a surveillance sénologique des femmes reconnues à
risque majoré et précoce de cancer du sein en raison
d’une histoire familiale évocatrice d’une prédisposi-
tion héréditaire pour ce cancer fait l’objet depuis un an de
recommandations précises, issues d’un consensus d’experts et
de l’analyse approfondie des données disponibles pour les
femmes de moins de 50 ans.
LE DÉPISTAGE PAR MAMMOGRAPHIE CHEZ LES FEMMES
DE MOINS DE 50 ANS
Les résultats du dépistage de masse par mammographie chez
les femmes entre 40 et 50 ans sont encore discordants, en par-
tie du fait de l’hétérogénéité des protocoles (type de clichés et
rythme des examens différents). Cependant, une méta-analyse
des programmes randomisés a montré une réduction significa-
tive de la mortalité de 24 % au bout de dix ans. Il persiste
néanmoins une controverse qui explique des recommandations
nationales contrastées, les opposants au dépistage mettant en
avant des arguments plus économiques que médicaux.
La sensibilité en théorie moindre du dépistage chez les femmes
avant 50 ans est liée à :
— un taux plus élevé de femmes ayant des seins denses (près
de 60 %) ;
— un nombre majoré de tumeurs radiotransparentes, non
visibles à la mammographie ;
— l’évolution souvent plus rapide des cancers survenant avant
la ménopause.
Les inconvénients liés au manque de spécificité sont également
soulignés. Le nombre majoré de faux positifs pose problème et
le taux de cancers in situ plus élevé peut refléter la détection de
cancers très précoces, mais aussi celle de tumeurs qui n’auraient
pas évolué vers un cancer invasif (surdiagnostic).
Chez les femmes de moins de 40 ans, aucun programme de
dépistage de masse n’a été évalué. Cependant, certains travaux
ont montré la capacité de la mammographie à détecter des can-
cers de petite taille et/ou in situ dans cette tranche d’âge.
Quelques programmes pilotes concernent les femmes à haut
risque en raison d’antécédents familiaux de cancer du sein et
les données préliminaires rapportent un taux de détection de
cancers du sein supérieur aux chiffres attendus. Il ne peut
cependant s’agir d’une preuve de l’efficacité de la procédure
en termes de réduction de mortalité.
LES PRINCIPES DU DÉPISTAGE PAR MAMMOGRAPHIE CHEZ
LES FEMMES PRÉDISPOSÉES
Les femmes à risque de cancer du sein en raison d’une prédis-
position héréditaire peuvent être atteintes jeunes puisqu’un
cancer sur deux va survenir avant 50 ans dans cette population.
Toute procédure de surveillance doit donc débuter tôt, entre 20
et 30 ans, et tenir compte de la forte proportion de femmes
avec des seins denses.
En outre, l’étude des tumeurs “héréditaires” tend à démontrer
leur agressivité plus importante (grade histologique plus élevé,
notamment quand BRCA1 est impliqué). Le rythme de sur-
veillance doit tenir compte d’un temps de séjour des tumeurs
dans la phase préclinique théoriquement plus court.
Ainsi, seuls des protocoles de surveillance adaptés sont suscep-
tibles de permettre d’obtenir une réduction de mortalité au
moins équivalente à celle observée en dépistage de masse chez
les femmes de moins de 50 ans.
Les premières recommandations pour la surveillance des femmes
prédisposées ont été publiées par le consortium américain. Plus
récemment, un groupe d’experts français (expertise collective
FNCLCC-INSERM) a émis un avis sur la prise en charge des
risques héréditaires de cancer du sein et de l’ovaire, dont la sur-
veillance sénologique. Ces recommandations concernant le dépis-
tage par mammographie diffèrent peu de celles du groupe
d’experts américains et sont similaires à celles de la plupart des
autres pays européens.
19
La Lettre du Sénologue - n° 5 - septembre 1999
DOSSIER
Surveillance sénologique des femmes prédisposées
Christine Lasset*
* Centre Léon-Bérard, Lyon.
L
Recommandations de l’expertise collective FNCLCC-
INSERM (1998)
Les mammographies de dépistage sont recommandées
chez les femmes reconnues formellement ou pressenties
porteuses d’une prédisposition héréditaire, malgré
l’absence de données prouvant l’efficacité de ce type de
dépistage dans cette population à haut risque.
