L
’intoxication par la réglisse a été sou-
levée par deux faits historiques : le
premier est “Stendhal est mort d’apo-
plexie”, le deuxième est que Stendhal
absorbait une grande quantité de
réglisse.
L’absorption d’importantes quantités de
cette substance est une cause d’HTA
devenue rare mais qui doit être systémati-
quement recherchée par l’interrogatoire
chez tout patient hypertendu, particuliè-
rement lorsqu’une hypokaliémie est pré-
sente.
Comme toute intoxication, l’ingestion de
grandes quantités de produits contenant
de la réglisse entraîne les mêmes symp-
tômes cliniques que les tumeurs de la
corticosurrénale sécrétant un excès d’al-
dostérone (syndrome de Conn : hyperpla-
sie bilatérale des surrénales) : fourmille-
ments des extrémités, crises de tétanie,
fatigue musculaire, voire paralysies, poly-
urie et polydipsie et HTA avec déplétion
potassique.
Depuis des temps immémoriaux, les
humains utilisent la réglisse tant comme
aliment que comme médicament. Les
Grecs anciens l’avaient nommée G l y c y r -
r h i z a à partir des mots g l u k o s , sucre et
r i z a , racine. Jusqu’au X I I I esiècle, la
réglisse provenait exclusivement de
plantes poussant à l’état sauvage. C’est à
cette époque que l’on a commencé à la
cultiver en Europe méditerranéenne.
Tant en Asie qu’en Europe, la réglisse fait
partie d’une multitude de préparations
médicinales traditionnelles. En médecine
traditionnelle chinoise, elle est utilisée
pour “harmoniser” les différents ingré-
dients dans les formules médicinales et
l’on dit qu’elle “tonifie” le Q i , soit l’
“Énergie vitale” selon les médecins chi-
nois. En Occident, la réglisse fait encore
l’objet d’un important commerce puisque
l’on s’en sert pour aromatiser le tabac.
À ne pas confondre avec l’anis, la réglisse
est extraite des racines d’une plante
vivace du sud de l’Europe. Très utilisée en
confiserie, elle est utilisée pour la confec-
tion de toutes sortes de pastilles et de
bonbons. Elle peut aussi être infusée. En
Scandinavie et en Russie, elle entre dans
la composition d’apéritifs, de liqueurs et
de bières. On la trouve sous forme d’ex-
trait ou en poudre dans les épiceries spé-
cialisées.
Nous retrouvons la réglisse dans de nom-
breux produits ingérés de façon régulière.
Ainsi, dans certaines friandises (Zan),
des boissons telles que le coco, l’Antésite,
les alcools anisés du Sud (pastis, etc.) et
surtout, depuis quelques années, dans un
grand nombre de pastis sans alcool, dans
les chewing-gums aidant au sevrage taba-
gique et dans un grand nombre de pro-
duits vendus pour donner bonne haleine.
Le Zan, le coco, l’Antésite contiennent
1 4 g de glycyrrhizine (ou d’acide glycyr-
rhétinique) pour 100 g de substance ; il
est donc facile d’atteindre des doses
toxiques. En effet, pour avoir des effets
délétères, il faut absorber plus de 0,5 g
par jour de glycyrrhizine.
L’arrêt de l’intoxication guérit l’HTA et
permet la normalisation de la pression
artérielle et de la kaliémie dans les
semaines qui suivent l’arrêt. To u t e f o i s ,
sans aller jusqu’à l’intoxication, la
consommation de réglisse ou d’extraits de
suc de réglisse n’est pas souhaitable chez
les patients hypertendus comme chez les
patients présentant un syndrome du QT
long congénital (hypokaliémie).
Hy p er t en s i on artér i el l e par intoxi c at i on
à la régl i sse
“ L’ a pop l exie de Stendha l ”
M. Brahimi*, B. Lesperres**
(*hôpital Jean-Verdier, Bondy ; ** Cabinet médical Le Bourget)
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Correspondances en Risque CardioVasculaire - Vol. II - n° 2 - avril-mai-juin 2004