940 19 482 109,9 % 1er novembre 1940 19 213 108,3 % 30 novembre 1940 18 813 106,1 % 31 décembre 1940 18 112 102,1 % 31 janvier 1940 17 245 97,2 % 1 mars 1941 18 060 101,8 % 10 mars 1941 18 348 103,5 % Pourcentage moyen de l’effectif théorique : 99,0 % er
Source : Kriegstagebuch Nr. 3 der 6. Inf.Div./Ia für die Zeit vom 26.6.14940 – 21.6.1941, Gefechts-­‐ und Verpflegungsstärken der 6. Division, BA-­‐MA, RH 26-­‐6/2. Il semble que, durant la majeure partie de leur présence en Normandie, les unités militaires affichent en moyenne une composition très proche de leur effectif idéal. Tandis qu’au début de l’Occupation, les effectifs réalisés des unités en présence dépassent parfois le seuil de leur effectif théorique, du fait de la subordination d’un certain nombre d’unités de la réserve générale dans le cadre des opérations du printemps et de l’été 1940, la tendance s’inverse vers la fin de l’Occupation avec des effectifs plus ou moins déficitaires. A la veille du Débarquement, l’image est très hétérogène, entre des unités affichant des effectifs quasiment complets et d’autres n’atteignant pas 60 % de leur effectif alloué8. 8 Cependant, il ne ressort pas clairement de la documentation disponible s’il s’agit des effectifs réalisés, donc ravitaillés, ou bien des effectifs combattants, notamment dans le contexte de la bataille de Normandie. 11 © 2015 Valentin Schneider Situation personnelle de quelques divisions stationnées en Normandie, début juin 1944 Effectif connu Effectif théorique Pourcentage de l’effectif théorique 84. Inf.-­‐Div. 8 437 13 463 62,7 % 77. Inf.-­‐Div. 9 095 13 463 67,5 % 243. Inf.-­‐Div. 11 529 12 461 92,5 % 346. Inf.-­‐Div. 9 816 12 461 78,8 % 352. Inf.-­‐Div. 12 734 13 463 94,6 % 709. Inf.-­‐Div. 12 320 12 461 98,9 % 711. Inf.-­‐Div. 7 242 12 461 58,1 % 716. Inf.-­‐Div. 7 771 12 461 62,4 % Moyenne : 76,9 % Unité Sources : Bernhard R. Kroener, « “Menschenbewirtschaftung”, Bevölkerungsverteilung und personelle Rüstung in der zweiten Kriegshälfte (1942-­‐1944) », in Bernhard R. Kroener, Rolf-­‐Dieter Müller et Hans Umbreit, Organisation und Mobilisierung des deutschen Machtbereichs, volume 2, Kriegsverwaltung, Wirtschaft und personelle Ressources 1942-­‐1944/45, Stuttgart : Deutsche Verlags-­‐Anstalt, 1999 (Das Deutsche Reich und der Zweite Weltkrieg ; 5/2), p. 960. Niklas Zetterling, Normandy 1944, German Military Organization, Combat Power and Organizational Effectiveness, Winnipeg : J.J. Fedorowicz, 2000, p. 28-­‐30 & p. 79. Alors que nous nous intéressons au nombre d’Allemands ayant séjourné à un moment ou un autre dans la région étudiée, nous devons également tenir compte de la rotation du personnel au sein même des unités – une rotation qui a lieu entre l’unité engagée dans le théâtre d’opérations et l’unité de dépôt, située dans le Reich. La 348ème division d’infanterie, cantonnée autour de Dieppe, tient lieu d’exemple pour analyser la rotation du personnel. Bien que, entre décembre 1942 et avril 1943, les départs soient plus nombreux que les renforts au sein de cette division, il est à considérer qu’au cours de ces cinq mois, 1 864 hommes arrivent en renfort à la division – des hommes qui, jusque-­‐là, étaient restés en Allemagne, auprès de leur unité de dépôt. En se basant sur l’effectif théorique de cette division, qui est de 12 461 hommes, cela correspond au renouvellement de près de 15 % des effectifs, en cinq mois seulement. 12 © 2015 Valentin Schneider Rotation du personnel au sein de la 348ème division d’infanterie Pertes et départs Renforts et soldats rétablis Période Décès Blessés Malades Divers Renforts Rétablis Différence Décembre 1942 4 1 72 182 337 6 + 84 Janvier 1943 5 8 63 584 959 8 + 307 Février 1943 2 2 62 195 297 4 + 40 Mars 1943 4 0 90 225 141 1 -­‐ 177 Avril 1943 3 0 44 226 130 5 -­‐ 138 Différence totale : -­‐ 116 Source : Gen.Kdo. LXXXI A.K., Abt. Ia, Tätigkeitsbericht, du 1er janvier au 31 mai 1943, annexes : Zustandsberichte der Div., BA-­‐MA, RH 24-­‐81/78. Face à cette rotation des personnels et en tenant compte de la différence entre les effectifs réalisés et les effectifs théoriques des unités engagées en Normandie, nous avons choisi de baser notre étude quantitative sur les seuls effectifs théoriques – d’autant que ce type d’informations n’est généralement disponible qu’au niveau des divisions, mais pas à l’échelon des compagnies qui nous intéresse ici. Quelques définitions Les individus présents en Normandie par le fait de l’occupation allemande sont majoritairement de nationalité allemande, ce qui inclut les Allemands ethniques (Volksdeutsche), notamment des Autrichiens, ainsi que d’anciens Polonais ou Alsaciens germanisés, de force ou non. Une partie des personnes arrivant dans le giron de l’armée allemande ont d’autres nationalités. Il s’agit principalement d’anciens soldats de l’Armée rouge capturés sur le front de l’Est qui se sont portés volontaires pour un service auprès de la Wehrmacht. Regroupés par Ost-­‐Bataillone ou intégrés dans les nouvelles divisions créées à la fin de la guerre en tant qu’« auxiliaires volontaires » (Hilfswillige, Hiwis), ils représentent à la veille du Débarquement plusieurs dizaines de milliers d’hommes non allemands en Normandie. L’autre groupe majoritairement non allemand présent en Normandie durant l’Occupation est intégré à l’Organisation Todt et œuvre sur les nombreux sites de construction du « mur de l’Atlantique ». Ce groupe très hétérogène est composé de travailleurs volontaires, de prisonniers de guerre et de travailleurs forcés, issus d’un grand nombre de nations européennes. Contrairement aux Normands travaillant pour l’occupant à proximité de leur lieu de résidence, une partie des Français engagés dans l’Organisation Todt ne sont pas originaires de la région. Aux Allemands s’ajoute donc la présence de dizaines de milliers d’étrangers non allemands, dont l’incidence sur la vie 13 © 2015 Valentin Schneider quotidienne de la région ne doit pas être négligée dans l’analyse de l’image de l’occupant en Normandie. On peut s’attendre à ce que l’étude en détail de la situation à Paluel reflète des conditions semblables au reste de la Normandie, en ce qui concerne la multitude des origines des soldats et des hommes arrivés là dans le giron de l’armée allemande. Frise chronologique 14 © 2015 Valentin Schneider Les unités du point d’appui Le point d’appui à l’est de Veulettes accueille au cours de la période d’occupation un grand nombre d’unités et d’éléments d’unités diverses : essentiellement des éléments de différentes compagnies d’infanterie qui se relaient à Veulettes et dans ses alentours pour assurer leur mission de défense côtière, et des éléments de deux batteries de la défense anti-­‐aérienne, dont la mission est la protection d’un émetteur de radionavigation de la Luftwaffe, une installation d’importance stratégique pour l’Allemagne dans la guerre aérienne contre l’Angleterre. A ces deux ensembles d’unités se joignent un certain nombre de formations de passage pour des durées plus ou moins longues. A noter que le point d’appui n’est pas tenu par une unité entière, mais bien par des éléments divers et successifs d’unités qui cantonnent dans la région de Veulettes et Paluel9. L’infanterie en charge de la défense côtière Dès la première année de l’Occupation, les corps d’armée allemands divisent le littoral dont ils doivent assurer la sécurité en secteurs de défense côtière : les Küstenverteidigungsabschnitte (KVA). En 1941, la défense côtière est encore assez lâche et chaque secteur de défense est parfois attribué à un seul régiment. L’organisation des KVA est soumise à des remaniements à chaque fois que les limites des corps d’armée sur le littoral normand sont affectées. A la veille du débarquement allié du 6 juin 1944, chaque secteur de défense côtière est généralement gardé par une ou plusieurs divisions d’infanterie. A partir de 1943, les fortifications bétonnées, les Stützpunkte et les Widerstandsnester sont multipliés10. Généralement ces points d’appuis n’appartiennent pas à une unité donnée, mais servent de fortification aux troupes en place successivement. A l’intérieur des divisions, une rotation régulière des troupes est entretenue afin de permettre au plus grand nombre d’hommes de s’entraîner sur les équipements de défense côtière11. La continuité de l’occupation territoriale est représentée par le commandement du LXXXIème corps d’armée, installé à Canteleu, près de Rouen. Bien que portant un nom 9 Pour l’analyse quantitative, voir la fin du rapport. 10 Voir également la partie sur la chronologie des constructions, plus loin. 11 Cf. Der OB der 9. Armee, Abt. T, A.H.Qu., den 10.5.1941, rapport d’une visite effectuée du 6 au 8 mai 1941 sur la côte de la Seine-­‐Inférieure, Anlage 1 zum TB des Gen.Kdos.XXXXIII.A.K.(T) für Mai 1941, BA-­‐MA, RH 24-­‐84/2. 15 © 2015 Valentin Schneider différent entre juin 1940 et mai 1941 (Höheres Kommando zur besonderen Verwendung XXXII, Höh.Kdo. z.b.V. XXXII), il s’agit du même état-­‐major12. Mis à part la première année de l’Occupation, cet état-­‐major est soumis au commandement du 15ème commandement supérieur d’armée (A.O.K., Armeeoberkommando), installé à Tourcoing. A la veille du Débarquement, Veulettes et l’embouchure de la Durdent font partie du sous-­‐secteur de défense côtière « Saint-­‐Valery-­‐en-­‐Caux ». Küstenverteidigungsabschnitte en Normandie, printemps 1944. Corps d’armée KVA E1 KVU-­‐Gruppe / Unterabschnitt Cayeux Le Tréport Penly E2 Dieppe Sainte-­‐Marguerite Saint-­‐Valery-­‐en-­‐Caux LXXXI Fécamp F Etretat Le Havre Trouville G Villers-­‐sur-­‐Mer Cabourg Sources : Jean Quellien, « Le “Mur de l’Atlantique” », in Jean-­‐Luc Leleu et al., La France…, p. 236-­‐237 ; http://www.darkplaces.org/Frankreich/WW2/Atlantikwall/Atlantikwall_Frankreich.htm La principale mission des troupes allemandes présentes sur le littoral de la Manche est de prévenir un débarquement ennemi. Cette mission de défense côtière est remplie sur la côte d’Albâtre par six divisions allemandes qui se succèdent au cours de la période d’occupation. Aucune de ces divisions ne reste en place pendant plus de douze mois. Ce sont les hommes de ces six divisions d’infanterie qui servent sur une partie du point d’appui à l’est de Veulettes. Les « commandements supérieurs d’emploi particulier » (Höheres Kommando zur besonderen Verwendung, Höh.Kdo. z.b.V.) sont des états-­‐majors de réserve, équivalents en effectifs à ceux des corps d’armée. Les « commandements supérieurs d’emploi particulier » employés en Normandie sont ainsi formés pour l’administration de territoires occupés, cf. Georg Tessin, Op. Cit., tome 1, p. 14-­‐20. 12
16 © 2015 Valentin Schneider Les divisions allemandes sur la côte d’Albâtre, 1940-­‐1944. Arrivée Division Départ Corps d’armée Emplacement Armée Emplacement 06/1940 07/1940 Gen.Qu. 07/1940 07/1940 16. A.O.K. Tourcoing 9. A.O.K. Limésy 15. A.O.K. Tourcoing 07/1940 227. I.D. 05/1941 06/1941 01/1942 05/1942 04/1941 05/1941 336. I.D. 302. I.D. Höh. Kdo. z.b.V. XXXII 01/1942 Canteleu 05/1942 06/1942 06/1942 332. I.D. 02/1943 02/1943 17. LWFD 12/1943 01/1944 245. I.D. 08/1944 LXXXI. A.K. N.B. – Les 227ème et 302ème divisions sont représentées dans ce tableau sur plusieurs lignes parce qu’elles sont soumises à une hiérarchie qui évolue au cours de sa présence sur la côte d’Albâtre. La mention « arrivée » de la première ligne indique le moment de son arrivée dans la région, la mention « départ » de la dernière ligne de cette division indique le moment de son départ effectif. Les lignes intermédiaires renseignent sur les dates d’arrivée et de départs sous un nouveau commandement supérieur, à lire dans les colonnes à droite. Les divisions quant à elles restent les mêmes. D’une façon générale, les troupes allemandes se concentrent sur les secteurs qui présentent le plus grand risque d’une attaque ennemie (tentatives de débarquement, opérations de type commando). Dès l’arrivée des Allemands en France, le secteur de Veulettes avec l’embouchure de la Durdent est identifié comme un tel secteur à risque. En conséquence, l’occupation de la localité est ininterrompue entre juin 1940 et l’été 1944, à hauteur d’au moins une compagnie d’infanterie. Si la fréquence de rotation des divisions allemandes dans ce secteur est élevée, celle des compagnies en garnison à Veulettes l’est encore plus : nous avons pu identifier pas moins de seize compagnies présentes sur les lieux en tant qu’unités d’occupation territoriale. A ce titre, elles remplissent la fonction de Standortkommandantur locale. Les Standortkommandanturen (littéralement « commanderies de garnison ») sont mises en place par l’armée de terre dans certaines villes dont les alentours sont occupés de manière continue, et dont elles portent alors le nom, comme par exemple la Standortkommandantur Veulettes. Contrairement aux autres Kommandanturen (comme les Feldkommandanturen) les Standortkommandanturen ne relèvent pas du Militärbefehlshaber in Frankreich (MbF) – l’administration militaire allemande en France – et de ces instances locales (par exemple la Feldkommandantur 517 de Rouen ou sa dépendance à Forges-­‐les-­‐Eaux), mais sont directement soumises aux unités de l’armée de terre en place. Ainsi, une Standortkommandantur peut être gérée successivement par les membres des différentes unités de passage dans une ville. : 17 © 2015 Valentin Schneider Quelques noms de Standortkommandanten à Veulettes Grade Nom Unité Hauptmann Raapke 1./I.R. 328 Hauptmann Damm 7./I.R. 328 Date 15 octobre 1940 15 novembre 1940 15 décembre 1940 15 janvier 1941 15 février 1941 15 mars 1941 Hauptmann Brune 10./I.R. 328 Oberleutnant Weiling 9./I.R. 412 15 mai 1941 Oberleutnant Scholze 11./I.R. 686 15 juillet 1941 Leutnant Adler 7./I.R. 686 Leutnant Schöne 2./I.R. 686 15 avril 1941 15 août 1941 5 septembre 1941 1er octobre 1941 Ces offices gèrent le ravitaillement des unités d’occupation en appui au rôle des Kommandanturen du MbF, surtout lorsque celles-­‐ci se trouvent à une distance jugée trop grande par rapport aux unités en action. Les Standortkommandanturen attribuent les logements aux troupes, organisent une partie de leur ravitaillement et gèrent, d’une façon générale, l’ensemble des questions pouvant naître entre la troupe et la population civile. Elles organisent également la vente du surplus militaire aux civils, tel que des caisses de munitions vides, des poulains, du fumier, etc. Pendant la première année de l’Occupation, ces compagnies appartiennent à la 227ème division d’infanterie, dont l’état-­‐major se trouve à Bolbec. Chaque compagnie fait partie d’un bataillon, lui même intégré à un régiment. Le régiment est soumis à l’autorité de la division. Compagnies à Veulettes appartenant à la 227ème division d’infanterie (Bolbec) Arrivée Compagnie Départ Bataillon Emplacement bataillon Régiment Emplacement régiment 06/1940 7./I.R. 412 08/1940 II./I.R. 412 Fécamp I.R. 412 Valmont 08/1940 1./I.R. 328 11/1940 11/1940 3./I.R. 328 12/1940 12/1940 7./I.R. 328 03/1941 II./I.R. 328 Saint-­‐Valery-­‐en-­‐Caux I.R. 328 Hautot-­‐sur-­‐Mer 03/1941 10./I.R. 328 05/1941 III./I.R. 328 05/1941 9./I.R. 412 05/1941 III./I.R. 412 Fécamp I.R. 412 Valmont I./I.R. 328 La première mention d’une unité allemande à l’embouchure de la Durdent est faite à la fin juin 1940, au tout début de l’Occupation donc. Une carte d’état-­‐major du Höh. Kdo. z.b.V. XXXII en date du 29 juin 1940 montre la présence à Veulettes de la 7./I.R. 412 (7ème compagnie du régiment d’infanterie 412), qui fait partie de la 227ème division 18 © 2015 Valentin Schneider d’infanterie13. Il s’agit là d’une division qui, bien que mise sur pied dès la fin août 1939, n’est engagée au combat qu’à partir de mai 1940, lorsqu’elle se distingue notamment pendant les combats en Hollande. A partir de la fin juin 1940, elle est chargée de l’occupation territoriale de l’ensemble du département de la Seine-­‐Inférieure. La 7ème compagnie fait partie du IIème bataillon, dont l’état-­‐major se trouve à Fécamp. L’état-­‐
