Géographie et territoire Géographie et territoire Philippe Payette Lavallée Résumé La géographie comporte trois grandes sphères : politique, physique et humaine. Le présent travail traite avant tout des interactions entre ces trois grandes sphères. En partant de la sphère physique, nous découvrirons comment cette sphère a influencé le développement des deux autres en s’appuyant sur une étude liée à la morphogenèse. Nous aborderons donc la situation géographique mondiale de la Corée, les impacts politiques, humains, climatiques encourus, la flore qui en découle, l’histoire géologique et son influence sur le relief. Nous verrons par la suite les impacts du relief sur les divisions culturelles de la Corée. Le relief touche à l’hydrographie qui influence aussi l’agriculture jouant un rôle dans l’établissement humain. Nous pourrons ainsi observer les différences avec aujourd’hui par l’examen des politiques de l’État et leurs impacts sur le paysage. WAT Workshop_atelier/terrain Ganghwa 2007 1 Géographie et territoire Situation géographique mondiale de la république de Corée La Corée du Sud est considérée aujourd’hui comme un « État insulaire »1 en raison de ses frontières physiques et politiques. Au nord, elle partage sa frontière politique et militaire considérée très hermétique avec la Corée de Nord, la coupant du continent asiatique par la terre. À l’est, on trouve la mer du Japon et à l’ouest la mer Jaune. Au sud, elle partage le détroit qui la sépare du Japon avec ce dernier. Pour ces raisons, l’industrie portuaire est de première importance pour les échanges internationaux. Il y a donc deux ports d’importance, celui d’Inch’on à proximité de Séoul et Busan dans le sud de la péninsule. La Corée du Sud est située entre 33o et 38o nord de latitude et sa longitude entre 125o à 131o est. On y compte plus de 46 millions d’habitants sur une superficie de 99 484 km2, l’équivalent « d’un septième »2 de celle du Québec. La situation géographique mondiale a une influence sur le milieu physique, c’est-à-dire que sa situation définit son climat. Ensuite, elle a joué un rôle au cours de son histoire d’un point de vue politique et humain; nous le verrons dans les deux prochaines sections. Source: Korea: its people and culture, Seoul, Hakwon-Sa, [c1970], p.annexe 1 BRUNET, Roger, Géographie universelle, Paris, Belin / Reclus, 1990, 1991, 1992, 1994, 1995, p.456 2 YIM, Seong-sook, La Corée, le peuple et ses valeurs culturelles d'hier à aujourd'hui, Montréal, Les presses de l'Université de Montréal, c2000, p.249 WAT Workshop_atelier/terrain Ganghwa 2007 2 Géographie et territoire Le Climat Le climat de la Corée est influencé par sa situation géographique. D’abord, sa proximité avec le continent asiatique amène vers la Corée en hiver des masses d’air froid et sec. Durant cette période (de décembre à mars), les températures moyennes descendent et peuvent variées entre « -5oC et 5oC »3 dépendamment de la latitude et de l’altitude à laquelle on se trouve. La saison qui contraste le plus de l’hiver est l’été car le changement de direction des vents amène maintenant beaucoup d’humidité de l’océan Pacifique qui se traduit par une grande quantité de précipitations tel qu’observé sur la carte pluviométrique qui suit. Les températures sont aussi plus chaudes durant cette période qui s’étale de juin à septembre, c’est-à-dire en moyenne entre « 20 oC et 26oC »4. Source : Office of the prime minister, Central Government Complex 77-6, Sejongno, Jongno-gu, Seoul, Korea, Copyright by Office of the Prime Minister, page visitée le 30 septembre 2007, adresse URL : http://www.opm.go.kr/warp/webapp/content/view?meta id=english&id=32 3 The Korean Overseas Culture and Information Service, A handbook of Korea, 10 édition, Hollym International Corp, Seoul, Korea, p.18 