elon la classification établie en 1993 par
l’Organisation Mondiale de la Santé, il faut parler
d’hypertension artérielle (HTA) systolique
lorsque la pression artérielle systolique est supérieure à
160 mmHg. Si la pression artérielle diastolique est inférieure
à 90 mmHg, l’hypertension artérielle est définie comme sys-
tolique isolée. Si la pression artérielle diastolique est supé-
rieure à 90 mmHg, l’hypertension artérielle est définie
comme systolo-diastolique.
PHYSIOPATHOLOGIE
Au niveau du système artériel, la courbe de la pression peut
être divisée en deux composantes : la pression artérielle
moyenne, constante et continue, et une composante pulsatile
qui représente les oscillations autour de la moyenne. Le maxi-
mum des oscillations correspond à la pression artérielle sys-
tolique et le minimum à la pression artérielle diastolique. La
différence entre la pression artérielle systolique et la pression
artérielle diastolique représente la pression pulsée.
Les artères de gros calibre ont une fonction de conduction du
sang et d’amortissement de la pulsatilité artérielle alors que
les artérioles ont une fonction de distribution du débit sanguin
et de résistance à l’écoulement (1). Les artères de gros calibre
sont proches du cœur, à prédominance élastique et représen-
tées par l’aorte thoracique, l’aorte abdominale et la carotide
commune. Les artères de moyen calibre, plus distales, sont
plus musculaires et représentées par l’artère humérale, l’artè-
re radiale et l’artère fémorale. La média des artères élastiques
est constituée de plusieurs lames élastiques, ou unités lamel-
laires, séparées par des cellules musculaires lisses et par la
matrice extracellulaire composée des fibres de collagène, des
microfibrilles d’élastine et des glucosaminoglycanes de la
substance fondamentale.
Un arbre artériel devenu rigide est à l’origine d’une pression
artérielle systolique plus élevée, d’une pression artérielle
diastolique plus basse et donc d’une pression pulsée plus
importante ; la pression artérielle moyenne reste inchangée
(1).
L’hypertension artérielle systolique indique une physiopatho-
logie liée à l’altération de la distensibilité artérielle, c’est-à-
dire, en d’autres termes, à l’altération de la compliance arté-
rielle. La compliance artérielle traduit des propriétés d’amor-
tissement artériel qui, dans le système cardiovasculaire, expli-
quent la transformation d’un débit sanguin pulsé, à la racine
de l’aorte, en un débit sanguin continu au niveau des capil-
laires. Elle représente le rapport calculé entre les variations de
volume (dV) et les variations de pression de distension (dP)
mesurées au niveau d’un segment artériel. À la pente de la
courbe pression-volume correspond en tout point la valeur de
la compliance artérielle. Pour un segment artériel humain, la
courbe de pression-volume est curviligne. Cela s’explique par
la composition histologique de la paroi artérielle : les fibres
élastiques, facilement distensibles, sont étirées aux basses
pressions alors que les fibres de collagène, plus rigides, ne
sont mises en jeu qu’aux pressions les plus élevées. Ainsi
lorsque la pression artérielle s’élève, la compliance artérielle
diminue ; toute interprétation de variation de la compliance
artérielle nécessite donc la connaissance des variations conco-
mitantes de la pression artérielle.
La baisse de la compliance artérielle est liée aux modifica-
tions structurales et géométriques des artères induites par
l’hypertension artérielle et le vieillissement. Les artères proxi-
males subissent un élargissement progressif de leur diamètre
interne expliqué notamment par des fractures de leurs lames
élastiques, qui se distendent. Ces lésions mécaniques sont
proportionnelles au nombre et à l’amplitude des contraintes
cycliques, dont la plus importante est la pression pulsée, ce
qui confère à l’âge (par le nombre des cycles) et à l’hyperten-
sion artérielle (par l’amplitude des contraintes lors de chaque
cycle) des rôles essentiels. Il semble très probable que les
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La Lettre du Pharmacologue - Volume 12 - n° 2 - février 1998
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Hypertension artérielle systolique
B. Tournier, X. Girerd, M. Safar*
* Service de médecine interne, Hôpital Broussais, 96, rue Didot, 75014 Paris.
RÉSUMÉ.
