progrès en Progrès en thérapeutique Stratégies actuelles d’utilisation des antihypertenseurs Xavier Girerd* Cet échec relatif de la prise en conservant le bénéfice en charge dépend de nomalgré le fait que les médecins français disposent de d’une monoprise (un seul breux facteurs liés au près de 300 médicaments antihypertenseurs, le comprimé par jour). Cette médecin, au patient, mais option thérapeutique deaussi aux stratégies théra- contrôle de l’hypertension artérielle reste insuffisant dans vrait être privilégiée en cas peutiques préconisées et les populations d’hypertendus traités, car seulement 40 % de réponse tensionnelle utilisées. Lorsque, après la des sujets traités ont une pression artérielle inférieure à l’ob- insuffisante après une prescription d’une premiè- jectif tensionnel fixé par les recommandations (1). monothérapie. re thérapeutique, l’objectif Pour les diurétiques, il tensionnel n’est pas atteint, est montré que l’effet augmente la dose. Mais comme les effets trois moyens sont préconisés pour améliorer hypotenseur existe de façon modeste mais secondaires sont plus fréquents aux fortes la baisse de la pression artérielle : significative pour la dose de 12,5 mg posologies, la commercialisation est pro– augmenter la dose du médicament en d’hydrochlorothiazide. Le plateau de l’efposée à de faibles posologies initiales, ce monothérapie ; fet hypotenseur se situe entre 25 et qui peut conduire à utiliser les antago– substituer un médicament à un autre, 50 mg/jour. L’équivalence des doses des nistes calciques en sous-dosage chez un c’est la monothérapie séquentielle ; différents thiazidiques entre eux n’est pas certain nombre de patients. – associer les médicaments, c’est la combien documentée. L’action hypotensive du binaison des antihypertenseurs. Pour les inhibiteurs de l’enzyme de furosémide prescrit à 80 mg est inférieure Toutefois, dans les dernières recommanconversion, les dosages habituels sont à celle de l’hydrochlorothiazide à 50 mg. dations de l’ANAES sur la “Prise en charsuffisants pour obtenir l’effet antihypertenPour les bêtabloquants, les doses habige des patients adultes atteints d’hyperseur maximal. Il n’est donc pas nécessaire tuelles suffisent dans le traitement de tension artérielle essentielle” (2), il est d’augmenter la dose unitaire. En l’hypertension artérielle, et il n’y a pas indiqué : “Lorsque le premier médicament revanche, la durée de l’action hypotensive lieu d’augmenter les posologies en cas est bien toléré, mais l’effet antihypertenest variable entre les principes actifs. La d’inefficacité. Obtenir une bradycardie seur insuffisant, l’addition d’un deuxième durée est la plus courte avec le captopril, n’est en particulier pas un élément indisprincipe actif devrait être préférée, en prinécessitant au moins une prise toutes les pensable à l’action hypotensive. vilégiant un diurétique thiazidique si le 12 heures et au mieux une prise toutes les premier principe ne l’était pas.” 8 heures, alors que la durée est la plus Les stratégies actuelles d’utilisation des antilongue avec le trandolapril, dont l’action hypertenseurs sont donc nombreuses, et cet se prolonge au-delà de 24 heures. article se propose de détailler ces données. Pour les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II, les dosages recommandés pour le début du traitement apportent une réponse proche de la réponse maxiUn patient “non répondeur” à un médicamale. Toutefois, un doublement de la dose ment peut être “répondeur” à un médicament est possible pour tous les médicaments et d’une autre famille. C’est en se fondant une efficacité un peu supérieure peut être sur cette caractéristique que la stratégie de Cette stratégie impose de connaître la relaobservée. Cependant, l’addition d’une la monothérapie séquentielle a été proposée. tion dose du médicament/effet hypotenseur faible dose de diurétique produit une baisElle consiste, en cas d’inefficacité d’une qui dépend de chaque classe thérapeutique. se de la pression artérielle qui peut être première monothérapie, à prescrire une Avec les antagonistes calciques, l’efficaciplus importante qu’une augmentation de autre monothérapie choisie dans une té hypotensive est plus grande lorsqu’on la dose du médicament. L’usage des comfamille pharmacologique différente. Plubinaisons à dose fixée des AT 1 bloquants sieurs monothérapies successives sont avec l’hydrochlorothiazide permet le pasainsi proposées avant la prescription d’une *Service de médecine interne, hôpital sage de la monothérapie à la