WAT Workshop_atelier/terrain Ganghwa 2007 ième 4 IDEM 4 3 Géographie et territoire Par contre, les deux autres saisons, le printemps et l’automne, se déroulent respectivement d’avril à juin et d’octobre à décembre. Ce sont des saisons relativement neutres. Il y fait beau et c’est relativement sec. Le climat coréen a joué un rôle déterminant sur les paysages actuels comme nous le verrons plus loin. Ses particularités sont les sécheresses qui sévissent une année sur six ainsi que les typhons qui touchent la péninsule deux à trois fois par année et qui provoquent des inondations dans les fleuves et rivières. Le climat touche aussi les types de végétation en présence sur le territoire comme nous le verrons dans la prochaine section. La flore Nous observons trois types de végétation sur le territoire de la Corée du Sud : un type de végétation prédominant l’ensemble du territoire et deux autres plutôt isolés. La végétation présente sur l’ensemble du territoire est une végétation de climat tempéré, caractérisée entre autre par des arbres et arbustes à feuilles caduques. Voici une liste5 de quelques uns de ces végétaux : • Quercus aliena Blume, • Quercus acutissima Carruth., • Quercus serrata Thunb., • Carpinus laxiflora (Siebold et Zucc.) Blume, • Betula platyphylla Sukaczev var. japonica (Miq.) Hara, • Carpinus tschonoskii Maxim., • Fraxinus rhynchophylla Hance, • Salix gracilistyla Miq., • Tilia amurensis Rupr., • Styrax japonica Sieb. et Zucc., • Forsythia koreana (Rehder) Nakai, • Lespedeza biclor Turcz., • Rhododendron mucronulatum Turcz., • Rhododendron schlippenbachii Maxim. • Acer palmatum Thunb. • Miscanthus sinensis Andersson, • Miscanthus sacchariflorus (Maxim.) Benth., • Calamagrostis arundinacea (L.) Roth, • Chrysanthemum zawadskii Herbich, 5 Office of the prime minister, Central Government Complex 77-6, Sejongno, Jongno-gu, Seoul, Korea, Copyright by Office of the Prime Minister, page visitée le 30 septembre 2007, adresse URL : http://www.opm.go.kr/warp/webapp/content/view?meta_id=english&id=32 • Hylomecon vernalis Maxim., • Primula sieboldii E. Morren, • Platycodon grandiflorum (Jacq.) A. DC., • Adenophora triphylla (Thunb.) A. DC., • Codonopsis lanceolata (Sieb. et Zucc.) Trautv., • Melanpyrum reseum Maxim., • Elsholztia splendens Nakai • Gentiana pseudoaquatica Kusn. Parmi les deux autres sortes de végétation présentes, on retrouve une végétation apparentée à un climat dit penné-tropical dans l’extrême sud de la péninsule ainsi que dans les îles comme Jejudo. Ce type de végétation est composé avant tout d’arbres à feuilles épaisses et persistantes. Voici une liste6 de certains des végétaux qui la compose : • Camellia japonica L., • Cinnamomum camphora Siebold, • Ardisia pusilla DC., • Quercus myrsinaefolia Blume, • Ligustrum japonicum Thunb., • Korthalsella japonica (Thunb.) Engl., • Rhaphiolepis umbellata (Thunb.) Makino, • Neolistsea sericea (Blume) Koidz., • Actinodaphne lancifolia (Sieb. et Zucc.) Meisn., • Euonymus japonicus Thunb. • Euonymus fortunei (Turcz.) Hand. - Mazz., • Trachelospermum asiaticum (Siebold et Zucc.) Nakai, • Ficus thunbergii Maxim., • Machilus japonica Sieb. et Zucc., • Daphniphyllum tejismanni Zoll., • Pittosporum tobira (Thunb.) Aiton, • Citrus unshiu Markovich, ect. • Farfugium japonicum (L.) Kitam., • Pollia japonica Thunb., • Crinum asiaticum L. var. japonicum Baker, • Celtis sinensis Pers • Elaeagnus macrophylla Thunb. Finalement, on peut observer une flore apparentée à un climat plus nordique surtout dans les hautes montages, comme le Mont Taebeak. Cette végétation est surtout constituée de conifères en raison des températures plus froides présentes tout au long de l’année. Voici encore une fois certains végétaux7 faisant partie de ce type de végétation : • Abies