Avec le vieillissement, l’hypertension systolique est plus fréquente. La rigidification de l’arbre artériel est à l’origine d’une éléva -
tion de la pression artérielle systolique et d’une baisse de la pression artérielle diastolique. L’augmentation de la pression artérielle systo -
lique favorise le développement de l’hypertrophie ventriculaire gauche. La baisse de la pression artérielle diastolique altère la perfusion coro -
naire. Expérimentalement et cliniquement, ce sont les dérivés nitrés qui réduisent le plus la rigidité artérielle. Les diurétiques et la nitrendi -
pine ont démontré une très grande efficacité dans la prévention d’événements cardiovasculaires majeurs chez le sujet âgé hypertendu systo -
lique.
Mots-clés :
Hypertension artérielle systolique Vieillissement Rigidité artérielle Hypertrophie ventriculaire gauche Insuffisance
coronaire.
S
modifications structurales et fonctionnelles qui accompagnent
le vieillissement artériel expliquent la prévalence élevée de
l ’ H TA systolique observée dans la population âgée ( 2 ) .
L’altération de la compliance induite par l’hypertension arté-
rielle explique la transformation fréquente d’une hypertension
artérielle systolo-diastolique en une hypertension systolique
isolée (3). Selon une étude réalisée chez 3 422 sujets, 8 % des
sujets normotendus et 20 % des patients hypertendus diasto-
liques deviennent porteurs d’une hypertension systolique au
bout de 8 ans.
Dans le domaine de la recherche, deux méthodes de mesure
sont utilisées pour quantifier la rigidité artérielle (4) :ce sont
la mesure de la vitesse de l’onde de pouls et la tonométrie
d’aplanation.
La mesure de la vitesse de l’onde de pouls (VOP) a été la
méthode la plus anciennement utilisée. Cette technique
consiste à enregistrer un signal de mécanogramme artériel ou
de vitesse sanguine en deux sites artériels séparés d’une dis-
tance connue. Le temps séparant les deux enregistrements est
rapporté à la distance parcourue par le signal (figure 1). Il est
ainsi calculé une vitesse qui correspond à la célérité de l’onde
de pouls le long du segment artériel (5). La VOP de l’aorte
s’évalue entre la carotide primitive et l’artère fémorale com-
mune, celle de l’avant-bras entre l’artère humérale et l’artère
radiale et celle des membres inférieurs entre la fémorale com-
mune et l’artère tibiale postérieure. La VOP est, chez le sujet
jeune, plus élevée au niveau des artères périphériques qu’au
niveau de l’aorte. Elle augmente régulièrement avec l’âge (6).
Sa valeur s’élève de 50 % entre l’âge de 20 ans et celui de
60 ans. Cette élévation de la VOP semble indépendante de
l’élévation de la pression artérielle constatée au cours du
vieillissement. Les modifications liées à l’âge sont moins
importantes au niveau des axes artériels de l’avant-bras et de
la jambe qu’au niveau de l’aorte. Ainsi, le vieillissement a
pour conséquence l’égalisation des VOP dans les différents
territoires artériels.
La tonométrie d’aplanation est une technique qui permet
d’obtenir de façon non invasive l’enregistrement d’une cour-
be représentative de la pression artérielle (figure 2). Le tono-
mètre incorpore une sonde “crayon” munie d’un cristal piézo-
électrique sensible aux variations de pression qui est appli-
quée en regard des artères palpables possédant un trajet sous-
cutané. La pression mesurée est la valeur absolue de la pres-
sion pulsée. Par un algorithme informatisé dérivé d’une fonc-
tion de transfert, des appareils récents permettent de calculer
fidèlement la courbe de pression aortique à partir de la cour-
be de pression radiale. Chez le sujet jeune, l’amplitude de
l’onde de pression augmente de l’aorte vers les artères péri-
phériques ; ce phénomène est attribué aux ondes de réflexion
périphériques et aux propriétés visco-élastiques de l’arbre
artériel. Avec le vieillissement, il est constaté une augmenta-
tion de l’amplitude de l’onde de pression traduisant une élé-
vation de rigidité artérielle. Cette augmentation est plus
importante au niveau des artères proximales. Ce phénomène
a pour conséquence une diminution de l’amplification de
l’onde de pression entre l’aorte et l’artère fémorale qui, à
l’âge de 10 ans, est d’environ 50 %, mais n’est plus que de
15 % à 50 ans et est absente à 65 ans. Chez le sujet jeune nor-
motendu, l’onde de réflexion arrive au niveau de l’aorte pen-
dant la diastole, ce qui a pour effet d’augmenter la pression
aortique proto- et méso-diastolique. Chez le sujet âgé ou
hypertendu, l’augmentation de rigidité de l’aorte proximale a
pour effet non seulement d’augmenter la pression de l’onde
incidente mais aussi d’accroître la vitesse de l’onde de pouls,
entraînant le retour précoce de l’onde de réflexion pendant la
systole. Il y a, en conséquence, soit amplification de l’onde
systolique, soit production d’un deuxième pic systolique
(figure 3), qui s’opposent donc à l’éjection du ventricule
gauche (7). L’onde de réflexion entraîne les mêmes effets sur
l’hémodynamique cardiaque que pourrait le faire un ballon de
contrepulsion intra-aortique désynchronisé, se gonflant pen-
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La Lettre du Pharmacologue - Volume 12 - n° 2 - février 1998
Figure 1. Mesure de la vitesse de l'onde de pouls.