major du régiment, quant à lui, est installé à Valmont14. Concernant la 7./I.R. 412 à Veulettes, nous ne savons pas si des éléments ont investi déjà à cette période précoce les hauteurs à l’est de l’embouchure de la Durdent. Ceci est cependant probable, au vu du rôle d’occupation territoriale et de protection côtière qui incombe alors à la 227ème division. A la fin août 1940, la 7./I.R. 412 est remplacée à Veulettes par la 1./I.R. 328. Cette compagnie appartient également à la 227ème division d’infanterie. Au sein du régiment d’infanterie 328, commandé depuis Hautot-­‐sur-­‐Mer, elle fait partie du Ier bataillon, dont l’état-­‐major est installé à Saint-­‐Valery-­‐en-­‐Caux 15 . Cette compagnie reste en place jusqu’au mois de novembre 194016. Au 15 novembre 1940, la 1./I.R. 328 est remplacée par la 3./I.R. 328, appartenant au même bataillon du même régiment17. L’aperçu des cantonnements en date du 15 décembre 1940 de la 227ème division nous renseigne sur une nouvelle rotation de la compagnie principale qui occupe la localité de Veulettes et ses environs. C’est ainsi que la 3./I.R. 328 est remplacée par le 7ème compagnie du même régiment. Elle appartient au IIème bataillon dont l’état-­‐major remplace celui du Ier bataillon à Saint-­‐Valery-­‐en-­‐Caux 18 . Le mois de janvier 1941 n’apporte pas de modifications significatives dans le dispositif de la défense côtière allemande19. Un nouvel aperçu des cantonnements en date du 15 février 1941 confirme la présence de la 7./I.R. 328 à Veulettes à cette date20. Au mois de mars 1941, la 7./I.R. 328, qui avait occupé Veulettes depuis décembre 1940, est remplacée par la 10ème compagnie du même régiment. L’état-­‐major du IIIème 13 RH 24-­‐81/45K, Anl. 7, 227. I.D., Stand 29.6.40. 14 RH 24-­‐81/47, Höh.Kdo. XXXII, Unterkunftsübersichten, Kdo. 227. Inf.Div., Abteilung Ia Div.Gef.Stand, den 30. Juli 1940. Unterkunftsübersicht. 15 RH 24-­‐81/47, Höh.Kdo. XXXII, Unterkunftsübersichten, Kdo. 227. Inf.Div., Abteilung Ia, Div.Gef.Stand, den 31. August 1940. Unterkunftsübersicht. 16 RH 24-­‐81/44K, Anl. 28, 21.10.40. 17 RH 24-­‐81/50, Höheres Kommando XXXII, Ia, Anl. 1 zum Tätigkeitsbericht, Unterkunftsübersichten, 15.11.40-­‐22.7.41 Westen, Kdo. 227. Inf.Div., Abteilung Ia, Div.Gef.Stand, den 15. November 1940. Unterkunftsübersicht. 18 RH 24-­‐81/50, Höheres Kommando XXXII, Ia, Anl. 1 zum Tätigkeitsbericht, Unterkunftsübersichten, 15.11.40-­‐22.7.41 Westen, Kdo. 227. Inf.Div., Abteilung Ia, Div.Gef.Stand, den 15. Dezember 1940. Unterkunftsübersicht. 19 RH 24-­‐81/50, Höheres Kommando XXXII, Ia, Kdo. 227. Inf.Div., Abteilung Ia, Div.Gef.Stand, den 15. Januar 1941. Unterkunftsübersicht. La situation est inchangée au 29 janvier 1941, RH 26-­‐227/24K, Anlage 2 zum Kriegstagebuch Nr. 3 des Kdo. 227.I.D., Führungsabteilung Ia, Kartenunterlagen, Mappe I, (7 Lagenkarten), 1.7.1940-­‐21.2.1941, Karte Nr. 5, Stand 29.1.41. 20 RH 24-­‐81/50, Höheres Kommando XXXII, Ia, Kdo. 227. Inf.Div., Abteilung Ia, Div.Gef.Stand, den 15. Februar 1941, Unterkunftsübersicht. 19 © 2015 Valentin Schneider bataillon, auquel elle appartient, remplace le IIème bataillon à Saint-­‐Valery-­‐en-­‐Caux. La 10./I.R. 328 remplie donc désormais également les fonctions de Standortkommandantur, placée sous les ordres du Hauptmann Brune21. Cette situation est confirmée au 15 avril 194122. L’aperçu des cantonnements du 15 mai 1941 confirme la rotation des troupes et le départ de la 10./I.R. 328 qui avait occupée Veulettes depuis le mois de mars 1941. Cette compagnie est remplacée par la 9./I.R. 412, appartenant au même régiment qui avait occupé les lieux entre juin et août 1940. La compagnie fait partie du IIIème bataillon dont l’état-­‐major se trouve à Fécamp. L’état-­‐major du régiment est quant à lui est installé à Valmont. L’Oberleutnant Weiling du 9./I.R. 412 est chargé des fonctions du Standortkommandant23. Avant le départ de la 227ème division d’infanterie de la région à la fin mai 1941, la 9./I.R. 412 semble être brièvement remplacée à Veulettes par la 7./I.R. 412, une compagnie donc qui avait déjà été présente à Veulettes entre juin et août 1940. C’est en tout cas ce que semble indiquer une carte d’état-­‐major de la 227ème division en date du 26 mai 194124. La 227ème division d’infanterie quitte la Normandie à la fin mai 1941. Sous son commandement, le secteur de Veulettes a ainsi connu la présence d’au moins de six compagnies d’infanterie différentes, chargées de la défense côtière. Compagnies à Veulettes appartenant à la 336ème division d’infanterie (Bolbec) Arrivée Compagnie Départ Bataillon 06/1941 11./I.R. 686 06/1941 III./I.R. 686 07/1941 7./I.R. 686 08/1941 08/1941 6./I.R. 686 09/1941 10/1941 2./I.R. 686 11/1941 I./I.R. 686 11/1941 9./I.R. 686 01/1942 III./I.R. 686 II./I.R. 686 Emplacement bataillon Régiment Emplacement régiment I.R. 686 Valmont Malleville Auberville Début juin 1941 arrive en Seine-­‐Inférieure la 336ème division d’infanterie. Il s’agit là d’une division de création récente, mobilisée en décembre 1940, et sans expérience au combat. Son état-­‐major s’implante à Bolbec. Veulettes et son secteur sont alors occupés par les hommes de la 11./I.R. 686. Cette compagnie fait partie du IIIème bataillon, dont 21 RH 24-­‐81/50, Höheres Kommando XXXII, Ia, Kdo. 227. Inf.Div., Abteilung Ia, Div.Gef.Stand, den 15. März 1941, Unterkunftsübersicht. 22 RH 24-­‐81/50, Höheres Kommando XXXII, Ia, Kdo. 227. Inf.Div., Abteilung Ia, Div.Gef.Stand, den 15. April 1941, Unterkunftsübersicht. 23 RH 24-­‐81/50, Höheres Kommando XXXII, Ia, Kdo. 227. Inf.Div., Abteilung Ia, Div.Gef.Stand, den 15. Mai 1941, Unterkunftsübersicht. 26-­‐227/25K, Anlage 3 zum Kriegstagebuch Nr. 3 des Kdo. 227.I.D., Führungsabteilung Ia, Kartenunterlagen, Mappe II (9 Lagenkarten), 29.4.1941-­‐9.6.1941, Karte Nr. 13, Unterkunftsübersicht der 227. I.D., Stand vom 26.5.41. 24 RH 20 © 2015 Valentin Schneider l’état-­‐major se trouve à Malleville. L’état-­‐major du régiment d’infanterie 686, quant à lui, se trouve à Valmont. L’Oberleutnant Scholze de la 11./I.R. 686 devient le Standortkommandant à Veulettes25. Cette compagnie est remplacée dès le 14 juillet 1941 par la 7./I.R. 686, qui était auparavant affectée à Thietreville. L’état-­‐major du IIème bataillon, auquel la 7./I.R. 686 appartient, est installé à Malleville, le chef du régiment quant à lui reste à Valmont26. Le mois d’août n’apporte pas de changements quant à l’occupation principale de Veulettes. On apprend que le Leutnant Adler de la 7./I.R. 686 est désormais le chef de la Standortkommandantur locale27. L’aperçu des cantonnements du 5 septembre 1941 nous apprend que la 7./I.R. 686 quitte Veulettes et ses environs le 20 août 1941 et est remplacée au sein du même IIème bataillon par la 6./I.R. 686, en provenance de Saint-­‐Pierre-­‐en-­‐Port28. Dès le 1er octobre 1941, la 6./I.R. 686 est remplacée à Veulettes par la 2./I.R. 686, en provenance de Theuville. La Standortkommandantur est placée sous les ordres du Leutnant Schöne. Cette compagnie appartient au Ier bataillon, dont l’état-­‐major s’installe à Auberville29. Au mois de novembre, l’occupation de Veulettes par la 2./I.R. 686 reste inchangée30. Le 24 novembre 1941, la 2./I.R. 686 est remplacée à Veulettes par la 9./I.R. 686, en provenance de Fécamp. Elle appartient au IIIème bataillon dont l’état-­‐major s’implante à Auberville31. L’occupation de Veulettes et de ses environs reste inchangée au début janvier 194232. 25 RH 24-­‐81/50, Höheres Kommando XXXII, Ia, 336. Infanterie-­‐Division, Ia Nr. 473/41 geh., Div.Gef.Stand, 9.6.41, Unterkunftsübersicht der 336. I.D., Stand 15.6.1941. 24-­‐81/50, Höheres Kommando XXXII, Ia, 336. Infanterie-­‐Division, Abt Ia/U. Nr. 646/41 geh., Div.Gef.Stand, 14.7.41, Unterkunftsübersicht der 336. I.D., Stand 15.7.1941. 27 RH 24-­‐81/57, Höheres Kommando XXXII, Ia, Anl. zum Tätigkeitsbericht, 26 Unterkunftsübersichten, 13.8.41-­‐22.12.41 Westen, 336. Infanterie-­‐Division, Abt Ia/U. Nr. 812/41 geh., Div.Gef.Stand, 14.8.41., Unterkunftsübersicht, Stand 15.8.1941. 28 RH 24-­‐81/57, Höheres Kommando XXXII, Ia, Anl. zum Tätigkeitsbericht, 26 Unterkunftsübersichten, 13.8.41-­‐22.12.41 Westen, 336. Infanterie-­‐Division, Abt Ia/U. Nr. 900/41 geh., Div.Gef.Stand, 4.9.41, Unterkunftsübersicht, Stand 5.9.1941. 29 RH 24-­‐81/57, Höheres Kommando XXXII, Ia, Anl. zum Tätigkeitsbericht, 26 Unterkunftsübersichten, 13.8.41-­‐22.12.41 Westen, 336. Infanterie-­‐Division, Abt Ia/U. Nr. 1002/41 geh., Div.Gef.Stand, 4.10.41, Unterkunftsübersicht, Stand 1.10.1941. 30 RH 24-­‐81/57, Höheres Kommando XXXII, Ia, Anl. zum Tätigkeitsbericht, 26 Unterkunftsübersichten, 13.8.41-­‐22.12.41 Westen, 336. Infanterie-­‐Division, Abt Ia/U. Nr. 1099/41 geh., Div.Gef.Stand, 4.11.41, Unterkunftsübersicht, Stand 1.11.1941. 31 RH 24-­‐81/57, Höheres Kommando XXXII, Ia, Anl. zum Tätigkeitsbericht, 26 Unterkunftsübersichten, 13.8.41-­‐22.12.41 Westen, 336. Infanterie-­‐Division, Abt Ia/U. Nr. 1170/41 geh., Div.Gef.Stand, 3.12.41, Unterkunftsübersicht, Stand 1.12.1941. 32 RH 24-­‐81/62, Gen.Kdo. LXXXI. A.K., Anlagen zum Tätigkeitsbericht Ia vom 1.1.42-­‐4.6.42, 336. Infanterie-­‐
Division, Abt Ia Nr. 6/42 geh., Div.Gef.Stand, 2.1.42, Unterkunftsübersicht, Stand 1.1.1942. 26 RH 21 © 2015 Valentin Schneider La 5./I.R. 570 à Veulettes (302ème division d’infanterie, Arques-­‐la-­‐Bataille) Arrivée 01/1942 03/1942 Compagnie 5./I.R. 570 Départ 03/1942 06/1942 Bataillon II./I.R. 570 Emplacement bataillon Auberville Saint-­‐Valery-­‐en-­‐Caux Régiment Emplacement régiment I.R. 570 Eu Courant janvier 1942, la 9./I.R. 686 est remplacée à Veulettes par la 5./I.R. 570, qui appartient à la 302ème division d’infanterie. Il s’agit là également d’une formation de création récente, sans expérience au combat. L’état-­‐major divisionnaire est installé à Arques-­‐la-­‐Bataille, le régiment 570 s’implante à Eu, tandis que l’état-­‐major du IIème bataillon, auquel appartient la 5ème compagnie, s’installe à Auberville-­‐la-­‐Manuel33. Le 4 mars 1942, l’état-­‐major du IIème bataillon est transféré à Saint-­‐Valery-­‐en-­‐Caux34. Cette situation reste inchangée jusqu’au mois de juin 194235. Parmi les nombreuses compagnies qui séjournent à Veulettes, la 5./I.R. 570 est sans doute parmi celles qui sont restées sur place le plus longtemps, c’est-­‐à-­‐dire près de six mois, entre janvier et juin 1941. C’est cette relative continuité qui nous a poussée à soumettre cette compagnie à une analyse plus détaillée, grâce aux documents conservés à la Deutsche Dienststelle (WASt) de Berlin36. Les registres des plaques matricule des soldats permettent de dresser une ébauche de profil social de cette unité. Le premier constat est que la compagnie est forte de 171 hommes en juin 1942, alors qu’une compagnie d’infanterie standard compte un effectif théorique de 186 hommes. Le deuxième constat concerne l’âge des soldats : l’âge moyen des soldats se situe en 1942 à 31 ans. Le soldat le plus âgé est né en 1907, le plus jeune est né en 1921. 33 RH 24-­‐81/62, Gen.Kdo. LXXXI. A.K., Anlagen zum Tätigkeitsbericht Ia vom 1.1.42-­‐4.6.42, 302. Infanterie-­‐
Division, Abt Ia Tgb.Nr. 92/42 geh., Div.Stabs-­‐Qu., 30.1.42, Unterkunftsübersicht, Stand 30.1.1942. 34 RH 24-­‐81/62, Gen.Kdo. LXXXI. A.K., Anlagen zum Tätigkeitsbericht Ia vom 1.1.42-­‐4.6.42, 302. Infanterie-­‐
Division, Abt Ia Tgb.Nr. 228/42 g., Div.Stabs-­‐Qu., den 4.3.42, Unterkunftsübersicht der 302. Infanterie-­‐Division. 35 RH 24-­‐81/62, Gen.Kdo. LXXXI. A.K., Anlagen zum Tätigkeitsbericht Ia vom 1.1.42-­‐4.6.42, 302. Infanterie-­‐
Division, Abt Ia Tgb.Nr. 290/42 g., Div.Stabs-­‐Qu., den 14.3.42, Veränderungsmeldungen zur Unterkunftsübersicht ; RH 24-­‐81/62, Gen.Kdo. LXXXI. A.K., Anlagen zum Tätigkeitsbericht Ia vom 1.1.42-­‐4.6.42, 302. Infanterie-­‐Division, Abt Ia Tgb.Nr. 560/42 g., Div.Stabs-­‐Qu., den 4.5.42, Unterkunftsübersicht der 302. Infanterie-­‐Division ; RH 24-­‐81/62, Gen.Kdo. LXXXI. A.K., Anlagen zum Tätigkeitsbericht Ia vom 1.1.42-­‐4.6.42, 302. Infanterie-­‐Division, Abt Ia Tgb.Nr. 705/42 geh., Div.Stabs-­‐Qu., den 4.6.42, Unterkunftsübersicht der 302. Infanterie-­‐Division. 36 WASt, Erkennungsmarken-­‐Verzeichnisse, Gren.Rgt. 570, 5. Kp., Bandnr. 84419. 22 © 2015 Valentin Schneider Nombre de soldats de la 5./I.R. 570 par classes d’âge en juin 1942 50 45 40 35 30 25 20 15 10 1922 1921 1920 1919 1918 1917 1915 1916 1914 1913 1912 1911 1910 1909 1908 1907 1905 1906 1904 1903 1902 1901 0 1900 5 Source : WASt, Erkennungsmarken-­‐Verzeichnisse, Gren.Rgt. 570, 5. Kp., Bandnr. 84419. Les informations personnelles des soldats permettent également d’en savoir davantage quant à leur situation familiale. Près de 62 % des soldats indiquent ainsi comme domicile l’adresse de leur épouse. Près de 34 % des hommes indiquent l’adresse des parents – deux tiers nomment leur père, un tiers leur mère. Il est pensable que les soldats de parents relativement jeune indiquent l’adresse de leur mère parce que leur père est lui même engagé dans l’armée allemande. Le restant des hommes indique un domicile chez la sœur (3), la fiancée (1), le frère (1) ou l’oncle (1). Enfin, pour un soldat, la nature du domicile n’est pas indiquée. En outre, l’analyse des adresses permet de voir que les trois quarts des hommes viennent du nord-­‐est de l’Allemagne. 23 © 2015 Valentin Schneider Origine géographique des soldats de la 5./I.R. 570 d’après le découpage territorial en vigueur aujourd’hui Région allemande Nombre de soldats Bade-­‐Wurtemberg 5 Bavière 2 Berlin 2 Brandebourg 4 Hambourg Mecklembourg-­‐Poméranie antérieure 2 47 Basse-­‐Saxe 2 Rhénanie-­‐du-­‐Nord-­‐Westphalie 9 Autriche 2 Saxe 9 Saxe-­‐Anhalt 2 Schleswig-­‐Holstein 2 Thuringe 1 Poméranie (aujourd’hui en Pologne) 48 Silésie (aujourd’hui en Pologne) 2 Sudètes (aujourd’hui en République Tchèque) 4 Prusse occidentale (aujourd’hui en Pologne) 28 Source : WASt, Erkennungsmarken-­‐Verzeichnisse, Gren.Rgt. 570, 5. Kp., Bandnr. 84419. Seulement quatre des soldats en garnison à Veulettes proviennent des grandes villes de Berlin et Hambourg. A noter également que deux hommes ont leur adresse permanente en Autriche, annexée par l’Allemagne nazie en 1938. Compagnies à Veulettes appartenant à la 332ème division d’infanterie (Bolbec) Arrivée Compagnie Départ Bataillon 06/1942 7./I.R. 676 10/1942 II./I.R. 676 10/1942 1./I.R. 677 11/1943 I./I.R. 677 12/1942 1./G.R. 677 01/1943 I./G.R. 677 01/1943 7./G.R. 676 02/1943 II./G.R. 676 Emplacement bataillon Régiment Emplacement régiment I.R. 676 Saint-­‐Valery-­‐en-­‐Caux I.R. 677 Doudeville G.R. 677 G.R. 676 Valmont A la fin juin 1942, la 332ème division d’infanterie, dont le secteur de défense côtier s’arrêtait à l’est à la ville de Fécamp, voit son aire d’autorité augmentée jusqu’à Saint-­‐
Valery-­‐en-­‐Caux. C’est donc cette division, dont l’état-­‐major se trouve à Bolbec, qui hérite du secteur de Veulettes. Ce changement dans l’organisation de l’occupation allemande sur la côte d’Albâtre va de pair avec une nouvelle définition des secteurs de défense côtiers, et 24 © 2015 Valentin Schneider notamment la création d’un sous-­‐secteur « Saint-­‐Valery », dont la bordure occidentale est la ligne Ecretteville-­‐sur-­‐Mer (inclus) – Valmont (exclus)37. Ce secteur côtier est confié au II./I.R. 676 (IIème bataillon du régiment d’infanterie 676), mais il est en pratique plus large que celui qu’avait auparavant occupé le II./I.R. 57038. Cette extension des secteurs de défense côtiers reflète le manque croissant de personnel à l’Ouest, alors que de plus en plus de troupes sont transférées vers le front russe après la première offensive d’hiver de l’Armée rouge. Au sein de ce sous-­‐secteur, le point d’appui Veulettes (Stützpunkt Veulettes) fait partie d’un tronçon allant du lieu-­‐dit Le Tôt, commune d’Ingouville (inclus) au lieu-­‐dit Le Yaume, commune de Veulettes (exclus). Cette partie de la côte doit recevoir les deux tiers d’une compagnie de fusiliers-­‐voltigeurs et un tiers d’une compagnie de mitrailleurs39. En pratique, cela signifie que Veulettes sera occupée par deux sections d’une même compagnie, la troisième se plaçant comme réserve du bataillon à Saint-­‐
Valery-­‐en-­‐Caux. Le chef de la compagnie restant en garnison à Veulettes40. L’origine de la section de mitrailleurs n’est pas spécifiée. Cette réorganisation devient effective le 28 juin 1942, lorsque la 5./I.R. 570, qui avait occupé Veulettes depuis janvier 1942, est officiellement remplacée par la 7./I.R. 676. Cette dernière arrive depuis le terrain d’exercice de Sissonne dans l’Aisne et appartient à la 332ème division d’infanterie. L’état-­‐major du IIème bataillon de ce régiment, responsable de la 7ème compagnie, est donc installé à Saint-­‐Valery-­‐en-­‐Caux. Le régiment est commandé depuis Doudeville41. Cette organisation reste inchangée jusqu’à la fin du mois d’octobre 194242. Le 28 octobre 1942, la 7./I.R. 676 est remplacée à Veulettes par la 1./I.R. 677. L’état-­‐major du Ier bataillon s’installe à Saint-­‐Valery-­‐en-­‐Caux alors que le régiment est installé à Doudeville. En parallèle, Veulettes semble recevoir pour un court instant une partie de la 4./I.R. 677 (d’autres éléments de cette compagnie étant installés à Saint-­‐
Valery-­‐en-­‐Caux et à Veules-­‐les-­‐Roses)43. Au 1er décembre 1942, Veulettes est toujours RH 26-­‐332/6, Anl. Nr. 174, 332. Inf. Div., Ia 595/42 g., Geheim! Div.St.Qu., den 23.6.1942, Divisionsbefehl für die Neueinteilung des Div.-­‐Abschnittes. 38 RH 26-­‐332/6, Anl. Nr. 176, 332. Inf.Div., Ia 620/42 g., Div.St.Qu., den 26.6.1942, Betr.: Einsatz des II./I.R. 676. 39 RH 26-­‐332/6, Anl. Nr. 174, 332. Inf. Div., Ia 595/42 g., Geheim! Div.St.Qu., den 23.6.1942, Divisionsbefehl für die Neueinteilung des Div.-­‐Abschnittes. 40 RH 26-­‐332/6, Anl. Nr. 176, 332. Inf.Div., Ia 620/42 g., Div.St.Qu., den 26.6.1942, Betr.: Einsatz des II./I.R. 676. 41 RH 24-­‐81/69, Gen.Kdo. LXXXI. A.K. Abt. Ia, Unterkunftsübersichten Juli 42-­‐Dez. 42, 332. Inf.Div., Ia 645/42 g., Div.St.Qu., den 4.7.42, Unterkunftsübersicht der 332. Infanterie-­‐Division, nach dem Stand vom 2. (handschr. 1.) Juli 1942. 42 RH 24-­‐81/69, Gen.Kdo. LXXXI. A.K. Abt. Ia, Unterkunftsübersichten Juli 42-­‐Dez. 42, 332. Inf.Div., Ia 805/42 g., Div.St.Qu., den 4.8.42, Unterkunftsübersicht der 332. Infanterie-­‐Division nach dem Stand vom 4. August 1942 ; RH 24-­‐81/69, Gen.Kdo. LXXXI. A.K. Abt. Ia, Unterkunftsübersichten Juli 42-­‐Dez. 42, 332. Inf.Div., Ia 960/42 g., Div.St.Qu., den 3.9.42, Unterkunftsübersicht der 332. Infanterie-­‐Division nach dem Stand vom 2. September 1942 ; RH 24-­‐81/69, Gen.Kdo. LXXXI. A.K. Abt. Ia, Unterkunftsübersichten Juli 42-­‐
Dez. 42, 332. Inf.Div., Ia 1202/42 g., Div.St.Qu., den 3.10.42, Unterkunftsübersicht der 332. Infanterie-­‐
Division nach dem Stand vom 2. Oktober 1942. 43 RH 24-­‐81/69, Gen.Kdo. LXXXI. A.K. Abt. Ia, Unterkunftsübersichten Juli 42-­‐Dez. 42, 332. Inf.Div., Ia 1352/42 g., Div.St.Qu., den 1.11.1942, Unterkunftsübersicht der 332. Infanterie-­‐Division nach dem Stand vom 1.11.1942. 37
25 © 2015 Valentin Schneider occupé par la 1ère compagnie du régiment 677. Les éléments de la 4ème compagnie de ce régiment ne figurent plus dans la liste d’emplacements44. A noter que désormais les régiments d’infanterie changent de nom pour devenir des régiments de « grenadiers ». Ce changement de nom s’inscrit dans une politique de valorisation de l’infanterie par rapport aux autres armes (blindés, parachutistes, sous-­‐
mariniers), qui bénéficient tous d’un appui plus important dans la propagande et donc dans l’opinion allemande. L’infanterie cherche ainsi à créer non seulement un esprit de cohésion plus fort, notamment dans le contexte de la guerre d’usure à l’est, mais tente également d’attirer plus de volontaires, mieux motivés. Le 21 janvier 1943, la 1./G.R. 677 est remplacée à Veulettes par la 7./G.R. 676, une compagnie qui avait déjà occupé la localité entre juin et octobre 1942. L’état-­‐major du régiment est installé à Valmont, le IIème bataillon s’implante à Saint-­‐Valery-­‐en-­‐Caux45. Au début février 1943, la 332ème division d’infanterie part pour le front russe. Elle est remplacée sur la côte d’Albâtre par la 17ème division de campagne de l’armée de l’air (Luftwaffen-­‐Feld-­‐Division), une formation de faible puissance et sans expérience au combat. En effet, en 1942, l’armée de l’air allemande dispose d’une réserve d’infanterie d’environ 200 000 hommes, rattachés à des unités de dépôts. Face aux pertes de plus en plus nombreuses sur le front russe, Hitler envisage dans un premier temps de verser ces réserves dans l’armée de terre régulière. Mais Göring, le chef de la Luftwaffe, ne compte pas céder ses hommes et prend l’initiative en créant, à partir d’octobre 1942, vingt « divisions de campagne de l’armée de l’air » (Luftwaffen-­‐Feld-­‐Divisionen) qui restent sous son autorité. Malgré les réticences du chef de l’aviation allemande, les Luftwaffen-­‐