nephrolepis Maxim., • Larix olegensis A. Henry var. koreana Nakai, 6 7 WAT Workshop_atelier/terrain Ganghwa 2007 IDEM 6 IDEM 6 4 Géographie et territoire • Thuja koraiensis Nakai, • Picea jezoensis (Sieb. et Zucc.) Carriere, • Pinus pumila (Pall.) Regel, • Juniperus chinensis L. var. sargentii A. Henry, • Picea koraiensis Nakai, • Abies koreana Wilson, • Taxus cuspidata Sieb. et Zucc. • Quercus mongolica Fisch., • Quercus dentata Thunb., • Chosenia bracteosa Nakai, • Betula platyphylla Sukaczev var. japonica (Miq.) Hara, • Betula ermanii Cham., • Betula costata Trautv., • Salix myrtilloides L., • Vaccinium uliginosum L. • Syringa dilatata Nakai. Impact politique et humain de la situation géographique mondiale De par sa situation géographique, la Corée du Sud a toujours été convoitée par ses principaux pays voisins, comme la Chine, le Japon, la Manchourie, la Russie et même les États-Unis. Pour la Chine, c’était un « avant-poste de l’empire »8, pour la Russie, « une zone portuaire abritée des glaces »9 et pour la Manchourie, « une porte maritime »10. Au cours du dernier siècle, on note toujours une certaine convoitise qui se traduit par la présence américaine sur le territoire. On dit donc de la Corée qu’elle est un enjeu géostratégique pour ses voisins. Ces fréquents envahissements du territoire ont eu sur les habitants des impacts à la fois négatifs et positifs. Dans un premier temps négatifs car, comme nous le verrons dans la citation qui suit, elle a entraîné un certain repli chez les habitants : « Un univers défensif entouré de barrières: linguistiques, géographiques, mais avant tout culturelles, si la Corée aujourd’hui demeure méconnue, c’est en partie la conséquence d’une longue tradition 8 VÉRIN, Marc et MORILLOT, Juliette,La Corée terre des esprits, Éditions Hermé Paris (France), 2003, p. 43 9 IDEM 9 10 IDEM 9 WAT Workshop_atelier/terrain Ganghwa 2007 de repli choisie par un peuple soucieux de ne plus attirer à lui les foudres du destin. »11 Dans un deuxième temps, nous notons que ces envahissements ont construit, de par leurs apports culturels et sociaux, la Corée que nous connaissons aujourd’hui. Prenons par exemple le cas de l’agriculture irriguée, sur laquelle nous reviendrons plus loin, introduite par les Chinois au XVIe siècle. On peut parler aussi de certains gestes urbanistiques apportés par les Japonais ou encore du capitalisme américain qui a radicalement remis en question le mode de vie traditionnelle. Tous ces gestes ont façonné le paysage de la Corée à différentes échelles. Histoire géologique de la Corée Parlons maintenant de la géologie, un élément plus naturel, qui a eu un impact à la fois sur le relief et sur l’établissement humain. On retrouve entre autres sur l’ensemble du territoire des formations géologiques constituées de roches métamorphiques, propres au Précambrien : des Granites, des Gneiss et des Schistes. Cette formation apparaît comme « […] un énorme bloc basculé, un « horst »[…] »12. La partie la plus élevée de ce basculement se prolonge tout le long de la côte est de la péninsule. On observe différentes strates à l’intérieur de ce bloc propre à différentes périodes géologiques. La première, la strate constituant la chaîne de montagne du Taebaek s’étendant du nord au sud en longeant la côte est, appartient au paléozoïque inférieur. La strate du mésozoïque est présente dans la partie sud-est de la péninsule. Puis en périphérie de la péninsule, il y a la strate du cénozoïque. Finalement, à l’ère du jurassique (Roche intrusive) et du Crétacé (Roche volcanique), des intrusions de Granite se sont introduites du nord-est au sud-ouest. On trouve aussi deux îles volcaniques dans la péninsule, l’île de Ulleungdo et Jejudo (Quaternaire (volcanique périphérie)).13 11 IDEM 9, p. 41 ère