Figure 2. Courbe de pression carotidienne (tonométrie d’aplana -
tion).
La différence DP (PpK-Pi) est attribuée à l'onde de réflexion.
PP : pression pulsée. DTP : temps de trajet de l'onde réfléchie. LVET : temps
d'éjection ventriculaire gauche. Pi : pic systolique précoce. PpK : pic systolique
tardif.
dant la systole et se dégonflant pendant la diastole.
La diminution de la pression artérielle diastolique peut avoir
des conséquences délétères. Il a été démontré, chez l’animal
porteur de sténoses coronaires hémodynamiquement signifi-
catives, que l’élévation de la rigidité aortique aggravait
l’ischémie myocardique. La baisse de la pression artérielle
diastolique altère la pression de perfusion coronaire.
Dans la circulation normale, 85 à 90 % du travail cardiaque
est utilisé pour faire passer le sang en flux continu à travers
les résistances périphériques ; les 10 à 15 % restants sont
“gaspillés” à rendre le flux pulsatile (1). Cependant, une par-
tie de l’énergie cardiaque utilisée à distendre l’arbre artériel
pendant la systole est restituée pendant la diastole grâce au
caractère élastique de l’aorte proximale c’est ce que l’on
appelle l’effet Windkessel. Au bout du compte, la perte
d’énergie est modérée, mais elle peut être plus élevée chez le
sujet porteur d’athérosclérose. Expérimentalement, chez
l’animal porteur d’une aorte artificiellement rigidifiée, la
perte d’énergie pulsatile peut atteindre 50 % et peut augmen-
ter la consommation d’oxygène du ventricule gauche de 30 %
(1).
ÉPIDÉMIOLOGIE
La pression artérielle augmente avec l’âge, et cette élévation
est plus importante pour la pression systolique que pour la
diastolique. Dans une méta-analyse regroupant onze enquêtes
étudiant la prévalence de l’HTAsystolique en fonction de
l’âge, on estime que la prévalence est de 2,8 % à 30 ans, de
0,1 % à 40 ans, de 0,8 % à 50 ans, de 5 % à 60 ans, de 12,6 %
à 70 ans et de 23,6 % à 80 ans (8).
Dès 1971, l’étude de Framingham a souligné l’importance du
niveau de pression artérielle systolique comme déterminant
du risque cardiovasculaire chez les sujets hypertendus de plus
de 45 ans (figure 4) (9).
Avant l’âge de 45 ans, les risques cardiovasculaires sont
davantage corrélés au niveau de pression artérielle moyenne
et diastolique qu’au niveau de pression artérielle systolique.
Après l’âge de 55 ans, cette tendance s’inverse ; les éléva-
tions de la pression systolique et de la pression pulsée possè-
dent un rôle prédictif de complications cardiovasculaires plus
prononcé que l’élévation de la pression diastolique. Plusieurs
études ont montré que l’élévation de la pression systolique
isolée ou combinée à celle de la pression artérielle diastolique
conservait un rôle prédictif sur le risque de survenue d’acci-
dents cardiovasculaires jusqu’à l’âge de 85 ans (10, 11, 12).
Dans la population de patients âgés, il faut donc parler
d’HTA systolique chaque fois que la pression artérielle sys-
tolique est supérieure à 160 mmHg. La pratique qui condui-
sait à considérer qu’une pression systolique à 180 mmHg
était normale à 80 ans et ne devait pas être traitée ne corres-
pond plus aux “données actuelles de la science”. Les seuils
de décision thérapeutique sont les mêmes chez tous les
adultes quel que soit l’âge.
De nombreuses études épidémiologiques et thérapeutiques
n’ont pas tenu compte du niveau de pression artérielle systo-
lique. En se référant exclusivement au niveau de pression
artérielle diastolique, ces études ont omis d’inclure les 30 %
d’hypertendus qui présentaient une pression artérielle systo-
lique élevée associée à une pression artérielle diastolique nor-
male ou basse. Ainsi, les patients qui présentaient la pression
pulsée la plus importante n’ont pas été évalués dans ces
études (1). Il s’agit d’un biais de sélection regrettable.