Feld-­‐Divisionen finissent par être intégrées à l’armée de terre, à partir de novembre 1943, où elles portent désormais le nom de Feld-­‐Divisionen (L). De même, la 17ème division de campagne de l’armée de l’air est renommée en « division de campagne 17 (L) » (Feld-­‐
Division 17 (L)) en novembre 1943 et reste en charge de ce secteur du littoral jusqu’en décembre 1943. Les informations sur la présence d’éléments de cette division à Veulettes sont très lacunaires. Nous savons seulement que la 2ème compagnie du régiment de chasseurs 34 (2./Jg.Rgt. 34) ainsi qu’une section de la 4ème compagnie de ce régiment se trouvent à Veulettes entre le 9 février 1943 et au moins le 3 avril 1943. En janvier 1944, la division de campagne 17 (L) est remplacée dans ce secteur par la 245ème division d’infanterie, sans que nous ayons pu trouver davantage d’informations quant à la distribution précise de ses éléments le long du littoral. Il est à penser cependant que le secteur de Veulettes a continué d’être occupé par au moins une 44 RH 24-­‐81/69, Gen.Kdo. LXXXI. A.K. Abt. Ia, Unterkunftsübersichten Juli 42-­‐Dez. 42, 332. Inf.Div., Ia 1548/42 g., Div.St.Qu., den 1.12.1942, Unterkunftsübersicht der 332. Infanterie-­‐Division nach dem Stand vom 1.12.1942. 45 RH 26-­‐332/10, Unterkunftsübersichten, Anl. Nr. 20, 332. Inf.Div., Ia 174/43 g., Div.St.Qu., den 1.2.1943, Geheim! Unterkunftsübersicht der 332. Infanterie-­‐Division nach dem Stand vom 1.2.1943. 26 © 2015 Valentin Schneider compagnie d’infanterie de façon continue jusqu’à la Libération, et ce dans des conditions similaires à celles connues jusque-­‐là. L’artillerie côtière Quatre documents, datés entre le 1er et le 30 août 1940, nous renseignent sur la présence d’une batterie d’artillerie sur la commune de Paluel, entre le bourg de Paluel et celui de Conteville de Palluel 46 , à hauteur du bourg de Bertheauville. Il s’agit en l’occurrence de la 9./A.R. 227, dont l’état-­‐major se trouve dans le bourg de Janville. Elle appartient au IIIème groupe du régiment d’artillerie 227, dont l’état-­‐major est installé à Cany-­‐Barville47. Selon ces mêmes documents, cette batterie compterait douze pièces d’artillerie, dont nous ignorons cependant le calibre. Deux pièces au moins se trouveraient sur les hauteurs à l’est de la Durdent : l’une sur la crête au-­‐dessus de la mer, l’autre quelque peu en retrait, vers le fleuve côtier. De même, nous ne savons pas où est installé le poste d’observation pour guider le tir de cette batterie, ni si la présence de cette batterie, ou d’autres batteries du même type, se poursuit au delà du 30 août 1940 dans le secteur de Veulettes. Ni cette batterie, ni d’autres batteries d’artillerie n’apparaissent en tout cas dans d’autres documents que ceux cités pour le mois d’août 1940, ni même dans les nombreux aperçus des cantonnements que nous avons consultés. Cependant, l’existence sur le site du point d’appui à l’est de Veulettes d’un poste de mesure pour batterie côtière de l’armée de terre (modèle R637) laisse à penser que la présence de l’artillerie de campagne dans la région est pérenne, peut-­‐être au travers d’unités de l’artillerie divisionnaire, c’est-­‐à-­‐dire de batteries appartenant aux divisions en charge de la défense côtière. 46 Concernant l’orthographe du lieu-­‐dit de « Conteville de Palluel » avec deux « L », nous nous appuyons sur les l’orthographe employée par les documents d’époque dont des cartes d'état-­‐major françaises qui mentionnent la localité dans cet orthographe tout en écrivant « Paluel » avec un seul « L » pour la commune. 47 RH 24-­‐81/45K, Anl. 12, Unterkunftsübersicht der 227. Inf.Div., 1.8.40 ; Anl. 15, Unterkunftsübersicht und Einsatzkarte der 227. I.D. vom 5.8.1940 ; Anl. 16, Artilleriekarte, 12.8.40 ; RH 24-­‐81/44K, Anl. 22, Feuerplan der 227. I.D., Stand: 30.8.40. 27 © 2015 Valentin Schneider Le poste de mesure type R637 à la fin des années 1940 lors d’une visite d’inspection par les services de la Marine nationale française. Source : SHDM Cherbourg. D’après une carte datant probablement de janvier 1944, il s’agirait du poste d’observation distant appartenant à une batterie d’artillerie côtière éloignée, en l’occurrence de la 8./HKAR 1252 implantée à Saint-­‐Valery-­‐en-­‐Caux. Enfin, il est également possible que des éléments appartenant à la Ost-­‐Artillerie-­‐
Abteilung 621, attestée à Veulettes à la fin de l’Occupation et composée de soldats d’origine ukrainienne ou russe, aient rempli ce rôle pendant un temps. En effet, à partir de l’automne 1943, un certain nombre d’unités appartenant aux divisions occupant la Normandie sont remplacées par des Osttruppen48. Formées de « volontaires » originaires de pays sous domination soviétique et ayant « choisi » de se battre pour la Wehrmacht au moment de leur capture sur le front Est, notamment pour échapper aux conditions de vie atroces des camps de prisonniers, ces unités contribuent en fait à diminuer la part allemande du dispositif d’occupation : dans les localités qu’ils occupent, ces troupes formées d’étrangers aux traits parfois asiatiques49 – certains habitants les appellent 48 Au sujet des bataillons étrangers à l’Ouest, cf. Georges Coudry, Les Camps soviétiques en France. Les Russes livrés à Staline en 1945, Paris : Albin Michel, 1997, 340 p. ; Dieter Ose, Entscheidung im Westen, 1944 : Der Oberbefehlshaber West und die Abwehr der alliierten Invasion, Stuttgart : Deutsche Verlags-­‐
Anstalt, 1982, p. 59 ; Sergej Fröhlich, General Wlassow. Russen und Deutsche zwischen Hitler und Stalin, Cologne : Markus-­‐Verlag, 1987, 403 p. ; Peter Lieb, Konventioneller Krieg oder NS-­‐Weltanschauungskrieg? Kriegführung und Partisanenbekämpfung in Frankreich 1943/44, Munich : Oldenbourg Verlag/Institut für Zeitgeschichte, 2007, p. 118-­‐130. 49 Au moment du Débarquement, les Américains ont localement affaire à des Coréens. Enrôlés de force dans l’armée japonaise dans la Corée occupée, ils ont été capturés par l’armée soviétique lors des affrontements frontaliers entre l’Union Soviétique et le Japon à la fin des années 1930. Enrôlés à leur tour dans l’armée rouge, ces Coréens finissent par être capturés par des troupes allemandes sur le front russe. Ils sont enfin enrôlés dans l’armée allemande puis affectés au « mur de l’Atlantique ». Cf. http://thomo.coldie.net/wargaming/korean-­‐soldiers-­‐in-­‐ww2-­‐german-­‐army, 5 mai 2007, consulté le 19 mars 2012. 28 © 2015 Valentin Schneider « Mongols » ou « Tartares » – prennent la relève d’Allemands, envoyés quant à eux sur le front russe50. La défense anti-­‐aérienne La défense anti-­‐aérienne allemande (Flak, contraction de Flugabwehrkanone, « pièce anti-­‐aérienne », synonyme en allemand de la défense anti-­‐aérienne) joue un rôle prépondérant sur les hauteurs à l’est de l’embouchure de la Durdent. Elle représente non seulement une défense avancée de l’aérodrome allemand de Paluel mais aussi et surtout elle protège l’émetteur de radionavigation de type Wotan II, nom de code « Cicero », qui revêt pour l’Allemagne une importance stratégique dans la guerre aérienne contre l’Angleterre51. La défense anti-­‐aérienne est soumise au commandement des régions aériennes (Luftgaue). La région de Veulettes et Paluel fait partie du Luftgau Belgien-­‐
Nordfrankreich. Dès juillet 1940, cette région aérienne met en place des commandements de défense anti-­‐aérienne (Luftverteidigungskommandos), transformés en septembre 1941 en divisions anti-­‐aériennes (Flak-­‐Divisionen). La base de la défense anti-­‐aérienne est constituée par les régiments anti-­‐aériens (Flakregimenter). Cependant, en raison de l’organisation particulière de la Flak, peu semblable à celle du reste de la Luftwaffe ou de l’armée de terre allemande, la composition précise des régiments ne se laisse pas reconstituer dans tous les cas avec précision. En effet, les régiments anti-­‐aériens sont composés d’un état-­‐major de régiment anti-­‐aérien auquel sont subordonnés plusieurs groupes anti-­‐aériens issus de régiments différents, et dont les numéros ne correspondent pas entre eux52. Une carte du Luftgaukommando Belgien-­‐Nordfrankreich datée du 15 avril 1941 mentionne pour la première fois la présence à Conteville d’une unité de la Flak, appartenant à la Flakgruppe Beauvais du Luftverteidigungskommando 953. Alors qu’il existe une Flakuntergruppe Dieppe, l’unité présente à Conteville ne fait pas partie de celle-­‐ci d’après cette même carte. A la mi-­‐juillet 1941, un aperçu des cantonnements montre que cette unité de la Flak est la 3./le.Res.Flakabt. 712 (leichte Reserve-­‐Flakabteilung, groupe anti-­‐aérien léger de réserve), dont l’état-­‐major est installé à Conteville de Palluel. Cette batterie met en 50 Cf. notamment Imke Metzger, Der Alltag deutscher Soldaten und das Kampfgeschehen in der Normandie während des Zweiten Weltkrieges unter besonderer Berücksichtigung von Interviews mit Zeitzeugen, Université de Hambourg : Mémoire de Magister Artium, 1997 (dactyl.). 51 Détails ci-­‐dessous. 52 Ainsi, en 1943, l’état-­‐major du régiment anti-­‐aérien 100 commande au Havre les groupes de Flak 672, 673, 683, 842, 873, 960 et 984. 53 RH 20-­‐15/3, Ia Nr. 117, Lg.Kdo.Belgien-­‐Nordfrankreich, Ia op2 Nr. 1090/41 g.Kdos. vom 15.4.41, Einsatz der Flakartillerie im Luftgau Belgien-­‐Nordfrankreich, Stand vom 15.4.41. 29 © 2015 Valentin Schneider place une Standortkommandantur dans ce bourg pour régler toutes éventuelles questions militaires touchant au domaine civil. Le chef de cette Standortkommandantur est le Major Kölling54 . Cette situation reste inchangée jusqu’au mois de novembre 194155. Un changement se profile dans la défense anti-­‐aérienne à la mi-­‐novembre 1941, lorsque la le.Res.Flakabt. 712 est remplacée par la le.Res.Flakabt. 732. Comme son prédécesseur, cette unité prend le nom de Flakuntergruppe Dieppe. Le groupe, dont l’état-­‐major est installé à Dieppe, appartient au Flakregiment 431. Il est explicitement spécifié que la 2./le.Res.Flakabt. 732 est employée à la protection de l’appareil Wotan II « Cicero » à Conteville. Pour tout le groupe, il s’agit là de son premier engagement en première ligne contre l’ennemi56. Cette unité reste en place jusqu’à la fin de l’Occupation. Nous avons donc soumis cette batterie à une analyse plus détaillée, grâce aux documents conservés à la Deutsche Dienststelle (WASt) de Berlin57. Les registres des plaques matricule des soldats permettent de dresser une ébauche de profil social de cette unité. Forte de seulement 65 hommes en 1941, l’unité semble être en sous-­‐effectif, puisqu’une batterie standard de la Flak compte environ 200 hommes58. L’âge moyen des soldats est de 36 ans. Le soldat le plus âgé est né en 1901, le plus jeune est né en 1921. 54 RH 24-­‐81/50, Höheres Kommando XXXII, Ia, 336. Infanterie-­‐Division, Abt Ia/U. Nr. 646/41 geh., Div.Gef.Stand, 14.7.41, Unterkunftsübersicht der 336. I.D., Stand 15.7.1941. 55 RH 24-­‐81/57, Höheres Kommando XXXII, Ia, Anl. zum Tätigkeitsbericht, 26 Unterkunftsübersichten, 13.8.41-­‐22.12.41 Westen, 336. Infanterie-­‐Division, Abt Ia/U. Nr. 812/41 geh., Div.Gef.Stand, 14.8.41, Unterkunftsübersicht, Stand 15.8.1941 ; RH 24-­‐81/57, Höheres Kommando XXXII, Ia, Anl. zum Tätigkeitsbericht, 26 Unterkunftsübersichten, 13.8.41-­‐22.12.41 Westen, 336. Infanterie-­‐Division, Abt Ia/U. Nr. 900/41 geh., Div.Gef.Stand, 4.9.41, Unterkunftsübersicht, Stand 5.9.1941 ; RH 24-­‐81/57, Höheres Kommando XXXII, Ia, Anl. zum Tätigkeitsbericht, 26 Unterkunftsübersichten, 13.8.41-­‐22.12.41 Westen, 336. Infanterie-­‐Division, Abt Ia/U. Nr. 1002/41 geh., Div.Gef.Stand, 4.10.41, Unterkunftsübersicht, Stand 1.10.1941. 56 RL 12/381, Kriegstagebuch Nr. 2 der le.Res.Flakabt. 732 (v), begonnen: 5.6.1941, abgeschlossen: 22.1.43, entrée du 15 novembre 1941. 57 WASt, Erkennungsmarken-­‐Verzeichnisse, Le.Res.Flak.Abt. 732, 2. Battr., Bandnr. 2152. 58 Estimation basée sur la Kriegsstärkenachweisung (Luftwaffe) Nr. 2201 (L), Flakbatterie (12 Geschütze 2 cm) (mot Z), 1er août 1940 (205 hommes), ainsi que sur la Kriegsstärkenachweisung (Luftwaffe) Nr. 2202 (L), Flakbatterie (9 Geschütze 2 cm und 3 Geschütze 2 cm Vierling) (mot S), 1er novembre 1940 (213 hommes); tous deux KStN SS & Luftwaffe, NARA, World War II Records Division, Record Group No. 242, National Archives Microcopy No. T-­‐78 Roll No. 396. 30 © 2015 Valentin Schneider Nombre de soldats de la 2./le.Res.Flak.Abt. 732 par classes d’âge en 1941 18 16 14 12 10 8 6 4 1922 1921 1920 1919 1918 1917 1916 1915 1914 1913 1912 1911 1910 1909 1908 1907 1906 1905 1904 1903 1902 1901 0 1900 2 Source : WASt, Erkennungsmarken-­‐Verzeichnisse, Le.Res.Flak.Abt. 732, 2. Battr., Bandnr. 2152. Les informations personnelles des soldats permettent également d’en savoir davantage quant à leur situation familiale. Quatre soldats sur cinq indiquent ainsi comme domicile l’adresse de leur épouse. Près de 11 % des hommes indiquent l’adresse des parents (quatre nomment leur père, trois leur mère). Le restant des hommes indique un domicile chez la sœur (3), la fiancée (1), ou l’employeur (1). Enfin, pour un soldat, la nature du domicile n’est pas indiquée. En outre, l’analyse des adresses permet de voir que près de 85 % des hommes viennent de deux grands ensembles géographiques séparés : la Rhénanie-­‐Westphalie d’une part, et une région centre-­‐est de l’Allemagne comprenant la Saxe, les Sudètes et la Silésie. A noter que sept soldats viennent sur la côte d’Albâtre depuis Berlin. Comment expliquer la diversité des origines géographiques ? La politique des ressources humaines au sein de l’armée allemande est une question très complexe. D’une part, l’emplacement de la caserne de dépôt de l’unité joue un rôle important dans la composition initiale de l’unité. Pour la Le.Res.Flak.Abt. 732, cette caserne se trouve à Leipzig, en Saxe, où l’unité est créée en juillet 1940. En 1941, douze soldats de la 2ème batterie – soit 18,5 % de l’effectif recensé – proviennent de cette région. L’arrivée de renforts depuis d’autres régions au cours de l’existence de l’unité s’explique par l’intensité de rotation des hommes dans l’armée allemande qui répond d’abord à des impératifs militaires aux dépens de l’homogénéité géographique d’une unité donnée. Cette homogénéité initiale est érodée au fur et à mesure des mutations et l’arrivée de renforts depuis d’autres casernes où de contingents requis d’hommes viennent de terminer leur formation initiale pour rejoindre une unité en sous-­‐effectifs. 31 © 2015 Valentin Schneider Carte de l’Allemagne, 1943 Source : Wikipédia Origine géographique des soldats de la 2./le.Res.Flak.Abt. 732 d’après le découpage territorial en vigueur aujourd’hui Région allemande Berlin Nombre de soldats 7 Brandebourg 1 Rhénanie-­‐du-­‐Nord-­‐Westphalie 28 Sarre 1 Saxe 12 Moravie (aujourd’hui en République Tchèque) 1 Saxe (parties aujourd’hui en Pologne) 2 Thuringe 1 Silésie (aujourd’hui en Pologne) 2 Sudètes (aujourd’hui en République Tchèque) Prusse occidentale (aujourd’hui en Pologne) 10 1 Source : WASt, Erkennungsmarken-­‐Verzeichnisse, Le.Res.Flak.Abt. 732, 2. Battr., Bandnr. 2152. 32 © 2015 Valentin Schneider Les unités en rapport avec les préparatifs de l’opération Seelöwe Dans les plans initiaux allemands, la défaite de la France en 1940 devait provoquer celle de la Grande-­‐Bretagne ou, du moins, l’inciter à s’incliner devant les ambitions hégémoniques d’Hitler en Europe de l’Ouest. Lorsque le haut commandement allemand se rend à l’évidence que la défaite de la France ne brisera pas l’esprit de résistance britannique, un débarquement allemand en Angleterre est projeté. Ainsi, par sa directive n° 16 du 16 juillet 1940, Hitler donne l’ordre aux trois branches de la Wehrmacht (Heer, Luftwaffe et Kriegsmarine) d’engager les préparatifs pour un débarquement en Angleterre et de terminer ces préparatifs pour la mi-­‐août. Nom de code de l’opération : « Seelöwe »59. La maîtrise du ciel anglais est la condition sine qua non de la mise en application du plan. Si la partie amphibie de l’opération « Seelöwe » revêt un caractère anecdotique dans l’histoire de la Seconde Guerre mondiale du fait qu’elle n’a jamais été mise en application, l’impact des préparatifs sur les populations civiles dans les aires de concentration des troupes ne peut être négligé dans l’analyse des rapports entre occupants et occupés. Dans le département de la Seine-­‐Inférieure, les préparatifs se concentrent surtout dans les grands ports et à l’embouchure de la Seine. Pourtant, Veulettes, Paluel et l’embouchure de la Durdent font l’expérience d’une brève augmentation du nombre de troupes en présence. En effet, au 15 août 1940, l’occupation du secteur, alors tenu par la 7./I.R. 412, chargée de la défense côtière, se voit renforcée par l’arrivée de la 12./I.R. 412, appartenant au IIIème bataillon dont l’état-­‐major se trouve à Rouen. A partir du 17 août, des éléments supplémentaires appartenant aux IIème et IIIème bataillons du I.R. 7 parviennent à Veulettes depuis Rouen60. Ce régiment appartient à la 28ème division d’infanterie qui, elle, fait partie du VIIIème corps d’armée. Contrairement à la 227ème division d’infanterie alors en place, la 28ème division d’infanterie est une division tournée vers l’offensive qui fait partie des troupes choisies pour franchir la Manche dans le cas d’une invasion du sud de l’Angleterre. C’est une division relativement aguerrie qui a participé aux combats en Pologne en 1939. En 1940 elle pénètre en France et fait partie des unités choisies pour parader sur les Champs-­‐Elysées le 14 juin 1940, le jour de la prise de Paris par les Allemands. La présence d’unités lui appartenant à Veulettes s’inscrit donc probablement dans les préparatifs de l’opération Seelöwe. Les unités choisies pour porter l’attaque en Angleterre s’entraînent en effet régulièrement au cours de l’été 1940, notamment dans le cadre d’exercices d’embarquement et de débarquement, de prises de plages et de falaises, de concertation avec les unités de la Luftwaffe et de la Kriegsmarine. 