Pezeu-Massabuau, Jacques, La Corée, 1 éd., Paris, Presses universitaires de France, 1981, p.6-7 13 IDEM 6 12 5 Géographie et territoire Puisque le territoire est composé à « 70% »15 par des montages, nous comprenons qu’il y ait très peu d’endroits où la topographie est réellement plate. La géologie comme partout ailleurs influence grandement le relief. Le basculement du bloc mentionné plus haut amène donc un relief plus élevé dans la partie est de la péninsule qui tend à s’atténuer dans la partie ouest. Il y a donc une grande chaîne de montagnes qui court tout le long de la côte est, la chaîne du Taebaek (1). Puis de la partie des chaînes de montagnes secondaires qui s’allongent vers le sud-ouest, on aperçoit la chaîne de Sobaek (2), la chaîne de Kwangju (3), la chaîne de Ch’aryong (4), la chaîne de Noryong (5) et le Fossé de Ch’ugaryong (6)16. Les chaînes secondaires se sont formées avec les différentes ères géologiques comme on peut le constater dans la carte précédente. Cet arrangement donne donc lieu à des paysages très montagneux dans l’est incluant les plus hauts monts de la Corée du Sud et des paysages de « plaines » dans l’est. Cette idée est bien représentée par la coupe A-B. Le relief « Plus encore que le Japon, la Corée apparaît ainsi comme un pays essentiellement montagneux. Aucune grande plaine n’y déroule sur des dizaines de kilomètres des horizons d’une platitude parfaite comme aux environs de Tokyo ou de Nagoya. L’œil s’y heurte toujours à quelque escarpement […] »14 YI, Chunsŏn, Le village clanique en Corée du Sud et son rôle dans la vie rurale, Paris, Collège de France, Centre d'études coréennes, 1992, p.18 15 BOYER-RUNGE, Cécile, Corée du Sud, France, éd. Hachette Livre, collection Guides Bleus Évasion, 2002, p.72 YI, Chunsŏn, Le village clanique en Corée du Sud et son rôle dans la vie rurale, Paris, Collège de France, Centre d'études coréennes, 1992, p.18 16 14 IDEM 13, p.8-9 WAT Workshop_atelier/terrain Ganghwa 2007 6 Géographie et territoire Les paysages typiques de l’ouest s’apparentent à ceux de la ville de Séoul, où nous voyons que c’est relativement plat, mais qu’il y a parci par-là des collines (figure ci-dessous). Le relief a influencé la culture intrinsèque de la Corée mais a aussi dicté le chemin qu’emprunte le réseau hydrographique actuel qui, comme nous le verrons plus loin, a eu une influence sur l’agriculture. Différentiations culturelles Comme nous venons de le voir, la Corée est parsemée de chaînes de montagnes. Même si elles ont une importance spirituelle pour les Coréens, elles ont été pendant longtemps des obstacles quasiment infranchissables menant à une fragmentation de la population. Fragmentation qui a amené des différences culturelles et linguistiques importantes entre les diverses régions. Une carte représentant ces grandes régions figurent à la page suivante. Source: VÉRIN, Marc et A. MASON, David, Passage to Korea, Hollym Internaional corp., Korea, 2005, p.10-11 Par contre, nous retrouvons de façon générale dans l’est un paysage beaucoup plus montagneux dont le summum est la chaîne de montage des Taebeak (photo ci-dessous). Source: VÉRIN, Marc et A. MASON, David, Passage to Korea, Hollym Internaional corp., Korea, 2005, p.14-15 WAT Workshop_atelier/terrain Ganghwa 2007 Nous pouvons ainsi distinguer quatre grandes régions : Une région montagneuse au nord-est moins peuplée que sa voisine au sudouest, considérée comme le centre urbain de la Corée depuis longtemps en raison de Séoul. En dessous se trouve « granary »17, au sud-ouest, en raison de son rendement agricole. Au sud-est, on aperçoit la région que l’on appelle « South of the montain pass »18 en raison de sa barrière physique avec le reste de la Corée, créée par la chaîne de montagne Sobeak. Finalement, on voit l’île de Jejudo qu’on pourrait qualifier par Isolement (9). Nous remarquons entre autres l’accent très différent entre les gens venant de Busan et ceux venant de Séoul en raison de cette fragmentation. 