Il a été retrouvé des corrélations très significatives entre
l’augmentation de la masse ventriculaire gauche (évaluée à
l’échocardiographie) et l’élévation de la pression artérielle
systolique, l’élévation de la pression pulsée et l’augmentation
de la vitesse de l’onde de pouls ; il n’y en a aucune entre la
masse ventriculaire gauche et la pression artérielle diastolique
(1).
Les sujets hypertendus en insuffisance rénale terminale et dia-
lysés ont une prévalence d’hypertension systolique plus éle-
vée que leurs témoins hypertendus. Le facteur responsable est
l’augmentation de la rigidité artérielle chez ces sujets dont
témoignent une accélération de la VOP et une onde de
réflexion précoce à la tonométrie d’aplanation (13). Les
mécanismes évoqués pour expliquer l’augmentation de la
rigidité sont les effets délétères de l’ion calcium sur les artères
et la surcharge sodée. Il est intéressant de constater que ces
sujets ont aussi une prévalence plus élevée d’hypertrophie
ventriculaire gauche (14).
Une étude, réalisée chez l’homme hypertendu essentiel, a
démontré qu’il existait une association entre le polymorphis-
me génétique pour le récepteur de type 1 de l’angiotensine II
et le degré de rigidité artérielle. La distensibilité artérielle est
réduite chez l’hypertendu porteur de l’allèle CC par rapport à
son contrôle hypertendu porteur de l’allèle AA. Or il a été éta-
bli que les sujets porteurs de l’allèle CC présentaient une aug-
mentation significative du taux d’infarctus du myocarde. Il
reste donc à déterminer si l’association entre l’allèle CC et la
rigidité aortique est la cause ou si elle contribue au facteur de
risque de l’infarctus du myocarde (15).
La Lettre du Pharmacologue - Volume 12 - n° 2 - février 1998
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Figure 3. Courbes de pression aortique d'un sujet jeune normo -
tendu et d'un sujet âgé hypertendu systolique. L'intervalle R-R et
la pression artérielle moyenne sont les mêmes chez ces deux sujets.
La pression pulsée est probablement un meilleur index de la
rigidité aortique que ne l’est la pression artérielle systolique.
Pourtant, très peu d’études ont évalué le rôle de ce paramètre
dans la morbidité et la mortalité cardiovasculaires. Une étude
réalisée à Paris chez 18 336 hommes et 9 351 femmes âgés de
40 à 69 ans a démontré que la pression pulsée était un mar-
queur prédictif de mortalité d’origine coronarienne (16). La
mortalité par infarctus du myocarde était la plus élevée dans
le sous-groupe des femmes de plus de 55 ans. Dans cette
étude, la pression pulsée est aussi corrélée de façon indépen-
dante au degré d’hypertrophie cardiaque.
Une autre étude, réalisée prospectivement à New York chez
2207 hypertendus, a démontré que le taux d’infarctus du
myocarde pour mille patients-année était positivement corré-
lé à la pression pulsée mesurée avant le traitement de l’hyper-
tension (17). Il a été aussi observé une relation curviligne,
avec une courbe en forme de “J”, entre la baisse de la pression
artérielle diastolique sous traitement et le nombre d’infarctus
du myocarde chez les sujets qui avaient au départ la pression
pulsée la plus importante. Les événements coronariens isché-
miques étaient augmentés chez les sujets qui avaient une pres-
sion artérielle diastolique élevée et chez ceux qui, au contrai-
re, avaient une baisse importante de cette pression. La dimi-
nution de la compliance artérielle est probablement une expli-
cation majeure à la courbe en “J” reliant les événement isché-
miques coronariens à la pression artérielle diastolique dans le
suivi à long terme des hypertendus traités.
Il y a un point important à souligner : cliniquement, le dia-
gnostic d’hypertension se fait sur des mesures réalisées avec
un tensiomètre à brassard disposé au niveau de l’artère humé-
rale. Les données invasives et de la tonométrie nous ont
démontré que ces pressions ne sont qu’un reflet imparfait des
pressions aortiques interférant véritablement sur l’hémodyna-
mique cardiaque. Par exemple, un sujet âgé, hypertendu sys-
tolique, porteur d’une aorte rigide, peut avoir une pression
artérielle diastolique normale au brassard et une pression arté-
rielle diastolique basse au niveau de l’aorte thoracique. Il
s’agit donc d’un sujet présentant des risques cérébraux, coro-
nariens et de développement d’une hypertrophie ventriculaire
gauche liés à l’hyperpulsatilité aortique. Il est vraisemblable
que ce sujet tirera bénéfice d’un traitement antihypertenseur,
contrairement à un sujet jeune ayant la même élévation de la
pression systolique au brassard mais possédant une pression
aortique diastolique normale.