bithérapie, tout association d’antihypertenseurs. Cette méBroussais, Paris. M Substituer un médicament à un autre, c’est la monothérapie séquentielle L’augmentation de la dose du médicament en monothérapie 451 progrès en Progrès en thérapeutique thode a pour objectif de rechercher la classe thérapeutique à laquelle le sujet est répondeur afin de n’exposer le patient qu’à un seul principe actif pour le traitement au long cours de son hypertension artérielle. L’efficacité de la monothérapie séquentielle a été récemment confirmée par une étude utilisant la méthode de l’essai croisé (3). Chez 56 patients hypertendus jamais traités, l’essai de quatre monothérapies (un IEC, un bêta-bloquant, un diurétique thiazidique et un antagoniste calcique) a été réalisé de façon consécutive sur une période de un mois. Entre les périodes de traitement, un arrêt de un mois était organisé afin d’obtenir un retour au niveau tensionnel initial. L’étude a montré qu’il existe une variabilité individuelle dans la réponse à chaque classe d’antihypertenseurs. Ainsi, si une stratégie en monothérapie séquentielle est utilisée, le pourcentage de sujets, dont la pression artérielle est ≤ 140/90 mmHg, passe de 39 % au terme de la première monothérapie à 73 % au terme de la quatrième monothérapie consécutive. Cette étude montre que la stratégie de la monothérapie séquentielle permet d’obtenir un contrôle de l’hypertension chez trois patients sur quatre. Il existe plusieurs limitations à l’utilisation de la monothérapie séquentielle. Pour normaliser la pression artérielle, certaines monothérapies nécessitent d’augmenter les doses du médicament, en particulier pour les diurétiques, les antagonistes calciques et les alphabloquants. L’apparition d’effets secondaires dose-dépendants peut alors limiter l’utilisation optimale du médicament en monothérapie. Chez un “répondeur”, les effets secondaires indépendants de la dose (toux sous inhibiteur de l’enzyme de conversion) peuvent conduire à stopper une monothérapie pourtant efficace. Chez les “répondeurs non contrôlés”, la baisse tensionnelle induite par la monothérapie est insuffisante pour obtenir la normalisation de la pression artérielle. Chez ces sujets, la combinaison des antihypertenseurs est le plus souvent le seul moyen d’obtenir le contrôle tensionnel. Act. Méd. Int. - Hypertension (12), n° 6, juin 2000 Enfin, un délai de plusieurs mois est parfois nécessaire pour obtenir la normalisation de la pression artérielle après l’essai de plusieurs monothérapies. Ce délai est presque toujours perçu comme trop long par le médecin et par le patient, qui souhaitent obtenir un résultat rapide sur le contrôle de la pression artérielle. Associer les médicaments, c’est la combinaison des antihypertenseurs Prescrire un traitement en combinaison signifie qu’au moins deux principes actifs hypotenseurs sont donnés pour obtenir la baisse tensionnelle. Cette stratégie utilisée dans tous les grands essais de prévention réalisés dans l’hypertension artérielle a montré son efficacité pour induire une baisse durable de la pression artérielle et une prévention des complications cardiaques et vasculaires. Bien que, dans ces études, le traitement soit débuté par une monothérapie, dans le suivi au long cours des patients, l’association d’un deuxième médicament était nécessaire chez la majorité des sujets. Ainsi, l’expérience de l’étude SHEP indique que le suivi pendant plus de quatre ans de sujets hypertendus âgés impose que 75 % des patients soient sous une association de deux médicaments antihypertenseurs pour atteindre l’objectif du traitement (4). De même dans l’étude HOT, 74 % des patients sont sous une combinaison d’antihypertenseurs dans le groupe des patients dont la pression artérielle est en moyenne de 140/81 (5). Enfin, un travail des hôpitaux de l’administration des Vétérans a suivi une cohorte de 800 hypertendus âgés de 65 ans sur une période d’au moins deux ans et observé que les 25 % de patients chez qui l’intensité du traitement a été la plus importante ont vu leur pression systolique diminuer de 6,3 mmHg, alors que les 25 % de patients chez qui l’intensité du traitement a été la moins importante ont eu une pression systolique 452 augmentée de 4,8 mmHg. L’analyse statistique indique que la principale raison du bon contrôle tensionnel était la prescription d’une combinaison d’antihypertenseurs (6). Prescrire une combinaison d’antihypertenseurs est donc une nécessité pour permettre d’atteindre l’objectif tensionnel chez une large majorité