17 IDEM 4, p.13 IDEM 4, p.13 18 7 Géographie et territoire régions19 subdivisées en provinces administratives (telles que celles que nous connaissons aujourd’hui). Il y a avait : La Région du Nord (Aujourd’hui la Corée du Nord), La Région centrale (1-Kyonggi, 2Kangwon, 3-Ch’ungch’ong du Nord, 4-Ch’ungch’ong du Sud), La Région du Sud ( 5-Kyongsang du Nord, 6-Kyongsang du Sud, 7Cholla du Nord, 8-Cholla du Sud, 9-Cheju ) Source : YI, Chunsŏn, Le village clanique en Corée du Sud et son rôle dans la vie rurale, Paris, Collège de France, Centre d'études coréennes, 1992, p.35 Cette fragmentation n’est pas passée inaperçue à l’époque de la dynastie Choson. C’est d’après ces différences linguistiques, culturelles et même sociales, comme nous le verrons dans le reste du travail, que les dirigeants de l’époque ont défini 3 grandes Source : YI, Chunsŏn, Le village clanique en Corée du Sud et son rôle dans la vie rurale, Paris, Collège de France, Centre d'études coréennes, 1992, p.35 19 IDEM 4, p.12-14 WAT Workshop_atelier/terrain Ganghwa 2007 8 Géographie et territoire Hydrographie L’hydrographie est liée de près au relief car les principaux cours d’eau prennent naissance au cœur des plus hautes montagnes du pays. Ils ont graduellement creusé la roche au cours des siècles. On compte peu de fleuves ou de rivières qui s’écoulent vers la mer du Japon en raison de la proximité de la chaîne du Taebaek par rapport à la mer du Japon et ceux qu’on y trouve sont très courts en raison de cette proximité. La plupart des fleuves et rivières s’écoulent vers la mer Jaune et vers le sud suivant l’orientation des chaînes de montagnes qui ont une direction nord-est, sud-ouest. Ceux qui s’écoulent vers la mer Jaune ont créé d’immenses « plaines alluviales remblayées par les principaux cours d’eau »20. Les deux plus grands fleuves de la Corée du Sud sont le Han (b) et le Naktong (h). Le premier se jette dans la mer Jaune et à son embouchure, on y trouve l’île de Ganghwa. Quant au second, il se jette au sud dans la Baie de Séoul. Autrefois, la plupart des fleuves de la Corée étaient utilisés pour le transport des marchandises, ce qui a favorisé le développement des deux villes portuaires à l’embouchure des deux plus grands fleuves, soit Inch’on et Busan, qui prennent toutes leur importance dans l’économie actuelle, ce sur quoi nous reviendrons plus loin. Cette usage des cours d’eau a changé avec l’arrivée de l’agriculture irriguée qui nécessitait un apport d’eau constant. De nos jours, le réseau hydrographique joue un rôle important par rapport à l’agriculture, mais aussi dans l’alimentation hydroélectrique. Les autres fleuves (le Himjin (a), le Küm (c), le Man’gyong (d), le Tongjin (e), le Yongsan (f) et le Somjin (g)) sont tout aussi touchés par l’agriculture irriguée et les barrages. 20 IDEM 13 WAT Workshop_atelier/terrain Ganghwa 2007 9 Géographie et territoire L’agriculture WAT Workshop_atelier/terrain Ganghwa 2007 10 Géographie et territoire L’agriculture est un des facteurs importants de l’établissement humain ainsi que d’un type de paysage qui s’y rattache. Il y a trois types d’agriculture en Corée du Sud. La première est l’agriculture traditionnelle, qui constitue une culture en champs sec. Les deux autres types d’agriculture sont arrivées par le biais de l’occupation chinoise, largement diffusés à partir du XVième siècle: irriguée « ch’onbang » et irriguée avec « réservoir »21. Le premier signifie que les champs étaient irrigués par un cours d’eau, d’où l’importance du réseau hydrographique particulièrement développé. Comme le nom l’indique, le second nécessitait