59 Lion marin, ou otarie en français. 60 RH 24-­‐81/47, Höh.Kdo. XXXII, Unterkunftsübersichten, Kdo. 227. Inf.Div., Abteilung Ia, Div.Gef.Stand, den 15. August 1940, Unterkunftsübersicht. 33 © 2015 Valentin Schneider Construction du point d’appui Les constructions militaires effectuées en Normandie au cours de l’occupation allemande, telles que celles se trouvant sur le territoire de la commune de Paluel, sont soumises à une hiérarchie complexe et mobile. Tandis que chaque arme de la Wehrmacht dispose de ses propres équipes de construction, celles-­‐ci perdent nombre de leurs prérogatives au profit de l’Organisation Todt qui prend de plus en plus d’importance au cours de la guerre, notamment dans le cadre des travaux pour le « mur de l’Atlantique ». Le point d’appui allemand à l’est de Veulettes combine plusieurs éléments : d’une part des éléments tournés vers la défense côtière appartenant à l’armée de terre ; d’autre part un émetteur de radionavigation d’importance stratégique appartenant à l’armée de l’air. Ce caractère mixte du point d’appui se reflète à la fois dans l’organisation et dans la chronologie des constructions entreprises. Unités de construction Grâce aux différents aperçus de cantonnements que nous avons pu consulter, nous pouvons dresser un tableau assez précis des unités allemandes chargées de travaux de construction à Veulettes et Paluel. Bien que ne disposant pas de plans de construction détaillés, il est à penser que ce sont aussi ces unités qui sont impliquées dans les travaux de fortification des lieux-­‐dits du Pont-­‐Rouge et des Falaises. Il faut distinguer entre les chantiers de la Luftwaffe et ceux de l’armée de terre, soumis à des chaînes hiérarchiques distinctes. L’armée de l’air L’armée de l’air est la première à entreprendre des travaux sur le site de Paluel. Une première liste détaillée d’unités de construction apparaît le 15 octobre 1940. On voit l’arrivée à Veulettes de l’état-­‐major du bataillon 8/XVII de constructions de la Luftwaffe ainsi que de la compagnie 2/8/XVII de constructions de la Luftwaffe, forte d’environ 300 hommes61. Cette situation reste inchangée jusqu’en décembre 194062. 61 RH 24-­‐81/47, Höh.Kdo. XXXII, Unterkunftsübersichten, Kdo. 227. Inf.Div., Abteilung Ia, Div.Gef.Stand, den 15. Oktober 1940, Unterkunftsübersicht. 62 RH 24-­‐81/50, Höheres Kommando XXXII, Ia, Anl. 1 zum Tätigkeitsbericht, Unterkunftsübersichten, 15.11.40-­‐22.7.41 Westen, Kdo. 227. Inf.Div., Abteilung Ia, Div.Gef.Stand, den 15. November 1940, 34 © 2015 Valentin Schneider L’arrivée de ces unités à Veulettes est certainement d’abord à mettre en relation avec les travaux sur l’aérodrome de Paluel, mais elle peut également indiquer les débuts de travaux d’encuvement pour préparer l’arrivée d’unités de la Flak, notamment sur les hauteurs à l’est de Veulettes. L’armée de l’air allemande dispose en effet pour les travaux de construction à l’intérieur de son aire d’autorité d’une administration des constructions propre, soumise à l’« inspecteur des troupes de construction de l’armée de l’air » (Inspekteur der Luftwaffenbautruppen). Ces troupes de construction, qui suivent le front de près au moment de la bataille de France, remettent en état les aérodromes et installent les infrastructures nécessaires au bon fonctionnement de ceux-­‐ci (dépôts de carburant, voies d’accès, lignes de communication, etc.). L’activité se poursuit après l’armistice et tout au long de la bataille d’Angleterre, avant que les unités ne soient réaffectées à l’Est au printemps 1941. L’organisation et la planification effective des travaux au sein des Luftgaue reviennent aux « offices des constructions de campagne de l’armée de l’air » (Luftwaffen-­‐Feldbauämter) auprès des commandements des Flughafen-­‐Bereiche (zones aéroportuaires). Ceux-­‐ci distribuent les différents chantiers du Flughafen-­‐Bereich aux Baustäbe (états-­‐majors de construction, forts de 140 personnes63), faisant fonction alors de Bauleitungen (directions de chantier) et appartenant soit à l’armée de l’air elle-­‐même, soit à l’Organisation Todt. Au mois d’août 1941 on voit apparaître dans l’aperçu des cantonnements une direction des constructions de la Luftwaffe à Veulettes, signe de l’intensité des travaux de l’armée dans l’air dans le secteur64. Ces directions de chantiers font ensuite appel aux différentes forces de construction présentes pour mener à bien les travaux commandés : unités de l’Organisation Todt et entreprises sous-­‐traitantes, unités du Reichsarbeitsdienst (RAD)65, ou encore unités de construction propres à la Luftwaffe. Unterkunftsübersicht ; RH 24-­‐81/50, Höheres Kommando XXXII, Ia, Anl. 1 zum Tätigkeitsbericht, Unterkunftsübersichten, 15.11.40-­‐22.7.41 Westen, Kdo. 227. Inf.Div., Abteilung Ia, Div.Gef.Stand, den 15. Dezember 1940, Unterkunftsübersicht. 63 Cf. Kriegsstärkenachweisung (Heer) Nr. 4003, Stellungsbaustab, du 1er janvier 1945, KStN, NARA, World War II Records Division, Record Group No. 242, National Archives Microcopy No. T-­‐78 Roll No. 397. 64 RH 24-­‐81/57, Höheres Kommando XXXII, Ia, Anl. zum Tätigkeitsbericht, 26 Unterkunftsübersichten, 13.8.41-­‐22.12.41 Westen, 336. Infanterie-­‐Division, Abt Ia/U. Nr. 812/41 geh., Div.Gef.Stand, 14.8.41, Unterkunftsübersicht, Stand 15.8.1941. 65 Voir ci-­‐dessous. 35 © 2015 Valentin Schneider Exemple d’organisation de la construction sous l’autorité de la Luftwaffe Source : Unterkunftsübersichten, AN, AJ 40/908 Au mois de mars 1941, on note l’arrivée à Veulettes d’une compagnie de constructions de hangars de la société Mannesmann, certainement en rapport avec l’aménagement continu de l’aérodrome de Paluel mais peut-­‐être également liée à l’appareil de radionavigation Wotan II « Cicero »66. Cette compagnie Mannesmann est attestée jusqu’au mois d’avril 1941 67 . Les unités de construction de la Luftwaffe présentes en Normandie, en plus d’obéir à cette hiérarchie de travail, sont soumises à leur propre hiérarchie militaire. Ainsi, les Luftwaffen-­‐Bau-­‐Bataillone, comptant chacun trois compagnies, sont commandés par des états-­‐majors de Luftwaffen-­‐Bau-­‐Regimenter, regroupés en Luftwaffen-­‐Bau-­‐Brigaden. L’armée de terre Les troupes de construction en présence dans le secteur de Veulettes sont renforcées par l’arrivée au mois de janvier 1941 de la 2./Bau-­‐Bataillon 25 (2ème compagnie du bataillon de construction 25) répartie sur Paluel et Conteville en ce qui concerne son cantonnement68. Il s’agit là d’une unité de constructions appartenant à l’armée de terre et il est à penser que sa présence soit en lien avec la construction de fortifications bétonnées sur le littoral mises au service de l’infanterie, comme par exemple des nids de mitrailleuses lourdes. 66 RH 24-­‐81/50, Höheres Kommando XXXII, Ia, Kdo. 227. Inf.Div., Abteilung Ia, Div.Gef.Stand, den 15. März 1941, Unterkunftsübersicht. 67 RH 24-­‐81/50, Höheres Kommando XXXII, Ia, Kdo. 227. Inf.Div., Abteilung Ia, Div.Gef.Stand, den 15. April 1941, Unterkunftsübersicht. 68 RH 24-­‐81/50, Höheres Kommando XXXII, Ia, Kdo. 227. Inf.Div., Abteilung Ia, Div.Gef.Stand, den 15. Januar 1941, Unterkunftsübersicht. 36 © 2015 Valentin Schneider Les travaux de l’armée de terre sont coordonnés par l’inspecteur des fortifications terrestres à l’Ouest (Inspekteur der Landesbefestigungen West) auprès de l’Oberbefehlshaber West (« commandant suprême à l’Ouest »). Ce bureau, installé à Paris, est commandé depuis août 1940 par le Generalleutnant Rudolf Schmetzer, puis à partir de février 1944 par l’Oberstleutnant, puis Generalleutnant (à partir du 10 mars 1944), René Eberle. Son administration est soumise à l’autorité du bureau du General der Pioniere und Festungen à Berlin69. L’Inspekteur der Landesbefestigungen West supervise le travail des Festungspionierkommandeure (commandants des pionniers de forteresses) auprès des hauts commandements des armées. Théoriquement, chaque Armeeoberkommando tient à sa disposition un Festungspionierkommandeur, auquel sont subordonnés un certain nombre de Festungspionierstäbe – un par corps d’armée dans le cas théorique70. Chaque Festungspionierstab dispose directement d’un bataillon de construction, par exemple d’un Festungs-­‐Bau-­‐Bataillon, pour mettre en œuvre les chantiers commandés 71 . Ce bataillon est alors réparti sur trois Abschnittsgruppen (groupes de secteur), correspondant aux Küstenverteidigungsabschnitte des corps d’armée 72 . L’équivalent d’une compagnie de construction est alors affecté à chaque Abschnittsgruppe. 69 Cf. Rémy Desquesnes, Op. Cit., p. 61-­‐62 ; cf. également http://users.telenet.be/Atlantikwall-­‐15tharmy/ Festungspionieretext.htm et http://www.feststellung-­‐weststellung.de/Maas_rur_Bauorga.html, consultés le 27 mai 2010. 70 Les travaux sur les îles anglo-­‐normandes sont sous l’autorité de leur propre Festungspionierkommandeur. 71 Afin d’empêcher la mainmise de l’Organisation Todt sur les Bau-­‐Bataillone de l’armée de terre, l’OKH procède en août 1943 à leur intégration dans le corps des pionniers, les nommant désormais Bau-­‐Pionier-­‐
Bataillone, cf. Franz W. Seidler, Die Organisation Todt, Bauen für Staat und Wehrmacht, 1938-­‐1945, Bonn : Bernard & Graefe, 1998, p. 22. 72 Cf. Steven J. Zaloga et Hugh Jonson, D-­‐Day fortifications in Normandy, Oxford : Osprey, 2005, p. 9. 37 © 2015 Valentin Schneider En juin 1944, la Festungspionier-­‐Abschnitts-­‐Gruppe II/21 est en charge du secteur de défense côtier « E2 », dont fait partie l’embouchure de la Durdent et ses environs. Source : SHD Cherbourg, carte allemande en date du 25 juin 1944. Au vu des effectifs de construction relativement faibles à la disposition directe de l’armée de terre, les Festungspionierstäbe coordonnent également le travail avec l’Organisation Todt ainsi qu’avec les unités du Reichsarbeitsdienst. Bien que les prérogatives de l’armée de terre ne cessent de diminuer au profit de l’Organisation Todt tout au long du conflit, l’armée reste toutefois le maître de chantier, à l’origine du cahier des charges, choisissant selon les critères militaires les zones à construire et supervisant la construction du début jusqu’à la fin73. De plus, ce sont bien les Pioniere propres à l’armée de terre qui équipent les installations et les rendent opérationnelles74. 73 Cf. Franz W. Seidler, Op. Cit., p. 23-­‐24. 74 Cf. Rémy Desquesnes, Atlantikwall et Südwall, La défense allemande sur le littoral français (1941-­‐1944), Université de Caen : thèse de doctorat d’histoire, 1987, p. 61-­‐62 38 © 2015 Valentin Schneider Organisation de la construction sous autorité de l’armée de terre Source : http://users.telenet.be/Atlantikwall-­‐15tharmy/Festungspionieretext.htm Le Reichsarbeitsdienst A partir d’avril 1941, on note la présence à Veulettes d’une unité du service du travail allemand, le Reichsarbeitsdienst (RAD), la RAD-­‐Abt. K 2/181, dont une quarantaine d’hommes armés de fusils 75 . Elle est essentiellement employée à l’aménagement de l’aérodrome de Paluel ; un camp pour les travailleurs est mis en place Néville. Les hommes armés sont intégrés dans les plans de la défense côtière. L’unité quitte le secteur le 13 janvier 194276. Le 11 mai 1942, une nouvelle unité du RAD arrive à Paluel, il s’agit de la RAD-­‐Abt. K 4/25677. Créé en 1931 et basé sur le volontariat afin d’enrayer le chômage de masse que subit alors l’Allemagne de Weimar, le Reichsarbeitsdienst devient obligatoire en 1935. Dès lors, chaque jeune Allemand entre 18 et 24 ans doit servir pendant six mois sur des chantiers considérés d’intérêt national, tel que les travaux forestiers et la mise en valeur des marais par le creusement de tranchées de drainage. Les jeunes hommes du RAD 75 RH 24-­‐81/50, Höheres Kommando XXXII, Ia, Kdo. 227. Inf.Div., Abteilung Ia, Div.Gef.Stand, den 15. April 1941, Unterkunftsübersicht ; RH 24-­‐81/50, Höheres Kommando XXXII, Ia, Kdo. 227. Inf.Div., Abteilung Ia, Div.Gef.Stand, den 15. Mai 1941, Unterkunftsübersicht ; RH 24-­‐81/50, Höheres Kommando XXXII, Ia, 336. Infanterie-­‐Division, Ia Nr. 473/41 geh., Div.Gef.Stand, 9.6.41, Unterkunftsübersicht der 336. I.D., Stand 15.6.1941 ; RH 24-­‐81/50, Höheres Kommando XXXII, Ia, 336. Infanterie-­‐Division, Abt Ia/U. Nr. 646/41 geh. Div.Gef.Stand, 14.7.41, Unterkunftsübersicht der 336. I.D., Stand 15.7.1941 ; RH 24-­‐81/57, Höheres Kommando XXXII, Ia, Anl. zum Tätigkeitsbericht, 26 Unterkunftsübersichten, 13.8.41-­‐22.12.41 Westen, 336. Infanterie-­‐Division, Abt Ia/U. Nr. 812/41 geh., Div.Gef.Stand, 14.8.41, Unterkunftsübersicht, Stand 15.8.1941. 76 RL 20/99, Fl.H.Ber.Kdo. 19/XI Beauvais, 1942, Bodenorganisation, Karte. 77 RL 20/102, Anl. 875 zu Ia 1015/42, Kdo. Fl.H.Ber. 19/XI Ia 3083/42 geh., 11.5.42. 39 © 2015 Valentin Schneider participent également à la construction des autoroutes et des lignes défensives sur les frontières ouest et est du Reich. Au sein du programme éducatif national-­‐socialiste, le RAD est l’étape préalable au service militaire obligatoire. Il est également la condition impérative pour une inscription à l’université. Après le début de la guerre, les hommes du RAD sont de plus en plus souvent activés pour des tâches relevant du génie militaire : réparation de ponts et de routes, constructions de tranchées anti-­‐char, etc. Pour assister les unités de construction, notamment celles de la Luftwaffe, le RAD détache un certain nombre d’unités dans la France occupée. L’organisation hiérarchique du RAD est différente de celle de l’armée de terre, tout en employant partiellement les mêmes termes. L’unité de base du RAD est l’Abteilung, comptant dans le cas idéal un total de 216 Arbeitsmänner et -­‐Führer. Chaque Abteilung est subdivisée en plusieurs Züge, eux-­‐mêmes partagés en Truppen. Entre 5 et 15 Abteilungen forment une Arbeitsgruppe ou Gruppe. Au début mars 1943, le secteur Etretat–Fécamp–Saint-­‐Valery-­‐en-­‐Caux, reçoit un groupe entier du RAD, comptant six unités de 190 hommes chacune. Il s’agit là en partie d’unités transférées depuis Le Havre, où les travaux sont désormais terminés dans leur plus grande partie, pour accélérer le rythme des chantiers sur la côte d’Albâtre. Le secteur de Saint-­‐Valery-­‐en-­‐Caux reçoit deux de ces unités. Les hommes du RAD sont équipés de bicyclettes et sont logées environ 6 kilomètres derrière la côte afin d’assurer leur disponibilité sur le plus grand nombre possible de chantiers et pour se protéger contre d’éventuelles attaques ennemies. Les hommes du RAD protègent eux-­‐mêmes leurs cantonnements78. L’Organisation Todt Au plus tard à partir de septembre 1942, l’Organisation Todt est active sur la côte d’Albâtre79. L’« Organisation Todt » (OT), du nom de son fondateur Fritz Todt, est une entreprise publique allemande de génie civil et militaire, aux structures paramilitaires, créée en 1938. Dès l’ouverture du front à l’Ouest en mai 1940, des formations de l’OT sont retirées des chantiers de la « ligne Siegfried » (Westwall) et affectées aux 78 RH 26-­‐332/8, Anl. 228, 332. Inf.Division, Ia Nr. 1594/42 Geh., Div.St.Qu., den 8.12.1942, Betr.: Reichsarbeitsdienst. 79 RH 26-­‐332/8, Anl. Nr. 195, 332. Inf.Division, Ia Nr. 940/42 geh., Div.St.Qu., den 1.9.1942, Geheim! Betr.: Ausbau der Kanal-­‐ und Atlantikküste. RH 26-­‐332/8, Anl. 202, 332. Inf.Division, Ia Nr. 597/42 g.Kdos., Div.St.Qu., den 14.9.1942, Geheime Kommandosache!, Bezug: 332.I.D., Ia Nr. 940/42 geh. vom 1.9.1942, Betr.: Ausbau der Kanalküste. 40 © 2015 Valentin Schneider commandements des armées engagées dans la campagne militaire afin d’y soutenir le génie dans la remise en état des ponts et des chaussées80. Les activités de l’OT en France sont gérées par l’Einsatzküste, puis l’Einsatzgruppe West (groupe d’intervention Ouest), créée dès mai 1940, et installée d’abord à Bruxelles, puis à Wimereux au cours de l’été 1940, puis à Lorient et enfin à Paris auprès de l’OB West fin 1941. C’est en fait en octobre 1941 que le terme d’Einsatzküste West disparaît et que celui d’Einsatzgruppe West fait son apparition81. Dès l’été 1940, l’OT est active dans la région normande, dans le cadre de l’Einsatzküste West (littoral d’intervention Ouest)82, parfois également appelé Einsatz Westküste puis Einsatzgruppe West, pour aménager les aérodromes sous la direction de la Luftwaffe et remettre en état les installations portuaires pour le compte de la Kriegsmarine. D’une manière générale, l’OT est impliquée à divers degrés dans la réalisation des travaux de fortification en Normandie. Elle organise et coordonne la conception même des structures, l’acheminement des matériaux de construction, le recrutement et l’encadrement de la main-­‐d’œuvre, les travaux de terrassement et d’excavation, le coffrage et le coulage du béton. Théoriquement, l’arbre hiérarchique de l’OT à l’Ouest doit se décliner comme tel : -­‐ Einsatzgruppe (groupe d’intervention) ; -­‐ Einsatz (mission) ; -­‐ Oberbauleitung (OBL, direction supérieure de construction) ; -­‐ Bauleitung (BL, direction de construction) ; -­‐ Abschnittsbauleitung (ABL, direction de construction de secteur) ; -­‐ Baustelle (chantier). Cependant, ce système n’est pas toujours mis en place avec rigueur, et il se trouve que des Einsätze soient soumis à un Einsatz supérieur, et que des Bauleitungen n’obéissent pas à des OBL mais directement à un Einsatz. Un Einsatz Kanalküste est créé dès l’été 1940 et installé à Audinghem, au plus près des chantiers de fortification du cap 80 Les effectifs des unités OT de passage en Normandie en juin 1940 ne sont pas connus avec exactitude. Cependant nous savons que le secteur nord du front, au début du plan Rouge, composé des groupes d’armées B et A, implantés entre la Manche et la Moselle, comporte à son arrière 13 500 Frontarbeiter (ouvriers du front), 1 600 ouvriers autochtones et 2 500 conducteurs du NSKK, soit un total de 17 600 hommes au service de l’OT, dont au moins 16 000 Allemands. Un tiers des ces unités, soit 5 800 hommes environ, suit les unités de la Wehrmacht qui traversent la Normandie au mois de juin 1940. Cf. Franz W. Seidler, Op. Cit., p. 29. 81 Cf. Peter Gaida, « Les camps de travail de l’Organisation Todt en France », in Travailler dans les entreprises sous l’Occupation, Actes du Vème colloque du GDR du CNRS « Les entreprises françaises sous l’Occupation », tenu à Dijon, les 8 et 9 juin 2006 et à Besançon, les 12 et 13 octobre 2006, Besançon : Presses Universitaires de Franche-­‐Comté, 2007, p. 241 ; Franz W. Seidler, Op. Cit., p. 34 ; Rolf-­‐Dieter Müller, « Albert Speer und die Rüstungspolitik im totalen Krieg », in Bernhard R. Kroener, Rolf-­‐Dieter Müller et Hans Umbreit, Op. Cit., volume 2, Kriegsverwaltung, Wirtschaft und personelle Ressources, 1942-­‐