d’hypertendus. Si, le plus fréquemment, ce sont des combinaisons “libres” (prescription simultanée de plusieurs médicaments) qui sont réalisées par le médecin, le développement des “combinaisons à doses fixées” offre la possibilité d’une simplification de la prescription en gardant un nombre limité de prises médicamenteuses. Cette option de prescription de “combinaisons à doses fixées” en deuxième intention devrait être aujourd’hui largement privilégiée lorsque le traitement initial par monothérapie ne permet pas d’atteindre l’objectif tensionnel, et que le premier médicament prescrit a montré sa bonne tolérance. Le choix de cette stratégie de combinaison est celui préconisé par l’ANAES dans ses dernières recommandations (2) : “Lorsque le premier médicament est bien toléré, mais l’effet antihypertenseur insuffisant, l’addition d’un deuxième principe actif devrait être préférée, en privilégiant un diurétique thiazidique si le premier principe actif ne l’était pas (accord professionnel).” Les combinaisons à doses fixées permettent de simplifier la prescription et l’observance pour un coût financier plus faible. La prescription de ces “combinaisons à doses fixées” devrait s’effectuer dans le mois au plus tard suivant la prescription initiale lorsque l’objectif tensionnel n’est pas atteint. La place des “associations fixes à faibles doses” Les “associations fixes à faibles doses” sont des médicaments utilisables pour débuter un traitement antihypertenseur. Cette possibilité leur a été accordée car ils ont démontré (a) une efficacité hypotensi- progrès en Progrès en thérapeutique ve comparable à celle d’une monothérapie, (b) que chaque composant de la combinaison participait à l’action hypotensive totale, (c) que les effets secondaires n’étaient pas plus fréquents que ceux observés sous monothérapie. La question des effets secondaires est un élément important de l’intérêt porté à ces associations. Il était déjà bien démontré avec les “combinaisons à doses fixées” qu’une diminution des effets secondaires dose-dépendants, en particuliers métaboliques, rencontrés avec les diurétiques pouvait être obtenue en associant au diurétique un inhibiteur de l’enzyme de conversion, un AT 1 bloquant ou la spironolactone. Avec l’association à faibles doses d’un bêtabloquant et d’un diurétique, c’est en portant la dose du diurétique thiazidique au très faible niveau de 6,25 mg d’hydrochlorothiazide qu’il a été possible d’annuler les effets métaboliques du diurétique (7). Cette mini-dose de diurétique ayant en revanche montré qu’elle augmentait l’efficacité hypotensive d’une faible dose de bêtabloquant. Les “associations fixes à faibles doses” s’intègrent logiquement dans une stratégie visant à obtenir l’objectif tensionnel optimal. Ainsi, la prescription de ces médicaments, qui va induire une baisse tensionnelle équivalente de celle d’une monothérapie, va permettre d’évaluer d’emblée la tolérance des principes actifs qui la composent. Si la prescription d’une “association fixe à faibles doses” ne permet pas d’obtenir la réponse hypotensive optimale, il est nécessaire d’augmenter les doses d’au moins un des principes actifs qui constituent l’association. Cette augmentation se fera alors avec un faible risque de voir apparaître un effet secondaire “dose-indépendant”, car la bonne tolérance des traitements aura été évaluée lors de la période de prescription à faible dose. La disposition de différents dosages pour ces associations (des “gammes” thérapeutiques) apparaît comme un atout important en faveur de l’utilisation initiale de cette nouvelle stratégie thérapeutique. Les stratégies pour atteindre l’objectif tensionnel Atteindre l’objectif tensionnel de façon progressive Après avoir débuté un traitement, le suivi doit s’organiser afin de s’assurer que l’objectif tensionnel est atteint avec une tolérance optimale des thérapeutiques. Un délai de plusieurs semaines est souvent nécessaire pour atteindre l’objectif tensionnel, et une baisse trop rapide des chiffres de la pression artérielle n’est pas souhaitable. La première évaluation de l’efficacité et de la tolérance du traitement devra se faire après un minimum de deux semaines et un maximum de quatre semaines. 