la création d’un réservoir dans lequel on puisait l’eau pour irriguer les champs. Le réservoir pouvait aussi être naturel, comme dans le cas d’un lac par exemple. Toutefois, comme nous l’avons vu plus tôt, le climat de la Corée du Sud implique des périodes de sécheresse et d’inondation. C’est la raison pour laquelle des barrages ont été construits sur la plupart des cours d’eau et qu’on développe constamment le système d’irrigation pour la culture irriguée. Comme on le voit sur les cartes précédentes, il y a eu une constante évolution de l’agriculture irriguée, dû à la popularisation de ce type de culture, aux améliorations techniques comme le repiquage et au développement des infrastructures d’irrigation. On note qu’au XVième siècle, l’agriculture était davantage présente dans la partie ouest, où l’on trouve les grandes plaines alluviales et des fleuves qui se jettent dans la Mer Jaune. Mais graduellement, avec les améliorations techniques, on voit l’agriculture irriguée s’étendre jusque dans la partie ouest. Ll’infrastructure servant à l’irrigation est cruciale pour en arriver à une productivité constante. À chaque année, il y a donc une pression faite sur le gouvernement en place afin qu’on investisse dans ces infrastructures. De plus, un des objectifs du gouvernement est l’atteinte d’une « autosuffisance en riz »22 et en céréales, objectif atteint et toujours prioritaire. Toutefois, avec les pressions démographiques que connaît la Corée, cela nécessite plus de productivité agricole et d’améliorations techniques. Il y a alors un investissement important à ce niveau et donc une modification du paysage par l’homme. On peut par conséquent parler de la naissance d’un paysage culturel. Source: VÉRIN, Marc et A. MASON, David, Passage to Korea, Hollym Internaional corp., Korea, 2005, p.24 Notons aussi que la présence américaine a amené avec elle des nouvelles habitudes de vie. Par exemple, on consomme actuellement davantage de viande et l’élevage est de plus en plus présent, ce qui va encore une fois amener un nouveau type de paysage agraire. 21 IDEM 17, p.51 IDEM 4, p.275 22 WAT Workshop_atelier/terrain Ganghwa 2007 11 Géographie et territoire Village clanique Nous abordons ici ce sujet car il est lié de près à l’agriculture irriguée. Le village clanique est en faite une organisation sociale dont les membres se sont regroupés dans l’espace afin de former un village. Cette structure sociale, le clan, est apparue à l’époque de la dynastie des Yi et est lié de près à la vulgarisation de la morale néoconfucéenne. Elle était basée sur un système patrilinéaire, c’est-àdire une lignée au sein d’une même famille où le pouvoir se transmet des aînés de première génération aux aînés de la génération suivante. Ce regroupement social était d’une certaine façon nécessaire pour les besoins en main d’œuvre que nécessitait l’agriculture irriguée à cette époque; on retrouve ainsi ces villages principalement en milieu rural. Notons aussi que les aînés exerçaient plusieurs fonctions au sein du clan, dont la réalisation des rituels liés aux offrandes et aux cérémonies funéraires. Ce type de village a subsisté jusqu’en 1930 et a laissé certaines traces. En effet, on peut noter quelques éléments distinctifs au sein d’un village clanique, comme le cimetière constitué d’un bâtiment pour la garde et de stèle. On remarque aussi qu’il y a toujours une maison située sur le point le plus élevé du village et appartenant à l’aîné. On peut y voir des « belvédères » et on enseigne le chinois classique dans un bâtiment spécifique.23 On aborde le sujet aussi parce que, bien que ce regroupement était considéré comme illégal à l’époque, nous pouvons toutefois remarquer deux villages claniques sur l’Île de Ganghwa (carte page suivante). Cette notion d’illégalité explique le fait qu’on retrouve si peu de villages claniques près de Séoul. 