1944/45, Stuttgart : Deutsche Verlags-­‐Anstalt, 1999 (Das Deutsche Reich und der Zweite Weltkrieg ; 5/2), p. 450 ; Handbook of the Organisation Todt, London: Military Intelligence Research Section, mars 1945, p. 26, TNA, WO 208/5042. 82 Cf. Handbook of the Organisation Todt, London: Military Intelligence Research Section, mars 1945, p. 8, TNA, WO 208/5042. 41 © 2015 Valentin Schneider Gris Nez83. Il regroupe dans un premier temps les Oberbauleitungen responsables du secteur côtier jusqu’à Trouville. Entre Trouville et le Finistère on crée l’Einsatz Normandie, regroupant les Oberbauleitungen Cherbourg, Saint-­‐Malo et Nord (Brest). Cet Einsatz Normandie est supprimé par la suite et ses OBL se trouvent intégrées dans les Einsätze Kanalküste et Westküste en 1944. De plus, les OBL Normandie et Cherbourg, en raison de la grande intensité des travaux pour le « mur de l’Atlantique » engagés dans leur secteur à partir de 1942, sont réorganisées en Einsätze, respectivement à l’automne 1942 et au printemps 1944, et obtiennent ainsi un personnel administratif et technique plus important84. A la tête d’une OBL se trouve un Oberbaurat/Oberbauleiter ou un Hauptbauleiter, également chef du Referat Technik. L’encadrement des ouvriers de chantiers, à tous points de vue (discipline, logement, ravitaillement, habillement, etc.), est la responsabilité du Referat Frontführung, à la tête duquel se trouve un Hauptfrontführer (« chef de front principal »). En théorie, chaque OBL compte un personnel technique et administratif équivalant à 3 % des effectifs totaux employés. A partir de mars 1944, l’effectif d’encadrement est cependant réduit de moitié en raison du manque général de personnel85. Les OBL sont divisées en Bauleitungen (directions de construction). Ces BL disposent généralement d’une Abteilung Technik, et dont le chef est également le directeur de la BL entière, prenant le grade de Bauleiter. Les plus grandes BL disposent pour l’encadrement du personnel d’une Frontführung, sous le commandement d’un Frontführer (« chef de front »)86. Le nombre et les effectifs des BL sont variables et évoluent en fonction des sites mis en chantier dans l’aire d’autorité d’une OBL. Dans certains cas, les BL sont subdivisées en Abschnittsbauleitungen (ABL, directions de construction de secteur). Les BL, ou les ABL, administrent un certain nombre de Baustellen (chantiers) dans leur aire d’autorité. Les Baustellen emploient la grande majorité des ouvriers au service de l’OT. 83 Cf. Franz W. Seidler, Op. Cit., p. 34 84 Cf. Handbook of the Organisation Todt, London: Military Intelligence Research Section, mars 1945, p. 29, TNA, WO 208/5042. 85 Cf. Ibid., p. 30. 86 Cf. Ibid. 42 © 2015 Valentin Schneider L’Organisation Todt en Seine-­‐Inférieure OBL (Einsatz) Rouen Etendue : Quartier-­‐général : Chef : Histoire : de Berck à Trouville Rouen (précédemment Dieppe) SPÖRL (préc. GRIENBERGER, PLANKL, LIEBERMANN) L’OBL Kanal, avec son quartier-­‐général à Dieppe sous l’autorité de Grienberger exista entre 1940 et le début de 1942, quand elle fut renommée OBL Rouen avec son quartier-­‐général à Rouen et placée sous la direction de Plankl. En mai 1943, elle était commandée par RBR Liebermann et était composée des Bauleitungen suivantes : BL Le Havre Blankenborn (préc. Bau-­‐Ing. Jellenberg) BL Trouville Fabig (préc. Bau-­‐Ing. Brambacher) BL Fécamp87 Kentemann (préc. Baumeister Schulz) BL St. Valery en Caux Bau-­‐Ing. Führig BL Dieppe Bickel (préc. Bauinsp. Lang) BL Le Tréport Brauers (préc. Dipl. Ing. Berthold) BL Lyre Bau-­‐Ing. Kühne BL Caumont – La Bouille Baurat Müller BL Bosc le Hard / St. Saëns BL Dieppetal (sic) L’image change de nouveau en juillet 1944 lorsque nous trouvons l’OBL Rouen agrandie en Einsatz Rouen, sous l’Einsatzleiter Spörl, composé des Bauleitungen suivantes : BL Lisieux Fabig BL Glos-­‐Monfort Jochurn BL Evreux Diekelmann BL Motteville Knetemann (sic) BL Serquex Quehl BL Abancourt Brauers BL Beauvais Blankenhorn BL Gisors Esser BL Lyre Kühne BL La Bouille Müller BL Dieppedalle Baumann Source : Handbook of the Organisation Todt, London: Military Intelligence Research Section, mars 1945, TNA, WO 208/5042. En théorie, une OBL emploie de 5 000 à 15 000 ouvriers, répartis sur les BL (de 1 000 à 3 000 ouvriers). Chaque chantier peut compter jusqu’à 1 000 hommes88. Dans les faits, ces chiffres peuvent diverger plus ou moins fortement, selon la taille des chantiers, le degré de priorité accordé aux travaux ou encore la disponibilité de la main-­‐
d’œuvre. Les Bauleitungen confient une part importante de leurs travaux à des entreprises françaises ou allemandes qui figurent en sous-­‐traitants et qui interviennent avec leur propre main-­‐d’œuvre ou encadrent des requis mis à leur disposition dans les camps de travail de l’OT. Par exemple, au début 1944, la Bauleitung I à Cherbourg, fait travailler un ensemble de dix-­‐neuf entreprises françaises. Au total, dans la Manche, une cinquantaine d’entreprises françaises participent aux travaux du « mur de l’Atlantique ». La plupart d’entre elles – environ quarante – sont étrangères à la région et ont implanté des dépendances dans la Manche le temps des chantiers. Au moins une dizaine 87 Le document original pose à cet endroit la question de l’existence d’un camp au Tréport : « (really a Lager in BL Le Treport ?) ». 88 Cf. Franz W. Seidler, Op. Cit., p. 19. 43 © 2015 Valentin Schneider d’entreprises manchoises de bâtiment, de travaux publics et de transports participent également dans les travaux organisés par l’OT89. Les ouvriers employés dans les Bauleitungen sont généralement logés dans des camps de travail, où règne une discipline quasi-­‐militaire. Dans le ressort de l’Einsatzgruppe West, il existe plus de 400 camps de travail, dont une quinzaine en Seine-­‐
Inférieure90. Les libertés accordées aux travailleurs sont fonction de leur origine : des critères comme le régime de recrutement (volontaires, prisonniers de guerre, requis, prisonniers de camps de concentration) ou encore des critères raciaux décident de la rigueur de la surveillance dans chaque camp. Des détachements de camps peuvent être installés directement sur ou à proximité immédiate des chantiers pour la durée de certaines tâches, généralement dans des baraquements provisoires. Les ouvriers sont le plus souvent rassemblés par nationalités ou par OT-­‐Firma (entreprise travaillant pour l’Organisation Todt) qui les emploie, ce qui coïncide généralement, les entreprises préférant travailler avec des étrangers d’une seule nationalité. Les camps de travail sont installés à proximité immédiate des chantiers, et distants au maximum de 30 kilomètres de ceux-­‐ci. Les baraques sont d’un type standardisé et peuvent loger entre 78 et environ 150 hommes. Un camp moyen loge 500 hommes91. Certains camps ne comptent que 50 travailleurs, tandis que d’autres peuvent atteindre une capacité de 2 000 hommes. Le Nationalsozialistisches Kraftfahrkorps (NSKK, corps national-­‐socialiste du transport motorisé) met à disposition de l’OT un certain nombre d’unités pour assurer la logistique des chantiers de construction92. Sous la forme d’une Abschnittsführung West, rattachée à l’Einsatzgruppe West de l’OT, le NSKK organise et contrôle les transports de l’OT en France, en Belgique et aux Pays-­‐Bas. L’unité de base du NSKK en France est la Staffel (échelon) et la Kraftwagenstaffel (échelon motorisé), de la taille d’un bataillon. Chaque échelon est divisé en Hauptkolonnen (Kraftwagenhauptkolonnen ou Transporthauptkolonnen), ainsi qu’en unités plus petites appelées Kolonnen ou Transportkolonnen. La taille des échelons est fonction de leur région d’affectation. Ainsi, un échelon rattaché en même temps aux OBL Cherbourg et OBL Normandie est divisé en 18 Hauptkolonnen et compte en tout 549 camions, 87 bus et 13 motos. Chaque 89 Cf. Michel Boivin, 1939-­‐1945, Les Manchois…, tome 3, L’Occupation, L’ordre allemand, le régime de Vichy et la collaboration, Marigny : Eurocibles, 2004, p. 206. 90 Huit camps « Todt » au Havre, quatre à Dieppe, deux à Fécamp et un à Eu, cf. Christian Bougeard, « Les chantiers allemands du mur de l’Atlantique », in La main-­‐d’œuvre française exploitée par le IIIème Reich, Actes du colloque international tenu à Caen du 13 au 15 décembre 2001, Caen : Centre de recherche d’histoire quantitative, 2003, p. 191. La question des camps du RAD reste méconnue. 91 Cf. Handbook of the Organisation Todt, London : Military Intelligence Research Section, mars 1945, p. 127-­‐131, TNA, WO 208/5042. 92 Le NSKK est fondé en avril 1930 et a pour but de former de jeunes gens dans un cadre paramilitaire à la conduite d’automobiles et de motocyclettes ainsi qu’au métier de mécanicien. La figure centrale de cette organisation est le « Reichsführer NSKK » Adolf Hühnlein qui, avant la guerre, encadre également le très populaire et très médiatique sport automobile. Le NSKK compte en 1940 un demi-­‐million de membres. Cf. http://de.wikipedia.org/wiki/NSKK. 44 © 2015 Valentin Schneider Hauptkolonne est généralement divisée en trois Kolonnen, comptant entre 10 et 45 camions93. Unités NSKK présentes en Normandie Présence Unité Jusque février 1943 Février 1943 Janvier 1944 OBL Rouen Staffel 34 Staffel 4 Staffel 63 OBL Saint-­‐Malo & Cherbourg ? Staffel 5 Staffel 64 Source : Handbook of the Organisation Todt, London : Military Intelligence Research Section, mars 1945, TNA, WO 208/5042. Pour assurer la sécurité des chantiers et combattre le sabotage et l’espionnage, l’Organisation Todt en France se munit dès 1941 d’un Schutzkommando West, placé alors sous le commandement du SS-­‐Obersturmführer Braun. Suite à la débâcle de Stalingrad, ses effectifs sont cependant réduits afin d’affecter son personnel à d’autres unités94. Parallèlement, il existe un Polizeiregiment 28, affecté à la sécurisation des chantiers dans l’aire de la Einsatzgruppe West. Un détachement se trouve notamment à Dieppe en août 194295. En récompense de son engagement vigoureux lors du raid anglo-­‐
canadien, le régiment reçoit ensuite le nom de « Polizei-­‐Regiment Todt »96, puis en février 1943, celui de « SS-­‐Polizei-­‐Regiment Todt »97. Ébauche chronologique des travaux Les premiers temps des activités de construction allemandes sur la côte d’Albâtre, surtout pour les années 1940 et 1941, sont dans le flou. Par la présence attestée de troupes de construction de la Luftwaffe, nous savons cependant que les travaux débutent à Paluel au plus tard en octobre 1940, sans que nous connaissions avec certitude la nature des travaux entrepris sur l’aérodrome de Paluel et autour de la position de l’émetteur de radionavigation. Dans tous les cas, les premiers travaux s’inscrivent dans une logique offensive de poursuite de la guerre contre l’Angleterre. La finalité des travaux mis en chantier en Normandie change vers la fin 1941, de l’offensive à la défensive. 93 Pour donner un ordre de grandeur, la Staffel 67, affectée à Saint-­‐Nazaire, compte par exemple un personnel de 118 Allemands, 380 Français et 265 Russes. Cf. Handbook of the Organisation Todt, London : Military Intelligence Research Section, mars 1945, p. 81-­‐82, TNA, WO 208/5042. 94 Cf. Franz W. Seidler, Op. Cit., p. 198. 95 Cf. Heinz Eckert, Op. Cit., p. 100. 96 Cf. Franz W. Seidler, Op. Cit., p. 198. 97 Cf. Handbook of the Organisation Todt, London: Military Intelligence Research Section, mars 1945, p. 89, TNA, WO 208/5042. 45 © 2015 Valentin Schneider En effet, la décision d’entreprendre les travaux de fortification défensive le long du littoral normand coïncide à la fois avec l’échec allemand devant Moscou en décembre 1941 – signifiant qu’on s’oriente vers une guerre longue et l’engagement à l’Est des troupes jusque-­‐là en charge de la défense côtière à l’Ouest – et avec l’entrée en guerre des Etats-­‐Unis contre le Japon, le 8 décembre 1941, au lendemain de l’attaque sur Pearl Harbor, suivie, par le jeu des alliances, de la déclaration de guerre de l’Allemagne98. Sentant la menace se préciser à l’Ouest par l’alliance des Etats-­‐Unis avec le Royaume-­‐Uni, Hitler réagit immédiatement en portant à la connaissance de son état-­‐
major sa Führerweisung Nr. 39 du 8 décembre 1941, intitulée de façon prémonitoire « Übergang zur Verteidigung » – passage à la défensive. Le 14 décembre, l’ordre de Hitler est relayé aux armées par le chef de l’OKW, Wilhelm Keitel, dans une directive intitulée « Ausbau der Küstenverteidigung » où il suggère la construction, le long des côtes de la mer du Nord, de la Manche et de l’Atlantique, d’une « nouvelle ligne Siegfried » (Ausbau eines neuen « Westwalls »). Cette directive exprime la volonté de créer des points forts, notamment dans les grands ports, puis, entre ces points forts, d’ériger un nombre de simples fortifications de campagne, défendues par des tranchées, de petits fortins, des nids de mitrailleuses et des champs de mines. Vue de Veulettes depuis le le nid supérieur de mitrailleuse lourde du point d’appui « Va011 », prise par un soldat américain en 1945. Source : www.rescuedfilm.com 98 L’Allemagne déclare la guerre aux Etats-­‐Unis le 11 décembre 1941 à la demande de Tokyo. 46 © 2015 Valentin Schneider Les batteries côtières doivent également être multipliées afin d’interdire aux flottes ennemies l’accès au littoral sous autorité allemande. La directive de Keitel détermine aussi l’ordre dans lequel les différents tronçons de la côte doivent être mis en défense. Ainsi, c’est d’abord la Norvège qui doit bénéficier des défenses, puis la côte franco-­‐belge où la priorité revient au littoral situé entre l’Escaut et la Seine. C’est ensuite à la côte entre Brest et la Gironde de recevoir du matériel et de la main-­‐d’œuvre nécessaires aux travaux. Ce n’est qu’en quatrième position que nous trouvons le littoral nord de la Bretagne ainsi que celui de la Basse-­‐Normandie, où l’effort devra être porté sur le Cotentin. La côte d’Albâtre obtient donc de la part des autorités allemandes une priorité relativement haute en ce qui concerne l’attribution de main-­‐d’œuvre et de matériel. Au début de l’année 1942, l’échec allemand devant Moscou lors de la première contre-­‐offensive soviétique d’hiver contraint l’armée allemande à transférer en Russie d’importants contingents de troupes jusque-­‐là chargées de la défense du littoral à l’Ouest. En Normandie, le nombre de soldats de l’armée de terre passe de 118 000 en décembre 1941 à seulement 65 000 et février 1942, soit une diminution des effectifs de 45 %. L’intensité des travaux connaît une nette progression et le 1er mars 1942, l’Oberbefehlshaber West prend position par rapport à un certain nombre de questions relatives à la présence de la population civile près des chantiers de construction. Il est notamment spécifié que, pour des raisons économiques et politiques, il est impossible de procéder à l’évacuation complète de toute la zone côtière. Cependant, une évacuation totale doit pouvoir être effectuée à court terme en cas d’attaque ennemie, c’est-­‐à-­‐dire environ quatre heures après l’alerte. Les dispositions correspondantes doivent donc être prises à l’avance. D’une façon générale, l’évacuation voire la destruction de maisons d’habitation dans les zones à fortifier est un pratique commune à proximité du littoral. La priorité revient ici à la sécurité des troupes et leur capacité à remplir leur objectif de défense. Il est intéressant de noter que l’Oberbefehlshaber West exige des unités concernées d’éviter toute sévérité inutile dans l’exécution des mesures d’évacuation et d’autoriser à la population l’accès à la plage, notamment pour les bains de mer, à certains endroits jugés convenables99. En mars 1942, le chef de la Luftwaffen-­‐Bau-­‐Brigade V, le Generalmajor Otto Krueger, donne de nouvelles instructions concernant les travaux de la Luftwaffe. Ces instructions nous sont connues grâce à un protocole de conversation daté du 9 mars 1942 et concernent explicitement les travaux dans la région de Paluel. Pour coordonner les efforts de l’armée l’air et ceux de l’armée de terre dans ce secteur, l’Oberleutnant Rühl est nommé officier de liaison entre la direction des travaux de la Luftwaffe, le Pionierstab 21 et la division en charge de la défense côtière. De plus, la direction des travaux en place à Paluel doit être renforcée en personnel et des techniciens 99 RH 26-­‐332/6, Anl. Nr. 148, Abschrift von Abschrift, Geheime Kommandosache!, Oberbefehlshaber West, Heeresgruppenkommando D, Ia/General der Pioniere, Pi.l.Nr. 106/42 g.Kdos., H.Qu., den 1.3.1942. 47 © 2015 Valentin Schneider supplémentaires doivent être mis à disposition afin de surveiller l’aménagement des petites installations de défense. Les travaux doivent se faire en-­‐dessous de filets de camouflage. Les chantiers à proximité de la côte présentent alors la masse des sites de construction et doivent bénéficier de renforts supplémentaires en carburant, en hommes et en matériel. Le Baurat (conseiller en constructions) Morgenstern indique que le matériel de construction est disponible en quantités suffisantes auprès du Feldbauamt de Paluel – un bureau temporaire chargé de coordonner les travaux de la Luftwaffe dans le secteur100. Pour parer à toute opération amphibie ennemie à l’Ouest, Hitler fait éditer, le 23 mars 1942, sa Führerweisung Nr. 40, intitulée « Befelsbefugnisse an den Küsten » – attributions de commandement sur les côtes. Cette directive exprime une volonté de mise en défense systématique du front maritime de l’Europe occidentale privilégiant, selon le principe de l’économie des forces, les fortifications aux troupes. Si les constructions doivent toujours se faire en fonction de la valeur stratégique de chaque endroit, aucun secteur du littoral ne doit plus désormais être délaissé. Deux catégories de zones défensives sont définies par cette directive : d’un côté, les « espaces fortifiés » (befestigte Räume), englobant les littoraux dotés de bases pour sous-­‐marins, dragueurs de mines et vedettes rapides ; d’un autre côté, les « points d’appui » (Stützpunkte), devant être disposés de sorte à garantir la sécurité d’installations militaires importantes ou d’établissements au service de l’économie militaire. L’ensemble de ces zones défensives, où les droits des civils ont à reculer au dernier plan, éventuellement par le biais d’évacuations, doit bénéficier d’un ravitaillement en vivres et en matériel suffisant pour garantir une résistance longue face à un ennemi en surnombre. Entre mars 1942 et juin 1944, l’OB West, chargé de mettre en application les Weisungen, émettra un total de trente-­‐huit « ordres fondamentaux » (grundlegende Befehle) à l’attention des troupes en charge de la défense du littoral. Ces ordres définissent trois grands types d’organisations défensives : -