TRAITEMENT
Un traitement antihypertenseur sur deux est prescrit en France
chez un sujet âgé de plus de 65 ans. Dans cette population, les
médicaments antihypertenseurs sont globalement plus effi-
caces que chez les sujets plus jeunes.
Dans l’étude de la Veterans’ Administration (18), qui a com-
paré l’effet de six classes thérapeutiques au placebo, ce sont
l’antihypertenseur central et le diurétique qui sont les médica-
ments les plus efficaces dans l’hypertension artérielle systo-
lique, avec une pression artérielle systolique inférieure à
140 mmHg chez 60 % des patients traités. L’alphabloquant et
l’inhibiteur de l’enzyme de conversion ne permettent l’obten-
tion d’une pression systolique inférieure à 140 mmHg que
chez 40 % des patients.
La plupart des traitements antihypertenseurs agissent en
réduisant les résistances périphériques, entraînant ainsi une
baisse de la pression artérielle moyenne et une diminution
passive de la rigidité de l’arbre artériel (1). Les dérivés nitrés
constituent la thérapeutique qui a démontré le plus d’efficaci-
pour réduire la rigidité artérielle. Une étude a clairement
montré qu’une injection intraveineuse de dérivés nitrés entraî-
nait une élévation de la distensibilité des artères de l’avant-
bras, indépendamment de la baisse de pression artérielle. Les
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La Lettre du Pharmacologue - Volume 12 - n° 2 - février 1998
Figure 4. Risque d'accident cardiovasculaire selon l'âge, le sexe et le niveau de pression artérielle systolique (d'après 30 ans de suivi de l'étude
de Framingham).
dérivés nitrés baissent sélectivement la pression artérielle sys-
tolique en augmentant le délai de l’onde de réflexion. La pres-
sion artérielle systolique humérale est donc moins abaissée
que ne l’est la pression artérielle systolique aortique.
L’efficacité des dérivés nitrés a été prouvée dans une étude
randomisée chez le sujet âgé porteur d’une hypertension arté-
rielle systolique isolée (1) ;en pratique courante, les dérivés
nitrés ne sont guère prescrits dans cette indication. Il est utile
de souligner que ces molécules présentent, en outre, l’avanta-
ge de constituer un excellent traitement de l’insuffisance car-
diaque congestive et de l’angine de poitrine, pathologies fré-
quentes chez le sujet âgé hypertendu. Ainsi, dans certaines
situations cliniques, les dérivés nitrés doivent être prescrits en
priorité.
Plusieurs études réalisées chez l’homme et chez l’animal ont
démontré que les inhibiteurs de l’enzyme de conversion pou-
vaient non seulement faire baisser la pression artérielle mais
aussi améliorer sélectivement la distensibilité artérielle (1).
La prescription de cette classe thérapeutique peut se justifier
à un stade précoce de l’évolution de l’hypertension artérielle
pour prévenir l’augmentation de la rigidité artérielle engen-
drée par les dépôts de collagène.
L’élévation de l’absorption sodée et l’augmentation de la sen-
sibilité au sel augmentent la rigidité artérielle. Inversement,
l’interruption des apports sodés abaisse la rigidité. Les sujets
âgés sont connus pour être sensibles au sel ; il est donc tentant
d’attribuer une partie de l’effet salutaire des diurétiques, chez
l’hypertendu systolique, à l’amélioration de la distensibilité
artérielle. L’étude SHEP (10) montre que le traitement diuré-
tique associé ou non à un bêtabloquant, chez le sujet âgé por-
teur d’une hypertension systolique isolée, permet la diminu-
tion de 54 % des épisodes d’insuffisance cardiaque gauche, de
36 % des accidents vasculaires cérébraux et de 23 % des
infarctus du myocarde non mortels. Ces résultats indiquent
qu’il faut traiter 19 hypertendus systoliques pendant
4,5 années pour éviter un accident cardiovasculaire. Ce résul-
tat est très spectaculaire parce qu’il est à l’échelle de la pra-
tique quotidienne, et doit conforter le praticien dans sa déci-
sion de traiter l’HTAdes sujets âgés par des diurétiques en
première intention. Cette étude a aussi permis de démontrer
que le traitement médical d’un hypertension systolique isolée
n’affecte pas la qualité de la vie de la personne traitée ; c’est-
à-dire qu’il n’entraîne pas de détérioration de ses fonctions
cognitives, de son état émotionnel, de ses capacités phy-
siques, ou de son activité de loisir (19).