23 IDEM 17, p.115-121 WAT Workshop_atelier/terrain Ganghwa 2007 12 Géographie et territoire 2.1.3. Territoire habité Il y a deux façons d’expliquer les endroits habités, une spirituelle et l’autre scientifique. Toutefois, les deux se recoupent d’une certaine manière. La première est expliquée par la géomancie ou « pungsu » en coréen. On la définit comme « l’art de « lire » le relief pour découvrir les forces, positives ou négatives, que recèle la nature »24. On dit que les montagnes sont sacrées car c’est le pont entre le monde des hommes et le monde des esprits dans cette croyance. Elle agit donc comme une force positive. Par contre, les cours d’eau sont des forces négatives qui drainent les énergies. Il y a un grand nombre de montagnes en Corée du Sud et on dit qu’il existe un certain équilibre entre celles-ci. On explique aussi que les barrages retiennent les énergies. Cela expliquerait pourquoi la plupart des villages s’établissent près des montagnes et des cours d’eau, tel que le démontre le schéma traditionnel d’un village (schéma page précédente). La deuxième façon plus scientifique d’expliquer les endroits habités est basée par l’hydrographie, la géologie, le climat et le relief. Ces éléments clefs ont joué un rôle de premier ordre dans l’établissement des premiers foyers de population. Du côté de la géologie, c’est la dureté des différents types de roche qui importe. Effectivement, on observe trois principaux types de roches sur le territoire : « […] des granites, gneiss graniteux et schistes cristallins […] »25. Les deux derniers ont une plus grande dureté et sont donc plus difficilement érodés par l’action du vent ou de l’eau. Ainsi, aux endroits où on retrouve des bandes granitiques, elles sont plus érodées et elles créent ce qu’on appelle des « bassins »26. Les foyers de population ont donc utilisé ces emplacements comme lieu privilégié d’établissement car elle offrait une bonne protection contre les vents en hiver. De plus, s’il y avait une colline à l’est, les foyers de population viendraient s’y adosser pour la même raison. Les foyers de population actuels se trouvent donc surtout dans des bassins à proximité de cours d’eau qui jouent un rôle important dans l’agriculture et plus anciennement dans le transport. On les retrouve donc davantage dans les plaines que sur les sommets de l’ouest. Cette explication valide aussi le schéma du village traditionnel. La carte des principales villes superposées avec la carte altimétrique permet de constater ces emplacements stratégiques qui se trouvent pour la plupart dans des zones où l’altitude est inférieure à 100m (carte colonne de droite). 25 24 IDEM 16, p.72 WAT Workshop_atelier/terrain Ganghwa 2007 26 IDEM 17, p.24 IDEM 17, p.24 13 Géographie et territoire Influence actuelle Source : YI, Chunsŏn, Le village clanique en Corée du Sud et son rôle dans la vie rurale, Paris, Collège de France, Centre d'études coréennes, 1992, p. 17 Maintenant que nous avons compris de quelle façon le territoire a été façonné dans les temps plus anciens, observons comment l’occupation japonaise et la présence américaine a influencé la géographie. WAT Workshop_atelier/terrain Ganghwa 2007 14 Géographie et territoire La présence américaine a renforcé le capitalisme déjà présent en raison de la rivalité qui existe entre la Corée du Sud et la Corée du Nord. Ce capitalisme est d’autant plus fort grâce aux politiques de l’État qui favorisent l’industrialisation et l’exportation comme principale activité économique. En effet, ces deux politiques ont sorti le pays de la crise économique d’après guerre dans laquelle il se trouvait. Il y a deux grandes zones qui ont été favorisé par ces politiques d’état en raison de