Les « zones de défense » (Verteidigungsbereiche), c’est-­‐à-­‐dire les zones les plus vulnérables du littoral : les estuaires, les îles et les grands ports. Ces zones doivent recevoir de nombreuses pièces d’artillerie à longue et moyenne portée pour former un barrage infranchissable depuis la mer. En Normandie, ces zones de défense sont Le Havre, Cherbourg et les îles anglo-­‐normandes, autrement dit les zones qui recevront, au début 1944, le statut de « forteresses » sur ordre d’Hitler. Ces forteresses doivent être défendues à tout prix dans l’éventualité d’un débarquement allié et reçoivent des moyens supplémentaires pour parfaire les fortifications101. 100 RL 20/100, Anl. 581-­‐579, Aktennotiz der Besprechungen I. über Tarnmassnahmen, II. über Ausbau der Küstenverteidigung (Schutz der küstennahen Ln.-­‐Stellen) vom 9. März 1942. 101 Cf. Jean Quellien, « Le “Mur de l’Atlantique” », in Jean-­‐Luc Leleu et al., La France…, p. 236-­‐237. L’archipel des îles anglo-­‐normandes reçoit le même statut en mars 1944. 48 © 2015 Valentin Schneider Sur le terrain, la mise en application de ce nouveau statut se traduit par des travaux de fortifications d’envergure. -
Les « points d’appui » (Stützpunkte), composés d’ouvrages en béton qui abritent des canons de moyen calibre, des pièces anti-­‐char, des canons de D.C.A., des nids de mitrailleuses ou encore des projecteurs. Entourés de barbelés et de champs de mines, ces points d’appui doivent protéger les embouchures de petits fleuves, les petits ports, des installations militaires de second ordre ainsi que tous les endroits pouvant permettre une mise à terre de troupes. En Normandie, des points d’appui sont par exemple constitués à Dieppe, à Granville, aux embouchures de la Vire et de l’Orne, sur la péninsule de La Hague et au cap d’Antifer. -
Les « nids de résistance » (Widerstandsnester), munis d’armes légères, comportent des positions de combat reliées par des tranchées. Servi en hommes par l’équivalent d’une section, un nid doit défendre l’intervalle entre deux points d’appui. L’avancée des aménagements entrepris est régulièrement contrôlée, et le 9 avril 1942, lors d’une visite, le commandant du régiment auquel appartient la 2./le.Res.Flak.Abt. 732, en position à Conteville de Palluel, exprime sa satisfaction quant à la propreté de l’exécution des travaux sur les diverses positions de défense anti-­‐
aérienne102. A la fin juin 1942, le LXXXIème corps d’armée donne des instructions pour préparer les occupants des divers points d’appui de son aire d’autorité à la possibilité d’attaques aériennes dans le cadre d’opérations de débarquement ennemies d’envergure. Afin de maintenir la capacité de défense des sites, ceux-­‐ci doivent se munir d’abris supplémentaires, dans lesquels les hommes peuvent se rendre en cas de bombardement ou de mitraillage massif de leurs positions. Ces abris peuvent prendre la forme de tranchées et de trous d’homme, mais dans tous les cas ils doivent être disposés de sorte à garantir aux hommes une bonne visibilité du site103. Parmi les divers ordres fondamentaux émis par l’OB West au sujet des travaux défensifs, le plus important est sans doute le Grundlegender Befehl Nr. 14, intitulé « Ausbau der Kanal-­‐ und Atlantikküste » – aménagement des côtes de la Manche et de l’Atlantique. Cet ordre est la réponse allemande à la tentative anglo-­‐canadienne de débarquement à Dieppe le 19 août 1942 (opération « Jubilee ») et met en application une directive de Hitler datée 25 août 1942 ordonnant pour la première fois la construction d’un « mur de l’Atlantique » (« Atlantikwall »). Ce même jour, la 332ème division d’infanterie, alors en charge de la défense côtière sur la côte d’Albâtre, émet de nouvelles instructions quant au renforcement des 102 RL 12/381, Kriegstagebuch Nr. 2 der Le.Res.Flakabt. 732 (v), Begonnen: 5.6.1941, Abgeschlossen: 22.1.43, Vorgesetzte Dienststelle: Flakgruppe Beauvais (Flakrgt. 431), Stab Abt. Dieppe. 103 RH 26-­‐332/6, Anl. Nr. 175, Generalkommando LXXXI. A.K. -­‐ Ia -­‐ Nr. 732/42 geh. Az. 11/63, 23.6.1942. 49 © 2015 Valentin Schneider points d’appui de son secteur. Ces instructions s’inspirent largement des leçons tirées des opérations ennemies à Dieppe et doivent être appliquées par les unités subordonnées à la division au plus tard pour le 12 septembre 1942. Elles prévoient notamment l’érection de murs anti-­‐char et le renforcement des champs de mines. Dans les endroits où les champs de mines s’étendent aux pieds de falaises, les falaises doivent être piégées avec des charges explosives afin d’éviter que l’ennemi puisse les escalader. Les nids de mitrailleuses doivent être renforcés de part et d’autre des plages, notamment à Veulettes, afin de pouvoir combattre un éventuel assaillant par les flancs. Une deuxième ligne défensive de nids de mitrailleuses doit être mise en place à l’arrière afin de pouvoir surprendre l’ennemi si celui-­‐ci parviendrait à franchir la plage. Les nids de résistance sur les hauteurs, comme celle à l’est de Veulettes, doivent être renforcés par des champs de mines et des barrières d’obstacles de sorte à pouvoir se défendre en cas d’attaque par l’arrière, par exemple par des troupes parachutées104. Le 1er septembre 1942, la 332ème division d’infanterie spécifie les conditions dans lesquelles les travaux de renforcement des points d’appui doivent se dérouler dans son secteur, rappelant que ce renforcement doit rendre vaine toute tentative d’attaque ennemie par l’air, la mer et la terre, par l’avant et l’arrière. Les travaux doivent être exécutés par les états-­‐majors des Festungs-­‐Pioniere et l’Organisation Todt, en concertation permanente avec la division en charge du secteur ainsi que les unités de la Luftwaffe et de la Kriegsmarine en présence, afin de garantir une meilleure répartition des moyens matériels et humains. Des états-­‐majors de prospection et de guidage doivent être créés auprès des différents secteurs de défense côtiers afin de prospecter et déterminer pour les services des Festungs-­‐Pioniere les divers points d’appuis et nids de résistance à fortifier. Le service en charge du secteur de Veulettes est la Festungs-­‐
Pionier-­‐Abschnittsgruppe II/21105. Le 14 septembre 1942, la 332ème division d’infanterie émet un nouvel ordre concernant le renforcement de défenses côtières. Il est désormais spécifié que toutes les forces disponibles de l’Organisation Todt ont à être employées à l’aménagement des défenses permanentes, aux dépens des aménagements à caractère temporaire. Toutes les positions permanentes doivent maintenant être clairement définies et leur aménagement commencé. La priorité est donnée aux abris pour troupes (un ou deux groupes), les abris pour les canons anti-­‐char et leurs servants, les postes de commandement des régiments et des bataillons, et les abris sanitaires. D’un point de vue géographique, la priorité est donnée aux secteurs de Fécamp et du Havre106. C’est là le reflet des leçons tirées de l’opération de Dieppe : pensant que les Alliés vont de nouveau tenter de prendre un port en eau profonde, les Allemands renforcent leur défense, 104 RH 26-­‐332/8, Anl. Nr. 192, 332. Inf.Division, Ia Nr. 899/42 geh., Div.St.Qu., den 25.8.1942, Geheim! Betr.: Erfahrungen von Dieppe. 105 RH 26-­‐332/8, Anl. Nr. 195, 332. Inf.Division, Ia Nr. 940/42 geh., Div.St.Qu., den 1.9.1942, Geheim! Betr.: Ausbau der Kanal-­‐ und Atlantikküste. 106 RH 26-­‐332/8, Anl. 202, 332. Inf.Division, Ia Nr. 597/42 g.Kdos., Div.St.Qu., den 14.9.1942, Geheime Kommandosache!, Bezug: 332.I.D., Ia Nr. 940/42 geh. vom 1.9.1942, Betr.: Ausbau der Kanalküste. 50 © 2015 Valentin Schneider délaissant quelque peu les espaces côtiers dans les intervalles. Les Alliés, quant à eux, tirent des conséquences diamétralement opposées de leur échec à Dieppe et préparent désormais un débarquement loin des grands ports. Par un ordre du 24 septembre 1942, la 332ème division d’infanterie précise un certain nombre de points concernant les travaux d’aménagement défensifs. Il est notamment rappelé que la Luftwaffe n’est pas autorisée d’effectuer des travaux de façon autonome, sans concertation préalable avec les unités de l’armée de terre en charge des secteurs respectifs107. De même, il est rappelé qu’il est interdit aux unités de recruter elles-­‐mêmes des travailleurs civils afin de ne pas perturber le recrutement de ceux-­‐ci par l’Organisation Todt. Toutes les demandes de construction sont par ailleurs à adresser aux services de la Festungs-­‐Pionier-­‐Abschnittsgruppe II/21 – les demandes adressées directement à l’Organisation Todt ne sont pas autorisées. En outre, tous les travaux qui ne servent pas directement le combat ou l’abri de troupes combattantes, tels que l’érection de logements et de baraquements, doivent être menés par les troupes elles-­‐mêmes et ne peuvent pas mettre à contribution les unités de construction. Enfin, il est ordonné que la largeur des entrées des nids de mitrailleuse pour deux hommes doit être réduit à 50 cm afin de réduire le risque d’éclats en cas d’attaque108. Le 2 octobre 1942, un rapport de la 332ème division d’infanterie spécifie que « quatre bâtiments » pour une section de la Flak sont prévus à Conteville de Palluel, sans donner davantage de précisions quant à la nature de ces « bâtiments ». La mise en chantier est immédiate, les travaux doivent être terminés au plus tard pour le 31 mars 1943 – la priorité est clairement donnée aux travaux de la Luftwaffe, aux dépens de ceux de l’armée de terre109 . La cadence augmentée des travaux de mise en défense pose au commandement allemand la question des ouvriers étrangers de l’Organisation Todt et de leur devenir en cas d’attaque ennemie. En effet, comme le rappelle une note de la 332ème division d’infanterie datée du 6 octobre 1942, de très nombreux ouvriers étrangers affectés aux divers chantiers sont logés à proximité, voire directement au sein des points d’appuis sur lesquels ils travaillent. En conséquence des dangers potentiels que cette présence étrangère fait peser sur la capacité des sites à se défendre en cas d’attaque, il est précisé que les ouvriers de l’Organisation Todt doivent si possible être logés en commun et placés sous une surveillance suffisante d’hommes de garde. Ces gardes sont également responsables d’évacuer les ouvriers vers l’intérieur des terres en cas d’attaque, vers des logements provisoires organisés auparavant à au moins 15 kilomètres de la mer. Si les circonstances d’une attaque ennemie ne permettraient pas de faire évacuer les ouvriers, ceux-­‐ci devront être conduits vers des abris adaptés au sein même des points d’appui 107 Ce rappel à l’ordre semble refleter une certaine condescendance avec laquelle l’armée de l’air allemande a pour coutume de traiter les hommes de l’armée de terre. 108 RH 26-­‐332/8, Anl. Nr. 205, 332. Inf.Division, Ia Nr. 626/42 g.Kdos., Div.St.Qu., den 24.9.1942, Geheime Kommandosache!, Betr.: Verschiedene Stellungsbau-­‐Angelegenheiten. 109 RH 26-­‐332/8, Anl. 208, 332. Inf.Division., Ia Nr. 1201/42 geh., Div.St.Qu., den 2.10.1942, Betr.: Ausbau des K.V.A. „F“ Ständiger Ausbau. 51 © 2015 Valentin Schneider qui doivent les protéger du feu ennemi. La note précise que les gardes devront réprimer la moindre tentative de résistance de ces ouvriers en faisant usage de leurs armes « sans hésitation »110. L’ordre fondamental de l’Oberbefehlshaber West n° 18 du 27 novembre 1942 spécifie que toute priorité des travaux de fortification doit être donnée aux ports en eau profonde. En ce qui concerne la 332ème division, la priorité reste donc la défense des villes portuaires du Havre et de Fécamp. C’est seulement lorsque les travaux dans ces secteurs sont terminés que les travaux dans les intervalles doivent se poursuivre. Toutefois, afin de ne pas déplacer les ouvriers et le matériel de construction inutilement, tous travaux commencés dans ces intervalles sont à terminer avant de déplacer les chantiers. En parallèle, les troupes en position dans les différents secteurs de défense côtiers doivent poursuivre les travaux de fortification par leurs propres moyens. Il est rappelé que les travaux ne doivent en aucun cas gêner la capacité de défense des nids de résistance et des points d’appui111 . Par sa Führerweisung Nr. 51 du 3 novembre 1943, Hitler définit le point fort des travaux défensifs à mener sur le secteur entre Calais et Le Havre, le plus exposé, selon lui, à une tentative alliée de débarquement. Sur le terrain, cette directive se traduit par l’augmentation du nombre d’équipements disponibles aux unités en charge de la défense de ce secteur côtier. Egalement en application de cette Weisung, le maréchal Erwin Rommel est nommé « inspecteur de la défense côtière » (Inspekteur der Küstenverteidigung) le 5 novembre 1943 : le début d’un grand nombre de travaux de mise en défense supplémentaires, marqués par leur caractère improvisé. 110 RH 26-­‐332/8, Nr. 209, 332. Inf.Division, Ia Nr. 671/42 g.Kdos., Div.St.Qu., den 6.10.1942, Geheime Kommandosache!, Betr.: Fremdländische Arbeiter der O.T. 111 RH 26-­‐332/8, Anl. Nr. 236, 332. Inf.Division, Ia 930/42 g.Kdos., Div.St.Qu., den 23.12.1942, Geheime Kommandosache!, Bezug: Ob.West (O.Kdo.H.Gr. D) Insp.d.L.West Nr. 689/42 g.Kdos. v. 27.11.42, Betr.: Grundlegender Befehl Ob.West Nr. 18 vom 27.11.1942. 52 © 2015 Valentin Schneider Photo du point d’appui « Va011 » prise depuis la plage de Veulettes par un soldat américain en 1945. On aperçoit sur la plage les obstacles anti-­‐débarquement de type hérisson tchèque. Source : www.rescuedfilm.com Les moyens mobilisés par l’armée allemande ne doivent pas cacher le fait que le secteur de Veulettes, faisant partie du secteur de défense côtier « E2 » se trouve relativement délaissé dans la distribution des hommes et du matériel prévu pour les travaux de construction. Un document émanant du LXXXIème corps d’armée daté du 30 avril 1944 indique ainsi que les travaux dans le secteur « E2 » sont à l’arrêt alors même que seulement 15 % du total des travaux planifiés ont été exécutés. A titre de comparaison, le secteur « F » (Le Havre et Fécamp) voit ses chantiers à 58 % terminés, le secteur « G » (Honfleur-­‐Cabourg) en est à 45 % des travaux planifiés 112 . Malheureusement, nous n’avons pas trouvé une liste nominative des édifices à construire du secteur pour atteindre les 100 % théoriques. 112 RH 24-­‐81/89, LXXXI. A.K. Betr.: Wochenmeldung (an AOK 15), Lagebeurteilung vom 24.4.-­‐30.4.44, Fernschreiben, Geheime Kommandosache!, 30.4.44. 53 © 2015 Valentin Schneider Fonctionnement du site Les points d’appui (Stützpunkte) sont des sites défensifs devant être disposés de sorte à garantir la sécurité d’installations militaires importantes ou d’établissements au service de l’économie militaire. L’ensemble de ces zones défensives, où les droits des civils ont à reculer au dernier plan, éventuellement par le biais d’évacuations, doit bénéficier d’un ravitaillement en vivres et en matériel suffisant pour garantir une résistance longue face à un ennemi en surnombre. Le point d’appui qui portera le nom de « Va011 » remplit une double fonction : d’une part la défense côtière, assurée par les hommes de l’armée de terre ; d’autre part le maintien en service et donc la protection d’un important émetteur de radionavigation appartenant à la Luftwaffe. Ce rôle double confère au site un caractère éminemment mixte. Aspects généraux Le point d’appui allemand à l’est de Veulettes et de l’embouchure de la Durdent, sur la commune de Paluel, aux lieux-­‐dits du Pont-­‐Rouge et des Falaises, est un point d’appui mixte, servi à la fois par des détachements de l’armée de terre et par des hommes appartenant à la Luftwaffe. Les deux branches de la Wehrmacht se concertent régulièrement pour adapter mutuellement leurs mesures défensives 113 . Dans les documents allemands que nous avons pu consulter aux archives militaires de Fribourg, la désignation par le nom « Stützpunkt Va011 » (c’est-­‐à-­‐dire point d’appui n° 11 dans le sous-­‐secteur de défense côtière « Saint-­‐Valery-­‐en-­‐Caux ») n’apparaît qu’une seule fois, vers la fin de l’occupation. Avant cela, il est fait référence à un « Stützpunkt Veulettes » ou une « Stützpunktgruppe Veulettes », s’étendant des deux côtés de la localité114. Le 6 octobre 1940, il est question d’un « Widerstandsnest Conteville » au sein du point d’appui de Veulettes115. Il est probable que la désignation des points d’appui a été revue à partir de 1943, à un moment où l’état avancé des travaux sur les différents points d’appui permet de numéroter les divers sous-­‐ensembles défensifs. C’est seulement à la fin mars 1944 qu’apparaît la mention « Stützpunkt Va011 »116. Quelle est l’étendue de ce secteur de défense ? Une carte en date du 15 janvier 1941 montre que la 7./I.R. 328 est responsable de la défense côtière sur un secteur 113 RH 26-­‐332/4, KTB Nr. 1 332. Inf.Div., von 27.4.1941 bis 16.2.1943, entrée du 31 décembre 1942. 114 Par exemple dans RH 26-­‐332/6, Anl. Nr. 176, 332. Inf.Div., Ia 620/42 g., Div.St.Qu., den 26.6.1942, Betr.: Einsatz des II./I.R. 676. 115 RH 26-­‐332/10, Anl. Nr. 17, Ia, Stand 6. Okt. 1942. 116 RH 24-­‐81/89, Anlage zu Gen.Kdo. LXXXI. A.K. Ia Nr. 929/44 geh. Betr.: Übungsvorhaben vom 26.3.-­‐
