Se concerter pour mieux traiter la douleur

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Se concerter pour mieux traiter la douleur
Éric Viel
Rédacteur en chef
Centre d’évaluation
et de traitement de la douleur,
CHU de Nîmes.
➤ Une approche multidisciplinaire est à la base d’une amélioration
de la démarche qualité dans la prise en charge de la douleur
Une volonté politique d’amélioration de la prise en charge de la douleur
s’est très clairement manifestée avec la mise en place des deux plans successifs
(1998/2001, puis 2001/2004) d’amélioration de la prise en charge de la
douleur dans les établissements de soins, souvent appelés “plans Kouchner”.
Ces plans constituent une trame incitative, mais ne suffisent pas à combler
les besoins. Mettre en place une démarche qualité dans le domaine de l’analgésie passe obligatoirement par une meilleure concertation entre les différents professionnels de santé impliqués. Les médicaments et les techniques
antalgiques existent, de même qu’un certain nombre de procédures et de protocoles : il nous reste à nous asseoir plus souvent à la même table (nous, les
diverses professions de santé…), à accepter de confronter nos points de vue
et à accepter de nous réévaluer.
➤ Les centres antidouleur réunissent différents spécialistes : anesthésiste, neurologue, rhumatologue, psychiatre, kinésithérapeute, etc., impliqués dans la prise
en charge de la douleur chronique. Les patients qui viennent consulter sont souvent en échec thérapeutique après de multiples consultations. Ces centres sont
insuffisamment nombreux (environ 40 en France), mais il existe également des
unités ou des consultations mono- ou bidisciplinaires assurées par un ou plusieurs praticiens de formation initiale variable (anesthésiste, psychiatre, rhumatologue, neurologue, etc.). Dans la plupart des cas, un spécialiste reçoit le
patient et, si besoin sur dossier, les problèmes peuvent faire ensuite l’objet
d’une analyse pluridisciplinaire. Pour certaines pathologies comme les lombosciatalgies, plusieurs approches sont en effet possibles et, faute de concertation, la décision thérapeutique est souvent prise en fonction de la spécialité
du thérapeute : “algologue”, neurochirurgien, rhumatologue, rééducateur,
etc., avec des résultats souvent inégaux. Malheureusement, dans ces centres,
le délai de consultation est souvent de deux à trois mois, ce qui est, pour une
consultation douleur, particulièrement inapproprié : quel service rendons-nous
aux malades quand nous donnons des rendez-vous à trois mois ou plus ?
➤ Les établissements de santé – publics et privés –, les établissements privés à but non lucratif et les centres anticancéreux ont beaucoup progressé
dans la démarche qualité et la mise au point de référentiels de soins, face
notamment à la douleur aiguë postopératoire et à la douleur liée à une
pathologie néoplasique. En revanche, il reste beaucoup à faire en ce qui
concerne la gestion de la douleur aiguë dans les services hospitaliers de
médecine.
➤ Les comités de lutte contre la douleur (CLUD) ont été créés en 1998 à
l’initiative du Collège national des médecins de la douleur (CNMD) et n’ont
pas pour mission d’assurer directement la prise en charge de la douleur, qui
Le Courrier de l’algologie (3), no 4, octobre-novembre-décembre 2004
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relève de structures cliniques. Il s’agit de groupes multidisciplinaires (médecins, infirmiers, kinésithérapeutes,
administratifs) chargés de réfléchir et d’élaborer des
plans d’amélioration de la qualité pour l’évaluation et le
traitement de la douleur au sein d’un établissement
public ou privé. Actuellement, certains CLUD fonctionnent bien, d’autres ont du mal à se mettre en place. Ils
nécessitent une motivation forte, des moyens de fonctionnement suffisants et du temps disponible... et, surtout, une véritable “volonté politique” au niveau de
l’établissement.
Si, dans la douleur aiguë, un certain nombre de référentiels existent, pour la douleur chronique, le manque
de référentiels thérapeutiques est criant et demande la
mise en place de structures multidisciplinaires pour les
réaliser. Face à des pathologies fréquentes, il est aberrant qu’il n’existe aucun protocole pour traiter, par
exemple, la douleur d’un infarctus du myocarde, d’une
pancréatite, etc. : en l’absence de protocole, le médecin procède selon ses propres critères, trop souvent individuels.
➤ Et que dire des pratiques ambulatoires (chirurgie,
explorations diverses) ? Des procédures de gestion de
la douleur postopératoire seraient fortement nécessaires, notamment après chirurgie ambulatoire. En effet,
le médecin généraliste est souvent démuni quand un
patient opéré dans la journée rentre à son domicile. Or,
la douleur est la deuxième cause de retour à l’hôpital
(après les nausées et les vomissements) à la suite d’une
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chirurgie ambulatoire. Une harmonisation de la communication entre l’anesthésiste et le généraliste passe
par une meilleure formation des médecins omnipraticiens à la prise en charge de la douleur et, probablement,
par une valorisation de l’acte médical de consultation
postopératoire.
➤ Proposer des programmes de formation aux médecins généralistes est une nécessité. Les médecins généralistes souhaitent participer au traitement ambulatoire
de la douleur, mais à condition qu’une formation leur soit
donnée : formation à l’utilisation des échelles d’évaluation de la douleur, du retentissement sur la qualité
de vie, le sommeil, la vie sociale, etc.
➤ Des diplômes spécifiques (DIU) sont délivrés par les
facultés de médecine de Montpellier-Nîmes et de Garches.
Bientôt naîtra le DESC “Médecine de la douleur et médecine palliative”, dont les objectifs sont clairs : tout d’abord,
former des médecins en leur donnant une compétence
spécifique dans la prise en charge pluridisciplinaire de la
douleur et en soins palliatifs ; puis, former à la prise en
charge de la douleur et aux soins palliatifs dans la perspective de la complémentarité des disciplines et de la
continuité des soins ; ensuite, donner une formation pratique clinique ; mais aussi, assurer une formation dans les
domaines de la douleur et des soins palliatifs pour les
médecins issus des différentes filières de spécialités, dont
la médecine générale ; et enfin, favoriser le développe■
ment de la recherche dans ces domaines.
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