leur emplacement stratégique et de l’explosion démographique qu’on subit ses deux zones après la guerre. Il s’agit de Séoul et Busan. Pour les industries, ces deux zones sont le paradis, main d’œuvre très bon marché, en grande quantité et port d’importance à proximité. De plus, on y observe un meilleur PIB par habitant que dans la plupart des autres provinces administratives, à l’exception de la Cheolla du Sud qui constitue le « grenier » de la Corée. Les gens migrent alors vers ses zones au détriment des autres régions. On observe donc un « urbanisation anarchique » dans ces zones. Le lien autoroutier entre Séoul et Busan construit entre 1967 et 1971 vient renforcer ce déséquilibre. Tous ces facteurs favorisent la naissance d’une mégalopole qui est en train de changer littéralement le visage de la Corée du Sud que l’on connaissait jusque là. Par ailleurs, notons que cette mégalopole englobe déjà 60% de la population nationale et que 90% de cette population est urbaine27. Finalement, soulignons que, durant l’occupation japonaise, il y a eu près de 80% de la forêt qui a été détruite sur tout le territoire. Et aujourd’hui, c’est 100% de ce qui a été détruit qui a été régénéré grâce à un programme de reforestation débuté en 1973. Ça implique qu’il existe plusieurs jeunes forêts sur tout le territoire. En parallèle avec cette action, on a créé 67 parcs nationaux et forêts publiques pour la récréation, l’éducation et la sensibilisation28 (carte page suivante. 27 IDEM 1, p. 456-464 IDEM 4, p.279-280 28 WAT Workshop_atelier/terrain Ganghwa 2007 Source : The Korean Overseas Culture and Information Service, A handbook of Korea, ième édition, Hollym International Corp, Seoul, Korea, p. couverture 10 Conclusion On remarque qu’avec l’arrivée de nouvelles technologies liées avec l’ère industrielle, les barrières physiques d’autrefois ne sont plus des obstacles. Il y a donc matière à réflexion à savoir si la culture d’un peuple risque de disparaître si l’on anéantit ses barrières physique. On peut aussi se questionner à savoir s’il n’y a pas un nouveau découpage politique à faire étant donné le déséquilibre qui règne entre certaine régions et la mégalopole. On peut même se demander si ce déséquilibre ne va pas forger la culture du prochain siècle. 15 Géographie et territoire Bibliographie ième The Korean Overseas Culture and Information Service, A handbook of Korea, 10 édition, Hollym International Corp, Seoul, Korea, 652p. VÉRIN, Marc et MORILLOT, Juliette,La Corée terre des esprits, Éditions Hermé Paris (France), 2003, 236p. VÉRIN, Marc et A. MASON, David, Passage to Korea, Hollym Internaional corp., Korea, 2005, 224p. YI, Chunsŏn, Le village clanique en Corée du Sud et son rôle dans la vie rurale, Paris, Collège de France, Centre d'études coréennes, 1992, 249p. BRUNET, Roger, Géographie universelle, Paris, Belin / Reclus, 1990, 1991, 1992, 1994, 1995, p. 456-464 Pezeu-Massabuau, Jacques, La Corée, 1re éd., Paris, Presses universitaires de France, 1981, 127 p. YIM, Seong-sook, La Corée, le peuple et ses valeurs culturelles d'hier à aujourd'hui, Montréal, Les presses de l'Université de Montréal, c2000, 249 p. Korea: its people and culture, Seoul, Hakwon-Sa, [c1970], 471p. AUZIAS, Dominique et LABOURDETTE, Jean-Paul, Country guide Coree, France, Nouvelles Éditions de l’Université, collection Petit Futé, éd. 1999, 466 p. BOYER-RUNGE, Cécile, Corée du Sud, France, éd. Hachette Livre, collection Guides Bleus Évasion, 2002, 272 p. Internet Office of the prime minister, Central Government Complex 77-6, Sejongno, Jongnogu, Seoul, Korea, Copyright by Office of the Prime Minister, page visitée le 30 septembre 2007, adresse URL : http://www.opm.go.kr/warp/webapp/content/view?meta_id=english&id=32 WAT Workshop_atelier/terrain Ganghwa 2007 16