La surveillance intensive des cancers colo-rectaux est-elle utile ?

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Cancérologie
La surveillance intensive des cancers colo-rectaux
est-elle utile ?
Ce qu’il faut retenir
Bien que la plupart des sociétés savantes
recommandent un suivi des patients ayant
présenté un cancer colo!rectal et capables
de supporter une réintervention ou une
chimiothérapie" les modalités optimales de
cette surveillance restent encore à définir#
Ces difficultés sont surtout liées aux effec!
tifs réduits de la plupart des études et à leur
Niveau de preuve
T
2
près exérèse à visée curative des cancers colorectaux (CCR), le taux cumulé de reprise évolutive est de 33 % à 5 ans. Le taux de récidive varie selon le stade
initial et ces récidives sont d’autant plus précoces que le stade est
avancé : globalement, 75 à 80 % des récidives apparaissent dans
les 2 ans et 90 % dans les 3 ans. Les sites de diffusion métastatique sont essentiellement le foie, puis le poumon. En l’absence
de traitement, la médiane de survie des malades ayant des métastases hépatiques ne dépasse pas 30 % à 1 an et 2 % à 3 ans.
Rapporté à l’ensemble des patients atteints de CCR, le bénéfice
escompté de la résection des métastases est faible (1 à 5 % d’augmentation de survie à 5 ans). Le traitement chirurgical représente
le seul espoir de guérison validé et permet des taux de survie de
40 % à 3 ans et de 25 % à 5 ans. Environ 20 % des patients atteints
de récidive hépatique et/ou pulmonaire pourront bénéficier de
résections curatives au besoin itératives. Dans le cas où une résection chirurgicale n’est pas envisageable, une chimiothérapie
pourra alors être proposée dont l’utilité en termes de survie globale et de survie sans symptômes a été démontrée. L’instauration
immédiate du traitement augmente la survie par rapport à une
hétérogénéité pour les examens et le ryth!
me de surveillance proposés# Par ailleurs" le
développement de nouvelles techniques
d’imagerie ainsi que l’amélioration des
résultats du traitement des récidives favori!
sent la constante remise en question des
résultats de ces études#
chimiothérapie différée. Alors que le bénéfice individuel de la
surveillance semble donc significatif et surtout corrélé à la précocité du diagnostic de récidive, l’intérêt et les modalités précises
de cette surveillance font encore l’objet de nombreux débats.
Pratiquement une dizaine d’études randomisées, trois méta-analyses (1-3), et plusieurs revues de la littérature, dont une récente
(4), ont en effet tenté de démontrer l’intérêt d’un suivi intensif
des patients aux antécédents de CCR par rapport à un suivi allégé
ou à l’absence de suivi. La conclusion principale de la revue de
la littérature de Kievit était que le suivi des patients ayant présenté un cancer colo-rectal ne remplissait pas les critères de l’evidence-based medicine (4).
Les études randomisées ont dans l’ensemble porté sur de faibles
effectifs (moins de 600 patients) et/ou sont de méthodologie critiquable (randomisation portant sur moins de la moitié des participants, randomisation en cours de suivi et non pas immédiatement post-chirurgicale, etc.). La méta-analyse publiée en 1994
(1) mettait en évidence une amélioration de 9 % de la survie à
5 ans chez les patients bénéficiant d’un suivi intensif incluant le
dosage de l’ACE par rapport aux patients non suivis ou avec un
suivi minimal. Cependant, les 3 283 patients analysés provenaient
exclusivement d’études non randomisées. La méta-analyse de
Rosen (2), incluant 2 005 patients, était également positive, retrouvant une survie globale 1,16 fois plus élevée (p = 0,003) chez les
patients suivis intensivement. Parmi les patients ayant présenté
une récidive, la survie était 3,62 fois plus élevée dans le groupe
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Tableau. Principaux résultats de la méta-analyse de Renehan et al. (3).
Réduction de mortalité globale
Réduction de mortalité si suivi comportant scanner et dosage de l’ACE
Réduction de mortalité si suivi visant à détecter des récidives intraluminales
Amélioration de la détection des récidives isolées
des patients suivis intensivement par rapport aux contrôles. Mais
cette étude était également critiquable puisqu’elle incluait à la
fois des études randomisées et des études de cohortes. La métaanalyse la plus récente regroupant 1 342 patients (3) semble plus
cohérente du point de vue méthodologique. L’analyse globale a
montré que le suivi intensif était associé à une réduction de la
mortalité significative (RR : 0,81 ; IC 95 % : 0,70-0,94 ; p =
0,007). L’effet sur la mortalité était plus prononcé dans les études
utilisant le scanner et les dosages répétés de l’ACE entraînant une
réduction de mortalité de 9 à 13 %. Les récidives étaient détectées 8,5 mois plus tôt (IC 95 % : 7,6-9,4) dans le groupe bénéficiant d’un suivi intensif. Le suivi intensif permettait également
la détection d’un nombre significativement plus important de récidives isolées (15 versus 9 % ; RR : 1,61 ; IC 95 % : 1,12-2,32 ;
p = 0,011). Cependant, cette étude a également été soumise à de
300
RR
IC (95 %)
p
0,81
0,73
0,93
1,16
0,70-0,94
0,60-0,89
0,73-1,18
1,12-2,32
0,007
0,002
NS (0,88)
0,011
nombreuses critiques : le nombre relativement faible de patients,
la variabilité des protocoles de suivi selon les études et une interprétation des résultats qui a pu être jugée parfois discutable.
R
É F É R E N C E S
1. Bruinvels DJ, Stiggelbout AM, Kievit J et al. Follow-up of patients with colorectal cancer. A meta-analysis. Ann Surg 1994 ; 219 : 174-82.
2. Rosen M, Chan L, Beart RW et al. Follow-up of colorectal cancer: a meta-analysis. Dis Colon Rectum 1998; 41 : 1116-26.
3. Renehan AG, Egger M, Saunders MP, O’Dwyer ST. Impact on survival of
intensive follow up after curative resection for colorectal cancer : systematic
review and meta-analysis of randomized trials. Br Med J 2002; 324 : 813.
4. Kievit J. Colorectal cancer follow-up : a reassessment of empirical evidence
on effectiveness. Eur J Surg Oncol 2000 ; 26 : 322-8.
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