CANCÉROLOGIE 21 Plan cancer Le bilan après deux ans Mars 2003 : lancement du Plan cancer. Avril 2005 : à peine au milieu du gué puisque son aboutissement est prévu pour 2007, on doit reconnaître que tous les acteurs participant à cette entreprise gigantesque ont déjà accompli un travail remarquable. L’implication est générale. Mais au-delà des mots : le bilan. Une dimension nouvelle La MILC fait justement remarquer que l’axe prévention-dépistage a pris durant ces deux ans une dimension nouvelle. Sachant que le “mieux-manger”, l’encouragement à l’activité physique régulière, la protection solaire estivale n’ont pas été oubliés, une cible majeure a néanmoins été privilégiée : la consommation tabagique. Des outils pédagogiques aux interdits législatifs en passant par la création de consultations de tabacologie ou de sites spécifiques pour l’arrêt du tabac*, tous les moyens de communication et d’incitation au sevrage ont été utilisés. À titre illustratif parmi les nombreuses initiatives : le prix du tabac a augmenté de 42 % en un an (janvier 2003janvier 2004) ; la vente est interdite au moins de 16 ans ; 500 consultations de tabacologie hospitalières et non hospitalières sur tout le territoire (dont 20 sans rendezvous) ; 15 000 volontaires affiliés à la CMU vont bénéficier d’un sevrage nicotinique gratuit à titre expérimental durant le premier semestre 2005 ; un contrôle durci de la loi Evin, en particulier pour les interdictions de fumer dans les lieux publics et une démarche volontaire “entreprise sans tabac” pour 30 % d’entre elles en Île-deFrance, liste, bien entendu, non exhaustive. Quant aux mesures d’accélération du dépistage, les organes à haut risque en ont largement bénéficiées. Le sein : 7 millions de femmes (50-74 ans) convoquées tous les 2 ans pour une mammographie gratuite ; une journée nationale de dépistage le 1er octobre. Le côlon : généralisation sur tout le territoire pour 2007 (1/4 actuellement) du dépistage organisé, tous les 2 ans, du cancer colorectal. Des consultations d’oncogénétique dans toute la France de telle sorte que 15 000 personnes à risque de prédisposition génétique ont déjà pu subir des tests spécifiques ; en cas de frottis douteux, remboursement intégral du test HPV, etc. La prise en charge des patients, aussi bien médicale qu’environnementale, n’a pas été en reste. Là encore, la liste des innovations – ou des améliorations – impressionne. Parmi ces progrès : dispositifs “d’annonce de la maladie” quasi généralisés de telle façon que dès 2005 tous les nouveaux patients puissent en bénéficier ; augmentation du système de prise en charge des malades par les réseaux qui deviendront obligatoires en 2007 ; développement progressif (plus 1 700 places d’ici fin 2005) de l’HAD, l’objectif final étant d’atteindre le chiffre de 8 000 sachant que 57 % reviennent aux malades atteints de cancers ; développement des chimiothérapies à domicile qui peuvent désormais être délivrées par les pharmacies hospitalières ; ouverture aux patients cancéreux des soins infirmiers à domicile, alors qu’ils étaient jusqu‘alors réservés aux patients de plus de 60 ans ; 191 structures antidouleur prévues d’ici fin 2005 (178 fin 2004), tandis que plus de la moitié du territoire bénéficie d’un réseau de soins palliatifs dont la forme “à domicile” croît régulièrement. Les moyens Soignants, équipements, matériels et médicaments, s’ils sont chroniquement considérés comme insuffisants, ont néanmoins profité de l’élan Plan cancer. Soixante-cinq postes d’internes en cancérologie ainsi que 22 postes de chefs de clinique supplémentaires entre 2003 et 2004, 130 postes de psycho-oncologues de plus depuis 2003, 70 en radiologie depuis 2004, 32 radiophysiciens en formation pour l’année 2004, autant d’atouts humains avec des outils plus performants. Cent trente-sept IRM et 183 scanners nouveaux en 2003-2004, 28 appareils de radiothérapie au cours de la même période mis en service ; 40 millions d’euros en 2004 et autant pour 2005 accordés aux médicaments coûteux et innovants ; depuis février 2005, prise en charge totale d’un modèle de prothèse mammaire externe et dans les mois à venir, de prothèses capillaires. Il faut y ajouter les apports matériels, humains et financiers offerts à la recherche, en particulier par le biais des cancéropôles qui ont la charge de 32 projets de recherche avec un budget de 35 millions d’euros pour 2 ans. >> DOSSIER M alades, soignants, chercheurs, professionnels de l’information, en harmonie avec la Mission interministérielle pour la lutte contre le cancer (MILC), ont apporté une contribution obstinée à l’atteinte des ambitieux objectifs du Plan. L’information Dernier domaine sur lequel ont porté les efforts du Plan cancer : >> Professions Santé Infirmier Infirmière N° 64 • juin-juillet 2005 22 DOSSIER >> DOSSIER >> Infos ... Mésothéliome : un test de dépistage précoce D’une part en progression (4,7 % chez l’homme et 6,8 % chez la femme en 2000), d’autre part de pronostic sévère, car souvent