dérivés nitrés baissent sélectivement la pression artérielle sys-
tolique en augmentant le délai de l’onde de réflexion. La pres-
sion artérielle systolique humérale est donc moins abaissée
que ne l’est la pression artérielle systolique aortique.
L’efficacité des dérivés nitrés a été prouvée dans une étude
randomisée chez le sujet âgé porteur d’une hypertension arté-
rielle systolique isolée (1) ;en pratique courante, les dérivés
nitrés ne sont guère prescrits dans cette indication. Il est utile
de souligner que ces molécules présentent, en outre, l’avanta-
ge de constituer un excellent traitement de l’insuffisance car-
diaque congestive et de l’angine de poitrine, pathologies fré-
quentes chez le sujet âgé hypertendu. Ainsi, dans certaines
situations cliniques, les dérivés nitrés doivent être prescrits en
priorité.
Plusieurs études réalisées chez l’homme et chez l’animal ont
démontré que les inhibiteurs de l’enzyme de conversion pou-
vaient non seulement faire baisser la pression artérielle mais
aussi améliorer sélectivement la distensibilité artérielle (1).
La prescription de cette classe thérapeutique peut se justifier
à un stade précoce de l’évolution de l’hypertension artérielle
pour prévenir l’augmentation de la rigidité artérielle engen-
drée par les dépôts de collagène.
L’élévation de l’absorption sodée et l’augmentation de la sen-
sibilité au sel augmentent la rigidité artérielle. Inversement,
l’interruption des apports sodés abaisse la rigidité. Les sujets
âgés sont connus pour être sensibles au sel ; il est donc tentant
d’attribuer une partie de l’effet salutaire des diurétiques, chez
l’hypertendu systolique, à l’amélioration de la distensibilité
artérielle. L’étude SHEP (10) montre que le traitement diuré-
tique associé ou non à un bêtabloquant, chez le sujet âgé por-
teur d’une hypertension systolique isolée, permet la diminu-
tion de 54 % des épisodes d’insuffisance cardiaque gauche, de
36 % des accidents vasculaires cérébraux et de 23 % des
infarctus du myocarde non mortels. Ces résultats indiquent
qu’il faut traiter 19 hypertendus systoliques pendant
4,5 années pour éviter un accident cardiovasculaire. Ce résul-
tat est très spectaculaire parce qu’il est à l’échelle de la pra-
tique quotidienne, et doit conforter le praticien dans sa déci-
sion de traiter l’HTAdes sujets âgés par des diurétiques en
première intention. Cette étude a aussi permis de démontrer
que le traitement médical d’un hypertension systolique isolée
n’affecte pas la qualité de la vie de la personne traitée ; c’est-
à-dire qu’il n’entraîne pas de détérioration de ses fonctions
cognitives, de son état émotionnel, de ses capacités phy-
siques, ou de son activité de loisir (19).
L’effet secondaire des diurétiques le plus à craindre est
l’hypokaliémie. Une étude a démontré le bénéfice de l’asso-
ciation d’un épargneur de potassium ou de la spironolactone à
la prescription de diurétiques thiazidiques pour diminuer la
fréquence des hypokaliémies mais aussi le risque de mort subi-
te chez l’hypertendu traité (20). La prescription de diurétiques
chez l’hypertendu devrait donc toujours comporter l’associa-
tion d’un épargneur de potassium ou de la spironolactone.
Cette prescription est simplifiée par la disponibilité de plu-
sieurs associations à dose fixée de ces deux principes actifs.
Les résultats de l’étude SYST-EUR ont été publiés récemment
dans le Lancet (21). Il s’agit d’une étude multicentrique
conduite dans vingt-deux pays d’Europe, dont la France, sur
le traitement de l’hypertension systolique du sujet âgé de plus
de 60 ans en prévention primaire des complications cardio-
vasculaires. Cet essai apporte pour la première fois les
preuves qu’un antagoniste calcique de type dihydropyridine
(nitrendipine), éventuellement combiné à un inhibiteur de
l’enzyme de conversion, prévient la survenue dans cette
population de complications cardiovasculaires. Ce sont sur-
tout les événements non mortels qui sont prévenus par le trai-
tement, avec une baisse de 44 % des accidents vasculaires
cérébraux non fatals et de 33 % des complications cardiaques
non mortelles. La mortalité cardiovasculaire diminue de
27 %, essentiellement par baisse des infarctus du myocarde. Il
n’y a pas de diminution significative de la mortalité totale. Le
traitement, pendant 5 ans, par de la nitrendipine de 1 000
hypertendus systoliques âgés de plus de 60 ans prévient la
survenue de 53 événements cardiovasculaires majeurs dont
2 9 AVC et 20 épisodes de décompensation cardiaque.
Parallèlement, il a été démontré que la nitrendipine n’aug-
mentait pas les complications coronaires – inconvénient
majeur des dihydropyridines d’action courte. Nous attendons
avec une grande impatience l’analyse, actuellement en cours,
des résultats complémentaires de l’étude SYST-EUR concer-
nant la démence vasculaire.
L’étude STOP apporte la preuve que le traitement de l’hyper-
tension est justifiable jusqu’à 83 ans (11). Au-delà, l’attitude à
adopter n’est pas scientifiquement démontrée. De façon pra-
tique, chez un sujet très âgé déjà traité et asymptomatique, il
paraît licite de poursuivre le traitement antihypertenseur en
prenant soin de ne pas exposer le patient à des effets secon-
daires potentiellement plus dangereux que l’hypertension
elle-même, comme l’hypotension orthostatique, dont les
conséquences peuvent être dramatiques (fracture du col du
fémur) (22). Chez le sujet très âgé et asymptomatique, la
découverte de chiffres tensionnels élevés peut conduire à
l’abstention thérapeutique. Cependant, le plus souvent, l’hy-
pertension artérielle est à cet âge un facteur accompagnant et
parfois aggravant une pathologie cardiovasculaire (insuffisan-
ce coronaire, insuffisance cardiaque ou troubles du rythme).
Le contrôle de la pression artérielle doit alors s’envisager
dans le cadre de la prise en charge globale de la maladie car-
diovasculaire déjà déclarée. Ainsi, les bêtabloquants et les
inhibiteurs calciques trouvent des indications de choix quand
une pathologie coronaire symptomatique est associée à l’hy-
pertension. Si les inhibiteurs de l’enzyme de conversion sont
moins efficaces que les diurétiques pour faire baisser les
chiffres de pression artérielle systolique, leur prescription est
incontestable lorsqu’une insuffisance cardiaque s’associe à
l’hypertension artérielle.
L’objectif pragmatique du traitement chez un patient âgé est
une baisse sélective de la pression artérielle systolique de
20 à 30 mmHg. La conduite du traitement nécessite l’essai
d’au moins deux ou trois monothérapies successives avant
La Lettre du Pharmacologue - Volume 12 - n° 2 - février 1998
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