L’effet secondaire des diurétiques le plus à craindre est
l’hypokaliémie. Une étude a démontré le bénéfice de l’asso-
ciation d’un épargneur de potassium ou de la spironolactone à
la prescription de diurétiques thiazidiques pour diminuer la
fréquence des hypokaliémies mais aussi le risque de mort subi-
te chez l’hypertendu traité (20). La prescription de diurétiques
chez l’hypertendu devrait donc toujours comporter l’associa-
tion d’un épargneur de potassium ou de la spironolactone.
Cette prescription est simplifiée par la disponibilité de plu-
sieurs associations à dose fixée de ces deux principes actifs.
Les résultats de l’étude SYST-EUR ont été publiés récemment
dans le Lancet (21). Il s’agit d’une étude multicentrique
conduite dans vingt-deux pays d’Europe, dont la France, sur
le traitement de l’hypertension systolique du sujet âgé de plus
de 60 ans en prévention primaire des complications cardio-
vasculaires. Cet essai apporte pour la première fois les
preuves qu’un antagoniste calcique de type dihydropyridine
(nitrendipine), éventuellement combiné à un inhibiteur de
l’enzyme de conversion, prévient la survenue dans cette
population de complications cardiovasculaires. Ce sont sur-
tout les événements non mortels qui sont prévenus par le trai-
tement, avec une baisse de 44 % des accidents vasculaires
cérébraux non fatals et de 33 % des complications cardiaques
non mortelles. La mortalité cardiovasculaire diminue de
27 %, essentiellement par baisse des infarctus du myocarde. Il
n’y a pas de diminution significative de la mortalité totale. Le
traitement, pendant 5 ans, par de la nitrendipine de 1 000
hypertendus systoliques âgés de plus de 60 ans prévient la
survenue de 53 événements cardiovasculaires majeurs dont
2 9 AVC et 20 épisodes de décompensation cardiaque.
Parallèlement, il a été démontré que la nitrendipine n’aug-
mentait pas les complications coronaires inconvénient
majeur des dihydropyridines d’action courte. Nous attendons
avec une grande impatience l’analyse, actuellement en cours,
des résultats complémentaires de l’étude SYST-EUR concer-
nant la démence vasculaire.
L’étude STOP apporte la preuve que le traitement de l’hyper-
tension est justifiable jusqu’à 83 ans (11). Au-delà, l’attitude à
adopter n’est pas scientifiquement démontrée. De façon pra-
tique, chez un sujet très âgé déjà traité et asymptomatique, il
paraît licite de poursuivre le traitement antihypertenseur en
prenant soin de ne pas exposer le patient à des effets secon-
daires potentiellement plus dangereux que l’hypertension
elle-même, comme l’hypotension orthostatique, dont les
conséquences peuvent être dramatiques (fracture du col du
fémur) (22). Chez le sujet très âgé et asymptomatique, la
découverte de chiffres tensionnels élevés peut conduire à
l’abstention thérapeutique. Cependant, le plus souvent, l’hy-
pertension artérielle est à cet âge un facteur accompagnant et
parfois aggravant une pathologie cardiovasculaire (insuffisan-
ce coronaire, insuffisance cardiaque ou troubles du rythme).
Le contrôle de la pression artérielle doit alors s’envisager
dans le cadre de la prise en charge globale de la maladie car-
diovasculaire déjà déclarée. Ainsi, les bêtabloquants et les
inhibiteurs calciques trouvent des indications de choix quand
une pathologie coronaire symptomatique est associée à l’hy-
pertension. Si les inhibiteurs de l’enzyme de conversion sont
moins efficaces que les diurétiques pour faire baisser les
chiffres de pression artérielle systolique, leur prescription est
incontestable lorsqu’une insuffisance cardiaque s’associe à
l’hypertension artérielle.
L’objectif pragmatique du traitement chez un patient âgé est
une baisse sélective de la pression artérielle systolique de
20 à 30 mmHg. La conduite du traitement nécessite l’essai
d’au moins deux ou trois monothérapies successives avant
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