1.4.44, entrée du 23 mars 1944. 54 © 2015 Valentin Schneider joignant les lieux-­‐dits Le Val (ouest, commune de Saint-­‐Martin-­‐aux-­‐Buneaux) et Le Tôt (est, commune d’Ingouville), de part et d’autre de Veulettes117. Il est à penser que toutes les compagnies d’infanterie stationnant à Veulettes pendant l’Occupation sont chargées de la défense côtière dans ce même secteur. Quel pouvait être l’armement présent sur le point d’appui ? Un plan directeur de l’artillerie de la 227ème division d’infanterie daté du 30 août 1940 montre pour la première fois l’emplacement de l’armement sur les hauteurs à l’est de Veulettes. Sont représentés sur cette carte : l’existence d’une mitrailleuse lourde, ainsi que deux pièces d’artillerie appartenant à la 9./A.R. 227, l’une près du bord de la falaise, l’autre quelque peu en retrait118. Une carte du 1er mai 1941 nous donne des renseignements plus précis sur les armes d’infanterie disposées à l’est de l’embouchure de la Durdent, où nous trouvons désormais deux lance-­‐grenade lourds. Deux mitrailleuses lourdes sont disposées immédiatement à l’ouest de l’embouchure. Veulettes et ses environs sont désormais tenus par la 9./I.R. 412, mais la majorité des armes à sa disposition ne se trouvent pas au lieu-­‐dit du Pont-­‐Rouge, mais en arrière de Veulettes et sur les falaises à l’ouest de la localité119. Il est à noter qu’une partie de l’armement est territorialisé (bodenständig), c’est à dire qu’il reste en place lors des changements d’unités. Une carte d’état-­‐major du 15 mai 1941 nous renseigne sur la répartition des armes et des emplacements fortifiés dans le secteur côtier de Veulettes. On apprend notamment, sans indication géographique précise, que le secteur compte deux casemates en béton armé pour mitrailleuse lourde, quatre abris aux parois murées, également pour mitrailleuse lourde, ainsi que deux abris pour mitrailleuses légères en construction. Sur la carte, nous trouvons sur les hauteurs au-­‐dessus du Pont-­‐Rouge une mitrailleuse légère, deux mitrailleuses lourdes ainsi que deux lance-­‐grenade lourds. Un « groupe détaché » de la Flak est indiqué dans la zone entre le lieu-­‐dit Les Falaises, Conteville et le château. Ce groupe compte douze pièces anti-­‐aériennes de 2 cm, quatre projecteurs, deux mitrailleuses légères, le tout réparti sur neuf positions, indiquées sur la carte par des cercles120. Le 11 février 1942, un document émanant du commandement de la zone aéroportuaire 19/XI (Beauvais) spécifie dans quelle mesure les troupes de la Luftwaffe et de l’armée de terre ont à coopérer en cas de débarquement ou de parachutage ennemi. Ainsi, un groupe de combat de 40 hommes (un officier, huit sous-­‐officiers et 31 hommes du rang) de l’aérodrome de Paluel doit se maintenir en cas d’attaque à 117 RH 26-­‐227/24K, Anlage 2 zum Kriegstagebuch Nr. 3 des Kdo. 227.I.D., Führungsabteilung Ia, Kartenunterlagen, Mappe I, (7 Lagenkarten), 1.7.1940-­‐21.2.1941, Karte Nr. 4, Stand 15.1.41. 118 RH 24-­‐81/44K, Anl. 22, Feuerplan der 227. I.D., Stand: 30.8.40. 119 RH 24-­‐81/44K, Stellungsplan der 227. I.D., Stand vom 1.5.1941. 120 RH 26-­‐227/25K, Anlage 3 zum Kriegstagebuch Nr. 3 des Kdo. 227.I.D., Führungsabteilung Ia, Kartenunterlagen, Mappe II (9 Lagenkarten), 29.4.1941-­‐9.6.1941, Karte Nr. 11, Stellungsplan der 227. I.D., Stand 15.5.41. La carte n° 14 dans le même dossier, datée du 25 mai, montre une situation similaire dans le secteur de Veulettes. 55 © 2015 Valentin Schneider disposition de la compagnie d’infanterie en charge du secteur de Veulettes, en l’occurrence de la 5./I.R. 570, et la rejoindre sur les hauteurs au-­‐dessus du Pont-­‐Rouge. Il est également spécifié que le transport de ce groupe de combat vers les positions de la 5./I.R. 570 devra se faire dans des véhicules appartenant à l’unité en charge de l’aérodrome, en l’occurrence la Fliegerhorstkommandantur E 2/I. La composition de ce groupe est spécifié plus en détail, il se compose comme suit : 1 sous-­‐officier et 19 hommes du rang du Landesschützen-­‐Zug 151/VI ; 2 sous-­‐
officiers et 12 hommes du rang du Landesschützen-­‐Zug 188/XI ; 1 officier et 5 sous-­‐
officier de la Fliegerhorstkommandantur. Le groupe devra s’armer de 3 mitrailleuses d’origine tchèque de type Schwarzlose-­‐Janeček 07/24 ; 36 carabines ; 4 pistolets ; 4 pistolets mitrailleurs MP 40121. En effet, chaque Flughafen-­‐Bereich tient à sa disposition un certain nombre d’unités de Landesschützen (Luftwaffen-­‐Landesschützen) pour assurer la protection des installations de l’armée de l’air contre les menaces terrestres, notamment le sabotage. Les Landesschützen-­‐Kompanien de l’armée de l’air allemande reçoivent leurs ordres directement de celle-­‐ci et ce sont ainsi les seules unités de combat terrestre directement et exclusivement à la disposition de la Luftwaffe. Un ordre de début mai 1942, émanant de la 15ème armée allemande rappelle que les points d’appui en première ligne doivent se munir de stocks de nourriture leur permettant de tenir un siège de dix jours122 . Le ravitaillement par homme et par jour doit se composer comme suit : -­‐
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une boîte de conserves mixtes ou 100 g de conserve de viande ; 120 g de conserves de charcuterie ou 100 g de corned-­‐beef ; 40 g de saindoux ; 375 g de pain croquant à la suédoise ; 25 g de poudre de café compactée ; 30 g de bonbons acidulés ; 1 ration de tabac ; 1 réchaud et 1 paquet de combustible ; 1 litre d’eau minérale. Le 25 août 1942, la 332ème division d’infanterie donne des instructions sur le rôle défensif des points d’appui en s’inspirant des opérations lors de la tentative anglo-­‐
canadienne de débarquement à Dieppe, moins d’une semaine auparavant. Selon ces instructions, une attention particulière doit être portée à l’emplacement des mitrailleuses lourdes, des lance-­‐grenade et des pièces anti-­‐char sur les hauteurs 121 RL 20/100, Anl. 475, Kommando des Flughafenbereichs 19/XI (Beauvais), O.U., den 11.2.42, Feldp.-­‐Nr. L 02 079 L.G.P.A. Brüssel, Ia Br.B.Nr. 225/42 g.Kdos., Betr.: Kalendermässige Erfassung der im Küsten-­‐
Gefechtsgebiet vorhandenen Kräfte der Fl. Bodenorganisation. 122 RL 20/102, Anl. 848, Anlage 3 zu Kdo.Fl.Ber. 19/XI (Beauvais) Ia, Nr. 831/42 g.Kdos. vom 8.5.1942, Betrifft: Stützpunktverpflegung. 56 © 2015 Valentin Schneider entourant les endroits susceptibles de voir l’ennemi débarquer. Cette disposition doit permettre de combattre l’ennemi par ses flancs lorsqu’il se trouve sur la plage ou dans l’espace entre la plage et la première rangée de maisons. Pour le cas de Veulettes, il est envisagé de mettre en place une deuxième ligne défensive en retrait, armée de mitrailleuses et de pièces anti-­‐char pour combattre par surprise l’ennemi dans le cas ou celui-­‐ci parviendrait à sortir de la plage. L’ordre précise qu’il est nécessaire que les armes disposées sur les hauteurs de part et d’autre de la plage puissent combattre non seulement la plage elle-­‐même mais aussi un espace aussi large que possible à l’arrière de la plage. Le commandement de la 332ème division d’infanterie suppose dans ces instructions que l’ennemi a lui aussi tiré des leçons significatives de l’échec de Dieppe et tentera lors d’une prochaine opération de mettre la main sur les points d’appui présents sur les hauteurs par l’emploi de troupes parachutées. Pour empêcher l’ennemi de prendre ces sites à revers, les points d’appui doivent assurer leur défense vers l’arrière, notamment par l’emploi de carabines et de mitrailleuses légères et la mise en place de champs de mines pour bloquer l’accès123. Les leçons tirées de Dieppe portent également sur la mobilité des réserves disponibles pour mener avec succès une contre-­‐offensive rapide. Dans ce but, les réserves doivent être placées au plus près de zones à risque. Les camions devant transporter les hommes doivent être préparés chaque soir, les chemins doivent être parfaitement connus des conducteurs. L’effort des réserves doit être porté vers les hauteurs entourant la plage, afin d’empêcher l’ennemi de renforcer sa tête de pont en cas de débarquement124. Une carte en date du 2 septembre 1942 précise l’emplacement et le calibre des pièces de la Flak à l’est de Veulettes. Au total on compte alors trois ensembles de deux pièces de 2 cm et un ensemble de trois pièces de 2 cm ainsi que deux projecteurs, répartis entre Conteville de Palluel et le Pont-­‐Rouge125. Au mois de décembre 1942 parviennent sur la côte Albâtre de nouvelles instructions du haut commandement de l’armée allemande concernant l’approvisionnement des points d’appui. Ces instructions insistent sur le fait que jamais un point d’appui ne doit se rendre pour avoir manqué de munitions, de ravitaillement ou d’eau potable. Tous les dépôts doivent être protégés contre les attaques ennemies ; des puits d’eau doivent être aménagés dans le périmètre des points d’appui ; du matériel 123 RH 26-­‐332/8, Anl. Nr. 192, 332. Inf.Division, Ia Nr. 899/42 geh., Div.St.Qu., den 25.8.1942, Geheim!, Betr.: Erfahrungen von Dieppe. 124 RH 26-­‐332/8, Anl. Nr. 196, 332. Inf.Division, Ia Nr. 990/42 geh., Div.St.Qu., den 7.9.1942, Geheim!, Betr.: Einsatz der Reserven zu Gegenangriffen. 125 RH 26-­‐332/10, Unterkunftsübersichten, Karte zu Anl. Nr. 16 (Unterkunftsübersicht 332. Infanterie-­‐
Division, Stand 2.9.42), Geheim! 57 © 2015 Valentin Schneider sanitaire en quantité suffisante doit être stocké, idéalement pour supporter des combats de six semaines126. Le cas particulier du site « Wotan » Un document daté du 15 mars 1941 révèle pour la première fois la présence à Veulettes d’une compagnie d’essais de transmissions de la Luftwaffe127. Il s’agit de la 7./Luftnachrichten-­‐Versuchskompanie (mot), l’unité en charge de l’émetteur de radionavigation de type Wotan II au nom de code « Cicero », implanté à Conteville de Palluel en bordure de la falaise. Emetteur Wotan II « Cicero » à Conteville de Palluel, lors d’une visite du Lieutenant Schickedanz le 19 mars 1942. Source : Alain Chazette, http://forum.axishistory.com/viewtopic.php?f=70&p=1923999 Cette installation d’importance stratégique, parfois appelée Luftwaffen-­‐
Sonderanlage (« équipement spécial de la Luftwaffe ») dans la documentation consultée, est présente sur le site jusqu’à la fin de l’Occupation. Elle sert un système de radionavigation de la Luftwaffe connu sous le nom de Y-­‐Verfahren (procédé Y) et permet aux bombardiers allemands de trouver leurs cibles en Angleterre. Bien que la Royal Air Force parvienne avec succès à brouiller les fréquences utilisées par ce système quelques mois seulement après sa mise en service, les émetteurs, dont celui de Conteville de 126 RH 26-­‐332/8, Anl. Nr. 230, 332. Inf.Division, Ia Nr. 881/42 g.Kdos., Div.St.Qu., den 12.12.1942, Geheime Kommandosache!, Bezug: Führerweisung Nr. 40 O.K.W., Ob.West u.s.w. Gen.Kdo. LXXXI. A.K., HQu. Nr. 446/42 g.Kdos. v. 7.12.1942, Betr.: Bevorratung befestigter Räume. 127 RH 24-­‐81/50, Höheres Kommando XXXII, Ia, Kdo. 227. Inf.Div., Abteilung Ia, Div.Gef.Stand, den 15. März 1941, Unterkunftsübersicht. 58 © 2015 Valentin Schneider Palluel, restent en service jusqu’à la Libération. Privé de ses atouts offensifs par le brouillage en Angleterre, le procédé est largement utilisé en France et en Allemagne à des fins de défense, notamment pour guider la chasse de nuit allemande dans leur interception de formations de bombardiers ennemis128. Selon un document conservé aux archives de la marine nationale à Cherbourg, le site comporte « 2 bunkers surmontés d’antenne radar, 1 abri pour groupes électrogènes, 1 abri pour transformateur, 2 abris pour installation radio, 4 habitations pour personnel »129. « Cicero » est connecté aux infrastructures de la Luftwaffe dans la région par des liaisons câble et radio. « Cicero » est ainsi connecté à l’aérodrome de Paluel par un câble de télécommunication, tandis que la liaison avec l’autre site Wotan de la région, l’émetteur « Dora » à Saint-­‐Martin-­‐aux-­‐Buneaux, se fait par transmission radio-­‐câble130. L’émetteur « Dora » est une station opérationnelle en renfort de « Cicero ». Au-­‐delà du personnel armé de l’unité opératrice, l’émetteur « Cicero » est protégé sur ses flancs par deux positions de la Flak131 . En outre, 39 hommes des Landesschützen de la Luftwaffe (Landesschützen-­‐Zug 218/XI), dont 5 sous-­‐officiers et 34 hommes du rang sont chargés de la protection du site132. En août 1942, la protection de l’émetteur « Cicero » est renforcée par un détachement de trente hommes de la 4ème compagnie du Flieger-­‐Regiment 61 du général Hans Erdmann133. 128 Jean-­‐François Salles, « Organisation des systèmes de radionavigation de la Luftwaffe en Normandie en 1944 », Revue militaire, n° 198, mars 1995, p. 77-­‐88. 129 SHDM, 1ère région maritime, document sans date. 130 RL 20/99, Fl.H.Ber.Kdo. 19/XI Beauvais 1942, Bodenorganisation, Karte. 131 RH 26-­‐302/10K, Karte 18, sans date (février 1942 ?). 132 RL 20/100, Anl. 607, Kommando des Flughafenbereichs 19/XI (Beauvais), Ia 494/42 geh., O.U., den 18.3.1942, Betr.: Unterstellung von Landesschützenzügen. 133 RL 20/104, Anl. 1316, Kommando des Flughafenbereichs 19/XI (Beauvais), Ia op 1554/42 g.Kdos., St.Qu., den 3.8.1942, Betr.: Zahlenmässige Aufschlüsselung der Flieger-­‐Regt. 52 u. 61. 59 © 2015 Valentin Schneider Le général de la Luftwaffe Hans Erdmann. Source : http://www.specialcamp11.fsnet.co.uk/Generalmajor%20Hans%20Erdmann%20(Luftwaffe).htm Un détachement supplémentaire de Luftwaffen-­‐Landesschützen, fort de 38 hommes et appartenant au Landesschützen-­‐Zug 92/IV, est affecté à la protection de « Cicero » dans le courant du mois d’août 1942134 . Cela porte le total des troupes affectées à la protection de l’émetteur « Cicero » à 107 hommes. 134 RL 20/104, Anl. Nr. 1352, Anlage 1 zu Kdo.Flh.Ber. 19/XI, Ia op Nr. 1613/42 g.Kdos. v. 6.8.1942. 60 © 2015 Valentin Schneider La vie quotidienne des soldats Un certain nombre d’éléments découverts aux archives militaires allemandes permettent de nous faire une idée de la vie quotidienne des soldats allemands affectés au point d’appui « Va011 », non seulement en ce qui concerne leur activité militaire lors d’exercices et d’actions de défense anti-­‐aérienne, mais aussi sur le plan du temps libre et de leur place dans la guerre totale menée par l’Allemagne nazie au cours de la Seconde Guerre mondiale. Exercices Au-­‐delà de l’aménagement continuel du site, les soldats engagés sur le point d’appui à l’est de Veulettes participent très régulièrement à des exercices et des manœuvres. C’est par exemple le cas le 26 février 1942, lorsque la Flak organise un exercice « Paluel » – sans qu’on dispose cependant de plus de détails. Il est à penser qu’il s’agit d’un exercice censé tester le niveau de coopération et de communication entre les différents éléments présents sur place135 . La présence en Normandie de certaines unités ne sert pas uniquement leur entraînement à la défense côtière. Dans certains cas en effet, les troupes doivent se préparer à un engagement futur sur le front russe. C’est par exemple le cas de la 332ème division d’infanterie qui prépare en Normandie son engagement à l’est : tous les hommes doivent ainsi s’exercer au tir à la carabine et au lancer de grenades à main136. Des exercices sont également organisés lorsque les troupes sont relevées. Ainsi lorsque la 332ème division d’infanterie reçoit l’ordre de préparer son départ vers le front russe, en janvier 1943, elle reçoit en même temps l’ordre d’instruire la division qui lui succède, à savoir la 17ème division de campagne de la Luftwaffe, quant au maniement des armes installées de façon permanente le long du littoral à défendre137. Le 23 mars 1944, un exercice de défense contre une tentative de débarquement à Veulettes est organisée sur le point d’appui « Va011 » par le Hauptmann Merkel du III./G.R. 937, appartenant à la 245ème division d’infanterie. Le but de l’exercice est la formation des officiers au maniement des pièces de défense contre les débarquements 135 RL 12/381, Kriegstagebuch Nr. 2 der Le.Res.Flakabt. 732 (v), Begonnen: 5.6.1941, Abgeschlossen: 22.1.43, Vorgesetzte Dienststelle: Flakgruppe Beauvais (Flakrgt. 431), Stab Abt. Dieppe, entrée du 26 février 1942. 136 RH 26-­‐332/8, Anl. Nr. 245, 332. Inf.-­‐Division, Ia 24/43 geh.Kdos., Div.St.Qu., den 10.1.1943, Bezug: Gen.Kdo. LXXXI. A.K., Ia Nr. 14/43 g.Kdos. v. 9.1.43. 137 RH 26-­‐332/8, Anl. Nr. 245, 332. Inf.-­‐Division, Ia 24/43 geh.Kdos., Div.St.Qu., den 10.1.1943, Bezug: Gen.Kdo. LXXXI. A.K., Ia Nr. 14/43 g.Kdos. v. 9.1.43. 61 © 2015 Valentin Schneider (Landeabwehrgeschütze)138 . On peut imaginer qu’une de ces pièces soit en fait un canon anti-­‐char 5-­‐cm-­‐KwK 39, installé dans la falaise même. Photo de cet abri dans la falaise à l’est de Veulettes dominant la plage. Cliché pris par un soldat américain en 1945. On distingue le bout du canon. Source : www.rescuedfilm.com 138 RH 24-­‐81/89, Anlage zu Gen.Kdo. LXXXI. A.K. Ia Nr. 929/44 geh. Betr.: Übungsvorhaben vom 26.3.-­‐