découvert tardivement et de nombreuses années après l’exposition chronique à l’amiante, le mésothéliome va désormais disposer d’un test sanguin de dépistage précoce qui permet de détecter des protéines anormales liées à la mésothéline bien avant que les premiers signes cliniques n’apparaissent. l’information du malade. Partenaire incontournable, la Ligue contre le Cancer a prêté son concours pour la mise en place de lieux privilégiés d’échanges aussi bien dans les centres hospitaliers (“Espaces Rencontre Information” [ERI]) qu’en dehors des structures de soins (“Kiosques Information Santé”). Un million et demi de guides d’information sur la convention Belorgey ont été diffusés par les organismes bancaires et les associations de malades. Des sites Internet (plancancer.fr, fnclcc.fr – fédération nationale des centres de lutte contre le cancer) et des serveurs vocaux (Cancer Info Service : 0810 810 821) permettent un accès permanent à toutes les sources de connaissance et de soutien concernant leur maladie. Au vu de ce qui a donc déjà été entrepris, amélioré, confirmé depuis la mise en route du Plan cancer, malades et soignants peuvent donc faire preuve d’un optimisme raisonnable concernant la suite de cette “grande cause nationale”. Reste que 2007, terme prévu, ne devra bien entendu pas marquer la fin de la vigilance de tous les acteurs de la cancérologie. Gérard Mégret * (www.tabac-info-service.com) Mieux que la mammographie ? On disposait de la mammographie classique, de l’échographie et de l’IRM pour l’exploration de la glande mammaire. Le PETscan (tomographie d’émission par positron) vient de montrer – sur un échantillon de 23 patientes – qu’elle peut détecter de petites tumeurs malignes avec de faibles doses de marqueur (18-FDG). Des performances intéressantes qui attendent une rapide confirmation, afin de juger de sa sensibilité et de sa spécificité à grande échelle. Professions Santé Infirmier Infirmière N° 64 • juin-juillet 2005 ASCO Digest Quelles nouveautés ? Chaque année, le congrès de l’ASCO (American Society of Clinical Oncology) apporte son lot de grandes et petites innovations. De la médecine expérimentale aux thérapies médicamenteuses ou géniques en passant par l’épidémiologie... I l devient tous les ans plus difficile de choisir les informations à retenir tant la richesse de cette incontournable réunion s’affirme. En voici néanmoins un florilège. Graisses et cancer du sein On ne tarit plus d’éloges, et depuis fort longtemps, sur les bienfaits cardiovasculaires d’un régime pauvre en graisses alimentaires. Par ailleurs, le rapport direct entre l’alimentation et l’apparition de certains cancers (digestifs et de sein en particulier) fait l’objet de convictions de plus en plus affirmées. Mais les résultats de l’étude de R. Chlebowski (Institut de recherche biomédicale de Los Angeles) portant sur le risque de récidive du cancer du sein et sur le régime alimentaire vont encore plus loin : 2 437 femmes (48-79 ans) ayant été opérées de leur cancer mammaire diagnostiqué précocement ont été randomisées en deux groupes. Toutes ont bien entendu bénéficié des thérapeutiques habituelles pour leur cancer. Mais le premier groupe, après “prise en charge diététique”, a sensiblement diminué (environ 30 %) sa consommation en graisses par rapport au groupe “standard”. Après 60 mois, le taux de récidives chez les femmes sous régime s’est révélé de 25 % plus faible que chez celles n’ayant pas modifié leur alimentation. Quant aux hypothèses pouvant rendre compte de cette amélioration nette du risque sous régime pauvre en graisses, elles seraient en faveur d’une réduction de la production d’estrogènes endogènes ainsi que de la densité mammaire ; autant de facteurs de risque importants de cancer du sein. Ces résultats s’avèrent suffisamment nets pour qu’il soit désormais envisagé d’accompagner le traitement global du cancer du sein de recommandations diététiques visant à réduire l’apport des graisses alimentaires. Reste à se demander si l’on peut aller jusqu’à conseiller ce type de comportement alimentaire à titre de prévention primaire du cancer du sein. A. Mc Tiernan (Seattle) n’est pas loin de le penser puisqu’elle rappelle que d’une part, la surcharge pondérale en postménopause représente un facteur de surrisque d’environ 30 à 50 % et, d’autre part, certaines études font penser que la réduction du poids permettrait de réduire le risque. Les statines contre certains cancers ? Avant d’y voir un véritable nouveau traitement (ou adjuvant ?) anticancéreux, il faudra attendre encore quelques études complémentaires. Néanmoins, les résultats d’un travail rétrospectif (critique qui lui est adressée) de grande envergure présenté à l’ASCO sur un rôle protecteur éventuel des statines vis-à-vis de certains cancers, ne manquent pas de surprendre. Les “Vétérans” américains (anciens combattants) forment un groupe répertorié et suivi de 1 400 000 personnes dont V. Khurana a extrait près de 500 000 sujets dont 92 % d’hommes de 62 ans d’âge