1 comporte : IEC, bêtabloquant, ARA II. Le panier 2 comporte : antagoniste calcique, diurétique. – Pour un individu, l’efficacité hypotensive est comparable pour les médicaments de chaque panier. – La tolérance est dépendante de la famille pharmacologique mais pas du “panier thérapeutique”. – La bithérapie doit associer un médicament de chacun des “paniers thérapeutiques”. Les règles pour l’utilisation des médicaments sont les suivantes : Le choix de la deuxième étape du traitement est fondé autant sur la tolérance du premier traitement que sur son efficacité. – Lorsqu’une monothérapie est bien tolérée et que l’objectif tensionnel est atteint, la monothérapie initiale doit être poursuivie. Tolérance et efficacité guident l’adaptation des médicaments Tableau I. Stratégie pour l’utilisation des antihypertenseurs selon Si le médicament ini- la tolérance et l’efficacité observée après la prescription d’une tialement choisi ne première monothérapie. permet pas d’atPremière Première teindre l’objectif tenmonothérapie monothérapie sionnel, ou si le traitement est mal toléré, Bonne Mauvaise tolérance une adaptation du tolérance traitement est indispensable. Objectif atteint Poursuite de Changer Le tableau I propose < 140 et < 90 la monothérapie pour une une stratégie d’utiliinitiale monothérapie sation des médicadu même ments lorsque la tolé“panier rance du traitement thérapeutique” n’est pas satisfaisante et/ou que l’objectif Objectif non Bithérapie à Changer tensionnel n’est pas atteint dose fixée pour une monoatteint après la pres- > 140 ou > 90 thérapie dans cription d’une monol’autre “panier thérapie initiale. thérapeutique” Selon l’étude de Dickerson (3), les Selon l’étude de Dickerson (Lancet 1999 ; 35 : 2008-13), les antihypertenseurs sont regroupés dans deux “panier thérapeutique”. Panier 1 : antihypertenseurs IEC, bêtabloquant, ARA II. Panier 2 : Antagoniste calcique, diurétique. sont regroupés dans Pour un individu, l’efficacité hypotensive est comparable pour les médideux “paniers théra- caments de chaque panier. La bithérapie doit associer un médicament de peutiques”. Le panier chacun des “paniers thérapeutiques”. 453 progrès en Progrès en thérapeutique – Lorsqu’une monothérapie est bien tolérée et que l’objectif tensionnel n’est pas atteint, une bithérapie doit être proposée. Une association à dose fixée, si elle est possible, est préférée. – Lorsqu’une monothérapie n’est pas bien tolérée mais que l’objectif tensionnel est atteint, il faut changer la monothérapie mais garder un médicament du même “panier thérapeutique”. – Lorsqu’une monothérapie n’est pas bien tolérée et que l’objectif tensionnel n’est pas atteint, il faut changer la monothérapie et choisir un médicament de l’autre “panier thérapeutique”. – Lorsqu’une bithérapie ne permet pas d’atteindre l’objectif tensionnel, il faut associer les médicaments dans des multithérapies qui doivent toujours contenir un diurétique. Les associations à dose fixée sont à utiliser. – Lorsqu’une hypertension artérielle est résistante aux traitements, il est utile de prendre l’avis d’un spécialiste de l’hypertension artérielle. Utilisation des associations à doses fixées Si, le plus fréquemment, ce sont des combinaisons “libres” (prescription simultanée de plusieurs médicaments) qui sont réalisées, le développement des “combinaisons à doses fixées” offre la possibilité d’une simplification de la prescription en gardant un nombre limité de prises médicamenteuses pour un coût plus faible que pour une combinaison “libre”. Cette option de prescription de “combinaisons à dose fixée” en deuxième intention devrait être privilégiée lorsque le traitement initial par monothérapie ne permet pas d’atteindre l’objectif tensionnel et que le premier médicament prescrit a montré sa bonne tolérance. La prescription de ces “combinaisons à doses fixées” devrait s’effectuer dans la suite de la prescription initiale, lorsque l’objectif tensionnel n’est pas atteint. Conclusion Atteindre, pour chaque patient, la pression artérielle idéale est un objectif accessible avec l’utilisation des thérapeutiques modernes. Pour obtenir de meilleurs résultats, les associations de médicaments antihypertenseurs ont montré leur efficacité et devraient être envisagées chez la majorité des patients. Références bibliographiques 1. Programme national de santé publique. Hypertension artérielle sévère exonérée. Résultats de l’enquête sur la prise en charge médicale des malades. Mai 2000. 2. Recommandations pour la pratique clinique Prise en charge des patients adultes atteints d’hypertension artérielle essentielle. ANAES avril 2000. http://www.anaes.fr/ 3. Dickerson JEC et al. Optimisation of antihypertensive treatment by crossover rotation of four major classes. Lancet 1999 ; 35 : 2008-13. 4. 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