Pour ces raisons, la pratique des mammographies doit res-
pecter certaines conditions visant à garantir une sensibilité
et une spécificité suffisantes de la procédure :
– début à 30 ans ou cinq ans avant l’âge du cancer du sein
familial le plus précoce ;
– poursuite de la surveillance tant que le gain espéré n’est
pas compromis par l’espérance de vie limitée des femmes
suivies (pathologie ou vieillissement) ;
– mammographies bilatérales annuelles couplées à un exa-
men clinique ;
– deux incidences par sein (face et oblique externe) ;
– première lecture immédiate permettant de décider d’une
incidence supplémentaire ou d’une échographie et compa-
raison systématique avec les clichés antérieurs ;
– échographie si la mammographie est jugée insuffisante
ou en cas d’anomalie clinique ;
– deuxième lecture systématique ;
– pratique d’une mammographie avant une grossesse et
dans les six mois du post-partum ;
– en cas d’anomalie douteuse (catégorie 3 à 5 de l’Ameri-
can College of Radiology), la décision d’effectuer une
biopsie ou de surveiller est prise de manière collégiale.
En pratique, les examens doivent être pratiqués dans des
centres ayant une expérience et une pratique suffisantes des
examens sénologiques et ayant adhéré à un centre assurant le
contrôle de qualité.
De plus, entre deux mammographies de dépistage, la pratique
d’un ou deux examens cliniques des seins est recommandée de
façon à détecter précocement les tumeurs d’intervalle. Une
surveillance clinique trois fois par an est recommandée à partir
de 20 ans.
Enfin, les femmes auxquelles cette stratégie est proposée doi-
vent être informées du fait que :
– malgré l’absence de certitude concernant son efficacité, cette
procédure est jugée capable de réduire le risque de décès lié au
cancer du sein (réduction du risque de décès d’au moins 20 %,
voire plus, avec un ratio bénéfice-risque largement positif) ;
– pour être efficace, le dépistage doit être régulier ;
– un signe clinique perçu même peu de temps après un examen de
dépistage normal doit conduire à consulter son médecin, qui jugera
de la nécessité de réaliser de nouveaux examens d’imagerie ;
– certaines équipes, s’appuyant sur l’étude de modèles cellu-
laires, craignent une augmentation de cancers radio-induits.
En France, un programme évalué de dépistage par mammogra-
phie chez des femmes jeunes à haut risque génétique a inclus
126 femmes, dont 90 % avaient déjà eu des mammographies,
mais selon des modalités (âge de début et/ou rythme des exa-
mens) non conformes aux recommandations dans 80 % des
cas, soit par excès (un tiers des femmes), soit par défaut (la
moitié des femmes).
L’IDENTIFICATION DES FEMMES CONCERNÉES
Elle est basée, pour chaque femme, sur la quantification du
risque de cancer du sein :
— soit par la pratique d’un test prédictif, possible lorsqu’une
mutation du gène BRCA1 ou BRCA2 a été préalablement
détectée dans la famille ;
— soit par un calcul probabiliste quand la recherche de muta-
tion est restée infructueuse. La probabilité, calculée de façon
précise par certains logiciels, tient compte du risque de cancer
du sein correspondant en cas de prédisposition héréditaire, en
fonction de l’âge de la femme, des données familiales et
de la probabilité qu’elle ait hérité du gène BRCAx muté
suspecté dans la famille. Pour une femme de 20 à 30 ans, deux
situations correspondent à un risque majeur dans ces familles
où une prédisposition génétique est retenue par le calcul
probabiliste :
– femme apparentée au premier degré à une personne atteinte
de cancer du sein (ou ovaire) dans la famille. La probabilité
d’avoir hérité du gène muté est de 50 % ;
– femme apparentée au second degré, par un homme indemne,
à une femme atteinte de cancer du sein (ou ovaire). Le risque
d’avoir hérité d’un gène muté est de 25 %.
Si la femme est plus âgée, les probabilités sont moindres dans
les deux situations.
Ainsi, le dépistage par mammographie est la référence
pour la surveillance sénologique des femmes à risque géné-
tique de cancer du sein, l’échographie apportant un complé-
ment utile. L’apport d’autres techniques d’imagerie est encore
considéré comme expérimental et leur place doit être mieux
définie dans la stratégie de surveillance. L’IRM, en particulier,
pourrait réduire le nombre de biopsies ou rechercher les can-
cers multifocaux. L’échographie doppler couleur sous produit
de contraste semble une technique prometteuse facilitant les
prélèvements échoguidés. Le diagnostic électrophysiologique
qui n’utilise pas les radiations ionisantes ouvre également des
perspectives intéressantes.
POUR EN SAVOIR PLUS...
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La Lettre du Sénologue - n° 5 - septembre 1999
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