1.4.44, entrée du 23 mars 1944. 62 © 2015 Valentin Schneider A titre de comparaison : le même canon dans le musée de chars de Munster en Allemagne. Source : Wikipédia Aujourd’hui, l’abri n’existe plus. Sur la plage on retrouve cependant l’affût du canon. Source : http://forum.axishistory.com/viewtopic.php?f=70&t=212842 63 © 2015 Valentin Schneider Cette photo aérienne montre l’accès vers cet abri creusé dans la falaise même. Source : http://forum.axishistory.com/viewtopic.php?f=70&t=212842 Les 18 et 21 avril 1944, l’Oberleutnant Obe, du même bataillon, poursuit l’instruction à Veulettes, notamment pour l’usage de canons anti-­‐char de 7,5 cm et du « Panzerfaust » (un lance-­‐grenades anti-­‐char sans recul à un coup), la reconnaissance de chars, l’usage de mitrailleuses MG 42 et de lance-­‐grenades139. Le canon anti-­‐char de 7,5 cm était probablement installé en dehors du site « Va011 ». Par contre, le site a pu accueillir une pièce anti-­‐char de 8,8 cm, installée dans un bunker de type R677, légèrement en retrait. 139 RH 24-­‐81/89, Anlage zu Gen.Kdo. LXXXI. A.K. Ia Nr. 1153/44 geh. Betr.: Übungsvorhaben vom 14.4.-­‐
22.4.44, entrée du 13 avril 1944. 64 © 2015 Valentin Schneider Photo du Pont-­‐Rouge à l’est de Veulettes depuis la plage. Cliché pris par un soldat américain en 1945. On distingue en haut à gauche l’abri pour pièce anti-­‐char de 8,8 cm de type R677. Source : www.rescuedfilm.com Croquis de l’abri R677 par Dirk Peeters. Source : http://forum.axishistory.com/viewtopic.php?f=70&t=212842 65 © 2015 Valentin Schneider Combats Tout au long de l’Occupation, le point d’appui à l’est de Veulettes fait l’objet d’attaques de la part de l’aviation alliée. Un premier bombardement est signalé le 10 octobre 1940 lorsque le journal de marche de la 227ème division d’infanterie indique le largage, vers 21h25, de deux bombes près de Conteville, sans que celles-­‐ci ne causent toutefois de dégâts140 . A la fin décembre 1940, Paluel et sa région font l’objet de deux bombardements successifs : le 26 décembre à 13h58, un avion « ennemi », probablement britannique, largue six bombes sur la piste de l’aérodrome, dont quatre explosent ; le lendemain, à 12h55, « plusieurs » bombes tombent dans la région de Paluel sans causer de dégâts141. Le 26 janvier 1941, vers 21h50, les hommes qui tiennent les hauteurs du Pont-­‐
Rouge observent au large deux petites embarcations, dont une s’approche de la côte. Malgré plusieurs sommations, aucun signal de reconnaissance n’est reçu. Après plusieurs tirs de sommation par mitrailleuse, les bateaux s’éloignent en direction de Saint-­‐Valery-­‐en-­‐Caux142. Le 12 avril 1941, à 2h35 du matin, un avion ennemi largue cinq bombes au dessus de la mer, à 300 mètres de la plage de Veulettes. Les bombes explosent dans l’eau sans causer de dégâts143 . Le 28 janvier 1942, l’aviation britannique lance deux attaques à dix minutes d’intervalle sur la vallée de la Durdent. Vers 17h26 deux chasseurs anglais de type Spitfire survolent la vallée, un des avions attaque avec son armement de bord l’abri d’une mitrailleuse lourde, sans causer de dégâts. Les Allemands répliquent par cent coups avec le support jumeau (Zwillingssockel) armé de mitrailleuses, sans succès144. Un des deux appareils prend alors la direction de la mer avant de lancer une deuxième attaque, maintenant sur une des positions de la Flak, qui réplique avec trois pièces de 2 cm à une distance de 1500 m. Les avions passent à 400 m au-­‐dessus des positions allemandes. Le tir se poursuit jusqu’à ce que les avions soient distants de 800 m, sans que les défenseurs n’aient la certitude d’avoir touché leur cible. Un homme, le Gefreiter Michael Böll, alors âgé de 35 ans, reçoit une grave blessure par balle de mitrailleuse dans le bras gauche sur la route de Conteville – Saint-­‐Valery-­‐en-­‐Caux, l’artère et l’os sont touchés. Il n’est pas clair cependant en comparant avec les archives de la WASt si cette blessure est due à l’attaque aérienne elle-­‐même ou à une balle perdue allemande. Par la 140 RH 26-­‐227/20, Kdo. 227.I.D. Führungsabt. Ia, Kriegstagebuch Nr. 3 vom 1.7.40 bis 30.6.41, entrée du 10 octobre 1940. 141 RH 26-­‐227/20, Kdo. 227.I.D. Führungsabt. Ia, Kriegstagebuch Nr. 3 vom 1.7.40 bis 30.6.41, entrées des 26 et 27 décembre 1940. 142 RH 26-­‐227/20, Kdo. 227.I.D. Führungsabt. Ia, Kriegstagebuch Nr. 3 vom 1.7.40 bis 30.6.41, entrée du 26 janvier 1941. 143 RH 26-­‐227/20, Kdo. 227.I.D. Führungsabt. Ia, Kriegstagebuch Nr. 3 vom 1.7.40 bis 30.6.41, entrée du 12 avril 1941. 144 Le document étudié est assez vague à ce sujet, mais il est à penser que c’est l’infanterie qui réplique dans un premier temps, après avoir essuyé le feu ennemi sur un nid de mitrailleuse. 66 © 2015 Valentin Schneider suite, Böll est évacué vers l’hôpital militaire de Dieppe. A 17h35, trois chausseurs anglais en vol de basse altitude attaquent le château de Malleville près de Paluel, sans causer de pertes humaines. Les dégâts au château sont faibles. Ces deux attaques surprennent d’autant plus les Allemands qu’elles se déroulent par temps de pluie145. Le 19 février 1942, un Spitfire survole par deux fois les positions de la Flak de Paluel, aux alentours de 12h45, probablement à des fins de renseignement. La Flak ouvre le feu et parvient à toucher le fuselage, sur quoi l’appareil quitte le secteur146. Le lendemain, par temps couvert, l’aérodrome de Paluel et les positions de la Flak sont de nouveau pris pour cibles par deux Spitfires et deux Hurricanes anglais. Vers midi, ils survolent l’aérodrome à 20-­‐30 m d’altitude et attaquent deux positions de la Flak en causant quelques dégâts matériels. La Flak légère réplique et parvient à toucher les deux Hurricanes dans leur fuselage147. A la suite de ces combats, quatre soldats de la 2./le.res.Flak.Abt. 732 se voient décorés de la croix de fer de deuxième classe le 17 mars148. Le 19 mars 1942, la Flak de Conteville de Palluel parvient à abattre deux appareils britanniques au-­‐dessus la mer : d’abord un Bristol Blenheim, vers 22h25 ; ensuite un Lockheed Hudson, vers 23h33149. L’activité aérienne au-­‐dessus de Veulettes et Paluel est particulièrement intense au mois de juillet 1942. Le 2 juillet, un chasseur anglais attaque une position de projecteur près de Veulettes sans causer de dégâts, de nuit, à 3h30150. Le 17 juillet, environ 35 Spitfire entrent au-­‐dessus de Paluel : probablement deux d’entre eux sont abattus par la Flak de Conteville151. Le 20 juillet, de « nombreux » Spitfire pénètrent tout le secteur de Saint-­‐Valery-­‐en-­‐Caux, la Flak de Conteville entre en action – un appareil est abattu avec certitude, trois probablement152. Enfin, le 28 juillet, 40 appareils survolent 145 RL 20/99, Fl.H.Ber.Kdo. 19/XI Beauvais, Anl. 368, Meldung über Feindangriff ; RL 12/381, Kriegstagebuch Nr. 2 der Le.Res.Flakabt. 732 (v), Begonnen: 5.6.1941, Abgeschlossen: 22.1.43, Vorgesetzte Dienststelle: Flakgruppe Beauvais (Flakrgt. 431), Stab Abt. Dieppe, entrée du 28 janvier 1941. 146 RL 12/381,Kriegstagebuch Nr. 2 der Le.Res.Flakabt. 732 (v), Begonnen: 5.6.1941, Abgeschlossen: 22.1.43, Vorgesetzte Dienststelle: Flakgruppe Beauvais (Flakrgt. 431), Stab Abt. Dieppe, entrée du 19 février 1942. 147 RL 20/100, Anl. 505, Feindeinflug, Meldung von Fl.H.Kdtr. 2/I Gefr. Lukas am 20.2.42 um 13.26 Uhr ; RL 12/381,Kriegstagebuch Nr. 2 der Le.Res.Flakabt. 732 (v), Begonnen: 5.6.1941, Abgeschlossen: 22.1.43, Vorgesetzte Dienststelle: Flakgruppe Beauvais (Flakrgt. 431), Stab Abt. Dieppe, entrée du 20 février 1942. 148 RL 12/381,Kriegstagebuch Nr. 2 der Le.Res.Flakabt. 732 (v), Begonnen: 5.6.1941, Abgeschlossen: 22.1.43, Vorgesetzte Dienststelle: Flakgruppe Beauvais (Flakrgt. 431), Stab Abt. Dieppe, entrée du 17 mars 1942. 149 RL 20/100, Anl. 615, Abschuss von feindlichen Flugzeugen. 150 RH 26-­‐332/4, KTB Nr. 1 332. Inf.Div., von 27.4.1941 bis 16.2.1943, entrée du 2 juillet 1942. 151 RL 12/381, Kriegstagebuch Nr. 2 der Le.Res.Flakabt. 732 (v), Begonnen: 5.6.1941, Abgeschlossen: 22.1.43, Vorgesetzte Dienststelle: Flakgruppe Beauvais (Flakrgt. 431), Stab Abt. Dieppe, entrée du 17 juillet 1942. 152 RL 12/381, Kriegstagebuch Nr. 2 der Le.Res.Flakabt. 732 (v), Begonnen: 5.6.1941, Abgeschlossen: 22.1.43, Vorgesetzte Dienststelle: Flakgruppe Beauvais (Flakrgt. 431), Stab Abt. Dieppe, entrée du 20 juillet 1942. 67 © 2015 Valentin Schneider Veulettes du nord vers le sud, aux alentours de 13h00, sans pour autant provoquer l’entrée en action de la Flak153. La tentative de débarquement anglo-­‐canadienne à Dieppe le 19 août 1942 ne reste pas sans conséquences pour les troupes cantonnées autour de Veulettes : elles reçoivent le niveau d’alerte II, soit le deuxième niveau d’alerte le plus élevé154. Le 23 août 1942, entre 12h45 et 13h00, les hommes du point d’appui du Pont-­‐
Rouge assistent à un combat aérien entre cinq appareils ennemis et six chasseurs allemands, entre Veulettes et Saint-­‐Valery-­‐en-­‐Caux155. Deux mois plus tard, le 22 octobre 1942, la Flak de Conteville de Palluel rapporte s’être battue avec un Mustang de la RAF arborant sur le dessus de ses ailes la cocarde anglaise, mais portant la croix de fer allemande sur le dessous156. Le 11 décembre 1942, les Allemands à Paluel peuvent observer l’entrée, vers 13h45, d’une importante formation de bombardiers anglais évoluant à 7000 m d’altitude, protégés par de nombreux chasseurs. Des combats aériens avec des chasseurs allemands sont rapportés157. Loisirs Un certain nombre d’éléments trouvé aux archives allemandes de Fribourg permet de nous faire une idée du temps libre passé par les soldats allemands en position sur le point d’appui « Va011 », à l’est de Veulettes. Ainsi par exemple, nous savons que des séances de projections de films sont organisées à Veulettes et à Paluel par l’armée allemande pour le divertissement des soldats, généralement toutes les semaines. Les bobines distribuées contiennent les informations hebdomadaires (Deutsche Wochenschau), mais aussi des films divertissants ou pédagogiques. Les contenus diffusés par l’armée sont contrôlés, à partir de septembre 1940, par le ministère de la Propagande de Josef Goebbels. Les films sont projetés par des unités de propagande ambulantes, équipées d’un Filmwagen (« camion cinéma »). 153 RH 26-­‐332/4, KTB Nr. 1 332. Inf.Div., von 27.4.1941 bis 16.2.1943, entrée du 28 juillet 1942. 154 RH 26-­‐332/4, KTB Nr. 1 332. Inf.Div., von 27.4.1941 bis 16.2.1943, entrée du 19 août 1942. 155 RH 26-­‐332/4, KTB Nr. 1 332. Inf.Div., von 27.4.1941 bis 16.2.1943, entrée du 23 août 1942. 156 RL 12/381, Kriegstagebuch Nr. 2 der Le.Res.Flakabt. 732 (v), Begonnen: 5.6.1941, Abgeschlossen: 22.1.43, Vorgesetzte Dienststelle: Flakgruppe Beauvais (Flakrgt. 431), Stab Abt. Dieppe, entrée du 22 octobre 1942. 157 RH 26-­‐332/4, KTB Nr. 1 332. Inf.Div., von 27.4.1941 bis 16.2.1943, entrée du 11 décembre 1942. 68 © 2015 Valentin Schneider Projections de films à Veulettes et Paluel en janvier 1942 Date Lieu Spectateurs Projections 9 janvier 1942 Paluel 80 1 11 janvier 1942 Veulettes 420 2 16 janvier 1942 Paluel 80 1 18 janvier 1942 Veulettes 130 1 23 janvier 1942 Paluel 35 1 25 janvier 1942 Veulettes 200 2 29 janvier 1942 Paluel 60 1 31 janvier 1942 Veulettes 190 2 Titre du film Anelie Traummusik Das unsterbliche Herz Der Gasmann Sources : RL 20/99, Kommando des Flughafenbereichs 19/XI (Beauvais), Abt. II Wh. Br.B.Nr. 907/42 geh., O.U., den 6.2.42, Dazu: Anlage Nr. 406, Filmeinsatz in der Zeit vom 5.1. bis 11.1.42 ; Dazu: Anlage Nr. 404, Filmeinsatz in der Zeit vom 12.1. bis 18.1.42 ; Dazu: Anlage Nr. 402, Filmeinsatz in der Zeit vom 19.1. bis 25.1.42 ; Dazu: Anlage Nr. 400, Filmeinsatz in der Zeit vom 26.1. bis 1.2.42. Pour le divertissement des soldats qui se trouvent affectés à des positions isolées ou qui ne peuvent pas s’éloigner de leur point d’appui, la Luftwaffe organise le recrutement d’artistes dans ses propres rangs afin de constituer des groupes mobiles qui pourront être envoyés vers les unités éloignées158. En outre, différentes fêtes sont organisées par les soldats dans le secteur de Veulettes. Parmi celles-­‐ci, les célébrations de Noël sont particulièrement importantes chaque année et se déroulent sur plusieurs jours. Le journal de marche de la 2./le.Res.Flak.Abt. 732 nous donne des éléments précis quant à l’organisation de la fête de Noël 1941 : « 23.12.41 : La fête de Noël s’annonce. En présence du commandant, une fête de Noël s’est tenue auprès de la 2./732 qui, par suite de sa préparation minutieuse et soignée, est devenue un moment mémorable pour tous les membres de la batterie. 24.12.41 : Les fêtes de Noël des autres batteries des sections détachées et de l’état-­‐major ont lieu. Tout est préparé avec beaucoup de soin. Partout, des tables de cadeaux richement garnies ont pu être dressées. Le commandant rend visite à toutes les unités et souhaite un joyeux Noël à tous ses les hommes. 25.12.41 : Le commandant du régiment, Monsieur le Major Korn, rend visite au groupe et souhaite un joyeux Noël159. » 158 RL 20/99, Kommando des Flughafenbereichs 19/XI (Beauvais), B.O., O.U., den 9. Januar 1942, Kommando-­‐Tagesbefehl Nr. 2/42. 159 RL 12/381, Kriegstagebuch Nr. 2 der Le.Res.Flakabt. 732 (v), Begonnen: 5.6.1941, Abgeschlossen: 22.1.43, Vorgesetzte Dienststelle: Flakgruppe Beauvais (Flakrgt. 431), Stab Abt. Dieppe, entrées du 23 au 25 décembre 1941. 69 © 2015 Valentin Schneider Guerre totale La solidarité entre camarades s’exprime à de nombreuses occasions, aussi en dehors des occasions festives. D’autant plus que les soldats en position à Paluel ont conscience d’être engagés dans une guerre totale, même si leur activité sur la côte d’Albâtre est relativement faible, comparée à d’autres régions, et notamment la Russie. Ainsi, la solidarité s’exprime aussi envers les civils en Allemagne, victimes à la fois des bombardements alliés et d’un rationnement alimentaire de plus en plus stricte. En effet, la collecte d’argent pour le Winterhilfswerk des deutschen Volkes – une campagne annuelle de collecte de fonds par le parti nazi pour financer des activités de bienfaisance – rencontre un certain succès parmi les hommes en garnison à Paluel, où plus de 4000 Reichsmark (soit 80 000 francs de l’époque) sont collectés entre septembre et décembre 1941160. Enveloppe d’une lettre envoyée le 25 avril 1942 à Mayence par un soldat de la 2./le.Res.Flak.Abt. 732, stationnée à Paluel. Cette solidarité avec l’Allemagne (et le régime nazi) s’exprime également au travers la célébration de la « journée en mémoire des héros » (Heldengedenktag), 160 RL 20/99, Kommando des Flughafenbereichs 19/XI (Beauvais), B.O., O.U., den 9. Januar 1942, Kommando-­‐Tagesbefehl Nr. 2/42. 70 © 2015 Valentin Schneider célébrée tous les ans le dimanche précédent le 16 mars. Les hommes de Paluel n’échappent pas à cette règle et le 15 mars 1942 la journée est organisée par le groupe d’artillerie qui commande la Flak de Conteville. Après un solennel lever des couleurs, le commandant du groupe tient un discours, et honore la mémoire de ses hommes tombés au champ d’honneur. Toutes les batteries du groupe tiennent des célébrations similaires161. Le caractère total de la guerre se reflète également dans la politique de rotation des troupes, et notamment leur départ successif vers le front russe. Les besoins en personnel militaire donnent parfois lieu à des campagnes de recrutement interne, notamment pour attirer des volontaires vers les unités d’élite. C’est ainsi qu’en février 1942, les hommes de la Luftwaffe de Paluel et de ses environs reçoivent la visite d’un recruteur de volontaires pour les troupes parachutistes, l’Oberleutnant Dittgens162. 161 RL 12/381, Kriegstagebuch Nr. 2 der Le.Res.Flakabt. 732 (v), Begonnen: 5.6.1941, Abgeschlossen: 22.1.43, Vorgesetzte Dienststelle: Flakgruppe Beauvais (Flakrgt. 431), Stab Abt. Dieppe, entrée du 15 mars 1942. 162 RL 20/99, Kommando des Flughafenbereichs 19/XI (Beauvais), Feldpostnummer L 02079 L.G.P. Brüssel, Abt. Ia, O.U., den 25.1.1942, Betr.: Erfassung von Freiwilligen der Fallschirmjägertruppe. 71 © 2015 Valentin Schneider Tentative de quantification Pour établir le nombre d’hommes ayant pu servir en même temps sur le point d’appui, sans compter les membres d’unités de construction, on ne peut que procéder à une estimation argumentée : -
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considérant l’étendue du secteur à surveiller de part et d’autre de l’embouchure de la Durdent, on peut penser qu’un quart de la compagnie en charge de la défense côtière à Veulettes soit affectée au point d’appui « Va011 », soit environ 45 hommes ; probablement la moitié de la batterie anti-­‐aérienne se trouve sur ce site, soit environ 30 hommes en considérant l’effectif relativement faible de la batterie étudiée ; peut-­‐être cinq hommes d’une batterie d’artillerie côtière distante sont affectés en permanence au poste d’observation qui se trouve sur le site ; en nous basant sur les effectifs servant dans les stations radar de l’armée allemande, il est à penser que jusqu’à 200 hommes constituent la compagnie en charge du fonctionnement de l’émetteur Wotan II – à moins que la compagnie soit répartie sur les deux sites de Conteville de Palluel et celui de Saint-­‐Martin-­‐aux-­‐Buneaux, ce qui ramènerait l’effectif à Conteville à 100 hommes. Enfin, nous savons que plus d’une centaine d’hommes de différentes unités sont affectés à la protection de l’émetteur. Nous arrivons donc à un total cumulé situé entre 280 et 380 hommes environ affectés au point d’appui à l’est de Veulettes. Ce chiffre ne rend pas compte d’éventuelles fluctuations en cas d’alerte, lorsqu’un nombre plus élevé d’hommes peut être accueilli sur le site. De même nous ne savons pas dans quelles proportions les unités affectées au site se trouvent physiquement présents dans le point d’appui ou si elles sont partiellement tenues en réserve à proximité. Dans tous les cas, il est probable que l’ensemble de ces hommes ne loge pas dans le point d’appui en situation normale, mais soit hébergé dans des baraquements ou des habitations réquisitionnées dans les environs. Seulement une partie de ces hommes reste sur le site en permanence. 72 
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